Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte contre son agent négociateur - l’agent négociateur a soulevé une objection à l’égard du non-respect du délai de la plainte et de la compétence de la Commission de l’entendre - l’audience a eu lieu en l’absence du plaignant - la Commission a jugé que la plainte portait sur le devoir de représentation équitable de l’agent négociateur envers le plaignant - la Commission a jugé la plainte hors délai à l’égard de huit des neuf allégations du plaignant - elle a aussi jugé que la neuvième allégation contenue dans la plainte portait sur des procédures syndicales internes qui ne relèvent pas de sa compétence - la Commission a refusé la demande de l’agent négociateur de déclarer que la plainte était frivole parce que cette demande a été présentée à l’audience sans préavis au plaignant. Objections accueillies. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-10-13
  • Dossier:  561-34-424
  • Référence:  2011 CRTFP 115

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

GORDON EDWARD SIGMUND

plaignant

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Sigmund c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan Bertrand, commissaire

Pour le plaignant:
lui-même

Pour la défenderesse:
Debra Seaboyer, Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire entendue à Vancouver (Colombie Britannique),
du 13 au 15 juin 2011.

I. Plainte devant la Commission

1 Le 24 novembre 2009, Gordon Edward Sigmund (le « plaignant ») a déposé une plainte dans laquelle il soutient que son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse ») s’est livrée à une pratique déloyale de travail. La plainte renvoie expressément à l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Cet alinéa se lit comme suit :

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

D’après les documents au dossier, il est évident que la seule disposition applicable prévue à l’article 185 de la Loi est l’article 187, qui est libellé comme suit :

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

2 Le plaignant a présenté une liste contenant neuf allégations différentes pour appuyer sa plainte, chacune se rapportant à un présumé manquement de la part de la défenderesse. Les neuf allégations ont été présentées comme suit :

[Traduction]

DÉC. 2007, ED PAINTER, REP., DÉFAUT DE PRÉSENTER UN GRIEF POUR ABUS DE POUVOIR/HARCÈLEMENT.

JANV. 2008, ED PAINTER, REP., DÉFAUT DE PRÉSENTER UN GRIEF POUR DÉFAUT DE PRENDRE DES MESURES D’ADAPTATION. 

OCT. 2008, HILDE SELLMYRE, REP., DÉFAUT DE PRÉSENTER DES GRIEFS POUR REFUS D’ACCEPTER LE FORMULAIRE DE DÉTERMINATION DES CAPACITÉS FONCTIONNELLES, DÉFAUT DE PRÉSENTER UNE DEMANDE POUR DES MESURES D’ADAPTATION.

JANV. 2009, HILDE SELLMYRE, DÉFAUT DE PRÉSENTER, NOUVEAU DÉFAUT DE PRENDRE DES MESURES D’ADAPTATION.

MAI 2009, HILDE SELLMYRE, DÉFAUT DE PRÉSENTER UNE DEMANDE POUR CORRIGER DE FAUSSES DÉCLARATIONS PAR UN EMPLOYÉ ET UN PAIR VISANT À TERNIR MA RÉPUTATION ET À DORER LA LEUR.

JUIN 2009, HILDE SELLMYRE, DÉFAUT DE PRÉSENTER UN GRIEF POUR HARCÈLEMENT. (NOUVEAU)

JUIN 2009, JEAN STERLING, DÉFAUT DE PRENDRE CONNAISSANCE DE MES DOSSIERS, MAUVAISE COMPRÉHENSION DES ASSISES DE MES DOSSIERS ET DES CLAUSES DE LA CONVENTION COLLECTIVE, CONFUSION ENTRE DEUX PROBLÈMES SEMBLABLES DE PRÉSENTATION ET APPLICATION DE DIRECTIVES DONNÉES PAR LA DIRECTION SUR LA FAÇON D’ÉLIMINER DES DOSSIERS. REFUS DE TRANSMETTRE À UN PALIER SUPÉRIEUR LES TROIS GRIEFS QUE J’AI DÉPOSÉS, REFUS DE DONNER SUITE À MA DEMANDE DE TRANSMISSION. CELA N’A PAS ÉTÉ FAIT AINSI EN FONCTION DU BIEN-FONDÉ DU GRIEF, MAIS PLUTÔT EN RAISON DE SA MAUVAISE COMPRÉHENSION DES RÈGLES ET EN RAISON DE SON COMPORTEMENT DISCRIMINATOIRE.

JUIL. 2009, PAMELA ABBOTT, VP RÉGIONALE, DÉFAUT DE FAIRE PREUVE D’UNE DILIGENCE RAISONNABLE DANS L’EXAMEN DE MES DOSSIERS ET DE MES PLAINTES.

OCT. 2009, JEAN STERLING, TERRY RUTER (PRÉS. LOCALE), GARY FRASER (RÉGIONAL), DÉFAUT DE RÉPONDRE À MES DEMANDES CONCERNANT DES MESURES, DES DISPOSITIONS ET LA REMISE DE DOSSIERS.

3 Le plaignant a indiqué avoir pris connaissance le 9 octobre 2009 des gestes, omissions ou autres faits ayant donné lieu à la plainte.

4 Dans sa réponse écrite en date du 9 décembre 2009, la défenderesse a soulevé une objection préliminaire, affirmant que la plainte était irrecevable et qu’elle devait être rejetée de façon sommaire, d’abord parce que les huit premières allégations étaient hors délai, la plainte n’ayant pas été déposée à l’intérieur du délai prévu par le paragraphe 190(2) de la Loi, puis parce que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») n’avait pas compétence en ce qui a trait au problème soulevé par la neuvième allégation. Le paragraphe 190(2) se lit comme suit :

190. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

II. Audience

5 Le seul objectif de l’audience était de déterminer si la plainte avait été déposée à l’intérieur du délai prescrit ou si elle portait sur une question ne relevant pas de la compétence de la Commission, ou les deux.

6 L’affaire devait être entendue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 juin 2011 à 9 h 30, et l’audience devait durer trois jours. Le 13 juin 2011, vers 8 h 33, le plaignant a envoyé un courriel à un agent du greffe de la Commission indiquant qu’il croyait que l’audience avait été reportée et que, de toute façon, il ne pouvait s’y présenter parce qu’il était malade. Le plaignant n’a pas donné plus de détails.

7 Peu après avoir reçu le courriel, l’agent du greffe a tenté de communiquer avec le plaignant par téléphone pour obtenir des précisions, notamment pour savoir s’il souhaitait reporter l’audience, mais il n’a pas réussi à rejoindre le plaignant puisque le numéro de téléphone indiqué au dossier n’était pas en service. L’agent du greffe a alors envoyé un courriel au plaignant pour tenter d’obtenir les renseignements dont il avait besoin.

8 À 9 h 40, le plaignant n’avait pas encore répondu au courriel de l’agent du greffe. J’ai donc procédé à l’ouverture de l’audience et j’ai demandé à la représentante de la défenderesse si elle avait des commentaires à formuler. Elle s’est opposée à ce que l’audience soit reportée, déclarant que la défenderesse était prête à aller de l’avant et qu’elle avait fait venir un témoin d’une autre province pour témoigner. Elle a ajouté que le plaignant était reconnu pour ne pas se présenter aux réunions et pour éviter de donner des détails sur son état de santé.

9 J’ai ajourné l’audience jusqu’au lendemain matin et demandé à l’agent du greffe d’écrire au plaignant pour lui indiquer que, s’il ne comptait pas se présenter le lendemain, il devrait participer à une téléconférence qui aurait lieu le 14 juin 2011 à 9 h 30, pour demander officiellement le report de l’audience et fournir des précisions, sans quoi l’affaire pourrait être entendue en son absence.

10 Le plaignant a répondu au courriel de l’agent du greffe le 14 juin 2011, à 6 h 49. Il a déclaré qu’il demandait un ajournement parce qu’il était en congé d’invalidité de longue durée et qu’il était dans une situation [traduction] « très difficile ». Il a ajouté qu’il prévoyait dormir à 9 h 30; j’ai supposé que cela voulait dire qu’il ne participerait pas à la téléconférence réclamée. En outre, le plaignant n’a pas donné de numéro de téléphone où il pouvait être joint.

11 Lorsque l’audience a repris, le 14 juin 2011, la défenderesse s’est opposée à la demande d’ajournement du plaignant. Selon la défenderesse, le plaignant savait depuis un certain temps déjà qu’une audience était prévue. Or, il n’a pas mentionné à l’avance qu’il avait un problème de santé, il n’a fourni aucun motif convaincant pour reporter l’audience et il a même refusé de participer à une brève téléconférence. Les témoins de la défenderesse étaient prêts à témoigner, et un témoin en particulier avait fait un long trajet pour l’occasion.

12 J’ai rejeté la demande d’ajournement du plaignant et tenu l’audience en son absence. Je suis d’avis que le plaignant n’a pas donné de motif impérieux justifiant un report. Il avait été dûment avisé de l’heure et de l’endroit de l’audience et n’avait jamais évoqué quelque problème que ce soit concernant sa santé jusqu’à quelques heures avant le début de l’audience. Il n’a pas réussi à trouver un moyen de participer à une téléconférence afin de discuter de la question du report. De plus, il a ignoré la demande de la Commission de lui fournir un numéro de téléphone où on pouvait le joindre, et ce, après avoir été averti que l’audience risquait d’être tenue sans lui et que la question de l’ajournement serait examinée pendant la téléconférence. En outre, le plaignant n’a pas proposé un autre moment où il serait disponible pour participer à une téléconférence.

13 Rien n’indiquait que le plaignant ne possédait pas de téléphone à la maison ou de téléphone cellulaire, ni que quelque chose l’empêchait de participer à une téléconférence.

14 Il était tout simplement impossible de passer outre le manque de coopération de la part du plaignant, de même que son indifférence à l’endroit du processus. De plus, la défenderesse avait signalé une première fois en décembre 2009 son intention de contester la plainte pour cause de non-respect des délais, elle était prête à procéder à l’audience et l’un de ses témoins avait dû voyager pour effectuer son témoignage et il attendait depuis la veille pour ce faire. Le 17 décembre 2010, on avait avisé le plaignant des dates fixées pour la tenue de l’audience, et un rappel lui avait été envoyé le 17 janvier 2011 précisant que ces dates étaient considérées comme [traduction] « définitives ».

15 À ce jour, le plaignant n’a toujours pas précisé son état de santé et il n’a pas fourni à la Commission de numéro de téléphone où on peut le joindre. En fait, le plaignant n’a pas communiqué avec la Commission depuis son courriel du 14 juin 2011, à 6 h 49.

16 La défenderesse a fait valoir que la plainte devrait être rejetée, puisque, pour la majeure partie, elle est hors délai et que, pour le reste, elle ne porte pas sur une question relevant de la compétence de la Commission. Elle demande également à la Commission de déclarer la plainte frivole.

A. Respect des délais

17 Lorsqu’elle a répondu à la plainte, le 9 décembre 2009, la défenderesse a déclaré que celle-ci ne respectait pas les délais prescrits. Selon la défenderesse, sauf dans un cas, toutes les allégations soulevées par le plaignant sont hors délai.

18 La défenderesse soutient que les huit premières allégations décrivent clairement des événements qui sont survenus bien avant le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi, ce qui signifie qu’elles sont toutes hors délai. En outre, je n’ai pas le pouvoir de prolonger le délai accordé pour déposer une plainte fondée sur ces allégations. La défenderesse m’a renvoyé aux autorités suivantes : Forward-Arias c. Syndicat des employés du Solliciteur général et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 81; Psyllias c. Meunier-McKay et Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada, 2009 CRTFP 67; Cunningham c. Service correctionnel du Canada et Union of Canadian Correctional Services-Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN, 2009 CRTFP 96; Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100; Babb c. Gordon, 2009 CRTFP 114; Hérold c. Alliance de la Fonction publique du Canada et Gritti, 2009 CRTFP 132; Renaud c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 177; Panula c. Agence du revenu du Canada et Bannon, 2008 CRTFP 4; Walters c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2008 CRTFP 106.

19 Dans le cas où le plaignant a eu connaissance des circonstances ayant donné lieu à la plainte avant le 26 août 2009, la défenderesse a soutenu que la plainte déposée le 24 novembre 2009 dépasserait le délai de 90 jours prescrit.

20 Les huit premières allégations de la plainte se rapportent à des événements précis qui ont eu lieu bien avant le 26 août 2009. Le premier événement a eu lieu en décembre 2007 et le dernier en juillet 2009. Selon la défenderesse, le plaignant n’a jamais prétendu avoir pris connaissance des événements ayant donné lieu à sa plainte après le 26 août 2009 alors qu’ils se sont déroulés avant cette date, et aucun motif impérieux ne permet d’en arriver à cette conclusion. Le 26 août 2010, le plaignant a répondu à la réponse présentée par la défenderesse le 9 décembre 2009 et il n’a fait aucun effort pour clarifier la question du respect des délais ni pour préciser le moment où il a pris connaissance des événements.

21 Le plaignant n’a précisé que le mois et l’année relativement à chaque allégation. Si l’on suppose que les événements mentionnés par le plaignant se sont déroulés le dernier jour de chaque mois, les huit premières allégations demeurent tout de même bien au-delà des 90 jours prescrits. En outre, selon la convention collective applicable, les griefs doivent être présentés dans les 25 jours suivant un manquement ou une infraction. Le fonctionnaire doit signer la formule de grief normalisée.

B. Motif restant (neuvième allégation)

22 Pour ce qui est de la neuvième allégation de la plainte, qui semble faire allusion à un événement qui serait survenu à l’intérieur du délai prescrit, soit en octobre 2009, la défenderesse soutient qu’elle ne porte pas sur un sujet relevant de la compétence de la Commission. L’article 187 de la Loi renvoie à la conduite de l’agent négociateur « […] en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur [je souligne] ». Selon la défenderesse, le présumé manquement doit donc porter sur la représentation du plaignant. Dans le cas qui nous intéresse, la plainte renvoie au défaut allégué de ne pas donner suite aux demandes du plaignant concernant certaines mesures, certaines dispositions ainsi que la remise de dossiers. Autrement dit, ce motif porte sur des procédures syndicales internes et n’a rien à voir avec la représentation du plaignant devant son employeur. La Commission n’a donc pas compétence pour examiner la neuvième allégation de la plainte.

C. Nature frivole de la plainte

23 La défenderesse cherche à obtenir une déclaration de la Commission selon laquelle la plainte est frivole, puisque la plupart des manquements allégués se sont produits bien au-delà du délai prescrit et sont sans fondement. Pour appuyer sa demande, la défenderesse a fait témoigner Terry Ruyter, Jean Sterling et Hilde Sellemeyer. Pour les motifs énoncés ci-dessous, je n’ai pas reproduit leur témoignage.

III. Motifs

24 Je souscris aux objections de la défenderesse selon lesquelles la plainte est inadmissible parce que les huit premières allégations sont hors délai et que la neuvième allégation porte sur une question ne relevant pas de la compétence de la Commission.

A. Respect des délais

25 Le paragraphe 190(2) de la Loi prévoit explicitement que la plainte doit être déposée dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu. Si une partie ou l’ensemble des manquements dénoncés dans la plainte ont eu lieu à l’extérieur du délai de 90 jours, la plainte est considérée hors délai.

26 En ce qui concerne les huit premières allégations, le plus récent incident ayant donné lieu à la plainte est survenu en juillet 2009, soit au moins 126 jours avant le dépôt de la plainte si l’on prend le 31 juillet 2009 comme point de référence.

27 Je souscris à l’argument de la défenderesse selon lequel le délai de 90 jours doit être respecté à la lettre et que la Commission n’a pas le pouvoir de le prolonger (voir Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, et Cunningham). La Commission a affirmé à plusieurs reprises le caractère obligatoire du paragraphe 190(2) de la Loi. En fait, dans Boshra, au paragraphe 45, la Commission a déclaré ce qui suit :

[45] […] Une fois que l’agent négociateur a clairement communiqué sa position à l’égard de la représentation d’un membre et que celui-ci considère cette position comme une preuve de la violation de l’article 187, le paragraphe 190(2) ne permet pas de proroger le début du délai de 90 jours pour le dépôt de la plainte, même dans les cas où il y aurait de bonnes raisons de le faire. Le libellé du paragraphe a force de loi. Il diffère en ce sens de la manière dont s’appliquent certains autres types de mesures prévus par la Loi.

La compétence de la Commission consiste à déterminer, à partir des éléments de preuve que j’ai devant moi, la date à laquelle la période de 90 jours a commencé.

28 La plainte a été déposée le 24 novembre 2009, près de trois ans après le premier manquement présumé (première allégation) et 126 jours après la date la plus tardive à laquelle l’avant-dernier manquement pourrait être survenu (huitième allégation). J’accepte l’argument de la défenderesse selon lequel la plainte n’a pas été déposée à l’intérieur du délai prescrit pour ce qui est des huit premières allégations sur lesquelles s’appuie le plaignant. Chacun des événements dont il est question dans les huit premières allégations est survenu bien au-delà de la période de 90 jours applicable.

29 Même si la défenderesse a soulevé la question du non-respect des délais prescrits dans sa réponse du 9 décembre 2009, le plaignant n’a pas cherché à régler cette question sauf en demandant une prolongation du délai, ce que la Commission n’a pas le pouvoir d’accorder, puisque la Loi ne prévoit aucune disposition donnant à la Commission le pouvoir de prolonger ce délai en particulier.

30 Le plaignant n’a fourni aucune explication me permettant de croire qu’il n’a pas eu connaissance des huit premiers manquements décrits dans les huit premières allégations de sa plainte au moment où ils se seraient produits. En fait, dans les six premières allégations, il reproche aux personnes visées d’avoir omis de présenter des griefs en son nom. Le plaignant n’avait que 25 jours pour présenter un grief selon la convention collective applicable, et il aurait normalement dû savoir peu de temps après que rien n’avait été fait, sauf dans le cas par exemple où la défenderesse aurait présenté un grief avec signatures, ou demandé et obtenu une prolongation auprès de l’employeur, ce qui ne semble pas être le cas ici.

31 Le plaignant a écrit sur le formulaire de plainte qu’il avait pris connaissance le 9 octobre 2009 des gestes, omissions ou autres faits ayant donné lieu à la plainte, mais il n’explique nulle part la raison pour laquelle il a inscrit cette date, que ce soit dans sa plainte, dans sa réponse ou dans les documents joints. Il m’est donc impossible de prendre cette date en considération.

32 Dans l’ensemble, pour ce qui est des huit premières allégations de la plainte, rien ne me permet de croire que la plainte a été déposée à l’intérieur du délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. J’estime donc que la plainte est hors délai pour ce qui est des huit premières allégations.

B. Compétence

33 La neuvième et dernière allégation se lit comme suit :

[Traduction]

OCT. 2009, JEAN STERLING, TERRY RUTER (PRÉS. LOCALE), GARY FRASER (RÉGIONAL), DÉFAUT DE RÉPONDRE À MES DEMANDES CONCERNANT DES MESURES, DES DISPOSITIONS ET LA REMISE DE DOSSIERS.

34 Je souscris à l’argument de la défenderesse selon lequel, bien que l’allégation semble se rapporter à un événement qui se serait produit à l’intérieur du délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi, ce n’est pas une question relevant de la compétence de la Commission. Selon cette allégation, des représentants de la défenderesse auraient omis de donner suite aux demandes du plaignant concernant certaines mesures, certaines dispositions ainsi que pour la remise de certains dossiers. La neuvième allégation ne fait aucune mention d’un manquement, de la part de la défenderesse, concernant son obligation de représenter le plaignant. La neuvième allégation semble plutôt porter sur des questions relatives aux procédures syndicales internes, ce qui n’est pas couvert par l’article 187 de la Loi. Puisque la seule pratique déloyale de travail pouvant s’appliquer à la neuvième et dernière allégation de la plainte est un manquement sur le plan du devoir de représentation équitable en vertu de l’article 187 de la Loi, je conclus qu’il ne soulève pas de pratique déloyale de travail au sens de la Loi et que la Commission n’a pas compétence pour examiner cette partie de la plainte.

C. Nature frivole de la plainte

35 Bien que les témoignages sincères de Mmes Ruyter, Sterling et Sellemeyer m’aient permis de mieux comprendre le contexte de la plainte, je n’ai pas jugé utile de résumer ici les preuves qu’elles ont présentées, puisqu’elles ne portaient pas sur les questions du respect des délais ou de la compétence, mais servaient plutôt à appuyer la demande de la défenderesse de déclarer cette plainte frivole. Je ne suis toutefois pas prêt à donner suite à cette requête, car le plaignant n’a pas été mis au courant avant l’audience que la défenderesse chercherait à obtenir une telle déclaration. Contrairement aux autres objections que la défenderesse a clairement soulevées dès le début dans sa réponse, la question de la déclaration a été soulevée pour la première fois durant l’audience, soit en l’absence du plaignant. Par conséquent, je ne crois pas qu’il soit approprié, dans les circonstances, de prononcer une telle déclaration.

IV. Ordonnance

36 Je déclare que la plainte est hors délai en ce qui concerne les huit premières allégations.

37 J’ajoute que la Commission n’a pas compétence pour traiter la neuvième et dernière allégation de la plainte.

38 La plainte est rejetée.

Le 13 octobre 2011

Traduction de la CRTFP

Stephan Bertrand,
commissaire

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