Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé contestait la pratique de l’employeur d’attribuer les heures supplémentaires en fonction de la classification - la majorité des heures supplémentaires étaient attribuées aux employés dont la classification est inférieure à la sienne - l’arbitre de grief a jugé que la pratique était équitable, puisque les employés dont la classification est inférieure ne pouvaient pas remplir les tâches des employés dont la classification est supérieure, et donc n’auraient pas droit à l’attribution des heures supplémentaires de ceux-ci - en outre, le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas fait la preuve d’une attribution inéquitable des heures supplémentaires pour la période visée par son grief. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-02-10
  • Dossier:  166-02-36254
  • Référence:  2011 CRTFP 18

Devant un arbitre de grief


ENTRE

DENIS BRISEBOIS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Brisebois c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
David Girard, agent de griefs et à l'arbitrage

Pour l'employeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 20 janvier 2011.

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé, Denis Brisebois (le « fonctionnaire »), est un membre de l’unité de négociation du groupe GL représenté par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), à l’emploi du ministère de la Défense nationale (l‘« employeur » ou le « ministère »). Il travaille à la garnison de Montréal comme conducteur de véhicule lourd, et occupe un poste classifié GL-MDO-6 depuis mars 2004.

2 Le 30 avril 2004, le fonctionnaire a déposé un grief concernant la répartition des heures supplémentaires qu’il allègue être contraire à la clause 29.04 de la Convention entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, Groupe : Services de l’exploitation, date d’expiration : le 4 août 2003 (la « convention collective »). À titre de redressement, le fonctionnaire demande que l’employeur respecte les dispositions de la clause 29.04 de la convention collective.

3 Le grief a été rejeté aux trois paliers de la procédure de règlement des griefs, d’où le présent renvoi à l’arbitrage.

4 Depuis le dépôt des griefs, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur le 1er avril 2005. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’ « ancienne Loi »).

5 Au début de l’audience, l’employeur s’est opposé à la portée du grief. Il a déclaré que ses discussions avec l’agent négociateur, avant le début des audiences, avaient révélé que ce dernier entendait transformer le grief du fonctionnaire en un grief de principe ayant trait à la politique actuelle de l’employeur concernant la répartition des heures supplémentaires. L’employeur a souligné que le grief avait été déposé en 2004 en vertu de l’ancienne Loi. Par conséquent, la position qu’entendait prendre l’agent négociateur ne s’appuyait sur aucun fondement juridique.

6 Pour sa part, l’agent négociateur a soutenu que la problématique de répartition des heures supplémentaires perdurait depuis le dépôt du grief il y a sept ans, et que le redressement demandé par le fonctionnaire, soit le respect de la convention collective, était toujours d’actualité. L’agent négociateur a demandé de faire la preuve de faits postérieurs au dépôt du grief au soutien de ce qu’il allègue. Il a déclaré qu’il avait demandé d’obtenir les registres des heures supplémentaires de l’époque du grief, mais qu’il y a peu d’information.

7 J’ai statué en cours d’audience qu’en l’absence d’une disposition dans l’ancienne Loi concernant la possibilité de déposer un grief de principe, l’agent négociateur devait s’en tenir aux circonstances entourant le grief individuel du fonctionnaire.

II. Résumé de la preuve

8 Le 16 avril 2004, le fonctionnaire, dans une lettre à l’intention de son superviseur, a demandé que sa candidature soit remise sur la liste des heures supplémentaires selon les besoins opérationnels. Il a demandé « d’être traité équitablement » et que la clause 29.04 de la convention collective soit respectée.

9 Son superviseur, Claude Dupuis, lui a répondu comme suit :

[…]

Tel que demandé le vendredi 16 avril 2004, votre nom sera remis sur la liste des heures supplémentaires à votre équivalent tout comme chacun des autres membres du personnel des sous sections du transport Port B Longue-Pointe uni en fait la demande.

Cependant la procédure d’attribution du surtemps demeurera la même, soit la manière la plus économique, efficace et sécuritaire, répartie équitablement entre les membres du personnel qualifiés facilement disponibles de la sous section de transport dont provient la demande initiale, en second lieu s’il n’y a plus de personnel disponible, la demande sera acheminé à une autre sous section de niveau supérieur et la même procédure pour tout les membres du personnel de niveau supérieur et sous section s’applique et ainsi de suite (exemples : Mdo-04, Md0-05 et Mdo-06.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

10 Le fonctionnaire est chauffeur de véhicules lourds depuis 1991. Avant d’occuper un poste classifié MDO-6, il a occupé un poste chauffeur classifié MDO-4. Le fonctionnaire possède les compétences requises pour effectuer le travail au niveau MDO-4, MDO-5 et MDO-6.

11 Les différences entre les échelons de la classification MDO ont trait à la grosseur, à la variété et à la complexité d’opération des équipements lourds que doit manœuvrer l’employé. Au niveau MDO-4, le chauffeur doit savoir conduire un camion léger, une voiture d’état-major, une ambulance et un autobus d’une capacité de 24 passagers. Au niveau MDO-5, le chauffeur doit savoir conduire un camion-remorque, un camion de ravitaillement et un autobus d’une capacité de 57 passagers. Au niveau MDO-6, le chauffeur doit conduire ou manœuvrer une grue mobile, un chariot élévateur, un véhicule de marchandises, un camion à bascule, un camion de livraison de carburant, un porte-conteneur maritime, un tracteur d’entrepôt, un balai mécanique, une laveuse de plancher, une tondeuse motorisée et un camion de 5 tonnes avec remorque.

12 Un employé de niveau MDO-4 assure le transport du matériel qui se situe dans les entrepôts du ministère et peut être appelé à travailler n’importe où au Canada. Il y a un circuit tous les samedis matins vers la base militaire de Trenton qui est attitré à ce niveau et qui est toujours rémunéré en heures supplémentaires. Un employé de niveau MDO-5 travaille surtout dans la grande région de Montréal et parfois le soir pour une sortie d’autobus. L’employé de niveau MDO-6 est limité à déplacer du matériel lourd à la base de Montréal et se déplace rarement à l’extérieur.

13 Les heures supplémentaires sont réparties de la façon suivante : 1) le travail est d’abord offert à tour de rôle aux employés disponibles et qualifiés pour effectuer le travail normal du groupe visé; 2) s’il n’y a aucun employé disponible et qualifié à ce niveau, le travail est offert au prochain niveau; 3) si aucun employé est disponible à ce niveau, le travail est offert au niveau supérieur; 4) en l’absence d’un employé disponible, le travail est donné à un militaire.

14 Selon M. Dupuis, cette méthode de répartition des heures supplémentaires existe depuis toujours et tient compte de l’efficacité et d’une bonne gestion des fonds publics. Le fonctionnaire est le premier à se plaindre de cette méthode de répartition des heures supplémentaires. Lorsque le fonctionnaire a demandé d’être mis sur la liste de disponibilité pour faire des heures supplémentaires, M. Dupuis l’a inscrit sur la liste pour le travail destiné aux employés de niveau MDO-6.

15 Le fonctionnaire a admis dans son témoignage qu’il ne se souvenait pas s’il était disponible pour faire des heures supplémentaires entre le 16 et le 30 avril 2004, ni si des heures supplémentaires avaient été attribuées. Selon un rapport affiché dans la salle de repos des employés à cette époque, le fonctionnaire a fait 51 heures supplémentaires entre le 1er avril 2004 et le 1er février 2005.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

16 Le fonctionnaire soumet que la clause 29.04 de la convention collective tient compte uniquement de trois critères lorsqu’il s’agit de répartir les heures supplémentaires : la disponibilité, la qualification et l’équité. La convention collective ne tient pas compte des critères d’efficacité ou du meilleur coût. En ne tenant pas compte strictement des trois critères de répartition motionnés ci-dessus, l’employeur a violé la convention collective. La jurisprudence est claire et constante, qu’à l’intérieur d’une même convention collective, la répartition des heures supplémentaires ne doit pas tenir compte du niveau des postes des employés qui sont disponibles pour faire des heures supplémentaires, en autant qu’ils soient facilement disponibles et qualifiés pour faire le travail. L’employeur doit alors répartir les heures supplémentaires équitablement entre eux.

17 Le fonctionnaire déclare que le temps écoulé depuis le dépôt de son grief lui a causé un préjudice et que je devrais considérer la preuve postérieure pertinente au grief à cet effet. Le fonctionnaire soumet que l’employeur n’a pas fait la preuve que c’était la première fois que la répartition des heures supplémentaires était contestée. Les heures de travail normales, comprennent le travail qui s’y fait normalement. En dehors des heures de travail normales tout travail de conduite, quel que soit le niveau, constitue du travail en heures supplémentaires qui doit être accessible à tous les chauffeurs disponibles et qualifiés selon les dispositions de la convention collective.

18 Au soutien de sa position, le fonctionnaire a cité les décisions suivantes : Boss c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15419 à 15421 (19880315); Johnston c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossier de la CRTFP 166-02-17488 à 17490 (19880930); Lagacé c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28007 (19990222); Leighton c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier de la CRTFP 166-2-17211 (19880929); Zelisko et Audia c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2003 CRTFP 67.

19 Le fonctionnaire me demande d’accueillir son grief et de lui accorder le redressement demandé.

B. Pour l’employeur

20 L’employeur soumet qu’il ne conteste pas le témoignage du fonctionnaire selon lequel il est généralement disponible et qualifié et qu’il devrait être considéré pour des heures supplémentaires. Toutefois, il argue que le fonctionnaire n’a pas fait la preuve qu’il était disponible entre le 16 et le 30 avril 2004, le moment pertinent à son grief, ni que des heures supplémentaires ont été assignées pendant cette période.

21 L’employeur soumet que la répartition des heures supplémentaires est une pratique établie depuis longtemps, qu’elle n’a jamais fait l’objet d’un écrit et qu’elle ne fait pas partie de la convention collective. Par conséquent, un arbitre de grief n’a pas compétence pour décider du grief.

22 L’employeur soulève que la convention collective a été renouvelée à maintes reprises sans objection. L’agent négociateur ne peut pas soudainement prétendre que la répartition des heures supplémentaires est inéquitable et qu’il est maintenant en désaccord avec la façon de faire de l’employeur.

23 L’employeur soutient que le grief du fonctionnaire traite d’une période précise et qu’il doit être analysé en tant que tel. Même si le fonctionnaire recherche une déclaration de principe sur ce qu’est la bonne interprétation de la convention collective, le grief doit se limiter à l’examen des faits tels qu’ils s’appliquaient au moment où le fonctionnaire a déposé son grief.

24 L’employeur ajoute que la période d’analyse habituelle pour le temps supplémentaire est trimestrielle, annuelle ou d’une certaine durée. Dans la présente affaire, le fonctionnaire a été nommé au niveau MDO-6 en mars 2004. Il a demandé d’être mis sur la liste des employés disponibles pour faire les heures supplémentaires le 16 avril 2004 et a été ajouté à la liste le 20 avril 2004. Par conséquent, le grief doit se limiter à la répartition des heures supplémentaires au cours de la période de deux semaines qui a précédé le dépôt du grief. L’employeur s’oppose à ce que la preuve postérieure au grief soit considérée.

25 L’employeur plaide que le fait de tenir compte de la bonne gestion des fonds publics est une préoccupation opérationnelle légitime qui ne contrevient pas à la convention collective.

26 L’employeur souligne qu’il est inapproprié de répartir généralement le temps supplémentaire entre tous les niveaux de la classification MDO, parce que les employés ne sont pas tous aptes à faire le travail de niveau supérieur et les tâches ne sont pas interchangeables. Ainsi, un employé de niveau MDO-4 ne pourrait pas effectuer les heures supplémentaires des niveaux MDO-5 et MDO-6, et un MDO-5 ne pourrait pas effectuer les heures supplémentaires d’un MDO-6, alors que les deux employés du niveau MDO-6 seraient éligibles pour les heures supplémentaires à tous les niveaux. Cette répartition des heures supplémentaires serait inéquitable pour les employés des niveaux inférieurs. L’employeur argue que je devrais tenir compte du principe des tâches régulières pour chaque niveau.

27 Au soutien de sa position, l’employeur a cité les décisions suivantes : Roireau et Gamache c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CRTFP 85; Hunt et Shaw c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 65; Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, 2010 CRTFP 85; Fok et Granger c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2006 CRTFP 93; Cie minière Québec Cartier c. Québec (arbitre des griefs) [1995] 2 R.C.S. 1095; Alcan Smelters & Chemicals Ltd. and C.A.S.A.W., Loc. 1, (1998) 1 L.A.C. (4th) 126.

28 L’employeur me demande de rejeter le grief, ou, si le grief est accueilli, de limiter le redressement à la période pertinente au grief.

IV. Motifs

29 La clause 29.04 de la convention collective est libellée comme suit :

[…]

29.04 Attribution du travail supplémentaire

Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible :

a) d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles,

et

b) donner aux employé-e-s qui sont tenus de faire des heures supplémentaires un préavis suffisant.

[…]

30 La clause 2.01 de la convention collective définit les heures supplémentaires comme suit :

[…]

l) heures supplémentaires désigne (overtime) :

(i) dans le cas d’un employé-e à temps plein, les heures de travail qu’il ou elle est autorisé à effectuer en sus de son horaire normal de travail.

[…]

31 Il n’est pas contesté que lorsqu'il y a répartition des heures supplémentaires, ce sont les employés qui accomplissent habituellement la tâche qui sont considérés en premier. Le fonctionnaire soumet que ces employés bénéficient d'une priorité injustifiée qui rend la répartition des heures supplémentaires inéquitable. L’employeur avance que cette méthode de répartition n’a jamais été contestée par le passé et qu’elle est conforme à l’esprit de la convention collective.

32 C'est donc sur la question des critères applicables à la répartition des heures supplémentaires qu'il y a divergence entre le fonctionnaire et l'employeur. Autrement dit, l'employeur doit-il répartir les heures supplémentaires de façon équitable entre tous les employés qualifiés et facilement disponibles, peu importe le niveau de la classification, ou peut-il d’abord faire appel aux employés de la classification qui font habituellement le travail, pour des motifs d’efficacité et de moindre coût. C'est au fonctionnaire qu'incombe le fardeau de démontrer que l’employeur utilise des critères qui ne sont pas prévus à la convention collective.

33 Le fonctionnaire a déposé un registre des heures supplémentaires pour chacun des niveaux de la classification pour une période d’un an englobant la date du dépôt du grief. Je constate que des deux employés qui occupent un poste classifié MDO-6, le fonctionnaire a bénéficié du plus grand nombre d’heures supplémentaires, soit 51 heures, contre 17,25 heures pour son collègue. Les trois employés de niveau MDO-5 ont fait une moyenne de 449,37 heures. Les six employés de niveau MD-4 ont fait une moyenne de 359,6 heures.

34 Le fonctionnaire a plaidé que les décisions Lagacé et Leighton, Johnston et Boss soutiennent sa position que je ne dois pas tenir compte des considérations financières dans l’attribution équitable des heures supplémentaires. Dans Lagacé, l’arbitre de grief a décidé que l’employeur n’était pas justifié de considérer le niveau de classification d’un employé avant d’offrir les heures supplémentaires. Dans cette affaire, l’employeur avait créé deux listes pour le temps supplémentaire, l’une au niveau AC-1 et une autre AC-2. Il n’était pas contesté qu’un AC-1 pouvait faire le travail d’un AC-2 et que les AC-1 étaient assignés régulièrement comme AC-2, selon les besoins du service au début de chaque quart de travail. La politique de l’employeur était de prioriser la rémunération horaire la moins élevée, soit le temps et demi et, ensuite le temps double en tenant compte des priorités par groupe. L’employeur utilisait aussi des CX-1 à temps partiel pour combler ses besoins avant de répartir les heures supplémentaires. L’arbitre de grief a décidé que la convention collective ne prévoyait aucune restriction si ce n’est que l’employé devait être qualifié et disponible et que le niveau de poste ne devait pas entrer en ligne de compte dans l’obligation de l’employeur de répartir équitablement le temps supplémentaire.

35 Dans Leighton, l’employé, classifié PI-4, travaillait comme superviseur dans un abattoir. Pendant presqu’un an, à la demande de l’employeur, il a travaillé une demi-heure supplémentaire tous les jours afin d’assurer l’inspection continue de l’abattage pendant les heures d’exploitation de l’abattoir. Dans le but d’économiser de l’argent, l’employeur a changé l’horaire de l’employé de façon à ce qu’il ne fasse plus la demi-heure supplémentaire qu’il effectuait auparavant à moins de circonstances exceptionnelles liées à ses fonctions de supervision. La demi-heure supplémentaire journalière a été assignée en rotation aux PI-3 sous la supervision de l’employé, et ce dernier a été exclu de la répartition des heures supplémentaires. L’employé a fait valoir qu’il était qualifié pour exécuter les tâches d’un PI-3. L’arbitre de grief a été d’avis que la disposition concernant le temps supplémentaire ne prévoyait aucune restriction quant au genre d’employé membre de l’unité de négociation qui a le droit de se voir attribuer des heures supplémentaires et a rejeté les considérations telles que la classification et le coût.

36 Dans Boss, suite à une modification de la description de tâches, des PM-3 ont été autorisés à faire des heures supplémentaires en tant qu’agent d’immigration à l’aéroport de London (ON), des tâches de niveau PM-2. Apparemment, de moins en moins d’employés étaient prêts à accepter une promotion du niveau PM-2 au niveau PM-3 (le niveau de surveillance) vu qu’il leur fallait alors renoncer au « boni » que représentaient les heures supplémentaires. L’arbitre de grief a décidé que l’employeur devait chercher le plus grand nombre possible de candidats à l’intérieur d’une même unité de négociation à qui offrir les heures supplémentaires de façon équitable, en autant que l’employé soit qualifié et facilement disponible. Les PM-3 ne pouvaient donc être exclus de la liste des employés qui effectuaient des heures supplémentaires.

37 Dans Johnston, l’employeur depuis plusieurs années assignait les heures supplémentaires aux seuls employés travaillant régulièrement au sein de l’unité responsable de la préparation des demandes de prestations d’assurance-chômage. Des employés de même niveau mais dans une autre unité ont contesté la façon d’attribuer les heures supplémentaires. Ces employés ont démontré qu’ils étaient en mesure de faire le travail en question. Par conséquent, l’arbitre de grief a conclu que les employés s’estimant lésés ne devaient pas être exclus de la répartition du temps supplémentaire du simple fait qu’ils travaillent normalement en dehors de l’unité où se fait les heures supplémentaires.

38 Bien que ces décisions traitent de l’attribution des heures supplémentaires, les circonstances diffèrent suffisamment de la présente affaire pour les distinguer. Dans Lagacé, les AC-1 remplaçaient régulièrement les AC-2 même en dehors des heures supplémentaires. Par conséquent, si les AC-1 étaient en mesure de faire le travail pendant les heures normales de travail, ils étaient tout aussi capables de faire le travail en heures supplémentaires. Dans Leighton, l’employé avait régulièrement travaillé la demi-heure supplémentaire journalière pendant une longue période de temps et la nouvelle politique de l’employeur de lui interdire le temps supplémentaire dans la classification inférieure avait un impact négatif sur ses gains. Dans Boss, l’employeur avait modifié la description de tâches pour comprendre l’accès aux heures supplémentaires en raison des problèmes de recrutement. Dans Johnston, les employés ont démontré qu’ils faisaient un travail semblable, sinon identique, mais dans une autre unité.

39 Dans la présente affaire, la façon de répartir le temps supplémentaire est établie depuis fort longtemps. Le syndicat ne s’y est jamais opposé avant le dépôt du présent grief. Selon la preuve déposée par le fonctionnaire pour la période du 1er avril 2004 et le 1er février 2005, l’employeur a réparti équitablement les heures supplémentaires selon chacun des niveaux de la classification. Le fonctionnaire a bénéficié du plus grand nombre d’heures pour son niveau de classification.

40 Contrairement aux instances précitées, et même s’ils font tous partie de la même unité de négociation, les tâches de conduite qui distinguent des trois niveaux de classification ne sont pas interchangeables car elles exigent des qualifications différentes. Si l’employeur devait tenir une seule liste pour le temps supplémentaire, seuls deux employés, dont le fonctionnaire, seraient en mesure d’effectuer les heures supplémentaires à tous les niveaux, au détriment des neuf autres employés sur la liste. Cette nouvelle façon de répartir les heures supplémentaires deviendrait alors inéquitable par rapport à la majorité des employés.

41 De plus, la répartition des heures supplémentaires doit être évaluée sur une période raisonnable (voir Brown and Beatty, Canadian Labour Arbitration, paragraphe 5:3224). Sur cette question, la période de 10 jours entre l’inscription du nom du fonctionnaire sur la liste des personnes aptes à faire des heures supplémentaires n’était pas une période suffisante pour décider s’il y avait répartition équitable du temps supplémentaire à son sujet. Par ailleurs, le fonctionnaire a admis dans son témoignage qu’il ne se souvenait pas s’il avait été disponible pour faire des heures supplémentaires entre le 16 et le 30 avril 2004, ni si des heures supplémentaires avaient été travaillées. Ainsi, le fonctionnaire ne m’a pas persuadée que le facteur de moindre coût était la seule explication du fait qu’il ne s’était pas fait attribuer du temps supplémentaire entre le 16 avril et le 30 avril 2004. (voir en ce sens Roireau et Gamache).

42 En raison de mes conclusions, il n’est pas nécessaire de traiter de l’argument de l’employeur concernant la bonne administration des fonds.

43 Par conséquent, j’estime que le fonctionnaire ne s’est pas déchargé de son fardeau de la preuve que la répartition du temps supplémentaire à la garnison de Montréal était inéquitable. Le grief est donc rejeté.

44 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

45 Le grief est rejeté.

Le 10 février 2011.

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

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