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Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé un grief alléguant que la politique d’adaptation mise en place par l’employeur pour son initiative d’armement des agents des services frontaliers violait la clause de non-discrimination de la convention collective - l’employeur a fait valoir que le grief était théorique et qu’il devait être rejeté - il a soutenu que la politique d’adaptation n’avait jamais été appliquée et qu’elle avait été annulée et remplacée par une politique dûment acceptée par l’agent négociateur et à l’égard de laquelle la Commission canadienne des droits de la personne s’est dite satisfaite - l’arbitre de grief a conclu que le grief était théorique, car il n’y avait aucun litige actuel à résoudre, étant donné que la politique avait été remplacée par une autre jugée acceptable - l’agent négociateur n’a fourni aucune raison factuelle, juridique ou de principe constituant un fondement pour justifier l’exercice par l’arbitre de grief de son pouvoir discrétionnaire pour entendre le grief bien qu’il soit théorique. Dossier clos.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-11-17
  • Dossier:  569-02-39
  • Référence:  2011 CRTFP 130

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour l’agent négociateur:
Andrew Raven, avocat

Pour l'employeur:
Sean Kelly, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 1er novembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 Le 31 août 2007, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a déposé un grief de principe en vertu du paragraphe 220(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi »). Le grief conteste une politique d’adaptation mise en place par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC ou l’« employeur ») pour son initiative d’armement des agents des services frontaliers (ASF). Selon le grief, la politique viole la clause d’élimination de la discrimination de la convention collective. Le résumé suivant du grief présente un intérêt particulier pour la présente décision :

[Traduction]

[…]

1. L’agent négociateur présente un grief selon lequel la stratégie d’adaptation pour l’armement et les tactiques de maîtrise et de défensede l’ASFC (la « politique »), entrée en vigueur le 27 juillet 2007, est, manifestement, déraisonnable, arbitraire et discriminatoire envers les employés, en contravention de l’article 19 de la convention collective PA (FB). Cela comprend, entre autres, l’aspect suivant de la politique :

a) la politique énonce que les tactiques de maîtrise et de défense (TMD) ainsi que la réussite du programme d’armement sont impératives et sont essentielles à l’exercice des fonctions d’un agent des services frontaliers. Cependant, l’employeur n’a pas établi ces éléments comme étant une véritable exigence du poste. Par conséquent, l’AFPC indique que l’ASFC ne peut pas appliquer la politique tant et aussi longtemps qu’elle n’aura pas établi que ses TMD et ses programmes d’armement répondent à la norme juridique, c’est-à-dire qu’ils sont raisonnablement nécessaires, et qu’elle n’aura pas envisagé expressément d’autres solutions de rechange moins restrictives quela politique;

b) la politique énonce que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation nécessite que l’employeur envisage des possibilités ailleurs au sein de l’ASFC. S’il n’y a aucune possibilité ailleurs au sein de l’ASFC, on mettra fin à l’emploi de l’employé. La détermination par l’employeur de son obligation de prendre des mesures d’adaptation limitées à l’ASFC est arbitraire et, manifestement, mènera à un traitement discriminatoire des employés ayant besoin de mesures d’adaptation;

[…]

2 En résumé, l’agent négociateur demande à ce que l’arbitre de grief déclare que la politique d’adaptation de 2007 est discriminatoire et qu’elle devrait être annulée. Il demande aussi à l’arbitre de grief de déclarer que l’employeur a une obligation de prendre des mesures d’adaptation à moins qu’il n’en résulte pour lui une contrainte excessive, obligation qui s’étend au-delà de la compétence de l’ASFC et qui comprend l’ensemble de la fonction publique.

3 L’employeur a mis en œuvre une nouvelle politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation applicable à partir du 16 juin 2011. Peu de temps après, l’employeur a indiqué par écrit à l’arbitre de grief que le grief était théorique étant donné que le différend concernant la politique d’adaptation de 2007 n’existait plus depuis que la politique avait été annulée et remplacée. En septembre 2011, des discussions ont eu lieu entre les parties et l’arbitre de grief sur la façon de gérer le plus efficacement possible l’audience, y compris des visites potentielles des lieux. À ce moment-là, certaines discussions ont aussi eu lieu sur l’argument concernant le caractère théorique présenté par l’employeur. Compte tenu des répercussions potentielles de cet argument sur le reste de l’affaire, j’ai décidé d’assigner les parties à une audience qui portera exclusivement sur le caractère théorique du grief.

4 Par conséquent, dans la présente décision, ma tâche initiale consiste à déterminer si le grief de principe est théorique ou non. Si je juge qu’il s’agit d’un grief théorique, je devrai ensuite décider si j’exercerai ou non mon pouvoir discrétionnaire et si j’entendrai le grief de principe nonobstant son caractère théorique.

II. Résumé de la preuve

5 Les parties ont présenté en preuve 14 documents, tous sur consentement. L’employeur a fait entendre un témoin, Camille Therriault-Power, qui est la vice-présidente des Ressources humaines de l’ASFC depuis mai 2009. Mme Therriault­Power est chargée de tous les programmes de base des ressources humaines à l’ASFC, notamment la mise en œuvre de l’initiative d’armement et de ses stratégies connexes, l’équité en matière d’emploi, la formation et la politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. L’agent négociateur n’a fait entendre aucun témoin. Cependant, il a contre-interrogé Mme Therriault-Power.

6 Dans le budget fédéral de 2006, des fonds ont été affectés à l’ASFC pour qu’elle entame le processus d’armement de ses ASF. Les 4 800 ASF doivent être formés et armés d’ici le 31 mars 2016. Dans le cadre de l’initiative d’armement, l’ASFC a établi une politique en juillet 2007 intitulée [traduction] « Stratégie d’adaptation pour l’armement et les tactiques de maîtrise et de défense » (la « politique d’adaptation de 2007 »). En se fondant sur son expérience, l’ASFC a prévu que certains ASF seraient incapables physiquement ou psychologiquement de suivre ou de réussir la formation visant à se qualifier pour utiliser des armes à feu. L’ASFC a donc jugé qu’elle devait élaborer la politique d’adaptation de 2007.

7 Selon la politique d’adaptation de 2007, l’ASFC avait l’obligation d’envisager d’autres emplois pour les ASF qui ne pouvaient pas être armés. Si aucun autre emploi n’était trouvé au sein de l’ASFC, on mettrait fin aux emplois des ASF pour des motifs non disciplinairesétant donné qu’ils ne satisferaient plus aux conditions d’emploi et qu’ils ne pourraient pas faire l’objet de mesures d’adaptation sans qu’il en résulte une contrainte excessive.

8 Le témoin de l’employeur a admis que les questions de sécurité, l’aménagement physique, le volumede circulation et le nombre d’employés varient grandement parmi les 120 points d’entrée terrestres de l’ASFC. Cela signifie que les risques pour la sécurité des employés et du public varient en conséquence.

9 Mme Therriault-Power a témoigné que la politique d’adaptation de 2007 n’avait jamais [traduction] « vraiment été mise en œuvre ». Bien qu’elle ait été adoptée en juillet 2007, elle n’a pas été appliquée par l’ASFC. Par la suite, en octobre 2008, l’ASFC a suspendu officiellement la politique d’adaptation de 2007. Cependant, même si la politique a été suspendue, certaines modifications mineures y ont été apportées en février 2009.

10 À l’automne 2010 ou à l’hiver 2011, Mme Therriault-Power a recommandé à un comité de la haute direction de l’ASFC d’annuler la politique. Sa recommandation a été approuvée, et la politique d’adaptation de 2007 a été remplacée par une nouvelle politique d’adaptation qui est entrée en vigueur le 16 juin 2011. Cette nouvelle politique s’applique à tous les employés de l’ASFC, y compris ceux qui ne réussissent pas la formation sur les armes. Cependant, il n’y avait rien dans la nouvelle politique d’adaptation ni dans la communication qui a été transmise à tous les employés lorsque la nouvelle politique a été mise en place qui confirmait officiellement que la politique d’adaptation de 2007 avait été annulée. En fait, celle-ci n’a pas été enlevée du site intranet de l’ASFC avant octobre 2011. De plus, aucune communication officielle indiquant que la politique d’adaptation de 2007 avait été annulée n’a été transmise à l’agent négociateur.

11 L’employeur a été guidé dans le cadre de l’élaboration de sa nouvelle politique par la politique d’adaptation du Conseil du Trésor. Il a aussi été influencé par la décision rendue en août 2010 par le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) dans Johnstone c. Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TCDP 20. Dans Johnstone, le TCDP a ordonné à l’ASFC de mettre fin à ses pratiques discriminatoires envers les employés souhaitant faire l’objet de mesures d’adaptation fondées sur leur situation familiale et d’élaborer, en consultation avec la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), un plan visant à prévenir la réapparition de ce type de discrimination. Bien que Johnstone ait eu des répercussions sur l’élaboration d’une nouvelle politique d’adaptation, cette nouvelle politique s’applique à toutes les situations où des mesures d’adaptation sont nécessaires au sein de l’ASFC. Le TCDP a examiné la nouvelle politique d’adaptation et a conclu, le 14 juin 2011, qu’il en était satisfait.

12 Mme Therriault-Power a témoigné que la politique d’adaptation de 2011, dont la date d’entrée en vigueur est le 16 juin 2011, est la seule politique d’adaptation en vigueur à l’ASFC. La politique d’adaptation de 2011 s’applique, entre autres, à des ASF qui pourraient avoir besoin de mesures d’adaptation en raison de l’armement des ASF. Aucune autre politique ne s’applique aux ASF qui ont besoin de mesures d’adaptation. Mme Therriault-Power a aussi indiqué que, conformément à la politique d’adaptation de 2011, si un ASF ne peut pas réussir la formation sur l’armement, et si cela fait naître l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, l’ASFC s’engage à prendre de bonne foi des mesures d’adaptation à l’intention de l’employé, en consultation avec l’employé et après une évaluation individuelle de ses besoins, tant qu’il n’en résulte pas pour elle une contrainte excessive. Mme Therriault-Power a aussi témoigné que l’ASFC communiquera avec d’autres ministères de la fonction publique afin de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé qui ne peut pas faire l’objet de telles mesures au sein de l’ASFC. 

13 La politique d’adaptation de 2011 de l’ASFC n’a pas fait l’objet d’un grief par l’agent négociateur ou ses membres.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

14 L’employeur a fait valoir que le grief de principe est théorique, étant donné que le différend concerne une politique d’adaptation qui n’a jamais été appliquée, et qui a été annulée et remplacée par une nouvelle politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. En outre, aucun fondement ne justifie qu’un arbitre de grief exerce son pouvoir discrétionnaire et entende le présent grief de principe, nonobstant son caractère théorique.

15 La décision faisant autorité pour ce qui est du caractère théorique est Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342. Depuis que cette décision a été rendue, les cours et les tribunaux administratifs ont adhéré à cette doctrine. Cela étant dit, l’employeur m’a renvoyé à Leboeuf c. Conseil du Trésor (ministère des Transports) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 27, ainsi qu’à Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt (C. B.)) c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 585-02-16 (20090130). Il m’a aussi mentionné plusieurs décisions de tribunaux d’arbitrage des conflits de travail de l’Ontario et de l’Alberta, qui renforçaient l’application de la doctrine sur le caractère théorique dans des cas concernant des griefs de principe dans lesquels les politiques en cause avaient été annulées, avaient disparu ou avaient fait l’objet d’une entente.

16  Pour évaluer si une affaire est théorique ou non, un arbitre de grief doit d’abord déterminer s’il existe encore un différend concret et tangible ou un litige actuel. En l’espèce, il n’y a plus de litige actuel entre les parties. L’employeur n’a jamais réellement mis en œuvre sa politique d’adaptation de 2007, puis il l’a suspendue en 2008 et l’a remplacée par une nouvelle politique en 2011. Il n’est maintenant plus utile pour l’arbitre de grief de déterminer si la politique d’adaptation de 2007 viole la convention collective ou la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

17 La politique d’adaptation de 2011 a permis de résoudre tous les problèmes non réglés possibles entre les parties au sujet des mesures d’adaptation à prendre à l’intention des ASF qui échouent la formation sur les armes, car elle énonce que chaque demande d’adaptation doit être évaluée au cas par cas, ce qui veut dire que chaque cas doit être examiné individuellement.

B. Pour l’agent négociateur

18 Le fait que la politique d’adaptation de 2007 n’ait pas été mise en œuvre n’est pas pertinent étant donné que c’est la politique elle-même qui fait l’objet du grief. Manifestement, cette politique viole la convention collective et va à l’encontre de la LCDP.

19 L’agent négociateur a fait valoir que si l’arbitre de grief conclut que le grief est théorique, il doit expliquer en quoi il est théorique. L’employeur savait que sa politique d’adaptation de 2007 allait à l’encontre des droits de la personne. Dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin), la Cour a indiqué qu’une règle — dans le présent cas, la nécessité d’être armé — doit composer avec les différences individuelles dans la mesure où cela ne cause aucune contrainte excessive si elle est jugée raisonnablement nécessaire. La politique d’adaptation de 2007 ne satisfaisait pas à cette norme et ne comprenait pas une évaluation individuelle de l’employé devant faire l’objet de mesures d’adaptation.

20 Contrairement à la politique de 2007, la politique d’adaptation de 2011 répond à la norme établie dans Meiorin. Elle fait ressortir le besoin de réaliser des évaluations individuelles ainsi qu’une analyse des besoins propres au lieu de travail. Elle reconnaît également l’obligation de l’employeur d’aller voir à l’extérieur de l’ASFC, au besoin, pour prendre des mesures d’adaptation à l’intention d’un employé.

21 L’agent négociateur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Meiorin; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4; Babb c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 38; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupes Services frontaliers, Services des programmes et de l’administration et Services de l’exploitation), 2009 CRTFP 37; Dervin c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2009 CRTFP 50; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 66; Prince Rupert Airport Authority v. Public Service Alliance of Canada, Local 20215, 2009 C.L.A.D. No. 281; Gardner Costa c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 59.

IV. Motifs

22 La présente décision vise à déterminer si ce grief de principe est théorique et, dans l’affirmative, si je vais exercer mon pouvoir discrétionnaire et l’entendre nonobstant son caractère théorique.

23 Après avoir entendu la preuve et examiné la jurisprudence, je suis convaincu que le présent grief de principe est théorique, car il n’y a aucun litige actuel à résoudre, étant donné que la politique a été remplacée par une nouvelle politique, qui a été reconnue par l’agent négociateur comme satisfaisant au critère sur les mesures d’adaptation établi par la Cour suprême et qui n’a pas fait l’objet d’un grief. Il ne sert donc à rien que j’entende le grief étant donné que le différend concret entre les parties a disparu et qu’il n’y a aucun litige actuel sur lequel se prononcer en faveur de l’une ou l’autre des parties.

24 Dans Borowski, la Cour suprême du Canada a indiqué ce qui suit sur la doctrine relative au caractère théorique :

[…]

15.     La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu’un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l’action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l’introduction de l’action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu’il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s’applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n’exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’appliquer. J’examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d’exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

16.     La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire. La jurisprudence n’indique pas toujours très clairement si le mot « théorique » (moot) s’applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s’il s’applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d’entendre. Pour être précis, je considère qu’une affaire est « théorique » si elle ne répond pas au critère du « litige actuel ». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s’il estime que les circonstances le justifient.

25 Dans le présent cas, l’employeur a adopté une politique d’adaptation en 2007 à l’intention des employés qui ne réussiraient pas la formation sur les armes. L’agent négociateur considérait que cette politique violait la convention collective et la LCDP, et il a déposé le présent grief de principe. La preuve a montré que la politique d’adaptation de 2007 a été suspendue en 2008. Ce simple fait ne serait pas suffisant pour déclarer que le grief est théorique. Je rejette l’argument de l’employeur selon lequel le grief est théorique parce que la politique n’a jamais été appliquée. Cependant, le 16 juin 2011, la politique d’adaptation de 2007 a été annulée et remplacée par une nouvelle politique d’adaptation qui satisfait l’agent négociateur. Comme on l’a expliqué précédemment, la politique faisant l’objet du grief n’existe plus et elle a été remplacée en 2011 par une nouvelle politique qui remédie aux problèmes soulevés dans le grief de 2007. De plus, la nouvelle politique n’a pas fait l’objet d’un grief par l’agent négociateur. Par conséquent, le grief est théorique.

26 Étant donné qu’il n’y a plus de différend ni de litige concret entre les parties, je n’ai aucune raison d’intervenir et d’entendre les parties sur le fond du grief. La politique d’adaptation de 2011 s’applique aux ASF qui pourraient avoir besoin de mesures d’adaptation après avoir échoué la formation sur les armes. Selon cette politique, l’ASFC s’engage à prendre de bonne foi des mesures d’adaptation à l’intention de l’employé, en consultation avec l’employé et après une évaluation individuelle de ses besoins, tant qu’il n’en résulte pas pour elle une contrainte excessive. L’ASFC communiquera également avec d’autres ministères de la fonction publique afin de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé qui ne peut pas faire l’objet de telles mesures au sein de l’ASFC. Rien de ce qui a été présenté par l’agent négociateur ne pourrait m’amener à croire que la politique d’adaptation de 2011 ne résout pas pleinement les problèmes soulevés dans le grief de principe de 2007. Pour ce qui est de ma capacité à exercer mon pouvoir discrétionnaire et à entendre le grief, indépendamment du fait qu’il est théorique, l’agent négociateur a le fardeau de me convaincre que je devrais exercer ce pouvoir. Cependant, celui-ci n’a fourni aucune considération factuelle, juridique ou de principe constituant un fondement pour une telle décision et, par conséquent, je refuse d’exercer mon pouvoir discrétionnaire.

27 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

28 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 17 novembre 2011.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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