Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a présenté un grief de principe à la suite de la diffusion d’une note de service par Environnement Canada à ses conseillers en rémunération - la note de service énonçait l’interprétation de l’employeur de la clause 25.13d)(ii) de la convention collective du groupe Services techniques portant sur le calcul de la prime versée aux employés qui travaillent selon des horaires de travail variables ou irréguliers lors d’un jour férié payé - selon l’employeur, les employés devraient être rémunérés au taux de salaire majoré (temps et demi) seulement pour les heures travaillées au-delà des <<heures journalières normales>>, lesquelles sont réputées correspondre à 7,5 heures en vertu de la clause 25.13d)(i) - l’agent négociateur a fait valoir que les employés devraient être rémunérés au taux majoré pour toutes les heures travaillées lors d’un jour férié payé, se fondant sur les décisions antérieures rendues à cet égard et qui, selon l’agent négociateur, avaient tranché cette question - l’employeur a reconnu qu’il remettait en question des décisions arbitrales antérieures, estimant que les décisions étaient tranchées incorrectement - l’arbitre de grief s’est ralliée à l’interprétation de la convention collective retenue par l’agent négociateur et a conclu que les <<heures normales de travail prévues à l’horaire>> s’entendaient de toutes les heures travaillées par l’employé lors d’un jour férié payé - par conséquent, le taux de salaire majoré s’appliquait à toutes ces heures, et non seulement aux heures travaillées au-delà des heures journalières normales (7,5 heures) telles qu’elles sont définies par la convention collective - l’arbitre de grief a renvoyé au libellé du préambule de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et affirmé qu’il était important de cultiver un climat de relations de travail sain, notamment en n’infirmant pas les décisions antérieures au sujet d'affaires identiques. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-11-23
  • Dossier:  569-02-40
  • Référence:  2011 CRTFP 133

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, arbitre de grief

Pour l’agent négociateur:
Kim Patenaude, avocate

Pour l'employeur:
Sean F. Kelly, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
le 18 mai 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 Le 26 juin 2007, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a présenté, en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), un grief de principe alléguant que le Conseil du Trésor (l’« employeur ») avait, au moyen d’une note de service, modifié la rémunération des employés qui ont des horaires variables de travail par postes et qui sont tenus de travailler un jour férié désigné payé.

2 Le grief est libellé comme suit :

[Traduction]

Exposé de la nature de chaque action, omission ou question ayant donné lieu au grief :

Le 1er juin 2007, des employés d’Environnement Canada ont reçu une copie d’une note de service envoyée par le Ministère à ses conseillers en rémunération (ci-jointe). Cette note de service est censée « clarifier » la rémunération des employés du groupe Services techniques qui ont des horaires variables de travail par postes et qui sont tenus de travailler un jour férié désigné payé.

L’information contenue dans la note de service est contraire à ce que stipule la convention collective du groupe Services techniques et contraire à l’interprétation de son libellé tel qu’il a déjà été établi dans des décisions d’arbitrage de grief antérieures (King – 166-2-28332 et 28333, T-161-99; Breau et al. – 2003 CRTFP 65; Mackie – 2003 CRTFP 103).

Mesures correctives réclamées :

L’agent négociateur demande une ordonnance

déclarant que l’employeur a enfreint l’article 25 de la convention collective du groupe Services techniques;

affirmant la façon exacte d’interpréter, d’appliquer et d’administrer l’article 25 de la convention collective du groupe Services techniques;

exigeant que l’employeur interprète, applique et administre la convention collective du groupe Services techniques conformément à l’interprétation déjà établie dans des décisions antérieures de la Commission et de la Cour fédérale.

3 Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits; les passages pertinents décrivant le différend sont reproduits ci-après :

[Traduction]

[…]

9.       Dans le cas des employés qui travaillent par quarts, la durée normale du travail est portée à l’horaire de manière à ce que les employés travaillent :

i. en moyenne 37,5 heures par semaine et en moyenne 5 jours par semaine;

ii. 7,5 heures par jour.

10.     L’horaire des employés de quarts doit prévoir une moyenne d’heures de travail de 37,5 heures par semaine pendant la durée de l’horaire.

11.     Le système d’administration de la paie de l’employeur prévoit annuellement l’émission de 26 chèques de paie. Les travailleurs de quarts reçoivent un chèque toutes les deux semaines représentant une rémunération pour 75 heures de travail, peu importe le nombre d’heures qu’ils ont réellement travaillé au cours de la période de deux semaines précédant cette rémunération. La rémunération est calculée selon le taux horaire de l’employé pour une semaine de travail normale (37,5 heures) et la journée normale de travail (7,5 heures).

12.     Un travailleur de quarts peut ne pas travailler 75 heures au cours de la période de deux semaines précédant la rémunération, qui est prévue aux deux semaines. Un travailleur de quarts peut travailler plus ou moins 75 heures dans cette période de deux semaines, cependant, pendant la durée de son horaire, il travaille en moyenne 37,5 heures par semaine, ou le même nombre d’heures qu’un employé permanent pour la même période. Les exemples suivants illustrent ces principes :

Exemple A : Si la période de 14 jours se rapporte aux jours 1 à 14, l’employé serait payé pour 75 heures, même s’il travaillait 88,75 heures.

Exemple B : Si la période de 14 jours se rapporte aux jours 15 à 28, l’employé serait payé pour 75 heures, même s’il travaillait 61,25 heures.

13.     La clause 23.13d) de la convention collective prévoit les dispositions suivantes en ce qui concerne les jours fériés désignés payés pour les travailleurs de quarts :

Un jour férié désigné payé correspond à sept heures et demie (7 1/2).

L’employé qui travaille un jour férié désigné payé est rémunéré, en plus de la rémunération versée pour les heures précisées au sous-alinéa (i), au tarif et demi (1 1/2) jusqu’à concurrence des heures normales de travail prévues à son horaire et au tarif double (2) pour toutes les heures additionnelles qu’il ou elle effectue.

14.     Les sommes non payées dues à un travailleur de quarts pour rémunérer le travail effectué durant un jour férié désigné payé sont payées séparément au travailleur de quarts en même temps que les heures supplémentaires et les primes de quart.

15.     Par exemple, selon la note de service datée du 5 mai 2007, advenant qu’un jour férié désigné payé tombe le vingt-cinquième jour (12,25 heures normales de travail prévues à l’horaire) et que l’employé travaille ces 12,25 heures, il est payé par un chèque distinct l’équivalent de 13,625 heures. L’employeur fait le calcul des heures comme suit :

+7,5 heures au tarif simple

+ 7,5 heures + 12,25 heures au tarif de 1,5  

+18,375 heures

Montant total dû pour le jour férié désigné payé
= 25,875 heures

Les 12,25 heures déjà payées à l’employé dans le chèque de paie de deux semaines pour 75 heures sont ensuite soustraites de ce montant                              

- 12,25 heures   

Montant total payé dans le chèque séparé :
13,625 heures

II. Argumentation de l’agent négociateur

4 L’agent négociateur affirme que la note de service de l’employeur diminue la prime à laquelle les employés ont droit lorsqu’ils travaillent un jour férié désigné payé et que cela est contraire au libellé de la clause 25.09 de la convention collective et aux précédents établis dans King, Mackie et Breau et al. Les références complètes pour ces décisions sont : King c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossiers de la CRTFP 166‑02‑28332 et 28333 (19990819); Breau et al. c. Conseil du Trésor (Justice Canada), 2003 CRTFP 65; Mackie c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2003 CRTFP 103. La convention collective a été convenu entre l’agent négociateur et l’employeur au nom du groupe Services techniques (date d’expiration : le 21 juin 2007, la « convention collective »).

5 En outre, l’employeur a tenté de remettre en litige une question que trois arbitres de grief de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») ont tranchée uniformément, et qui a été confirmée par la Cour fédérale. Bien que le libellé de la convention collective en cause ne soit pas identique à celui des dispositions interprétées dans King, Mackie et Breau et al., le fond de la question est le même, à savoir le montant de la prime auquel un travailleur de quarts a droit si il ou elle travaille un jour férié désigné payé.

6 L’agent négociateur a soutenu que les employés travaillant selon des horaires de travail variables sont rémunérés en fonction des heures théoriquement travaillées plutôt qu’en fonction des heures réellement travaillées durant un horaire de quart de travail donné. Lorsqu’il calcule la prime pour les heures travaillées un jour férié désigné payé, l’employeur ne devrait soustraire que 7,5 heures, ce qui représente les heures normalement travaillées aux fins de la rémunération et non les heures réellement travaillées ce jour-là.

7 Les employés qui ne travaillent pas selon un horaire de travail variable sont rémunérés pour les jours fériés désignés payés même s’ils ne travaillent pas ces jours-là. La valeur de cet avantage devrait s’appliquer de manière égale aux employés qui sont tenus de travailler les jours fériés désignés payés. Par conséquent, ces derniers devraient être payés pour les jours fériés tout comme les employés qui ne sont pas tenus de travailler. Ils devraient recevoir une rémunération au taux de salaire majoré, soit au tarif et demie, pour les heures réellement travaillées ces jours-là.

8 L’agent négociateur a soutenu que la valeur de chaque jour de travail doit être calculée comme si l’employé travaillait selon un horaire de travail régulier, soit 7,5 heures. L’agent négociateur conteste l’interprétation de l’employeur selon laquelle les heures réellement travaillées durant un jour férié désigné payé devraient être retranchées de la rémunération au taux de salaire majoré, c’est-à-dire entre 8 et 12,25 heures. Cette interprétation est conforme au principe décidé dans King, Mackie et Breau et al.

III. Argumentation de l’employeur

9 L’employeur a soutenu que les travailleurs de quarts travaillent des horaires de travail irréguliers et variables et qu’ils sont rémunérés pour 75 heures aux deux semaines, peu importe le nombre d’heures réellement travaillées. L’employeur a soutenu que les employés qui travaillaient un jour férié désigné payé n’avaient droit à une rémunération au taux de salaire majoré seulement que pour les heures travaillées au-delà des heures de travail prévues à l’horaire, puisqu’ils avaient déjà été rémunérés pour leur journée de travail par l’entremise de leur paie distribuée aux deux semaines.

10 L’employeur cite Arsenault et al. c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17, comme étant la décision la plus récente et la plus pertinente à l’appui de sa position puisque les dispositions à l’étude dans cette décision sont identiques à celles en cause dans le cas présent. Arsenault impliquait le même agent négociateur et le même employeur. L’employeur a affirmé que plusieurs autres décisions récentes, ultérieures à King, Mackie et Breau et al.  appuyaient aussi sa position, à savoir : White c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 40 (confirmée dans 2004 CF 1017), Diotte c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 74, Wallis c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 180, Clarkson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 87 et Garrah c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 148 (confirmée dans 2010 CF 1192).

11 L’employeur a souligné que ces cas récents n’appuyaient pas la position de l’agent négociateur et confirmaient que la valeur d’un jour férié désigné payé ne correspondait pas à celle des heures de travail normalement prévues à l’horaire, mais plutôt à la rémunération prévue normalement par l’accord de rémunération ou aux heures journalières normales. À titre d’arbitre de grief, je ne suis pas liée par ces décisions; toutefois, je ne devrais m’en écarter que si elles sont clairement erronées. L’employeur a aussi maintenu que, si j’accueillais le grief, je ne tiendrais pas compte du libellé clair de la convention collective.

12 L’employeur a allégué que le libellé de la convention collective était clair et non ambigu. Selon lui, l’intention des parties est de rémunérer les employés qui travaillent selon un horaire de travail variable et lors d’un jour férié désigné payé au tarif simple pendant 7,5 heures, peu importe le nombre d’heures normales de travail prévues à l’horaire et la rémunération au taux de salaire majoré. Cette approche est également conforme à la rémunération des employés qui ne travaillent pas selon des horaires de travail variables, lesquels sont payés 7,5 heures plus la prime applicable lorsqu’ils travaillent un jour férié désigné payé. Selon la convention collective,  les employés qui travaillent selon un horaire de travail variable ne sont pas avantagés par rapport aux employés qui travaillent à des heures fixes. Si la valeur d’un jour férié désigné payé variait selon les heures de travail prévues à l’horaire, comme le propose l’agent négociateur, cela entraînerait des frais supplémentaires pour l’employeur, contrairement au libellé du paragraphe 25.11.

13 Selon l’employeur, King, Mackie et Breau et al. ne sont plus valables et sont contraires à une interprétation appropriée de la convention collective.

IV. Motifs

14 Le grief porte sur la valeur temporelle d’un jour férié désigné payé lorsqu’un employé assujetti à un horaire de travail variable est appelé à travailler ce jour-là. L’agent négociateur a fait valoir qu’un employé avait le droit d’être rémunéré à un taux de salaire majoré lorsqu’il travaille un jour férié désigné payé, en sus des heures normales de travail, tel qu’il est défini dans la convention collective. L’effet final de ce calcul de la prime de salaire est qu’en plus de son taux salarial journalier un employé a droit à un salaire majoré au tarif et demi pour toutes les heures travaillées ce jour-là. L’employeur a maintenu qu’un employé assujetti à un horaire de travail variable avait droit à une rémunération de 7,5 heures au tarif simple et à une prime pour les heures travaillées ce jour-là, en sus de ce que la convention définit comme une journée de travail normale.

15 Les modalités visées par l’entente intervenue entre les parties en vertu de la clause 25.09g) de la convention collective sont énoncées aux clauses 25.10 à 25.13, comme suit :

25.10 Les conditions régissant l’administration des horaires de travail variables mis en œuvre conformément aux alinéas 25.04b), 25.06 et 25.09g) sont stipulées aux paragraphes 25.10 à 25.13 inclusivement. La convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée par celles-ci.

25.11 Nonobstant toute disposition contraire dans la présente convention (d’après le site Web du Conseil du Trésor), la mise en œuvre d’un horaire de travail différent ne doit pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles ni une rémunération supplémentaire du seul fait du changement d’horaire, et ne doit pas non plus être réputée retirer à l’employeur le droit d’établir la durée du travail stipulée dans la présente convention.

25.12a) Les heures de travail d’une journée quelconque peuvent être supérieures ou inférieures à sept heures et demie (7 1/2); les heures du début et de la fin, les pauses-repas et les périodes de repos sont fixées en fonction des nécessités du service déterminées par l’Employeur, et les heures journalières de travail sont consécutives.

b) L’horaire doit prévoir une moyenne de trente-sept heures et demie (37 1/2) de travail par semaine pendant toute la durée de l’horaire.

(i) La durée maximale d’un horaire de postes est de six (6) mois.

[…]

25.13 Pour plus de certitude, les dispositions suivantes de la présente convention sont appliquées comme suit :

a) Interprétation et définitions (paragraphe 2.01)

« taux de rémunération journalier » - ne s’applique pas.

[…]

d) Jours fériés désignés payés (paragraphe 32.05)

 (i) Un jour férié désigné payé correspond à sept heures et demie (7 1/2).

(ii) L’employé-e qui travaille un jour férié désigné payé est rémunéré, en plus de la rémunération versée pour les heures précisées au sous-alinéa (i), au tarif et demi (1 1/2) jusqu’à concurrence des heures normales de travail prévues à son horaire et au tarif double (2) pour toutes les heures additionnelles qu’il ou elle effectue.

[Je souligne]

16 La clause 32.05, qui fait référence aux modalités relatives aux employés qui travaillent selon une semaine normale de travail, ou qui ne sont pas visés par une entente d’horaire de travail variable, est également pertinente en l’espèce :

32.05a) Lorsqu’un employé-e travaille pendant un jour férié, il ou elle est rémunéré à tarif et demi (1 1/2) pour toutes les heures effectuées jusqu’à concurrence de sept heures et demie (7 1/2) et au tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération que l’employé-e aurait reçue s’il n’avait pas travaillé ce jour-là.

[…]

[Je souligne]

17 La clause 25.10 de la convention collective indique qu’elle est modifiée par les dispositions des clauses 25.10 à 25.13. Cette disposition doit être conciliée à la clause 25.11, qui énonce que les conditions régissant l’administration des horaires de travail variables ne doivent pas entraîner une rémunération supplémentaire du seul fait d’une telle variation à l’horaire de travail.

18 En outre, je suis d’avis que la clause 25.13d) de la convention collective scinde en deux la rémunération pour les heures travaillées lors d’un jour férié désigné payé. Premièrement, la clause 25.13d)(i) précise la rémunération pour les jours fériés non travaillés, qui équivaut à 7,5 heures. Par conséquent, les employés qui ne travaillent pas un jour férié désigné payé reçoivent une rémunération équivalant à une journée de travail de 7,5 heures. Deuxièmement, le sous-alinéa 25.13d)(ii) fait référence à la rémunération des employés qui travaillent un jour férié désigné payé, une notion qui diffère de celle présentée au sous-alinéa 25.13d)(i). À mon avis, il est clair que la notion d’heures journalières normales de travail ne s’applique qu’au calcul visé par la première partie de la clause et non par la seconde. Par conséquent, la disposition a deux volets : la clause 25.13d)(i), qui prescrit la rémunération d’un employé pour ses heures journalières normales de travail un jour férié désigné payé, et la clause 25.13d(ii), qui prescrit le calcul de la prime à laquelle un employé a droit pour les heures réellement travaillées ce jour-là. Autrement dit, la clause 25.13d)(i) est ajoutée à la clause 25.13d)(ii), et non retranchée, tel que l’affirme l’employeur.

19 On en revient au même point, peu importe qu’un employé travaille une semaine de travail normale de 37,5 heures (clause 32.05 de la convention collective), ou selon un horaire de travail variable (clause 25.13d)) qui n’entraîne pas d’heures supplémentaires autres que celles qui seraient justifiées par le nombre d’heures travaillées un jour férié désigné payé.

20 Par conséquent, un employé dont l’horaire correspond à une semaine normale de travail et qui est appelé à travailler un jour férié désigné payé doit être rémunéré comme suit :

a) Rémunération qui aurait été accordée à l’employé si il ou elle n’avait pas travaillé le jour férié : 7,5 heures.

b) Rémunération supplémentaire à taux et demi pour toutes les heures travaillées le jour férié désigné payé jusqu’à 7,5 heures : 11,5 heures.

21 Par conséquent, un employé dont l’horaire correspond à une semaine normale de travail aurait droit à une rémunération supplémentaire de 11,5 heures pour avoir travaillé un jour férié désigné payé, en sus de sa rémunération normale pour ce jour-là.

22 Si on applique ce raisonnement dans le cas des employés qui travaillent selon un horaire de travail variable, on obtient :

a) La rémunération que l’employé aurait obtenue conformément à la clause 25.13d)(i) de la convention collective : 7,5 heures.

b) La rémunération supplémentaire à taux et demi pour le congé payé désigné férié pour toutes les heures travaillées ce jour-là, présumant qu’il s’agit d’une journée de 8 heures : 12 heures.

23 Donc, tout comme un employé qui travaille une semaine normale, un employé assujetti à un horaire de travail variable a droit à 12 heures de rémunération supplémentaire pour avoir travaillé un jour férié désigné payé en sus de sa rémunération normale pour ce jour-là.

24 Je considère que plusieurs des cas cités par l’employeur ne sont pas pertinents. Clarkson a trait à une décision de dernière minute de l’employeur de changer le quart de travail prévu de l’employé d’un jour férié désigné payé à un congé payé qui avait la valeur d’un jour férié désigné payé, ce sur quoi ne porte pas le présent différend. Garrah traite aussi de la valeur de temps indéterminée par la convention collective d’un jour férié désigné payé. Murray se rapporte à la question du droit du fonctionnaire à une rémunération un jour férié désigné payé non travaillé.

25 Stevens et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), 2004 CRFTP 34; Lamothe c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 2; Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112; Tamborriello c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2006 CRTFP 48; Tembec Industries Inc. v. Pulp, Paper and Woodworkers of Canada, Local 15, [2010] B.C.C.A.A.A. No. 168 (QL) (grief Flanders) n’ont été présentées que dans le but de citer des règles d’interprétation notoires, tout comme les extraits de l’interprétation de la convention collective de Brown et Beatty, et de Palmer et Snyder. Diotte, Wallis et White ont trait à l’interprétation des « heures journalières normales » et, selon moi, ne s’appliquent pas à la présente affaire. La notion d’« heures journalières normales » diffère sensiblement de l’expression « heures normales de travail prévues à l’horaire » qui est employée au paragraphe 25.13 de la convention collective. Dans White, la Cour fédérale a stipulé que les deux notions étaient distinctes et que l’utilisation d’un libellé différent dans une convention collective indique que l’auteur souhaitait accorder une signification différente.

26 Je ne crois pas qu’Arsenault crée un précédent applicable à la présente affaire. Dans cette affaire, l’arbitre de grief s’est prononcé contre le plaignant, faute de preuves. Le plaignant n’a pas réussi à expliquer le fondement de son argumentation ni comment les documents déposés en preuve appuyaient sa cause. À cet égard, je crois aussi que l’arbitre de grief a fait erreur en fondant sa décision sur l’expression « heures normales de travail » alors que la question réellement en cause était la signification de l’expression « heures de travail normales travaillées prévues à l’horaire ». De plus, l’arbitre de grief n’a pas scindé la clause en deux et a malencontreusement lu la deuxième partie comme si elle désignait les « heures journalières normales » au lieu des « heures normales de travail prévues à l’horaire ».

27 Mes conclusions coïncident avec la décision la plus récente portant sur l’interprétation d’une disposition très semblable, sinon identique, de la convention collective par l’arbitre de grief Potter dans Bazinet c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2011 CRTFP 111, portées à l’attention de la Commission par les parties pendant la rédaction de la présente décision.

28 L’employeur a reconnu qu’il remettait en question Mackie, qui à son avis avait été tranchée incorrectement. Dans la présente affaire, l’exposé conjoint des faits est presque identique à celui présenté dans Bazinet, et l’argumentation de l’employeur est pratiquement la même, à savoir que Mackie, King et Breau et al. ont fait l’objet d’une mauvaise décision et que la décision relative à Arsenault marque un tournant dans la jurisprudence à l’appui de son interprétation de la convention collective. Mon examen de la jurisprudence n’appuie pas cette argumentation.

29 Conformément au préambule de la LRTFP et comme en témoigne Mackie et Bazinet, il est important de cultiver un climat de relations de travail sain, notamment en ne s’écartant pas des décisions antérieures lorsque saisis d’affaires identiques. La question en litige a été portée en justice et a fait l’objet de plusieurs décisions, et les décisions de la Commission ont été maintenues par la Cour fédérale. S’il y a toujours des différences en ce qui concerne l’interprétation de la disposition en cause et des dispositions semblables de la convention collective, leur résolution réside dans la discussion et la négociation à la table de négociation et non dans une comparution devant le présent tribunal.

30 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

31 Le grief est admis.

  • Je déclare que la note de service du 1er juin 2007 qu’Environnement Canada a envoyée à ses conseillers en rémunération constitue une interprétation et une application inappropriée de la convention collective;
  • Je déclare que l’interprétation de l’employeur enfreint la clause 25.13d)(ii) de la convention collective du groupe Services techniques;
  • J’ordonne à l’employeur d’interpréter, d’appliquer et d’administrer la convention collective du groupe Services techniques conformément aux motifs énoncés précédemment.

Le 23 novembre 2011

Traduction de la CRTFP

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

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