Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief alléguant que le Conseil national de recherches du Canada (CNR) l'avait injustement privé de redevances auxquelles il aurait pu avoir droit en vertu du Programme de reconnaissance de l'invention et de l'innovation (PRII) - le renvoi à l'arbitrage ne précisait pas les dispositions de la convention collective qui faisaient l'objet du grief, mais faisait référence au PRII et aux <<conditions d'emploi>> - en réponse à une demande du greffe de la Commission, l'agent négociateur a évoqué la clause1.02 de la convention collective - le CNR a contesté la compétence de l'arbitre de grief, puisque l’objet du grief ne portait ni sur l'interprétation ni sur l'application d'une convention collective - l'arbitre de grief a conclu que la clause1.02 de la convention collective ne faisait pas référence au PRII et ne procurait aucun droit particulier au fonctionnaire s’estimant lésé, et qu'aucune clause de la convention collective ne pouvait étayer son grief - la contestation, par l'employeur, de la compétence de l'arbitre de grief a été accueillie. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-02-24
  • Dossier:  566-09-2670
  • Référence:  2011 CRTFP 24

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JEFF MACKWOOD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

employeur

Répertorié
Mackwood c. Conseil national de recherches du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Pierre Ouellet, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Carolyn Striez, Conseil national de recherches du Canada, et Sean F. Kelly, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 23 décembre 2008, 28 janvier et 5 février 2009, et 7 et 11 février 2011.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1     Le 9 janvier 2008, le fonctionnaire s’estimant lésé, Jeff Mackwood (le « fonctionnaire ») a déposé un grief à l'encontre du Conseil national de recherches du Canada (CNR ou l'« employeur »), dans lequel il prétendait avoir été injustement privé d'environ 140 000 $ en redevances éventuelles, qui lui étaient payables en vertu du Programme de reconnaissance de l'invention et de l'innovation (PRII) du CNR. À l'époque, le fonctionnaire était gestionnaire du marketing et il était classifié au groupe et au niveau RCO-05. Il était régi par la convention collective des agents de recherches/agents du Conseil de recherches (la « convention collective »), laquelle avait été signée le 30 mai 2005 par l'employeur et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'« agent négociateur »). L'employeur a rejeté le grief à toutes les étapes de la procédure interne de règlement des griefs.

2      Le grief a été renvoyé à l'arbitrage le 22 octobre 2008. L'agent négociateur n'avait alors pas indiqué les clauses de la convention collective qui faisaient l'objet du grief; il s'était plutôt reporté au PRII et aux [traduction] « conditions d'emploi ». Le 15 décembre 2008, en réponse à une demande d’un agent du greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), l'agent négociateur a signalé que le grief portait sur la clause 1.02 de la convention collective.

3      Le 23 décembre 2008, l'employeur a déclaré qu'il contesterait la compétence de l'arbitre de grief, puisque l'objet du grief ne se rapportait ni à l'interprétation ni à l'application d'une convention collective. Le 28 janvier 2009, l'agent négociateur a répondu que le grief portait sur le défaut de l'employeur de respecter la clause 1.02 de la convention collective, et qu'un arbitre de grief avait la compétence pour entendre le grief. Le 5 février 2009, l'employeur a réitéré sa position selon laquelle un arbitre de grief n'avait pas la compétence voulue pour entendre le grief, car celui-ci ne se rapportait pas à la clause 1.02 de la convention collective mais à l'application du PRII. Le 11 février 2009, un agent du greffe de la Commission a écrit aux parties pour les aviser que la question de la compétence serait soumise à l'attention de l'arbitre de grief retenu pour cette affaire, et qu'elle devrait être abordée dès le début de l'audience. Le dossier s'est donc ajouté à la liste des dossiers en attente d'une date d'audience.

4      En décembre 2010, j'ai appris que je serais l'arbitre de grief affecté à ce dossier. Après analyse des documents contenus dans le dossier, j'ai demandé à un agent du greffe de la Commission de solliciter des arguments à jour aux parties, quant à leurs positions sur la compétence qu'a l'arbitre de grief d'entendre ce grief. Les parties ont alors été informées que l'arbitre de grief pourrait se prononcer sur l'objection soulevée par l'employeur en se fondant sur ces arguments et sur ceux déjà portés au dossier. Les parties ont aussi été informées que, si l'objection était accueillie, le grief serait rejeté et l'audience, prévue pour avril 2011, annulée.

5      Dans ses arguments du 7 février 2011, l'agent négociateur a fait valoir au nom du fonctionnaire que le PRII s'inscrivait dans les conditions d'emploi du fonctionnaire. Le paragraphe 208(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») précise qu'un employé a le droit de déposer un grief portant sur toute question qui se rapporte à ses conditions d'emploi. De plus, la clause 1.02 de la convention collective indique que la convention a pour but de fixer certaines conditions d'emploi aux employés. Le fonctionnaire croit que l'employeur n'a pas respecté ses conditions d'emploi en appliquant arbitrairement le PRII.

6      Le 11 février 2011, l'employeur a répété qu'il contestait la compétence d'un arbitre de grief à se prononcer sur ce grief, car celui-ci ne porte pas sur l'interprétation de la convention collective au sens que l'entend l'alinéa 209(1)a) de la Loi. Contrairement aux prétentions du fonctionnaire, un arbitre de grief n’a pas la compétence pour trancher tous les griefs fondés sur les conditions d'emploi d'un employé. La compétence d'un arbitre de grief se limite aux griefs qui répondent aux critères énoncés dans la Loi, notamment ceux qui figurent à l'alinéa 209(1)a). L'employeur prétend que le grief ne répond pas à ces critères et qu'il ne peut donc pas être renvoyé à l'arbitrage. La nature même de ce grief consiste à déterminer si les redevances dues au fonctionnaire en vertu du PRII étaient contraires à une obligation prévue par le PRII à l'égard du fonctionnaire. Une telle question peut être contestée, mais elle ne peut pas être renvoyée à l'arbitrage.

7      L'employeur a aussi signalé que le grief devait être rejeté, car le fonctionnaire n'avait jamais évoqué une violation de la convention collective avant le renvoi de son grief à l'arbitrage. En procédant comme il l'a fait, le fonctionnaire n'a pas renvoyé à l'arbitrage le même grief que celui présenté à l'employeur dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs.

8      L'employeur m'a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874; Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11; Swan et McDowell c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 73; Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.); Rhéaume c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 355; Shneidman c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 192.

Motifs

9      Selon l'article 208 de la Loi, un employé peut contester pratiquement chacune de ses conditions d'emploi, pourvu qu'aucune procédure administrative de réparation ne soit prévue à une autre loi. Ce point n'est pas remis en question, car l'employeur a admis que le fonctionnaire avait le droit de contester sa décision de le priver, soi-disant, de redevances éventuelles. La question en litige consiste à déterminer si l'alinéa 209(1)a) de la Loi l'autorise à renvoyer ce grief à l'arbitrage. Cette disposition est libellée comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

10 Le fonctionnaire a soutenu que son grief portait sur l’interprétation ou l’application de la clause 1.02 de la convention collective. Cette clause se lit en partie comme suit :

[…]

La présente convention a pour objet d'assurer le maintien de rapports harmonieux et mutuellement avantageux entre le Conseil, les employé-e-s et l'Institut professionnel, d'énoncer certaines conditions d'emploi concernant la rémunération, la durée du travail, les avantages sociaux et les conditions de travail générales de tous les employé-e-s assujettis à la présente convention.

[…]

11 La clause 1.02 de la convention collective n'évoque pas le PRII, pas plus qu'elle ne confère des droits particuliers au fonctionnaire. Au sujet d'une clause semblable évoquée dans Lâm, la Cour fédérale a écrit :

[…]

28. L’article 1 de la convention collective est une clause générale, une introduction ou un avant-propos qui ne confère aucun droit substantif aux employés. Il n’y a rien dans la convention collective qui peut amener à conclure que celle-ci voulait inclure la politique édictée par le Conseil du Trésor.

[…]

12 J'ai attentivement passé en revue toute la convention collective, et elle ne fait aucunement mention du PRII, du versement de redevances ou de tout autre programme de récompense. Puisque la clause 1.02 de la convention collective n'accorde aucun droit substantif au fonctionnaire, et puisque aucune clause de la convention collective ne donne de fondement à son grief, je conclus que le présent grief ne porte pas sur l'application ou l'interprétation de la convention collective. Par conséquent, j'accepte l'objection soulevée par l'employeur, à savoir que le grief ne peut pas être renvoyé à l'arbitrage.

13 Étant donné la conclusion à laquelle j'arrive, il n'est pas nécessaire d'examiner l'autre objection soulevée par l'employeur, c'est-à-dire que le fonctionnaire n'a jamais évoqué une violation à la convention collective avant le renvoi de son grief à l'arbitrage.

14 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

15 Le grief est rejeté.

Le 24 février 2011.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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