Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté le fait qu’on ne lui a pas attribué des quarts de travail à travailler en heures supplémentaires à 13 reprises, contrairement au libellé de la clause 21.10 de la convention collective - il a affirmé que l’employeur avait contrevenu à la convention collective lorsqu’il a affecté un agent de niveau CX-03, qui ne faisait pas partie de l’unité de négociation, aux tâches d’un poste de niveau CX-02 - il a indiqué qu’il était disponible pour travailler des heures supplémentaires les 13jours en question et a soutenu qu’on aurait dû lui demander de travailler ces quarts de travail en heures supplémentaires, puisqu’il occupait un poste de niveau CX-02 - l’arbitre de grief a indiqué que la convention collective ne contenait aucune disposition limitant le droit de l’employeur d’affecter les tâches d’un employé de niveau CX-02 à un employéde niveau CX-03 ne faisant pas partie de l’unité de négociation - le droit d’attribuer des tâches à des gestionnaires ou à des employés syndiqués est un droit de gestion qui n’est limité que par la loi et la convention collective - le cadre juridique de la convention collective ne contient pas de concept de <<travail relevant d’une unité de négociation>> ou de propriété du travail - la clause 21.10 s’appliquait seulement lorsque l’employeur devait recourir à des heures supplémentaires - l’employé de niveau CX-03 n’a pas travaillé d’heures supplémentaires lorsqu’il a effectué temporairement les tâches d’un employé de niveau CX-02 - par conséquent la question de la contravention potentielle de la clause relative aux heures supplémentaires ne se pose pas. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-11-01
  • Dossier:  566-02-2388 à 2400
  • Référence:  2011 CRTFP 125

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROBERT TUCKETT-REDDY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Tuckett‑Reddy c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Andrea Tait, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l'employeur:
Allison Sephton, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 16 septembre et les 7, 21 et 24 octobre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Entre le 27 mars et le 28 avril 2008, le fonctionnaire s’estimant lésé, Robert Tuckett‑Reddy (le « fonctionnaire »), a présenté 13 griefs alléguant que le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») avait contrevenu à la convention collective en omettant de lui proposer du travail en temps supplémentaire. Le fonctionnaire est un agent correctionnel de niveau II (CX‑2) et travaille au Centre Grierson, un établissement à sécurité minimale situé à Edmonton, en Alberta. La convention collective applicable (la « convention collective ») a été ratifiée le 26 juin 2006 par le Conseil du Trésor et la Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (le « syndicat ») pour l’unité de négociation des Services correctionnels (CX).

2 Les 13 griefs ne sont pas formulés de manière identique, mais ont tous la même signification. Le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait décidé à ces 13 occasions de faire travailler M. Mundell, un gestionnaire correctionnel (GC) classifié au groupe et niveau CX-3, à titre d’employé classifié au groupe et niveau CX‑2. Ces décisions ont privé le fonctionnaire de 13 possibilités d’effectuer un quart de travail supplémentaire. Le fonctionnaire demande d’être payé pour ces quarts de travail supplémentaire manqués. Il demande également à l’employeur de rectifier la situation en excluant M. Mundell de la liste de remplaçants pour les postes classifiés au groupe et niveau CX‑2. Il affirme que l’employeur a contrevenu aux clauses 21.10a) et b) de la convention collective :

[…]

21.10 Répartition des heures supplémentaires

L’Employeur fait tout effort raisonnable pour :

a) répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé‑e‑s qualifiés facilement disponibles,

b) attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé‑e‑s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. agent correctionnel 1 (CX‑1) à agent correctionnel 1 (CX‑1), agent correctionnel 2 (CX‑2) à agent correctionnel 2 (CX‑2), etc.

Cependant, il est possible pour une section locale de convenir par entente écrite avec le directeur de l’établissement d’une méthode différente en ce qui a trait à l’attribution du temps supplémentaire.

[…]

3 Dans sa réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a admis qu’un poste CX‑2 temporairement vacant devait être pourvu au Centre Grierson. À la date pertinente, M. Mundell était disponible pour le pourvoir. L’employeur a reconnu que M. Mundell avait effectué des tâches de CX‑2, mais que ce dernier n’avait pas travaillé d’heures supplémentaires aux dates visées par les 13 griefs. L’employeur n’a pas répondu aux griefs présentés aux deuxième et troisième (dernier) paliers de la procédure de règlement des griefs.

4 Le fonctionnaire a admis que M. Mundell n’avait pas reçu de prime d’heures supplémentaires pour accomplir le travail aux dates en question et qu’il avait été rémunéré en temps normal pour ses journées de travail prévues. Cependant, selon le fonctionnaire, M. Mundell a continué de porter son uniforme de GC pendant toute cette période et a affirmé à certains employés qu’il continuait d’être payé comme GC pendant qu’il était affecté aux fonctions relevant d’un CX‑2 au Centre Grierson.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

5 Selon le fonctionnaire, il faut examiner les questions suivantes :

  1. Lorsque, en raison d’exigences opérationnelles, l’employeur doit remplacer un CX‑2, est‑il tenu de recourir à un agent de même titre/rang, c’est‑à‑dire un autre CX‑2?
  2. dans l’affirmative, l’employeur aurait versé dans ce cas-ci une prime d’heures supplémentaires et aurait été obligé de se conformer à l’article 21 de la convention collective en ce qui a trait à la répartition équitable des heures supplémentaires;
  3. par conséquent, l’agent Tuckett‑Reddy aurait été disponible et admissible à travailler aux dates en question?

6 Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait contrevenu à la convention collective en affectant à un poste vacant classifié CX‑2 un GC qui appartenait au groupe et au niveau CX‑3 et qui ne faisait pas partie de l’unité de négociation. Il en a découlé que le fonctionnaire n’a pas été appelé à travailler des heures supplémentaires aux dates en question.

7 Le fonctionnaire a soutenu qu’en ayant recours aux services d’un GC pour effectuer le travail d’un CX‑2, l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de maintenir des rapports harmonieux avec le syndicat, conformément à l’article 1 de la convention collective. L’employeur a choisi de demander à M. Mundell, un CX-3, de remplacer et d’effectuer les fonctions d’un CX-2 pendant un certain temps. La convention collective ne vise que les employés de niveau CX‑1 et CX‑2, comme l’indiquent clairement l’article 7 et l’appendice « E » de la convention collective. Les titulaires d’un poste de GC ou les personnes classifiés au groupe et au niveau CX‑3 sont exclues de la convention collective et ne sont pas des employés au titre de la clause 2.01g). Selon la doctrine, il est interdit pour les superviseurs de travailler au sein de l’unité de négociation. À ce sujet, le fonctionnaire m’a renvoyé aux paragraphes 5:1410 et 5:1430 de Canadian Labour Arbitration, 4e édition, de Brown et Beatty.

8 Comme les CX‑3 sont expressément exclus de l’unité de négociation, l’employeur n’avait d’autre choix que de recourir aux services d’un CX‑2, en heures supplémentaires, afin de pourvoir le poste vacant classifié CX‑2. Le fonctionnaire avait signalé être disponible pour travailler des heures supplémentaires les jours en question; conformément à la clause 21.10 de la convention collective, on aurait donc dû recourir à ses services pour travailler ces quarts de travail en heures supplémentaires.

9 Le fonctionnaire a soutenu qu’une multitude de décisions arbitrales avaient interprété la clause 21.10 de la convention collective et appuyé le principe de la répartition équitable des heures supplémentaires. À ce sujet, il m’a renvoyé à Weeks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 132 et Bucholtz et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 111.

B. Pour l’employeur

10 L’employeur a affirmé qu’il avait simplement usé de ses droits généraux de gestion lorsqu’il a pourvu un poste classifié CX-2 avec un employé classifié CX-3. Comme M. Mundell n’a pas travaillé d’heures supplémentaires lorsqu’il a travaillé provisoirement comme CX‑2, la clause 21.10 de la convention collective ne s’appliquait pas. L’attribution temporaire des fonctions d’un employé CX‑2 à un employé CX‑3 s’est faite conformément au droit de la direction d’organiser le lieu de travail. Ces droits lui sont conférés par la convention collective et la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11 (la « LGFP »).

11 Il est bien établi qu’il n’existe aucun concept de « travail réservé à l’unité de négociation » ou d’appropriation d’un type de travail donné au sein de la fonction publique fédérale. En tant qu’employeur des fonctionnaires, le Conseil du Trésor détient de vastes droits de gestion, notamment celui d’assigner des tâches comme il le juge bon, sous réserve d’une restriction expresse issue d’une loi ou d’une convention collective.

12 La jurisprudence a systématiquement confirmé le droit d’un employeur de gérer le lieu de travail. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Peck c. Parcs Canada, 2009 CF 686, et Brescia et al. c. Canada (Conseil du Trésor) et la Commission canadienne des grains, 2005 CAF 236. Il m’a aussi renvoyé à Cianni et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 98, et Purchase c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 67.

III. Motifs

13 Dans ses griefs, le fonctionnaire a soutenu qu’on aurait dû lui proposer de travailler des heures supplémentaires. Or, la question première est celle du droit de l’employeur de pourvoir un poste temporairement vacant en y affectant une personne n’appartenant pas à l’unité de négociation, soit un gestionnaire correctionnel classifié au groupe et niveau CX‑3. La question des heures supplémentaires découle de cette première question. Si je conclus que l’employeur n’a pas contrevenu à la convention collective lorsqu’il a pourvu un poste CX-2 temporairement vacant avec un GC travaillant ses heures habituelles, la question des heures supplémentaires ne se pose plus, car M. Mundell n’a pas travaillé d’heures supplémentaires au cours des 13 quarts de travail visés par les griefs.

14 Je souscris à l’argument du fonctionnaire selon lequel l’appendice « E » et l’article 7 de la convention collective stipulent qu’un gestionnaire correctionnel classifié CX‑3 n’est pas un employé tel que le définit la clause 2.01g). Voici le libellé de ces dispositions de la convention collective :

[…]

2.01 Aux fins de l'application de la présente convention :

[…]

g) « employé‑e » désigne toute personne ainsi définie dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui fait partie d'une des unités de négociation indiquées à l'article 7 (employee);

[…]

7.01 L'Employeur reconnaît le Syndicat comme agent négociateur unique de tous les employé‑e‑s visés par le certificat délivré par l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique le treizième (13e) jour de mars 2001 à l'égard des employé‑e‑s du groupe des services correctionnels dont les fonctions ne comportent pas la supervision d'autres employé‑e‑s.

[…]

Appendice « E »

[…]

Pour la durée de la présente convention collective, il y aura une dérogation générale à l'effet d'exclure tout poste dont la classification est CX‑3 ou CX‑4 faisant partie de l'unité de négociation décrite comme étant « tous les fonctionnaires de l'Employeur compris dans le groupe Services correctionnels, tel que défini dans la Partie 1 de la Gazette du Canada du 27 mars 1999. »

15 Le fait que M. Mundell appartenait au groupe et au niveau CX‑3 n’est pas contesté. Le fait qu’il supervisait habituellement des employés dans le cadre des fonctions de son poste d’attache classifié CX‑3 n’est pas contesté non plus. Il est donc évident qu’il n’était pas un employé selon la définition de la convention collective et qu’il n’était pas membre de l’unité de négociation.

16 À l’exception de la clause relative aux heures supplémentaires, rien dans la convention collective ne restreint le droit de l’employeur d’attribuer des tâches effectuées par un CX‑2 à un CX‑3 qui n’est pas un employé selon la définition de la convention collective ou qui n’est pas membre de l’unité de négociation. Lorsque des heures supplémentaires sont en cause, l’employeur est tenu, conformément à la clause 21.10, de faire tout effort raisonnable pour les attribuer à une personne du même groupe et du même niveau. Cette clause balise le droit de l’employeur d’attribuer des tâches aux membres d’un autre groupe et d’un autre niveau.

17 L’employeur a fait valoir que M. Mundell n’avait pas travaillé d’heures supplémentaires lorsqu’il a travaillé provisoirement comme CX‑02. Le fonctionnaire a admis que M. Mundell n’avait pas reçu de prime d’heures supplémentaires aux dates visées par les 13 griefs. Puisque la convention collective n’oblige d’aucune façon l’employeur à attribuer des tâches rémunérées en temps normal au même groupe et au même niveau, celui‑ci a exercé ses droits de gestion de manière légitime en décidant d’affecter temporairement M. Mundell aux tâches reliées à un poste CX‑2 au lieu de demander à un CX‑2, tel que le fonctionnaire, d’accomplir ces tâches en heures supplémentaires. Ces droits sont exposés dans la clause 6.01 de la convention collective de même qu’au paragraphe 11.1(1) de la LGFP :

11.1 (1) Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines que lui confère l’alinéa 7(1)e) :

a) déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et assurer leur répartition et leur bonne utilisation;

[…]

18 Le droit d’attribuer des tâches à des gestionnaires ou à des employés syndiqués est un droit de gestion que n’est restreint que par les lois et la convention collective. En l’espèce, ni la loi ni la convention collective ne limitent le droit de l’employeur d’affecter, comme ce fut le cas, des gestionnaires classifiés CX‑03 rémunérés en temps normal au remplacement temporaire d’employés syndiqués classifiés CX‑02.

19 Le fonctionnaire a invoqué Weeks et Bucholtz et al., deux décisions qui portent sur la répartition des heures supplémentaires parmi les employés. Elles ne sont d’aucune utilité pour statuer sur les présents griefs, car M. Mundell n’a pas travaillé d’heures supplémentaires lorsqu’il a occupé les fonctions d’un employé classifié CX‑02. Les griefs ici en cause se comparent plutôt à Purchase, à l’issue de laquelle l’arbitre de grief a conclu que l’affectation d’employés classifiés CX‑03 à des quarts habituellement réservés à des employés classifiés CX‑01 ou CX‑02 ne contrevenait pas aux dispositions relatives aux heures supplémentaires de la convention collective. Je suis d’accord avec cette décision. Je souscris par ailleurs à l’argument de l’employeur voulant qu’il n’existe aucun concept de « travail réservé à l’unité de négociation » ou d’appropriation d’un type de travail donné dans le cadre juridique de la convention collective. En l’absence d’un tel concept, l’employeur a le droit d’attribuer les tâches comme il le juge bon, sous réserve d’une restriction expresse issue de la convention collective. Par conséquent, il n’a pas contrevenu à la convention collective pour ce qui est de l’attribution des tâches. De plus, comme le GC, M. Mundell, n’a pas travaillé les 13 quarts de travail dont il est question en heures supplémentaires, la question de la contravention potentielle à la clause relative aux heures supplémentaires ne se pose pas.

20 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV.Ordonnance

21 Les griefs sont rejetés.

Le 1er novembre 2011.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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