Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le demandeur a demandé à la Commission de statuer sur quelques questions ayant trait à une ESE qui vise le groupe VM - les parties avaient déjà réglé la question des services d'urgence devant être dispensés en temps de grève - la Commission a déterminé que les services se rapportant à l'hygiène des viandes, au diagnostic, à la santé animale, à l'inspection des importations et des exportations et à toute intervention d'urgence relevant du mandat de l'ACIA constituent des services essentiels. Services essentiels déterminés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-02-08
  • Dossier:  593-32-12
  • Référence:  2011 CRTFP 16

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demandeur

et

AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

défenderesse

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments

Affaire concernant une demande de règlement d’une question pouvant figurer dans une entente sur les services essentiels en vertu du paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, vice-présidente

Pour le demandeur:
Sarah Godwin, agente des relations d’emploi

Pour la défenderesse:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 11 au 13 août et du 14 au 16 ainsi que le 18 décembre 2009, puis
le 23 février et du 22 au 24 septembre 2010. Visite sur place le 17 décembre 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant la Commission

1 Le 16 décembre 2008, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« Institut ») a déposé une demande en vertu de l’alinéa 123(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) afin de faire trancher les questions concernant une entente sur les services essentiels relative au groupe Médecine vétérinaire (VM). Les VM sont au service de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’« ACIA » ou l’« employeur »).

2 Entre décembre 2004 et décembre 2006, l’ACIA et l’Institut se sont engagés dans des discussions pour déterminer les postes essentiels en application de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Loi »). À l’entrée en vigueur de la LRTFP, le processus a continué en vue d’aboutir à ce qu’on appelle désormais une entente sur les services essentiels. À la suite de la signature de la convention collective applicable, en novembre 2006, les discussions se sont poursuivies mais elles ont pris fin en décembre 2006 sans qu’une entente ait été conclue.

3 Dans sa réponse à la demande, l’ACIA a déposé des renseignements sur les postes qu’elle considère essentiels pour pouvoir s’acquitter des exigences du paragraphe 4(1) et de l’article 120 de la LRTFP.

II. Règlement partiel du litige relatif à l’entente sur les services essentiels

4 Le 28 mai 2009, les parties ont négocié comme suit le règlement partiel de leur litige quant aux services d’urgence à assurer en cas de grève :

[Traduction]

1.  De façon conditionnelle, quand le directeur exécutif régional cherche à intervenir dans une urgence correspondant à une maladie animale soupçonnée ou diagnostiquée en établissant un Centre d’opérations d’urgence, les VM nécessaires, déterminés par l’employeur, réagiront à l’urgence.

2.  L’employeur modifiera en conséquence sa proposition sur les services essentiels.

[…]

Sauf en ce qui concerne les services d’urgence, les parties ont pris des positions complètement opposées quant aux services réputés nécessaires pour la sûreté et la sécurité du public ou un segment du public en cas d’arrêt de travail.

III. Position de l’ACIA sur les services réputés essentiels en cas d’arrêt de travail

5 L’ACIA a présenté la déclaration de principes suivante concernant les services qui devraient faire partie d’une entente sur les services essentiels :

[Traduction]

L’ACIA a pour mission de protéger les aliments, les animaux et les plantes qui contribuent à améliorer la santé et le bien-être de la population du Canada, de son environnement et de son économie. En fonction de ce qui précède, on se basera sur les critères suivants pour identifier les postes de VM essentiels au sein de l’Agence (directions des opérations, des programmes et des sciences) :

1. postes requis pour le maintien du niveau de service nécessaire à l’hygiène des viandes afin que l’ACIA puisse s’acquitter de ses fonctions aux termes de la législation et de son mandat (salubrité et sécurité des aliments);

2. postes requis afin d’assurer le maintien du niveau de service nécessaire à la santé des animaux pour que l’ACIA puisse s’acquitter de ses fonctions aux termes de la législation et de son mandat (p. ex. lutte contre les maladies [FA], zoonoses [rage, tuberculose, etc.], responsabilités en matière de santé publique, inspections des produits importés);

3. postes spécifiques dans les laboratoires lorsqu’il est convenu que les fonctions sont liées à la santé et au bien-être des animaux;

4. postes requis par l’Agence pour réagir aux urgences et faire preuve de leadership quand vient le temps d’intervenir en ce qui a trait à la salubrité des aliments, à la santé des animaux et des végétaux, et à toute autre urgence relevant de son mandat.

Pour plus de clarté, une urgence s’entend d’une « situation anormale dans laquelle, pour limiter les dommages aux personnes, aux biens ou à l’environnement, il faut intervenir promptement au-delà des procédures normales ». Dans une situation d’urgence, le vice-président, le vice-président associé ou le directeur exécutif compétent identifieraient les postes dont les occupants seraient appelés à intervenir.

En outre :

Des rajustements seront apportés dans l’éventualité de l’ouverture ou de la fermeture d’un établissement.

À moins qu’une mesure de dotation ne soit en cours, les postes vacants ne feront pas partie d’une entente quelconque sur les services essentiels.

Chaque partie peut identifier des postes uniques et spécifiques.

IV. Position de l’Institut sur les services réputés essentiels dans l’éventualité d’un arrêt de travail

6 L’Institut a présenté la déclaration de principes suivante sur les services qui devraient faire partie d’une entente sur les services essentiels :

[Traduction]

L’IPFPC est d’avis que, outre l’entente conclue entre les parties le 28 mai 2009 à l’égard des interventions en cas d’urgence, les membres du groupe Médecine vétérinaire de l’ACIA s’acquittent des services et des activités essentiels (au sens de l’article 4 et de la section 8 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique) de la façon suivante :

1.       dans le secteur de la santé des animaux, en effectuant des enquêtes dans les cas où l’on soupçonne des maladies déclarables pouvant avoir une incidence sur les humains (p. ex. la rage), dans la mesure où un inspecteur ne peut pas diagnostiquer, traiter ou ordonner la destruction des animaux en question;

2.       dans les laboratoires,

a) les services liés aux maladies déclarables soupçonnées ou confirmées et le maintien de l’accréditation pour la certification nationale et internationale;

b) la réalisation, l’évaluation et la communication des résultats d’examens diagnostiques et pathologiques de cas soupçonnés ou confirmés de maladies ayant une incidence sur les humains;

c) les transferts technologiques en cas d’éclosion;

d) les commandes de substances contrôlées dans les laboratoires;

3.       dans le secteur des politiques et des programmes,

a) en cas d’éclosion d’une maladie déclarable ayant une incidence potentielle sur la santé des humains chez un partenaire commercial, conformément à l’avis au directeur de la Santé des animaux, la préparation et la communication d’analyses des risques et de restrictions des importations;

b) lorsqu’il n’existe pas de manuel applicable, la réponse à toute demande de renseignements sur les politiques de lutte et d’éradication des maladies déclarables des animaux ayant une incidence potentielle sur la santé des humains.

En outre, dans l’éventualité d’une grève, les membres du groupe Médecine vétérinaire de l’ACIA continueront d’assurer les activités importantes quoique non essentielles suivantes liées aux laboratoires :

a) supervision du programme de santé des animaux de laboratoire;

b) recherche en cours (excluant le commencement de nouvelles recherches);

c) participation aux soins de santé des animaux dans les laboratoires;

d) prestation de soins de santé d’urgence aux animaux dans les laboratoires;

e) maintien de troupeaux exempts de pathogènes spécifiques.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

V. Présentation de la preuve

7 Quatre personnes ont témoigné pour l’employeur : le Dr Brian Evans, le Dr Al Klemmer, le Dr Lindsay Elmgren et M. James Laws. Leurs témoignages donnaient un aperçu des lois et des règlements applicables au mandat et aux opérations de l’ACIA ainsi que des enjeux relatifs à la salubrité des aliments quant à la sécurité du public; des références à de la documentation législative et scientifique ont été déposées à l’appui de leurs dires.

8 Le Dr Evans est le premier vice-président de l’ACIA et il en est le chef de la salubrité des aliments depuis juin 2007; il est également vétérinaire en chef du Canada. Il est membre du conseil d’administration de l’Organisation mondiale de la santé animale, nom que porte depuis 2003 l’Office International des Épizooties, créé en 1924, dont l’acronyme historique est OIE.

9 Le Dr Klemmer est le vétérinaire principal intérimaire de la Direction des politiques relatives aux programmes de l’ACIA. Il travaille à l’ACIA (autrefois Agriculture Canada) depuis 1988. Jusqu’en 2006, il se consacrait essentiellement à des tâches liées à l’hygiène des viandes, à la Direction des opérations. Il contribue maintenant à l’élaboration des programmes et des politiques.

10 Le Dr Elmgren est directeur exécutif du Réseau des laboratoires de l’Ontario. Il est responsable du Laboratoire d’Ottawa situé sur la rue Carling, du Laboratoire d’Ottawa situé à Fallowfield et du Laboratoire de la région métropolitaine de Toronto. Dans ces laboratoires, on s’affaire à la salubrité et à la qualité des aliments ainsi qu’à la prévention de la fraude au sein de l’approvisionnement alimentaire et de la santé des animaux et des végétaux.

11 M. Laws est le directeur général du Conseil des viandes du Canada (le « Conseil »), une association professionnelle nationale qui regroupe des emballeurs de viande réglementés et des transformateurs réglementés de bœuf, de porc, de volaille, de veau, de cheval et d’agneau. Le Conseil collabore avec l’ACIA en ce qui a trait à des questions non concurrentielles comme la salubrité de la viande.

12 Cinq personnes ont témoigné au nom de l’Institut : la Dre Valérie Coupal, le Dr Ravinder (Ravi) Valsign Rai, le Dr Thomas Wright, le Dr Doug Aitken et la Dre Ann Allain. Ce sont tous des professionnels hautement qualifiés qui ont présenté des opinions à la fois scientifiques et personnelles en ce qui a trait au travail des VM à l’ACIA. Ils sont membres du groupe exécutif national des vétérinaires de l’Institut.

13 La Dre Coupal, qui occupe une poste classifié VM-2, travaille dans un établissement de transformation primaire de poulets, Volaille Giannone Inc., situé à St-Cuthbert, au Québec. Elle est membre d’un comité mixte de l’ACIA chargé de la certification des exportations et de l’hygiène des viandes.

14 Le Dr Rai est le médecin vétérinaire de la région du Centre; il occupe ce poste depuis 2005. Il est spécialiste sectoriel du programme des viandes à Guelph pour le porc et le bœuf.

15 Le Dr Wright est vétérinaire des produits biologiques vétérinaires au Bureau régional de l’Île-du-Prince-Édouard de l’ACIA. Avant de se joindre à l’ACIA, il était vétérinaire en chef pour la province de l’Île-du-Prince-Édouard.

16 Le Dr Aitken est spécialiste intérimaire du programme vétérinaire (importation) de la région de l’Ouest. À ce titre, il donne des avis sur les exigences d’importation et d’exportation des produits et sous-produits d’origine animale à des membres de l’ACIA ainsi qu’à des importateurs de produits de viande. Il délivre des permis d’importation au nom du ministre d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

17 La Dre Allain est médecin vétérinaire principale, et est classifiée VM-4. Son travail consiste à rédiger et à réviser des directives sur les importations concernant les risques d’autoriser l’entrée d’un produit au Canada en fonction de son pays d’origine.

18 Dans cette affaire, il s’agit d’interpréter les faits plutôt que d’évaluer la crédibilité des témoins. J’ai trouvé tous les témoignages honnêtes et instructifs, même si les points de vue différaient. Afin d’éviter de reproduire en long et en large ces témoignages qui se recoupaient parfois, j’ai décidé de présenter la preuve en deux parties : a) celle de l’ACIA, portant sur son mandat et sur ses opérations, y compris les renseignements tirés des documents déposés; b) les opinions des témoins de l’Institut.

A. L’ACIA

19 L’ACIA a été créée en 1997 par la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments, L.C. (1997), ch. 6. Elle rend compte de ses activités au ministre d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le plan d’entreprise de l’Agence la décrit comme l’organisme de réglementation scientifique le plus important du Canada, responsable de la prestation de tous les programmes fédéraux d’inspection des aliments, des systèmes de production et des produits phytosanitaires et zoosanitaires, ainsi que de la protection des consommateurs en ce qui a trait aux aliments. Ses responsabilités découlent de 13 lois fédérales et de 42 règlements, dont la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments, la Loi sur l’inspection des viandes, L.R.C. (1985), ch. 25 (1er suppl.), le Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes, DORS/90-288, la Loi sur la santé des animaux, L.C. (1990), ch. 21, le Règlement sur la santé des animaux,C.R.C., ch. 296, le Règlement exemptant certains animaux de l’inspection et du certificat d’exportation,DORS/91-3 et le Règlement sur les maladies déclarables, DORS/91-2.

20 Le mandat de l’ACIA consiste à protéger la santé du public en se concentrant essentiellement sur les aspects suivants, qui ont une incidence sur la population canadienne :

  • la protection du public contre les risques pour la santé pouvant être prévenus;
  • la protection des consommateurs grâce à un régime de réglementation des aliments, des animaux et des végétaux équitable et efficace favorisant des marchés intérieurs et internationaux concurrentiels;
  • le soutien de la base de ressources végétales et animales;
  • la sécurité de la base de ressources alimentaires et agricoles du Canada.

21 Réduire au minimum les risques pour la santé publique permet à la population canadienne d’avoir une meilleure santé et, par conséquent, d’effectuer son travail. Une partie du mandat de l’ACIA consiste à promouvoir la prospérité du Canada. L’intégrité du système d’inspection est le moteur économique qui encourage la population à consommer des produits de viande, à éliminer les obstacles commerciaux et à assurer l’accès international à ces produits. L’ACIA facilite l’accès des entrepreneurs canadiens aux marchés internationaux grâce à sa fiche de sécurité et elle encourage les autres pays à acheter des produits canadiens.

22 Comme nous le verrons de façon plus détaillée dans les pages qui suivent, l’ACIA a recours à divers mécanismes comme des inspections, des vérifications, des échantillonnages et des examens des produits pour surveiller et promouvoir la conformité à la législation. À l’aide des approches axées sur le risque, l’effort est concentré dans les domaines où les risques sont les plus élevés, à savoir les systèmes, les processus et les établissements influant le plus directement sur la santé des animaux et la salubrité des aliments; le Canada a aussi des obligations nationales et internationales à ces égards. Les progrès scientifiques sont le fondement du renouvellement constant du programme de réglementation dans un environnement axé sur le risque, plutôt que des considérations purement économiques ou politiques. L’exécution efficace des programmes qui préviennent et qui gèrent les maladies des animaux et les risques menaçant la salubrité des aliments est le fondement essentiel de la confiance dans le marché canadien et international.

23 À mesure que la mondialisation progresse avec l’interdépendance et le mouvement des produits et des populations, la gestion des risques pour la santé et de la prolifération des zoonoses transmises des animaux aux humains devient plus cruciale que jamais. La convergence des risques signifie qu’une maladie constatée dans un continent peut se propager dans le monde entier en quelques jours (comme l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), la grippe aviaire, la grippe H1N1 et le virus du Nil occidental). L’urbanisation, le changement climatique et une population vieillissante plus vulnérable aux pathologies sont d’autres facteurs pouvant contribuer à la propagation rapide de telles maladies.

24 Les VM se chargent des programmes d’inspection et de quarantaine des aliments, des végétaux et des animaux dans 18 régions et 160 bureaux locaux, laboratoires et établissements de transformation des aliments répartis dans tout le pays. L’effectif des médecins vétérinaires de l’ACIA est passé de 470 au moment de sa création en 1997 à quelque 800 en 2010. Les produits pouvant être inspectés pour certification par l’ACIA sont, notamment, des produits agricoles (graines, aliments pour animaux et fertilisants), des aliments frais (viande, poisson, œufs, grains, produits laitiers, fruits et légumes) et des aliments préparés et emballés.

25 Les déterminants de la santé publique sont la nutrition, la sûreté et la sécurité des aliments, leur salubrité et leur abordabilité, étant entendu que les maladies animales sont susceptibles d’avoir une incidence sur les humains. Les différents ordres de gouvernement se partagent la responsabilité de la santé publique et de la salubrité des aliments, chacun ayant ses lois, ses règlements et ses procédures. Au fédéral, Santé Canada, l’ACIA et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) se partagent cette responsabilité.

26 Santé Canada établit les politiques et les normes de salubrité et de qualité nutritive des aliments vendus au Canada, en plus d’évaluer l’efficacité des activités de l’ACIA quant à la salubrité des aliments (paragraphe 11(4) de la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments).

27 L’ACIA gère les risques relatifs à la salubrité des aliments en appliquant les politiques et les normes établies par Santé Canada. L’ACIA vérifie la conformité de l’industrie agroalimentaire en agréant et en inspectant les abattoirs et les établissements de transformation des aliments ainsi qu’en examinant leurs produits. Advenant une urgence en matière de salubrité des aliments, l’ACIA collabore avec Santé Canada, l’Agence de santé publique du Canada, les organismes provinciaux et l’industrie de l’alimentation pour assurer un système d’intervention d’urgence. L’ACIA peut également rappeler n’importe quel produit réglementé posant un risque pour la santé du public, des animaux ou des végétaux.

28 L’ASFC est responsable de l’application de la législation relative à la prestation des services d’inspection en première ligne des voyageurs et des produits importés dans les aéroports et dans les postes frontaliers canadiens (paragraphe 11(5) de la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments). L’ACIA et l’ASFC ont conclu une entente contractuelle sur la prestation des services que l’ASFC offre aux frontières canadiennes pour le compte de l’ACIA.

29 L’ACIA fait également partie d’un réseau de partenaires œuvrant pour la santé publique, soit : le ministère de la Défense nationale, en ce qui concerne la guerre biologique; les gouvernements provinciaux de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba, auxquels il offre des services d’inspection (en vertu de l’article 20 de la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments); les vétérinaires du secteur privé, en ce qui concerne les spécialistes de différents groupes d’animaux; le gouvernement des États-Unis, pour la lutte contre les maladies des animaux susceptibles de perturber la production des aliments.

30 Le Conseil est composé de 45 membres qui partagent leurs connaissances et participent à l’élaboration de politiques sur les initiatives concernant la salubrité des aliments, plus récemment à l’égard des risques suivants : ESB, E. coli entérohémorragique, listeria monocytogenes, grippe aviaire, campylobacter et salmonelle. Quand le Système de vérification de la conformité de l’ACIA est entré en vigueur, le Conseil a organisé une série d’ateliers à l’intention de ses membres afin de leur expliquer les changements au système d’inspection. Le Conseil reconnaît que ses membres ont besoin de la présence et de l’expertise des VM de l’ACIA dans les abattoirs pour continuer de fonctionner. En cas d’arrêt de travail, le Conseil serait incapable d’assumer la fonction d’inspection de la viande assurée par les VM de l’ACIA, parce qu’il ne possède pas l’expertise des VM de l’ACIA.

31 Au Canada et ailleurs, l’exploitation agricole et la transformation de ses produits à grande échelle, combinées avec l’effet de la mondialisation des marchés de l’alimentation, ont contribué à des risques croissants de maladies et de contamination. Les graves conséquences de l’éclosion de listériose de 2008 ont été citées comme exemple de l’importance de la salubrité des aliments et de la raison pour laquelle il est crucial de disposer de systèmes d’intervention d’urgence pour assurer cette salubrité.

32 Les normes internationales sont fondées sur la notion « un monde, une santé ». Ainsi, l’ACIA participe aux délibérations des grandes organisations internationales sur les programmes des viandes, dont la Commission du Codex Alimentarius et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. L’ACIA travaille également en étroite collaboration avec l’OIE, notamment en ce qui concerne la surveillance des maladies déclarables. En tant que membre de l’Organisation mondiale du commerce, le Canada contribue à établir les normes applicables dans le cadre de l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires.

33 Les programmes d’inspection des viandes ont changé au fil des années, passant des examens organoleptiques(inspection consistant à examiner visuellement, à toucher et à sentir les produits pour détecter les signes de maladie ou de contamination) à une norme scientifique d’analyse des risques et maîtrise des points critiques (HACCP) privilégiant la prévention comme moyen de contrôler la qualité du processus de production. La norme HACCP, qui a été proposée par la Commission du Codex Alimentarius pour l’industrie alimentaire en général et plus particulièrement pour la viande, la volaille et les fruits de mer, a été adoptée par quelque 150 pays.

34 Le plan HACCP précise, pour un processus ou pour un produit d’hygiène des viandes, tous les risques, points critiques de contrôle, limites critiques, procédures de surveillance, de déviation et de vérification, de même que tous les documents à conserver. Depuis 2005, les normes HACCP sont obligatoires dans tous les établissements agréés par l’ACIA en vertu du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes. La décision de rendre les normes obligatoires a coïncidé avec l’introduction du Système de vérification de la conformité, qui a combiné les vérifications du Programme d’amélioration de la salubrité des aliments avec les inspections traditionnelles du Programme d’inspection.

35 Le Système de vérification de la conformité met en place les tâches que le personnel d’inspection de l’ACIA doit accomplir pour s’assurer de la conformité aux exigences réglementaires. La conformité repose sur une approche de coopération entre les exploitants des établissements et le personnel d’inspection dans laquelle les exploitants remédient aux cas de non-conformité en élaborant et en mettant en œuvre des plans d’action. Quand cette approche se révèle infructueuse, l’ACIA applique les options d’application de la réglementation décrites dans le Manuel des méthodes de l’hygiène des viandes.

36 Au chapitre 18 du Manuel des méthodes de l’hygiène des viandes, on peut trouver une procédure, au sein du Système de vérification de la conformité, permettant de modifier les tâches de vérification. Dans les abattoirs, le Système de vérification de la conformité fonctionne en étroite collaboration avec le Système de gestion de la qualité, dont les activités sont exécutées sous la responsabilité du vétérinaire responsable et du vétérinaire régional.

37 Les principales activités des VM sont le contrôle et la surveillance de l’hygiène des viandes et des maladies animales, l’établissement des normes internationales de santé des animaux, la supervision des produits biologiques vétérinaires et de la biotechnologie, la supervision de l’importation et de l’exportation des animaux et des produits d’origine animale, et les rappels d’aliments et l’intervention en cas d’urgence. En qualité de spécialistes de la santé des animaux, les VM sont présents quand la matière première entre dans la chaîne de distribution des aliments (les abattoirs); ils sont aussi présents dans les laboratoires pour diagnostiquer les maladies et effectuer les examens. Ils contrôlent l’importation et l’exportation des animaux vivants et des produits de viande et ils élaborent des politiques et des procédures nationales d’évaluation des risques, de réaction en cas d’épidémie et d’atténuation des risques de maladies.

38 L’élément principal du travail des VM est la prévention ou la réduction des répercussions potentielles des zoonoses. Les zoonoses sont des maladies infectieuses transmissibles directement des animaux aux humains, soit à cause de la contamination de l’environnement par les animaux, soit par un vecteur. La salmonelle, l’E. coli, la leptospirose (maladies bactériennes), la rage, la grippe aviaire (maladies virales), l’oxychomycose, la sporotrichose (maladies mycotiques) et la toxoplasmose (maladie parasitaire) sont des exemples de ces maladies. Le virus du Nil occidental, propagé par les moustiques, et la maladie de Lyme, propagée par des tiques, sont des zoonoses transmises par des vecteurs.

39 D’autres risques de transmission de maladies sont les contacts entre les animaux sauvages et les animaux domestiques, la présence de pathogènes dans les réseaux d’aqueduc et celle de toxines dans les aliments pour animaux, qui peuvent affecter de nombreuses espèces animales. Contrairement aux médecins, qui ne traitent qu’une espèce, les vétérinaires doivent composer avec de nombreuses espèces et avec leurs interactions. Comme ils ne sont pas à la ferme, l’inspection des animaux quand ceux-ci arrivent à l’abattoir est habituellement leur première possibilité de détecter les maladies dont les animaux peuvent être atteints.

40 Un abattoir (également appelé un établissement) est une installation où l’on transforme des animaux vivants en produits alimentaires de consommation. L’abattoir est la porte d’entrée de l’industrie de la viande; c’est l’endroit où le bétail de ferme entre dans la chaîne alimentaire. Les abattoirs inspectés par le gouvernement fédéral sont de grands établissements de transformation et d’emballage de la viande assujettis à une réglementation commune qui transportent leurs produits au-delà des frontières provinciales et internationales (alinéas 7a) et 8a) de la Loi sur l’inspection des viandes).

41 Il existe trois grandes catégories d’abattoirs : les établissements dits d’abattage seulement (où l’on ne fait que débiter et désosser les carcasses); les établissements d’abattage et de transformation; les établissements de transformation seulement (où l’on ne fait que débiter, désosser et procéder à la transformation complexe de produits de viande). La plupart des abattoirs se spécialisent dans une seule espèce, comme le bœuf, le porc ou la volaille, mais certains peuvent effectuer la transformation de plusieurs espèces, dans le cas d’une production spécialisée ou réduite. Des règles casher et halal peuvent aussi contrôler le processus, mais ces préceptes religieux ne font pas l’objet de la présente décision. Pour comprendre l’intervention des médecins vétérinaires fédéraux dans les abattoirs, il vaut la peine d’expliquer brièvement le processus d’abattage.

42 Les bovins, les porcs, les moutons et les autres bêtes arrivent par camion d’une exploitation agricole ou d’un parc d’engraissement. Les oiseaux sont livrés à l’abattoir dans des cages et y restent jusqu’à l’abattage. L’inspection ante mortem des oiseaux consiste en un examen du document d’information concernant le troupeau; il y a parfois un examen visuel. Les autres animaux sont emmenés dans des parcs d’attente pour être soumis à des inspections ante mortem (consistant à examiner un échantillon d’un envoi) pour vérifier la santé des animaux, les pratiques d’élevage et si le transport s’est fait sans cruauté.

43 L’inspection ante mortem est décrite à l’article 2 du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes :

Pour les volailles :

[…]

« Examen ante mortem » Dans le cas de volailles, autres que l’autruche, le nandou ou l’émeu, examen effectué par un exploitant sous la supervision d’un médecin vétérinaire officiel. Sont assimilés à l’examen ante mortem l’examen d’un échantillon d’une expédition de ces volailles et la vérification du document d’information sur le troupeau accompagnant une telle expédition. (ante-mortem examination)

[…]

Pour les autres animaux :

[…]

 « Inspection ante mortem » Inspection d’un animal pour alimentation humaine effectuée par un médecin vétérinaire officiel ou par un inspecteur sous la supervision d’un médecin vétérinaire officiel.(ante-mortem inspection)

[…]

 [Je souligne]

44 Avant d’être abattu, l’oiseau ou l’animal est étourdi, puis suspendu sur la ligne de transformation. Il est saigné. La carcasse est dépouillée, éviscérée et inspectée. Les parties de l’oiseau ou de l’animal sont conservées ensemble sur la ligne de production afin que toute partie malade ou anormale puisse être reliée et si nécessaire parée, rejetée ou condamnée en tout point de la ligne de production grâce à un examen post mortem.

45  La description de l’inspection et de l’examen post mortem figure à l’article 2 du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes :

[…]

« examen post mortem » Dans le cas d’un animal pour alimentation humaine visé par un programme de coinspection ou un programme d’examen post mortem, examen du sang, de la carcasse ou de parties de celle-ci effectué par l’exploitant sous la supervision d’un médecin vétérinaire officiel. (post-mortem examination)

[…]

« inspection post mortem » Inspection du sang ou de la carcasse d’un animal pour alimentation humaine, ou de parties de celle-ci effectuée par un médecin vétérinaire officiel ou par un inspecteur sous la supervision d’un médecin vétérinaire officiel. (post-mortem inspection)

[…]

[Je souligne]

46 Les carcasses sont réfrigérées pour réduire la détérioration de la viande, découpées et emballées. Les déchets sont envoyés à une usine d’équarrissage licenciée. Les eaux usées découlant du processus d’abattage sont envoyées à une usine de traitement spécialisée. La viande est alors prête pour la distribution.

47 Les animaux vivent dans un continuum : ils naissent, croissent pour des périodes spécifiées puis sont abattus. Si les animaux ne peuvent pas être abattus comme prévu, leur croissance continue. Si de nouveaux animaux naissent et que les animaux arrivés à maturité ne sont pas abattus, les élevages deviennent surpeuplés et les risques de maladie et d’épidémie vont en croissant. Les animaux détruits à l’exploitation à cause d’une maladie n’entrent pas dans la chaîne alimentaire. Puisque l’ACIA ne gère pas les troupeaux, elle ne dit pas aux éleveurs comment gérer leur cheptel.

48 Les abattoirs provinciaux sont assujettis à une législation et à une réglementation qui leur sont propres, et leurs produits ne sont pas expédiés au-delà des limites provinciales (paragraphe 8 de la Loi sur l’inspection des viandes). L’échelle et l’envergure distinguent le système fédéral des systèmes provinciaux. Les abattoirs fédéraux agréés transforment environ 85 % des animaux abattus, comparativement à environ 15 % pour les abattoirs provinciaux licenciés. Ces abattoirs provinciaux sont habituellement de petites entreprises familiales situées dans des régions rurales qui transforment de petites quantités d’agneaux et de veaux et se consacrent à des marchés spécialisés comme le bison, le cerf et le wapiti d’élevage, l’autruche, l’émeu, le canard, l’oie, la perdrix, le poulet de Cornouailles et le sanglier. En outre, les établissements provinciaux ne satisfont habituellement pas aux exigences de construction des établissements fédéraux.

49 Une autre différence importante consiste en la présence d’un vétérinaire à chaque abattoir fédéral pour effectuer les examens et les inspections ante mortem et post mortem. La taille des établissements fédéraux et le nombre d’animaux qu’on y transforme justifient qu’on doive avoir un accès immédiat à un vétérinaire et rend ce besoin économiquement réalisable. Dans la plupart des établissements licenciés par les provinces, l’abattage a lieu un ou deux jours par semaine et le nombre d’animaux abattus est comparativement peu élevé, de sorte que la présence d’un vétérinaire est peu souvent requise. On peut habituellement obtenir par téléphone des conseils d’un médecin vétérinaire ou d’un médecin vétérinaire régional, et on appelle un vétérinaire dûment nommé pour ce faire à l’établissement pour qu’il examine un animal ou une carcasse. Tout comme dans le système fédéral, quand un agent provincial d’hygiène des viandes constate un problème qui nécessite l’attention d’un vétérinaire, on conserve l’animal ou la carcasse en attendant les recommandations appropriées. Aucune décision n’est prise quant à l’élimination de l’animal ou de la carcasse tant qu’une recommandation n’a pas été obtenue. Les produits des établissements de transformation de la viande agréés par le gouvernement fédéral peuvent être transportés d’une province à l’autre et au-delà des frontières internationales, tandis que les produits des établissements provinciaux ne peuvent pas franchir les limites de leur province.

50 Dans les abattoirs, des VM-1 supervisent le travail des inspecteurs techniques classifiés EG (Soutien technologique et scientifique). Les VM peuvent être répartis entre les quarts de travail en fonction de la taille de l’exploitation et du type d’animaux abattus. Le nombre d’inspecteurs présents dans un abattoir dépend de sa taille et de la vitesse de la ligne d’inspection. Dans un établissement transformant ou conservant des produits de viande, un EG travaillant sous la direction d’un vétérinaire surveille toutes les opérations. Un VM-3 peut également être présent dans un très grand établissement d’abattage.

51 Les EG sont formés pour déceler les anomalies chez les animaux à leur arrivée, comme la boiterie, l’incapacité à marcher normalement, des tremblements ou des tiques, de la détresse respiratoire, des problèmes neurologiques ou n’importe quel autre trouble manifeste. On inspecte les volailles pour déceler un suintement, des écoulements ou des éternuements et d’autres problèmes. Les animaux présentant des troubles comme la tuberculose sont mis de côté jusqu’à ce qu’un vétérinaire les inspecte, afin d’éviter que la maladie contamine le poste d’abattage ou infecte les travailleurs de l’établissement. Un VM peut également donner sa décision au poste d’abattage même. En vertu du paragraphe 67(3) du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes, aucun animal destiné à l’alimentation humaine ne peut être abattu dans un établissement fédéral agréé sans l’autorisation d’un médecin vétérinaire officiel (ou d’un inspecteur travaillant sous la direction d’un médecin vétérinaire). En outre, en vertu du paragraphe 43(1) de ce même règlement, aucun animal destiné à l’alimentation humaine ne peut être retiré d’un établissement agréé sans l’autorisation écrite d’un VM.

52 Le paragraphe 67(7) du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes stipule qu’un VM peut donner des instructions et superviser des inspecteurs sans être constamment à l’établissement. Cela peut arriver lorsque le VM doit couvrir plus d’un établissement.

67. (7) Un médecin vétérinaire officiel peut aviser un exploitant ou un inspecteur qui n’est pas lui-même médecin vétérinaire officiel :

a) que les animaux pour alimentation humaine qui présentent certaines déviations par rapport au comportement normal ou à l’apparence normale n’ont pas à être renvoyés à un médecin vétérinaire officiel pour une inspection détaillée;

b) qu’il doit être disposé de ces animaux selon les instructions d’un médecin vétérinaire officiel.

(8) L’exploitant doit se conformer aux instructions du médecin vétérinaire officiel données aux termes des paragraphes (6) ou (7).

[…]

53 Si un vétérinaire est absent pour une période limitée, les abattoirs peuvent effectuer des opérations d’abattage avec des EG qualifiés et ayant reçu toute la formation nécessaire pour les espèces abattues. Toutefois, si des carcasses sont retenues, un vétérinaire doit être sur place au plus tard à la fin de la journée de l’abattage pour s’occuper des dispositions requises. L’abattoir peut détruire des animaux suspects sans l’intervention d’un vétérinaire; toutefois, un examen post mortem de ces animaux devra être effectué afin de confirmer ou non la présence d’une maladie. Quand une carcasse est sur la ligne de transformation, l’abattoir ne peut pas se débarrasser d’une carcasse suspecte sans avoir d’instructions en ce sens d’un VM.

54 En vertu de l’article 9 du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes, un produit de viande ne peut être désigné comestible à moins que l’animal destiné à la consommation dont il est dérivé ait fait l’objet d’un examen ou d’une inspection ante mortem et que la carcasse ait été soumise à un examen post mortem.

55 Les VM supervisent également les exploitants autorisés, en vertu de l’article 30.2 du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes, à appliquer un programme d’inspection conjoint ou un programme d’examen post mortem. Dans le cadre d’un programme d’inspection conjoint, l’exploitant est responsable de certaines parties de l’examen post mortem des animaux destiné à l’alimentation humaine (article 2 du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes).Le VM s’assure que les renseignements sur les animaux et les troupeaux sont disponibles, qu’il n’y a pas de problèmes de salubrité des aliments, que les animaux transportés sont en bonne santé et qu’ils ont été transportés sans cruauté. En vertu des paragraphes 67(8), 68(1) et 83(4) du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes, l’exploitant doit se conformer aux instructions du VM dans l’exercice de ses activités.

56 La licence de l’exploitant peut être suspendue, voire révoquée, s’il ne se conforme pas aux exigences de la Loi sur l’inspection des viandes, du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes, du manuel du Programme d’amélioration de la salubrité des aliments ou du Manuel des procédures de l’ACIA.

57 Les médecins vétérinaires régionaux VM-3 fournissent aux VM des abattoirs des conseils politiques dans leurs rapports avec les exploitants, assurent la cohérence en matière d’application de ces politiques et la mise à jour des exigences de l’industrie, par exemple en ce qui a trait aux conditions applicables à l’exportation. Ils fournissent des connaissances scientifiques et de l’assistance dans les cas de risques de maladie et de rappels d’aliments, et s’emploient à atténuer tous les dangers pour la vie, la santé, les biens ou l’environnement pouvant résulter de l’existence d’une maladie. Au niveau national, les VM contribuent à l’élaboration des politiques et des exigences applicables aux permis d’importation et d’exportation.

58 Le Programme de la santé des animaux de la Direction des opérations est responsable de l’identification des maladies et de la lutte contre celles-ci au Canada en vertu de la Loi sur la santé des animaux et du Règlement sur la santé des animaux. Les échantillons prélevés dans les abattoirs permettent de remonter jusqu’à l’exploitation agricole d’origine et d’y effectuer des examens sur d’autres animaux atteints par une maladie. Tout le cheptel d’une exploitation peut être mis en quarantaine par suite d’un diagnostic de maladie.

59 En vertu de l’article 33 de la Loi sur la santé des animaux, les inspecteurs-vétérinaires exercent les pouvoirs et s’acquittent de toutes les fonctions du ministre d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. L’article 2 de la Loi sur la santé des animaux donne la définition suivante d’uninspecteur-vétérinaire : « Personne désignée à ce titre en application de l’article 32. »

60 Pour prévenir la transmission de maladies à d’autres troupeaux au Canada et à cause de leur importance pour la santé des humains ou des animaux ainsi que de l’économie canadienne, les maladies décrites dans la Loi sur la santé des animaux et dans le Règlement sur les animaux doivent être déclarées à un médecin vétérinaire de district de l’ACIA. On effectue des examens de laboratoire pour confirmer les constatations du vétérinaire. Un VM peut être tenu de se rendre à la ferme pour y effectuer un examen et poser un diagnostic. L’article 5 du Règlement sur la santé des animaux stipule que seul un inspecteur-vétérinaire peut ordonner des mesures telles que la quarantaine ou la destruction d’un animal :

5. (1) Un inspecteur-vétérinaire peut ordonner à quiconque a la garde d’un animal atteint d’une maladie transmissible, soupçonné de l’être ou ayant été en contact avec un tel animal,

a) de mettre l’animal en quarantaine, de l’isoler ou de le traiter,

b) d’abattre l’animal, ou

c) d’abattre l’animal et d’en détruire le cadavre,

conformément à l’ordonnance qui précise la manière, le lieu, les conditions et les délais nécessaires pour empêcher la propagation des maladies transmissibles.

(2) Toute personne visée par l’ordonnance prévue au paragraphe (1) doit s’y conformer.

(3) Si une ordonnance visée au paragraphe (1) n’est pas exécutée dans le délai y prescrit, un inspecteur-vétérinaire peut faire en sorte que l’animal

a) soit transporté à un établissement enregistré aux termes de la Loi sur l’inspection des viandes et y soit abattu; ou

b) soit abattu au moment et à l’endroit qu’il fixe, et son cadavre détruit comme il en décide.

 [Je souligne]

61 En vertu du paragraphe 104(1) du Règlement sur la santé des animaux, seul un inspecteur-vétérinaire peut ordonner une désinfection résultant de la présence d’un animal malade :

104. (1) Lorsqu’un inspecteur-vétérinaire découvre ou soupçonne qu’un animal est atteint ou est mort d’une maladie transmissible, il peut

a) ordonner

(i) au propriétaire ou à l’occupant d’un bâtiment, d’une étable, d’un parc ou d’un autre lieu contaminé par une maladie transmissible ou soupçonné de l’être, et

(ii) au propriétaire ou à l’exploitant d’un aéronef, wagon de chemin de fer, véhicule ou navire contaminé par une maladie transmissible ou soupçonné de l’être,

de nettoyer et désinfecter ce bâtiment, cette étable, ce parc, cet autre lieu, cet aéronef, ce wagon de chemin de fer, ce véhicule ou ce navire; […]

[…]

[Je souligne]

62 En vertu de l’article 114 du Règlement sur la santé des animaux, seul un inspecteur-vétérinaire peut ordonner l’élimination des cadavres contaminés :

114. Un inspecteur-vétérinaire peut ordonner au propriétaire d’un animal mort ou soupçonné d’être mort d’une maladie transmissible ou qui est détruit selon les articles 37 ou 48 de la Loi, ou à la personne qui en a la possession, la charge des soins ou la responsabilité, d’éliminer le cadavre de l’animal de la façon qu’il peut prescrire.

[Je souligne]

63 En laboratoire, les vétérinaires-scientifiques effectuent des examens de laboratoire spécialisés et de la recherche, fournissent des avis scientifiques spécialisés, et élaborent des technologies pour appuyer le personnel de l’ACIA affecté dans les abattoirs et dans ses activités générales de promotion de la santé publique. Ces vétérinaires effectuent des évaluations des risques relatives aux maladies et aux ravageurs introduits au Canada et susceptibles de menacer les végétaux et les animaux d’ici. Les activités de détection des maladies et de recherche en laboratoire encouragent la participation de l’ACIA aux efforts multilatéraux d’établissement de normes internationales de laboratoire pour la protection de la santé des animaux et des végétaux.

64 L’ACIA dirige un réseau de 14 laboratoires répartis dans tout le pays. Au sein du système laboratoire, des vétérinaires spécialement formés font des analyses anatomiques fondamentales et cellulaires pour diagnostiquer les pathologies animales causant des maladies et la transmission de maladies afin d’appuyer les efforts des programmes de l’hygiène des viandes et de la santé des animaux. Leur travail est à la base des recommandations scientifiques sur lesquels se fondent les programmes de l’ACIA et les organismes de santé publique.

65 Les laboratoires contribuent également à la détection des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST). L’encéphalopathie spongiforme bovine est une dégénérescence du système nerveux central des bovins; elle est liée à un trouble rare mais fatal chez l’humain appelé variante de la maladie de Creutzfeldt-Jacob, la forme la plus connue de l’EST humaine.

66 Le Laboratoire d’Ottawa à Fallowfield (LOF) se consacre à la recherche et à la gestion agricole, et agit à titre de laboratoire de bioconfinement des maladies déclarables et exotiques. Une partie de ses activités est consacrée à la gestion d’une ferme de 200 acres d’élevage de petits troupeaux de porcs, de moutons et de poulets exempts de pathogènes et de grippe aviaire servant à réaliser des expériences et des examens comparatifs dans un environnement contrôlé pour étudier des maladies connues. Cette ferme est unique au Canada, et le troupeau de porcs est même le seul du genre en Amérique du Nord. Les laboratoires que l’ACIA administre dans tout le Canada se servent des animaux et des produits de cette ferme pour leurs examens. Par exemple, le Laboratoire de Winnipeg s’est servi des œufs du troupeau du LOF pour ses tests sur le virus de la grippe H1N1.

67 Un des rôles clés du médecin vétérinaire affecté au LOF consiste à superviser la production, la propriété agricole et l’utilisation de recherches et d’animaux aux fins de diagnostic sur la ferme en assurant leurs soins d’urgence, leur traitement et leur euthanasie sans cruauté au besoin, ainsi qu’en effectuant tous les examens post mortem des animaux morts à l’improviste. Ces animaux jouent un rôle essentiel dans les programmes de détection et de prévention visant à lutter contre la propagation des maladies, et il faut leur prodiguer des soins vétérinaires soutenus.

68 Le Laboratoire de Winnipeg s’occupe d’animaux infectés dans le cadre de procédures d’examen ou de projets visant à détecter les maladies des animaux. Ces animaux hautement pathogènes ont besoin de soins constants d’un médecin vétérinaire qui déterminera l’utilité des barbituriques et autres substances contrôlées qu’il faut leur administrer, et qui s’occupera de les euthanasier sans cruauté à la fin du cycle d’examens. Le chef de l’unité aviaire dirige l’administration des tests diagnostiques utilisés pour détecter des maladies comme la grippe aviaire, la maladie de Newcastle, la peste porcine classique, la fièvre catarrhale du mouton, la fièvre hémorragique épizootique, la peste porcine africaine, la rhinotrachéite de la dinde, le morbillivirus et d’autres maladies virales exotiques. Cette unité joue également un rôle important dans le programme de surveillance des oiseaux sauvages du Canada, une des nombreuses initiatives en matière de prévention et de préparation en vue de la grippe aviaire du gouvernement fédéral conjointement avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et autres praticiens des secteurs privé et public.

69 Le Laboratoire de Lethbridge gère un troupeau de bovins exempts de pathogènes dont on se sert dans les programmes de biosécurité bovine visant à réduire la transmission de maladies. Ce laboratoire administre également des programmes de vêlage et d’insémination artificielle.

70 Les VM de l’ACIA sont également responsables de programmes de diagnostic des zoonoses et de la tuberculose bovine, une maladie déclarable en vertu du Règlement sur la santé des animaux pouvant être transmise aux humains. Les VM qui travaillent dans les laboratoires, de concert avec leurs collègues des programmes et des opérations, s’affairent à établir des mesures de confinement de ces maladies en cas d’éclosion. Les laboratoires sont normalement en mesure de recevoir des échantillons du lundi au vendredi mais, en cas d’urgence, ils peuvent également en recevoir en tout temps. Les échantillons sont envoyés par des VM de l’ACIA; les examens sont effectués par des EG, mais tous les diagnostics doivent être confirmés par un VM. Les échantillons d’une maladie suspecte peuvent également être envoyés, aux fins d’un examen, par un vétérinaire du secteur privé par l’intermédiaire d’un bureau de district de l’ACIA.

71 Il y a bien d’autres exemples du travail unique accompli par les VM. Par exemple, le vétérinaire pathologiste du LOF effectue des tests diagnostiques afin de déceler des changements pathologiques et prononce des diagnostics experts à l’appui des programmes de l’ACIA et des associations d’éleveurs et de producteurs, du personnel de laboratoire et des laboratoires privés et provinciaux. Le vétérinaire microbiologiste gestionnaire du LOF élabore et évalue des tests diagnostiques pour les équipes du programme et il est le seul médecin vétérinaire microbiologiste de tout le programme des zoonoses. Le gestionnaire pathologiste du Laboratoire de Saint-Hyacinthe appuie les travaux de pathologie des abattoirs au Canada et aide le Laboratoire de Winnipeg à détecter les cas de maladies exotiques des animaux de même que les cas de grippe aviaire.

72 Les vétérinaires travaillent continuellement sur des projets susceptibles de devenir urgents n’importe quand, comme lorsqu’un taux de décès d’animaux devient soudainement très élevé sans explication ou qu’on constate une éclosion de grippe aviaire, une maladie facilement transmissible dans l’air. Actuellement, l’incidence de grippe aviaire dans la population d’oiseaux sauvages et la menace qu’elle représente pour les troupeaux domestiques est à l’étude.

73 L’ACIA doit pouvoir rapidement mettre en œuvre des mesures de lutte contre les maladies présentant des risques pour la santé publique parce qu’elles peuvent se propager en quelques heures. Dans ces cas-là, un VM-2 de district supervise la collecte d’échantillons pour examen. Par exemple, un diagnostic de tuberculose au moment de l’abattage exige qu’on trouve rapidement l’origine du mal pour éviter qu’il se propage. Les VM répondent également aux demandes de renseignements des vétérinaires du secteur privé qui n’ont pas reçu la formation nécessaire pour savoir comment réagir en cas d’urgence et quelles procédures biomédicales appliquer.

74 Dans le contexte des politiques et des programmes, les VM se concentrent sur l’analyse globale et sur les ajustements à faire à la frontière quand une maladie est diagnostiquée dans un autre pays. Des maladies qui n’ont traditionnellement pas été menaçantes pour le Canada le sont maintenant. Certaines migrent de leurs foyers historiques à cause du changement climatique, comme la fièvre catarrhale du mouton, la fièvre de la vallée du Rift et le virus d’Ebola. Les inspections des importations effectuées dans les aéroports par l’ASFC préviennent l’entrée illégale d’animaux susceptibles d’être porteurs de telles maladies. Par exemple, on sait que les tortues et les reptiles peuvent être porteurs de la salmonelle.

75 L’exportation de produits de viande est contrôlée par le Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes, plus particulièrement par l’article 122.1 qui stipule que les certificats d’inspection doivent préciser que les produits de viande dérivés d’animaux destinés à la consommation humaine ont fait l’objet d’une inspection ante mortem et post mortem réalisée par un médecin vétérinaire conformément à ce règlement.

76 L’exportation d’animaux est réglementée en vertu de l’article 19 de la Loi sur la santé des animaux, qui dispose qu’aucun animal ne peut être exporté sans qu’un inspecteur-vétérinaire n’ait certifié la conformité aux exigences en matière de santé, de protection et de transport.

77 L’importation de produits de viande est régie par l’article 123 du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes, qui prévoit que le produit de viande importé doit avoir été transformé dans un établissement fonctionnant conformément à un système fondé selon les normes HACCP réputé équivalent au Programme d’amélioration de la salubrité des aliments établi par l’ACIA. Un médecin vétérinaire principal est la personne-ressource finale pour les questions concernant le statut des maladies et les risques associés à l’importation d’animaux ou de leurs produits, ainsi que les problèmes relatifs aux expéditions d’importation et aux quarantaines. Il donne l’avis faisant autorité pour le contrôle frontalier des animaux entrant au Canada ainsi que pour l’élimination et la désinfection en cas de mort en transit posant un risque d’introduction de maladie. Advenant une éclosion de maladie animale, le médecin vétérinaire principal joue un rôle de premier plan pour veiller à ce que les changements de politiques qui assurent la protection du statut de la santé des animaux du Canada soient faits et que des zoonoses n’entrent pas au Canada.

78 En vertu de l’article 150 du Règlement sur la santé des animaux, tout transporteur aérien et maritime doit, à la fin d’un vol ou d’un voyage, faire rapport à l’inspecteur-vétérinaire, au port d’embarquement, de tout animal mort, tué ou gravement blessé au cours du vol ou du voyage.

79 Une inspection est requise pour les porcs, les ours, les volailles non domestiques, les félins non domestiques provenant des États-Unis et les bovins destinés à être immédiatement abattus; l’inspection est effectuée par un VM sur rendez-vous (à certaines exceptions près). Certaines catégories d’animaux ne sont pas inspectées à la frontière. La cession à l’État des animaux qui ne peuvent être importés peut exiger une inspection par un médecin vétérinaire avant leur destruction. Les VM ne s’occupent pas des inspections primaires aux postes frontaliers, mais constituent un niveau d’inspection secondaire pour l’ASFC et ils assurent des services d’urgence. Une éclosion peut causer la fermeture de la frontière.

B. Preuve de l’Institut

80 Les témoins de l’Institut n’ont pas contesté que l’ACIA offre les services décrits dans la preuve mentionnée ci-dessus. Toutefois, ils ont déclaré que, selon leur expérience sur le terrain, l’ACIA avait surévalué l’importance de la présence constante d’un VM dans la conduite de ses opérations. Ils ont aussi déclaré être d’avis que les descriptions de travail déposées par l’employeur dans sa preuve n’étaient plus à jour et ne reflétaient pas la véritable nature de leur travail. Bref, les arguments des témoins peuvent être résumés comme suit :

  • Les VM et les EG ont une formation analogue. Les EG sont hautement qualifiés et peuvent assumer une grande partie des tâches d’un VM.
  • En raison des changements des procédures d’hygiène des viandes intervenus depuis 1999, particulièrement le HACCP et le Système de vérification de la conformité, les VM n’exécutent plus les inspections d’importance critique qu’ils effectuaient auparavant; ces tâches ont été déléguées aux EG et à l’industrie.
  • La responsabilité de la salubrité des aliments, comme le processus de rejet de la volaille, incombe à l’exploitant, qui peut éliminer les carcasses suspectes plutôt que de les faire inspecter par un VM.
  • Les certificats de condamnation délivrés par un VM n’ont aucune valeur médicale. Le rôle du VM consiste à attribuer la perte financière quand un animal n’entre pas dans la chaîne alimentaire.
  • Les VM n’inspectent pas la viande importée ni la viande dans les établissements de transformation.
  • La responsabilité de gestion de la qualité du VM est une responsabilité de vérification qui n’a rien d’urgent; il peut s’en acquitter après coup.
  • Les questions relatives au traitement sans cruauté des animaux sont gérées par le personnel de l’établissement et le personnel d’inspection et elles ne constituent pas une question de salubrité des aliments.
  • Les éclosions de maladies étrangères (qui sont rares) ont été constatées dans des exploitations agricoles canadiennes et non dans les abattoirs.
  • En l’absence de VM dans les abattoirs, on peut saisir l’administration centrale de l’ACIA ou un VM de district des soupçons de maladies pour obtenir leur intervention.
  • Les quarantaines peuvent être imposées par des inspecteurs et n’ont pas d’incidence immédiate sur la sécurité du public.
  • Certains abattoirs fédéraux ont été exploités – et des animaux ont été abattus – sans qu’un VM soit présent, et ce, pour toute une journée.
  • Dans les abattoirs où l’on produit de la viande rouge, le personnel de l’exploitant peut euthanasier un animal dont la viande est impropre à la consommation; la présence d’un VM est nécessaire seulement pour qu’il puisse effectuer une inspection post mortem en cas de problème grave ou si l’on soupçonne l’existence d’une maladie animale étrangère. Ce n’est pas une procédure d’urgence.
  • Dans les abattoirs de volaille, le producteur est responsable de l’exactitude et de la réception en temps opportun des rapports sur les troupeaux; les VM signent ces rapports trimestriellement.
  • Les fiches de transport pour la livraison du bétail signées par les VM sont une exigence d’exportation; la viande provenant de bovins abattus dans une province est comestible même sans une telle fiche.
  • Un inspecteur-vétérinaire et non un VM est présent aux trois points suivants du processus d’abattage : quand les oiseaux sont déchargés et quand ils sont assommés (abattage sans cruauté) ainsi que dans l’aire de protection. Un VM-2 intervient quand on constate la présence d’animaux morts à l’arrivée.
  • Les inspecteurs-vétérinaires font des enquêtes assujetties à la vérification par un VM-2. C’est un VM-2 qui s’assure que les inspecteurs-vétérinaires font leur travail correctement.
  • Un VM peut aviser un exploitant ou un inspecteur-vétérinaire que certaines déviations par rapport à la normale n’ont pas à lui être rapportées et qu’on peut en disposer conformément aux instructions (paragraphes 83(1) et (3) du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes) sans qu’un VM soit constamment présent.
  • Un VM peut donner des instructions à l’avance sur la façon d’effectuer une inspection post mortem (paragraphe 83(5) du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes).
  • La fermeture d’abattoirs pendant de courtes périodes (comme durant la panne de courant de 2002 en Ontario) n’a aucune incidence sur la santé ni sur la sécurité du public.
  • En cas de grève, les carcasses peuvent être conservées et les produits de viande vendus dans la province d’origine.
  • Le fait que des certificats d’exportation ne sont pas signés n’a aucune incidence sur la santé ni sur la sécurité du public.
  • Le système provincial d’exploitation des abattoirs sans qu’un médecin vétérinaire y soit constamment présent n’a pas d’effet néfaste sur la santé ni sur la sécurité du public.
  • Les projets d’échantillonnage et de surveillance relatifs aux exigences d’importation applicables aux produits, aux sous-produits et aux animaux peuvent se poursuivre sans la présence immédiate d’un VM.
  • La délivrance et l’endossement des certificats d’exportation peuvent être interrompus dans l’éventualité d’un arrêt de travail.
  • L’analyse du sperme et des embryons aux centres d’insémination artificielle, principalement pour exportation, peut être effectuée par des inspecteurs; des produits peuvent être surgelés sans danger jusqu’à ce qu’un VM soit disponible.
  • Les inspections effectuées par un VM à la frontière ont essentiellement pour objet d’assurer le bien-être des animaux et leur transport sans cruauté, ce qui n’affecte en rien la santé ou la sécurité des humains. Pour de nombreuses espèces, il n’est pas nécessaire d’effectuer une inspection à la frontière; les exploitants prennent rendez-vous dans le cas des espèces pour lesquelles on exige une inspection.
  • La mise à jour des procédures, de la législation, des politiques et des programmes n’est pas une tâche essentielle et elle pourrait être reprise sur une base urgente dans l’éventualité de l’éclosion d’une zoonose déclarable ou à notification immédiate. Un employé de l’ACIA autre qu’un VM peut répondre à une demande de renseignements sur une maladie animale ou sur les politiques d’éradication, et il est possible de gérer n’importe quelle autre urgence grâce aux activités d’urgence déjà convenues dans le contexte d’un règlement partiel d’une entente sur les services essentiels.
  • L’information sur les importations est disponible, sans que la présence d’un VM soit nécessaire, dans le Système de référence automatisé sur les importations, les règlements et les politiques. L’Institut a accepté qu’un VM puisse être disponible si des questions restaient sans réponse.
  • La solution la plus sûre pour les importations en cas d’arrêt de travail consiste à les empêcher d’entrer au pays, ce qui n’a aucune incidence sur la santé ni sur la sécurité du public.

VI.  Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

81 Si l’on soupçonne l’éclosion d’une maladie, l’employeur déclare que les VM jouent un rôle crucial pour la diagnostiquer et pour déterminer la nécessité d’une réponse. Il importe peu que la maladie soit déclarable ou soit une zoonose. En vertu de la législation, l’employeur n’est pas tenu de changer ses opérations pour parer à l’urgence ni de trouver une autre méthode de prestation du service. Si certains membres du public ont recours au service, il est essentiel. L’employeur soutient que le travail des VM dans les abattoirs est essentiel pour la santé et la sécurité du public. La question de savoir si les abattoirs pourraient être fermés dans l’éventualité d’un arrêt de travail pour assurer la protection du public n’est pas pertinente dans le cas qui nous intéresse.

82 L’employeur affirme que des postes précis nécessaires à la prestation sécuritaire de l’hygiène des viandes sont essentiels à la santé publique. Les activités essentielles sont les examens et les inspections ante mortem et post mortem, parce qu’elles ont une incidence sur les responsabilités de l’ACIA en matière de santé publique. Les activités de laboratoire de l’employeur sont également nécessaires à la sécurité du public. L’ACIA est assujettie à un cadre de réglementation servant à prévenir la propagation des maladies et à protéger la santé publique, ce qui comprend la sécurité de l’approvisionnement alimentaire provenant des ressources agricoles. Bien que la plupart des services soient offerts en tant que réactions aux événements à mesure que ceux-ci se produisent, ils ont tout de même la protection de la santé publique comme objectif. Les mesures de contrôle des importations sont continues et, par conséquent, nécessitent une surveillance constante afin d’identifier les risques. L’employeur demande que j’établisse la norme des activités satisfaisant aux critères du paragraphe 4(1) de la LRTFP.

83 L’employeur soutient que les décisions antérieures sur les raisons de la protection de la sûreté et la sécurité du public sous le régime de l’ancienne Loi, particulièrement à l’égard du groupe Sciences vétérinaires, sont toujours pertinentes sous le régime de la LRTFP. Les manifestations des maladies changent, leurs agents connaissent des mutations et de nouvelles maladies pointent toujours à l’horizon.

84 L’employeur fait valoir qu’en vertu du paragraphe 4(1) de la LRTFP la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») peut tenir compte de l’ensemble des opérations de l’ACIA et n’a pas à se limiter aux activités qui se dérouleraient dans le contexte d’un arrêt de travail.

85 Même si le travail des VM a changé et privilégie désormais l’assurance de la conformité, ils n’en exercent pas moins leur compétence et leur jugement professionnel tous les jours. Les VM sont les gestionnaires du risque concernant les produits alimentaires qui entrent dans le système alimentaire. Par conséquent, leur travail consiste à protéger la population canadienne des risques pouvant être prévenus, à gérer l’hygiène des animaux pour prévenir la transmission de leur maladie aux humains et à assurer notre sécurité contre les menaces aux frontières.

86 La notion de santé publique signifie davantage que l’absence de maladies répandues dans le public, puisqu’elle a une incidence sur la sûreté et la sécurité du public. La gestion de l’épidémie d’ESB en Saskatchewan et celle d’une offre d’aliments désormais mondialisée ne sont que des exemples de la façon de l’ACIA de prévenir les risques pour notre approvisionnement alimentaire. On a diagnostiqué des cas de fièvre aphteuse en Angleterre, dans un abattoir, ce qui démontre le rapport entre le travail des VM dans un abattoir et la mondialisation de l’offre d’aliments. Le travail des VM est multidisciplinaire. Le bien-être des animaux est une question d’importance, parce que les animaux en détresse libèrent des pathogènes susceptibles d’avoir une incidence sur la chaîne alimentaire si l’on ne fait rien pour les contrer.

87 Le Conseil est un important intervenant lorsqu’il s’agit d’améliorer la salubrité de la viande et des produits de viande. Ses représentants se réunissent avec ceux de l’ACIA et de Santé Canada à cet égard. La salubrité des produits est le moteur des marchés de la viande propre à la consommation. Les consommateurs s’attendent à ce qu’on leur offre un produit salubre. Aucune autre source d’aliments ne peut remplacer le volume de viande inspectée par les autorités fédérales. Le Rapport de l’enquêteure indépendante sur l’éclosion de listériose de 2008 fournit une description révélatrice de la sécurité du système alimentaire canadien. Les visites sur le terrain de deux abattoirs ont révélé l’importance fondamentale du travail et des interactions entre les VM et les inspecteurs alimentaires dans les abattoirs. Les VM ont le pouvoir d’exiger qu’on remédie aux conditions insalubres, et leur travail est essentiel à l’évaluation de la santé des animaux, aux diagnostics des maladies et à la certification des animaux aux fins d’importation et d’exportation.

88 Le fait que quelqu’un d’autre puisse faire le travail des VM n’est pas pertinent. Les VM sont importants pour l’état zoosanitaire du cheptel national. Ils ont la base de connaissances nécessaires et peuvent répondre aux questions et aux demandes de renseignements au fur et à mesure. Les activités de surveillance, de suivi et de lutte contre la maladie sont continues. La maladie peut se propager et devenir un problème pour la santé publique en très peu de temps. Le déplacement des animaux et leur contact avec la faune posent un risque supplémentaire. Les services des VM dans les abattoirs et dans les laboratoires ne peuvent pas être retirés sans danger, parce que le risque de maladie est imprévisible et qu’il faut y réagir immédiatement.

89 En réponse aux arguments de l’Institut, l’employeur déclare que même si les importateurs prennent effectivement rendez-vous pour des inspections à la frontière, on peut raisonnablement s’attendre à ce que certains n’en prennent pas, et c’est pourquoi l’ACIA a conclu un protocole d’entente avec l’ASFC pour parer à de telles situations. Il n’est pas réaliste non plus de s’attendre à ce que le Canada ferme ses frontières quand les VM iront en grève. La question n’est pas la fermeture des frontières du Canada, mais plutôt de savoir s’il y a des risques pour notre sécurité qui exigent qu’on interrompt les importations.

90 En ce qui concerne les abattoirs, l’employeur affirme qu’il ne s’agit pas de savoir si les abattoirs devraient rester ouverts, mais plutôt de se demander si l’employeur peut maintenir ses opérations dans l’éventualité d’une grève. Si les abattoirs sont fermés, une entente sur les services essentiels devient inutile. L’ACIA n’exploite pas d’abattoirs; elle réglemente les activités des producteurs privés. Elle conclut des marchés avec les exploitants pour recouvrer le coût des services qu’elle leur offre, et ces marchés n’ont rien à voir avec la raison d’être des activités des VM.

91 L’employeur maintient que les autres possibilités d’offre ne sont pas pertinentes dans le contexte de la question fondamentale de la santé publique. La production provinciale ne peut pas remplacer la production fédérale actuelle, et certaines provinces ont d’ailleurs conclu des ententes avec l’ACIA pour des services d’hygiène des viandes. L’élimination des stocks accumulés n’est pas pertinente, puisque la durée d’un arrêt de travail est imprévisible.

92 Le principe « un monde, une santé » en ce qui a trait à la réalité de la mondialisation est censé adresser la salubrité des aliments et n’est pas hypothétique. Ce qui est crucial n’est pas que les descriptions d’emploi reflètent la réalité actuelle, mais plutôt que les activités spécifiques dont l’employeur a besoin pour s’acquitter de son mandat la reflètent. L’employeur déclare que son argumentation repose sur les activités cruciales accomplies par certains postes plutôt que sur des principes généraux qui ne servent absolument pas à trancher cette affaire. Il affirme que la seule pertinence des pannes d’électricité antérieures, c’est que des urgences peuvent arriver et qu’il faut y réagir.

93 L’employeur invoque les cas suivants à l’appui de sa position : Aéroports de Montréal, [1991] CCRI no 23; Énergie atomique du Canada limitée, [2001] CCRI no 122; Procureur général du Canada c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, 1997 1 C.F. 56; Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Canada (Conseil du Trésor), [1982] 1 R.C.S. 696; Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 181-02-134 (19810407); Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 181-02-134 (19811119); Fraternité internationale des ouvriers en électricité c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 181-02-08 (19690925); NAV Canada, [2002] CCRI no 168; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 181-02-173 (19850221); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 155; R. v. Perlich Bros. Auction Market Ltd. and Verhoeven, 1979 A.J. No. 936 (QL); Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor),dossier de la CRTFP 181-02-49 (19760630); Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 181-2-49 (19760506); Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 181-02-49 (19760810); Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254; Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 128; Union des producteurs agricoles c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2001 CF (1re inst.) 1432; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42; Agence canadienne d’inspection des aliments c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 13; Finkelman and Goldenberg, Collective Bargaining in the Public Service: The Federal Experience in Canada, 1st Ed. (1983), p. 483-549; (Finkelman and Goldenberg), Evidence and Procedure in Canadian Labour Arbitration, Vol. 1 (1994) paragraphes. 11.12-11.13; Débats de la Chambre des communes, Rapport officiel (Hansard), 37e législature, 2e session, Vol. 138, no 060 (14 février 2003); Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 181-02-16 (19720221); Jaworski c. Canada (Procureur général), [1998] 4 C.F. 154; Rootham, Labour and Employment Law in the Federal Public Service, Chapitre 6, « Bargaining » (2007); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 56; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Serco Facilities Management Inc. v. Public Service Alliance of Canada, 1999 N.J. No. 201 (QL); The Crown in Right of Ontario v. Ontario Public Service Employees Union, dossier no 2697-04-M, Commission des relations de travail de l’Ontario; The Crown in Right of Ontario v. Ontario Public Service Employees Union, dossiers nos 3553-01-U et 3554-01-M, Commission des relations de travail de l’Ontario; Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 181-02-235 (19870319); Comité consultatif sur les relations de travail patronales-syndicales dans la fonction publique (Comité Fryer), Travailler ensemble dans l’intérêt public, Rapport final, Chapitre IV, 4.9 à 4.11 (2001).

B. Pour l’Institut

94 L’Institut allègue que la seule question contestée consiste à savoir si les VM accomplissent un service essentiel quelconque, compte tenu du mode de fonctionnement et de la structure de l’ACIA. Il admet qu’outre l’accord conclu le 28 mai 2009 pour les interventions en cas d’urgence, les VM sont chargés des activités et des services essentiels identifiés à l’article 4 de la LRTFP :

  • Dans le secteur de la santé des animaux, ils effectuent des enquêtes dans les cas où l’on soupçonne des maladies déclarables ou à notification immédiate pouvant avoir une incidence sur les humains (p. ex. la rage), dans la mesure où un inspecteur ne peut pas établir de diagnostic, traiter ou ordonner la destruction des animaux en question.
  • Dans les laboratoires :
    • les services liés aux maladies déclarables ou à notification immédiate qui sont soupçonnées ou confirmées et le maintien de l’accréditation pour la certification nationale et internationale;
    • la réalisation, l’évaluation et la communication des résultats des tests diagnostiques et pathologiques des cas soupçonnés ou confirmés de maladies ayant une incidence sur les humains;
    • les transferts technologiques en cas d’éclosion;
    • les commandes de substances contrôlées dans les laboratoires.
  • Dans le secteur des politiques et des programmes :
    • en cas d’éclosion d’une maladie déclarable ou à notification immédiate ayant une incidence potentielle sur la santé des humains chez un partenaire commercial, conformément à l’avis au directeur de la Santé des animaux, la préparation et la communication d’analyses des risques et de restrictions des importations;
    • lorsqu’il n’existe pas de manuel applicable, la réponse à toute demande de renseignements sur les politiques de lutte d’éradication des maladies déclarables ou à notification immédiate des animaux ayant une incidence potentielle sur la santé des humains.
  • Dans l’éventualité d’une grève, les VM continueront également à accomplir les activités non essentielles suivantes liées aux laboratoires :

    • supervision du programme de santé des animaux de laboratoire;
    • recherche en cours (excluant le commencement de nouvelles recherches);
    • participation au Comité de soins de santé des animaux;
    • maintien de troupeaux exempts de pathogènes spécifiques.

95 L’Institut s’oppose à l’approche générale de l’employeur voulant qu’il offre des services à l’appui du commerce et des enjeux économiques. Il fait valoir que l’employeur n’a avancé aucune preuve pour démontrer qu’une ou l’autre des activités qu’il souhaite poursuivre dans l’éventualité d’une grève aurait une sérieuse incidence sur l’approvisionnement alimentaire.

96 L’Institut soutient que la Commission devrait rendre sa décision en se fondant sur les principes suivants, déjà appliqués dans la jurisprudence pour déterminer si un service, une installation ou une activité sont essentiels à la sûreté et la sécurité du public :

  • les services essentiels devraient être précisément définis;
  • la sûreté et la sécurité du public devraient être les seuls critères de son analyse;
  • la sûreté et la sécurité devraient être déterminées sur la base d’une fonction donnée plutôt que seulement sur la base des activités constituantes de cette fonction;
  • les risques hypothétiques ne devraient pas être pris en considération;
  • l’employeur devrait envisager la possibilité d’accomplir la fonction en ayant recours à un autre mode de prestation du service;
  • la période de préoccupation devrait être courte;
  • la sûreté et la sécurité ne devraient pas signifier que les opérations doivent se poursuivre comme d’habitude ni tenir compte des difficultés économiques ou des inconvénients pour les tiers.

97 Conformément à ces principes, l’Institut est d’avis que la fermeture des abattoirs durant un conflit de travail ne compromet pas la sûreté et la sécurité du public. Il existe des abattoirs provinciaux capables d’assurer les services d’inspection de la viande. Si les abattoirs fédéraux ne peuvent pas fonctionner sans la présence ni la supervision d’un VM, l’ACIA a le pouvoir législatif d’ordonner leur fermeture. Les retombées sociales et économiques liées au surpeuplement des fermes et à l’abattage d’animaux à la suite de la fermeture des abattoirs n’affectent ni la santé ni la sécurité du public. L’Institut allègue que l’ACIA pourrait obtenir des dérogations à la législation pour la durée de la grève afin d’autoriser le maintien de l’exploitation des abattoirs.

98 L’Institut affirme également que l’ACIA n’a avancé aucune preuve selon laquelle elle devrait constamment assurer le niveau de service qu’elle offre habituellement ni qu’un VM devrait être présent dans les abattoirs en tout temps. Il fait valoir que les obligations contractuelles de l’ACIA envers des tiers ne devraient pas déterminer si un service est essentiel. La Commission doit simplement décider si l’exploitation des abattoirs est essentielle.

99 Subsidiairement, selon l’Institut, si les abattoirs restent ouverts durant une grève, ils peuvent être exploités en toute sécurité sans que des VM y soient présents. L’Institut part du principe que le travail des VM peut également être accompli par des EG, notamment pour ordonner des quarantaines et mettre de côté des carcasses d’animaux suspectes, sauf lorsqu’il s’agit d’un animal avec diagnostic de maladie animale étrangère. De nombreux abattoirs provinciaux sont inspectés par des inspecteurs des viandes. La sécurité du public est assurée parce que la Loi sur les aliments et drogues,L.R.C. (1985), ch. F-27, dispose qu’aucun aliment impropre à la consommation humaine ne peut être vendu. On peut vendre de la viande dans la plupart des provinces sans l’intervention d’un VM.

100 L’Institut ne s’oppose pas à ce qu’on contacte des VM de district chargés de la santé des animaux dans l’éventualité où l’on soupçonnerait l’existence de maladies animales étrangères dans un abattoir, puisque ces maladies pourraient être transmissibles aux humains. L’échantillon recueilli par le médecin vétérinaire de district chargé de la santé des animaux pourrait être envoyé à un laboratoire pour y être analysé. Dans cette mesure, l’Institut ne s’oppose pas à ce que des VM fassent du travail de laboratoire ou soient chargés de tâches d’investigation.

101 L’Institut reconnaît que les VM jouent un rôle unique relativement aux exportations, mais soutient toutefois que les exportations sont des activités économiques qui ne constituent pas un service essentiel. Durant un arrêt de travail légal, les activités ne se poursuivent pas comme d’habitude, et il faut s’attendre à des difficultés économiques. Si un VM n’est pas disponible pour signer un endossement, un produit peut être retourné, détruit ou conservé sans aucune incidence sur les humains. Pendant un arrêt de travail, un VM restera disponible pour accomplir les tâches qui ne peuvent être confiées à un inspecteur ni à un commis.

102 En réponse aux arguments de l’employeur voulant que certains postes soient nécessaires pour maintenir le niveau de service requis afin qu’il puisse s’acquitter des fonctions qui lui sont imposées par la législation et par son mandat, l’Institut réplique que l’employeur s’est concentré sur les postes plutôt que sur le service essentiel assuré par les employés qui occupent ces postes. Selon l’Institut, les descriptions d’emploi font état de nombreuses activités qui ne sont pas essentielles pour l’hygiène des viandes, qui ne sont pas accomplies dans les abattoirs, qui ne sont pas effectuées par les VM ou qui ne sont pas des tâches qui leur incombent. Les EG ou les exploitants accomplissent un grand nombre de ces activités, et la plupart ne sont pas urgentes, sauf dans un contexte économique. L’Institut souligne qu’il a consenti à ce qu’une grande partie des travaux de laboratoire se poursuivent même pendant une grève.

103 L’Institut a invoqué les cas suivants à l’appui de sa position : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 55; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 56; Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 120; Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 128; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 155; Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 15; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Chauffage, force motrice et opération de machines fixes - Catégorie de l’exploitation), dossier de la CRTFP 181-02-18 (19720427); Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (groupe Radiotélégraphie - Catégorie technique), dossier de la CRTFP 181-02-99 (19790601); Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 181-02-235 (19870319); Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 181-02-115 (19800722); The Crown in Right of Ontario, as represented by Management Board of Cabinet v. The Ontario Public Service Employees Union, 1996 O.L.R.D. No. 914 (QL); R. v. Aylmer Meat Packers Inc. (20071214), non rapportée (Cour supérieure de Justice de l’Ontario, no d’information 05-6616).

VII. Motifs

A. Question à trancher

104 Il s’agit dans cette affaire de déterminer quels services délivrés par des VM et offerts par l’ACIA constituent un service essentiel nécessaire à la sûreté et la sécurité du public ou à une partie du public dans l’éventualité d’une grève. Les parties ont présenté leur position initiale (voir les paragraphes 5 et 6 de la présente décision), mais les ont modifiées lorsqu’elles ont présenté leur preuve, et cela se reflète dans mes conclusions.

105 Cette décision est la première d’une démarche en deux volets. Conformément à la législation, le premier volet consiste à déterminer l’installation, le service ou l’activité qui est essentiel à la sûreté et la sécurité du public. Dans le second volet, il s’agira de déterminer le niveau de service à assurer, tel qu’il a été déterminé par l’employeur, en cas d’arrêt de travail. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre, je pourrais être appelée, après avoir rendu cette décision-ci, à déterminer le type et le nombre des postes, voire les postes mêmes nécessaires à la prestation du niveau de services essentiels déterminé par l’employeur.

106 C’est à l’employeur qu’il incombe de démontrer l’existence de raisons suffisantes pour conclure que les services, les installations ou les activités dont il propose le maintien dans l’éventualité d’un arrêt de travail sont essentiels au sens du paragraphe 4(1) de la LRTFP.

107 En l’espèce, la position de l’employeur est que les services contestés assurés par les VM sont essentiels parce qu’ils font partie du mandat dont il est investi par la législation. Il affirme n’être pas tenu de modifier ses opérations en cas d’urgence ni de trouver une autre méthode de prestation du service. L’exécution en toute sécurité du programme législatif d’hygiène des viandes est essentielle à la santé publique. Les activités de laboratoire sont indissociables du travail accompli dans les abattoirs pour protéger la sécurité du public. Les VM sont les gestionnaires des risques auxquels sont exposés les produits alimentaires entrant dans le système alimentaire canadien; ils protègent la population canadienne contre les risques pouvant être prévenus et contre la transmission des zoonoses, de même que contre les menaces à la sécurité des aliments et des animaux, dans le contexte du commerce international aussi bien qu’aux frontières.

108 L’Institut déclare que ses membres seraient disponibles pour assurer les services d’urgence pendant une grève et que certaines fonctions de laboratoire seraient donc maintenues. Toutefois, sa position est que les activités d’inspection, de vérification de la conformité et d’application de la législation sur la salubrité des aliments ne constituent pas un service essentiel parce que les abattoirs peuvent simplement fermer leurs portes ou être exploités sans eux, ou parce que d’autres peuvent être chargés de ces tâches. Il part également du principe que les services liés à l’importation et à l’exportation des animaux et de leurs produits et ceux qui sont liés aux services frontaliers sont des activités économiques sans incidence sur la sûreté et la sécurité du public ni d’une partie du public. L’Institut soutient que, dans l’éventualité d’un arrêt de travail légal, il est normal que les activités ne se poursuivent pas comme d’habitude et que je ne devrais pas me préoccuper des effets économiques quelconques qu’une grève peut avoir sur les tiers.

109 Compte tenu de ces arguments, je vais commencer par analyser le cadre législatif pour décider ce qui constitue des services essentiels sous le régime de la LRTFP.

B. Cadre législatif applicable aux services essentiels en vertu de la LRTFP

110 La LRTFP est entrée en vigueur le 1er avril 2005. L’alinéa 194(1)f) de la LRTFP dispose que si l’agent négociateur a opté pour le renvoi à la conciliation comme mode de règlement des différends en tant que condition préalable à l’exercice du droit de grève des employés, une entente sur les services essentiels doit avoir été négociée avec l’employeur. Si les parties sont incapables de se rallier par rapport à une entente sur services essentiels, la Commission doit statuer sur ce qui les oppose quant aux questions pouvant être contenues dans cette entente.

111 En rendant sa décision à cet égard, la Commission doit se fonder sur des principes figurant dans la législation. Premièrement, l’employeur a le droit exclusif de déterminer le niveau auquel les services essentiels doivent être offerts au public. Deuxièmement, l’employeur ne peut pas être tenu de modifier le niveau auquel un service essentiel doit être offert au public, ce qui comprend la mesure et la fréquence de sa prestation. Troisièmement, l’employeur peut exiger que certains employés consacrent une plus grande partie de leur temps aux fonctions liées à la prestation des services essentiels durant une grève qu’ils ne le font normalement.

112 Les dispositions de la LRTFP résumées ci-dessus sont les suivantes :

[…]

4. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

[…]

« entente sur les services essentiels »
essential services agreement

« entente sur les services essentiels » Entente conclue par l’employeur et l’agent négociateur indiquant :

a) les types des postes compris dans l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels;

b) le nombre de ces postes qui est nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir ces services;

c) les postes en question.

[…]

« services essentiels »
essential service

« services essentiels » Services, installations ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public.

[…]

122. (1) Si l’employeur a avisé par écrit l’agent négociateur qu’il estime que des fonctionnaires de l’unité de négociation occupent des postes nécessaires pour lui permettre de fournir des services essentiels, l’agent négociateur et lui font tous les efforts raisonnables pour conclure une entente sur les services essentiels dans les meilleurs délais.

(2) L’avis est donné au plus tard vingt jours après la date à laquelle un avis de négociation collective est donné.

123. (1) S’ils ne parviennent pas à conclure une entente sur les services essentiels, l’employeur ou l’agent négociateur peuvent demander à la Commission de statuer sur toute question qu’ils n’ont pas réglée et qui peut figurer dans une telle entente. La demande est présentée au plus tard :

a) soit quinze jours après la date de présentation de la demande de conciliation;

b) soit quinze jours après la date à laquelle les parties sont avisées par le président de son intention de recommander l’établissement d’une commission de l’intérêt public en application du paragraphe 163(2).

[…]

(3) Saisie de la demande, la Commission peut statuer sur toute question en litige pouvant figurer dans l’entente et, par ordonnance, prévoir que :

a) sa décision est réputée faire partie de l’entente;

b) les parties sont réputées avoir conclu une entente sur les services essentiels.

(4) L’ordonnance ne peut obliger l’employeur à modifier le niveau auquel un service essentiel doit être fourni à tout ou partie du public, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni.

[…]

C. Discussion et conclusion

113 Mes collègues ont présenté une analyse exhaustive des origines des dispositions de la LRTFP et de son application dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97, et je n’ai aucune intention de la répéter. Toutefois, je tiens à souligner que la LRTFP ne renferme aucune définition de ce qu’on entend exactement par l’expression « sécurité du public », un concept d’importance cruciale pour ma décision, et que cette expression n’a pas non plus fait l’objet d’une analyse exhaustive jusqu’à présent. D’après l’analyse que j’ai faite de la preuve et des arguments qui m’ont été présentés, les parties n’ont pas exposé ce concept de façon aussi claire qu’elles croient peut-être l’avoir fait.

114 Les affaires qui ont été tranchées sous le régime de l’ancienne aussi bien que de la nouvelle LRTFP ont essentiellement souligné l’équilibre qu’il convient de préserver entre le droit de faire la grève pour donner effet au régime de négociation collective et les droits et l’obligation de l’employeur d’assurer la sécurité du public sans examiner de façon le moindrement détaillée le concept même de sûreté et sécurité du public. En 1976, dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Science vétérinaire), dossier de la CRTFP 181-02-49 (19760516), l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique devait se prononcer sur le niveau des services à maintenir dans l’intérêt de la sûreté et la sécurité du public en cas de grève légale, mais elle n’a pas précisé dans ses motifs la raison d’être des services qu’elle a jugé essentiels, si ce n’est en énumérant les facteurs nécessaires pour justifier ses désignations. La législation et les fonctions des VM ont considérablement changé depuis que cette décision a été rendue, et j’estime qu’elle ne nous aide guère, en l’espèce, à définir ce qui constitue la sûreté et la sécurité du public

115 En l’absence d’une définition précise dans la législation, les canons de l’interprétation dictent qu’on donne leur sens habituel aux termes. Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « sûreté » comme étant l’état d’une personne qui n’est pas en danger, qui ne risque rien. Le terme « sécurité » est défini comme étant 1) un état tranquille qui résulte de l’absence réelle de danger, 2) des mesures destinées à assurer la sécurité. Le terme « public » s’entend de la collectivité, des membres d’une collectivité ou d’une partie de la collectivité qui ont un intérêt commun ou un lien particulier. D’après ces définitions, le concept de « sûreté ou sécurité du public » peut se résumer comme étant les conditions ou les mesures prises pour protéger la collectivité en général ou ses membres d’un danger ou de l’exposition à un risque.

116 Dans Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 181-02-99, (19790601), la CRTFP a donné l’interprétation suivante de ce qui est [traduction] « dans l’intérêt de la sûreté et la sécurité du public » :

[…]

13. En termesplus positifs, à notre avis, les fonctions qui doivent être remplies dans l’intérêt de la sécurité du public englobent celles dont l’exercice est, dans un ensemble donné de circonstances, raisonnablement nécessaire pour prévenir ou empêcher un dommage probable ou même la probabilité rationnelle d’un dommage à la santé ou au bien-être physique d’individus. […] En effet, dansl’affaire no 1 des employés désignésde l’électronique (dossier 181-2-8), la Commission a décrit l’obligation que lui impose l’article 79 de la Loi, quand les parties ne s’entendent pas, comme étant une « responsabilité considérable ». La Commission a justement observé qu’en dernière analyse elle était appelée à former des conjectures sur les situations qui pourraient se présenter et compromettre la sécurité du public. Elle a poursuivi en disant que, dans de telles circonstances, si elle se trompe, ce doit être dans le sens de la prudence. Nous ne contestons pas cette opinion.

[…]

117 Je me suis inspirée de cette déclaration, et ma décision sur les services essentiels que l’ACIA doit offrir est donc basée sur les conditions ou les mesures nécessaires à la protection de la collectivité en général ou de ses membres (le public) contre un danger ou contre l’exposition à des risques (pour assurer sa sûreté et sa sécurité) dans l’éventualité d’un arrêt de travail légal.

118 L’ACIA a été créée par le Parlement en tant qu’organisme responsable du système fédéral d’inspection chargé d’assurer la salubrité des aliments et la santé des animaux et des végétaux pour garantir la protection des consommateurs. À cette fin, elle applique les normes de salubrité des aliments et de qualité nutritive établies par Santé Canada pour les produits canadiens et importés. Quand les normes de salubrité des aliments ne sont pas respectées ou que l’on constate des risques pour la santé, l’ACIA peut invoquer des procédures d’application et d’urgence. Elle assure la sécurité de l’approvisionnement alimentaire du Canada grâce à ses enquêtes et à ses rappels de produits. La Loi sur l’inspection des viandes et le Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes exigent que les entreprises de transformation de la viande qui vendent leurs produits dans plus d’une province ou qui en exportent dans d’autres pays soient fédéralement agréées et licenciées et qu’elles établissent des mesures de contrôle de leur salubrité telles que les normes HACCP, dont l’application est surveillée par l’ACIA. De même, les produits de viande importés sont soumis à des mesures de contrôle législatives. L’ACIA collabore avec Santé Canada dans les cas de rappel afin de juguler le risque pour la santé publique.

119 Les programmes de l’ACIA s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie mondiale de salubrité des aliments qui, comme la preuve l’a démontré, est un enjeu d’une importance croissante pour la santé publique, en raison du mouvement des gens et des produits, du vieillissement de la population et de la migration des maladies.

120 La salubrité des aliments est une discipline scientifique englobant les aspects de manutention, de préparation et de stockage des aliments qui vise à prévenir les maladies d’origine alimentaire. Les aliments contaminés peuvent transmettre une maladie d’une personne à l’autre et, dans le contexte des produits de viande, des animaux aux humains (zoonoses).

121 Les maladies d’origine alimentaire sont imprévisibles, et leurs éclosions peuvent prendre des proportions massives. Par exemple, en 2008, le Canada a été frappé par une éclosion de listériose qui a commencé à l’établissement du chemin Bartor de Maple Leaf, à Toronto, faute de mesures sanitaires impeccables, et qui s’est propagée un peu partout au Canada; cette éclosion de listériose a causé la mort de 22 personnes au pays.

122 Comme le Rapport de l’enquêteure indépendante sur l’éclosion de listériose de 2008 l’a précisé, la prévention des maladies d’origine alimentaire – et, en bout de ligne, des maladies qui frappent la population canadienne – incombe au gouvernement, qui doit mettre en place et faire respecter par règlement des règles d’hygiène rigoureuses, tout en offrant des services publics d’examen par des vétérinaires des produits d’origine animale dans la chaîne alimentaire. Les pouvoirs de contrôle et d’application de la législation ont été confiés à l’ACIA et ultimement aux médecins vétérinaires responsables de l’observation des normes de prévention des maladies.

123 Il s’ensuit que la population canadienne en est venue à dépendre de la salubrité du système alimentaire. La viande fait partie de l’alimentation quotidienne de la plupart des Canadiens et des Canadiennes. La question fondamentale qu’il faut se poser pour décider ce qui constitue la sûreté et la sécurité du public est de savoir quelles seraient les conséquences pour la salubrité du système alimentaire canadien du retrait des services des VM dans l’éventualité d’un arrêt de travail légal.

124 Lorsque les VM sont absents des abattoirs, il n’y a pas de personnel qualifié sur place pour établir, sur une base quotidienne, des diagnostics sur des échantillons de viande potentiellement infectés. L’absence de VM dans les laboratoires signifie que ces échantillons ne peuvent pas être analysés dans les 24 heures requises. Même si les EG ont la formation nécessaire pour déceler des anomalies au stade de l’examen ante mortem, ils ne sont pas qualifiés pour diagnostiquer une maladie, ni les conséquences d’une maladie. Ils ne sont pas qualifiés pour prendre une décision au poste d’abattage. Qui plus est, aucune des activités suivantes dans un abattoir ne peut être accomplie sans l’autorisation finale d’un VM : l’abattage d’un animal pour alimentation humaine, le retrait d’un animal et la destruction d’un animal une fois rendu sur la ligne de transformation. En vertu de la législation en vigueur, la viande n’est pas réputée comestible à moins d’avoir été soumise à un examen ante mortem ou post mortem supervisé par un VM.

125 Dans ces conditions, il est impossible de transformer la viande sans l’intervention d’un VM à moins d’en compromettre la salubrité. Si la viande ne peut pas être transformée sans risque, les abattoirs ne peuvent pas fonctionner et doivent donc être fermés. La preuve non contestée, c’est que les abattoirs provinciaux n’ont pas la capacité nécessaire pour assumer la charge de travail des établissements fédéraux. En cas de grève, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et au Manitoba, les provinces pour lesquelles l’ACIA assure les services d’inspection, il n’y aurait pas de viande sur le marché. Comme la viande inspectée par les autorités provinciales ne peut pas être transportée au-delà des limites provinciales, les provinces restantes ne pourraient pas faire transporter leur viande dans d’autres provinces. L’effet de la fermeture des abattoirs reviendrait donc, à toutes fins pratiques, à interrompre largement l’approvisionnement en viande au Canada.

126 Les raisons invoquées par l’Institut selon lesquelles les VM ne seraient pas indispensables dans les abattoirs ne sont pas convaincantes. Même si les VM et les EG reçoivent une formation analogue pour fins d’inspection, les EG ne sont pas chargés de responsabilités de vétérinaires en vertu de la législation et n’ont pas non plus la formation de vétérinaire nécessaire pour remplacer des VM. Les inspections critiques restent du ressort des VM pour l’application de la législation. La responsabilité ultime de la salubrité des aliments incombe à l’ACIA, qui est chargée de faire respecter les politiques et les normes législatives établies par Santé Canada, comme l’explique clairement le Rapport de l’enquêteure indépendante sur l’éclosion de listériose de 2008.

127 Même dans le cadre du Programme de rejet de la volaille, un poste d’élimination complètement équipé avec un vétérinaire en service doit être mis en place par l’exploitant comme condition préalable à l’obtention d’un certificat de condamnation de l’ACIA. La valeur médicale des certificats de condamnation n’est pas contestée, puisqu’ils sont obligatoires en vertu du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes.

128 Le manque d’un produit de consommation faute d’avoir des certificats d’exportation n’est pas une simple question commerciale, puisque d’autres populations qui dépendent des produits exportés pour leur survie en subissent les conséquences. La législation ne limite pas « le public » à la population canadienne. Si les VM ne sont pas disponibles pour examiner les certificats d’importation des animaux et de leurs produits, notamment en assurant les services d’inspection à la frontière, les animaux et les produits de viande canadiens ne peuvent pas être exportés. Les animaux qui sont censés être abattus ou les produits de viande ne peuvent être conservés que pour un temps limité; ils doivent être détruits s’il est impossible de les exporter. Tel qu’il a été mentionné, le surpeuplement dans les fermes accroît les risques de maladies, d’infections et de quarantaines. À l’inverse, dans le cas des importations, les animaux qui doivent faire l’objet d’une inspection ne pourraient pas entrer au pays et devraient soit être mis en quarantaine à la frontière, soit retournés aux producteurs. Même si la viande destinée à l’exportation pouvait en théorie être divertie pour nourrir la population canadienne, je n’ai aucune preuve que les importations bloquées et les exportations perdues s’annuleraient mutuellement ni de la façon dont on pourrait arriver efficacement à ce résultat si seuls les abattoirs provinciaux étaient ouverts.

129 S’il ne reste qu’une source limitée de produits de viande durant un arrêt de travail, il n’est pas réaliste de croire que la population canadienne se tournera vers le poisson ou vers un régime végétarien et que ces options suffiraient à nourrir toute la population pendant une période d’une durée indéterminée. Cette crise compromettrait la santé du public et, par conséquent, sa sécurité. L’exemple que l’Institut a donné de la fermeture temporaire des abattoirs ontariens durant la panne de courant de 2002 ne s’applique pas dans une situation de grève légale, puisque cette fermeture était attribuable à une urgence de courte durée. À l’époque, on disposait de réserves suffisantes pour nourrir la population, alors que ne pas avoir assez de viande pour une période prolongée serait désastreux. La nature coercitive d’une grève rend sa durée et le moment auquel elle est déclenchée imprévisibles.

130 J’estime également que la recherche agricole et les recherches en laboratoire doivent continuer sans interruption en raison de la nature unique des services qu’elles génèrent et de la nécessité de disposer d’animaux sans pathogènes pour la poursuite de recherches essentielles. Il serait irresponsable de traiter à la légère le rôle crucial qu’ont joué les troupeaux du LOF dans le contexte de la plus récente épidémie de grippe H1N1.

131 Ce que l’Institut prétend n’être que de la paperasse, comme l’examen des statistiques des troupeaux, des certificats de condamnation de fiches de transport, des rapports de conformité et ainsi de suite, sont en fait des activités qui structurent le processus d’examen en médecine vétérinaire. Ma visite de deux abattoirs (un établissement de transformation primaire de poulets et un établissement de transformation primaire de porcs) a été révélatrice; elle m’a convaincue que les VM sont les premiers intervenants pour assurer la santé et la sécurité du public au Canada en ce qui concerne les produits de viande. Qu’ils exercent leurs fonctions dans l’environnement immédiat de l’abattoir ou dans un laboratoire, qu’ils assurent la conformité ou supervisent les importations et les exportations ou qu’ils donnent des avis à l’ASFC, je suis convaincue que leurs services dans ces domaines sont nécessaires pour protéger la population canadienne contre les risques que des maladies entrent dans la chaîne alimentaire.

132 Le droit législatif de faire la grève reconnu par la LRTFP doit en l’espèce être limité par une obligation d’assurer la sûreté et la sécurité du public. La salubrité des aliments et la capacité d’intervention d’urgence ne sauraient être laissées au hasard ni à de simples procédures d’urgence. Il est impossible de prédire quand une maladie va se manifester. La preuve a clairement démontré que la seule manière de combattre le risque que des maladies entrent dans la chaîne alimentaire est d’assurer une surveillance constante et ce, grâce à une gestion scientifique des risques. La gestion des risques est une démarche quotidienne. On ne saurait substituer à la compétence des VM le recours aux EG ou à des vétérinaires de pratique privée qui n’ont ni la formation nécessaire, ni les ressources pour juguler l’éclosion d’une maladie et qui dépendent des services de laboratoire fournis par l’ACIA.

133 J’ai envisagé la possibilité que l’employeur puisse avoir accès à certains services sur appel, mais j’ai rejeté cette option pour les raisons suivantes. La santé publique repose sur les éléments fondamentaux de la salubrité des aliments, et les VM sont les gestionnaires des risques du système d’assurance de salubrité des aliments. La preuve m’a convaincue que leur absence pendant une période de temps indéterminée signifierait qu’ils ne seraient pas en mesure de superviser l’hygiène de la nourriture dans les abattoirs, de produire des diagnostics de maladie et des avis sur la santé des animaux et de réagir immédiatement aux urgences en matière de santé publique, ce qui créerait un risque inutile pour la sûreté et la sécurité du public. La fermeture des abattoirs a des conséquences bien au-delà de l’absence de viande. Elle aurait des conséquences directes pour les fermes qui seraient incapables de vendre leurs troupeaux, et leur surpeuplement mènerait à des risques potentiels pour la santé du public. On ne m’a avancé aucune preuve que des VM seraient disponibles en nombre suffisant et avec un préavis assez court pour intervenir en cas d’urgence alimentaire. Comme on l’a constaté dans le cas de l’épidémie de listériose de 2008, une urgence en matière d’alimentation peut se créer en quelques heures, et la réaction doit être immédiate. Qui plus est, les programmes administrés par l’ACIA font partie de la gestion globale des risques de maladie axés sur l’alimentation, et les effets de ce système judicieusement géré doivent être pris en compte lorsqu’on évalue les effets d’ensemble sur la sûreté et la sécurité du public.

134 Bien que je doive dans une certaine mesure tirer des hypothèses quant aux conditions susceptibles de menacer la sûreté et la sécurité du public dans le contexte d’un arrêt de travail, je dois errer dans le sens de la prudence pour statuer sur cette question, comme l’ancienne Commission l’avait fait dans Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada.

135 J’ai donc conclu que l’employeur s’est acquitté de sa charge de me convaincre que les services suivants :

(i) hygiène des viandes, dans la mesure où elle est liée au mandat de l’ACIA aux termes de la Loi sur l’inspection des viandes et du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes;

(ii) laboratoires, dans la mesure où ils sont liés au diagnostic, à la pathologie, à la salubrité et à la sécurité des aliments ainsi qu’aux soins de santé des animaux, aux transferts technologiques en cas d’éclosion et aux commandes de substances contrôlées;

(iii) santé des animaux, dans la mesure où elle est liée au mandat de l’ACIA aux termes de la Loi sur la santé des animaux et du Règlement sur la santé des animaux;

(iv) soin des animaux dans les fermes spécialisées et dans les laboratoires gérés par l’ACIA;

(v) délivrance de certificats d’exportation et d’importation prévue par le Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes et par la Loi sur la santé des animaux;

(vi) services d’inspection des importations et d’inspection à la frontière liés à la santé et au bien-être des animaux;

(vii) intervention d’urgence en matière de salubrité des aliments, de santé des animaux et de toute autre urgence relevant du mandat de l’ACIA;

sont essentiels pour la sûreté et la sécurité du public et doivent continuer d’être fournis par l’Institut dans l’éventualité d’un arrêt de travail légal. Les parties se sont déjà entendues sur la disposition suivante relative aux services d’urgence :

[Traduction]

De façon conditionnelle, quand le directeur exécutif régional s’efforce d’intervenir dans une urgence correspondant à une maladie animale soupçonnée ou diagnostiquée en établissant un Centre d’opérations d’urgence, les VM nécessaires, tels que déterminés par l’employeur, réagiront à l’urgence.

[…]

136 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VIII. Ordonnance

137 L’entente sur les services essentiels de l’ACIA avec l’Institut comprendra les dispositions sur les services suivants qui sont nécessaires pour la sûreté et la sécurité du public :

(i) hygiène des viandes, dans la mesure où elle est liée au mandat de l’ACIA aux termes de la Loi sur l’inspection des viandes et du Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes;

(ii) laboratoires, dans la mesure où ils sont liés au diagnostic, à la pathologie, à la salubrité et à la sécurité des aliments ainsi qu’aux soins de santé des animaux, aux transferts technologiques en cas d’éclosion et aux commandes de substances contrôlées;

(iii) santé des animaux, dans la mesure où elle est liée au mandat de l’ACIA aux termes de la Loi sur la santé des animaux et du Règlement sur la santé des animaux;

(iv) soin des animaux dans les fermes spécialisées et dans les laboratoires gérés par l’ACIA;

(v) délivrance de certificats d’exportation et d’importation prévue par le Règlement de 1990 sur l’inspection des viandes et par la Loi sur la santé des animaux;

(vi) services d’inspection des importations et d’inspection à la frontière liés à la santé et au bien-être des animaux;

(vii) intervention d’urgence en matière de salubrité des aliments, de santé des animaux et de toute autre urgence relevant du mandat de l’ACIA;

(viii) de façon conditionnelle, quand le directeur exécutif régional s’efforce d’intervenir dans une urgence correspondant à une maladie animale soupçonnée ou diagnostiquée en établissant un Centre d’opérations d’urgence, les VM nécessaires, tels que déterminés par l’employeur, réagiront à l’urgence.

Le 8 février 2011.

Traduction de la CRTFP

Michele A. Pineau,
vice-présidente

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