Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la décision de son employeur visant à recouvrer les congés annuels qui lui ont été accordés par erreur - le fonctionnaire s’estimant lésé avait quitté la fonction publique en 1999 et avait reçu une indemnité de départ - il a réintégré la fonction publique en 2000 - en 2007, il a cherché à savoir s’il était admissible au programme des prix de long service et au rajustement de ses congés annuels en conséquence - on l’a informé qu’il avait le droit au rajustement de ses congés annuels afin de tenir compte de ses états de service antérieurs - l’employeur a rajusté les crédits dans sa banque de congés afin de tenir compte de sa nouvelle date de début d’emploi établie à l’année 1975 - le fonctionnaire s’estimant lésé a alors décidé d’utiliser ses congés annuels accumulés en prenant quatre semaines de congé durant l’été, en ne travaillant que trois jours par semaine durant le mois d’août, puis des journées de congé à Noël pour amener sa fille à Disney World - il avait prévu monnayer le reste de ses crédits dans sa banque de congés annuels et, anticipant le montant d’argent que cela lui procurerait, il a acheté une voiture - au retour de ses vacances du mois de juillet, il a appris qu’on lui avait accordé ces congés par erreur - il a annulé les journées de congé qu’il avait prévu écouler, se rendant néanmoins à Disney World en prenant un congé sans solde car il ne serait pas remboursé pour ce voyage et s’était engagé envers sa famille à effectuer ce voyage - il a été obligé de vendre la voiture à perte - les actions et les représentations de l’employeur ont eu pour lui le même effet qu’une promesse qui lui aurait été faite à cet égard, et il a agi à son détriment sur la foi de ces représentations - toutefois, l’obligation de l’employeur envers le fonctionnaire s’estimant lésé a cessé à partir du moment où ce dernier a été informé de l’erreur - l’employeur était dans son droit de rétablir la date à partir de laquelle les congés annuels auxquels il avait droit devaient être calculés, mais ne pouvait recouvrer la partie de ces congés que le fonctionnaire s’estimant lésé avait épuisés sur la foi des représentations qui lui avaient été faites - l’employeur n’était pas obligé de rembourser le fonctionnaire s’estimant lésé. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-12-06
  • Dossier:  566-02-3408
  • Référence:  2011 CRTFP 140

Devant un arbitre de grief


ENTRE

THOMAS PROSPER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Prosper c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Linda Gobeil, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Martin Desmeules, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 19 et 20 septembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage par M. Thomas Prosper, le fonctionnaire s’estimant lésé, (le « fonctionnaire »). Le fonctionnaire conteste la décision de son employeur de récupérer les congés annuels qui lui ont été accordés par erreur.

II. Résumé de la preuve

2 Les deux parties ont fait une déclaration préliminaire. Le fonctionnaire a témoigné et a produit deux pièces en preuve. L’employeur a fait comparaître trois témoins et produit une pièce en preuve.

A. Pour le fonctionnaire

3 Le fonctionnaire est un conseiller principal en matière de programmes auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC », ou l’« employeur »). Il occupe cette fonction depuis environ huit ans. Il a déclaré qu’il travaillait au sein de la fonction publique depuis 1974. En 1999, il a quitté la fonction publique et a obtenu une indemnité de départ. En 2000, il est retourné travailler pour ce qui était connu alors comme l’Agence des douanes et du revenu du Canada. En 2007, alors qu’il tentait de déterminer s’il était admissible au programme des prix de long service, il a demandé s’il avait droit au rajustement de ses congés annuels à la date de son entrée dans la fonction publique, soit en 1974. En 2007, au moment de sa demande à cet égard, le fonctionnaire bénéficiait de trois semaines de congés annuels par année.

4 Le 14 décembre 2007, le fonctionnaire a envoyé le courriel suivant à Mme Monica Gould-Demers, alors conseillère en rémunération du service de la rémunération de son employeur :

[Traduction]

De : Prosper, Tom
Envoyé le : 14 décembre 2007, 13 h 33
À : Gould-Demers,Monica
Objet : Crédits de congé de M. Prosper
Importance : Élevée
Bonjour Monica,
Je m’excuse de vous déranger à nouveau. On m’a récemment avisé que puisque ma date de début d’emploi a été inscrite à nouveau dans le SAE comme étant le 8 avril 1974, mes crédits de congés annuels devraient également être rajustés afin de correspondre à ma date de début d’emploi en 1974.
Voici ma question :

Depuis mon retour au sein de l’Agence, est-ce que mes crédits de congés annuels auraient dû s’accumuler selon les taux correspondant à mes années de service cumulées tel qu’il est prévu à l’article 34 de la convention collective?

J’ai pris connaissance de la clause 34.03 de la convention collective et je pense que l’alinéa b) s’applique à ma situation.En effet, je faisais partie du groupe PM lors de la signature de la convention collective le 17 mai 1989 et, par conséquent, je conserve, aux fins du « service » et du calcul des congés annuels auxquels j’ai droit, les périodes de service antérieur auparavant admissibles à titre d’emploi continu. Je vous remercie de l’attention que vous portez à cette question.
34.03
a) Aux fins du paragraphe 34.02 seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu'elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l'employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. Cependant, cette exception ne s'applique pas à l'employé-e qui a touché une indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité et qui est réaffecté dans la fonction publique pendant l'année qui suit la date de la dite mise à pied.

b) Nonobstant l'alinéa a) ci-dessus, l'employé-e qui faisait partie de l'une des unités de négociation énumérées ci-dessous à la date de signature de la convention collective pertinente ou l'employé-e qui a adhéré à l'une de ces unités de négociation entre la date de signature de la convention collective pertinente et le 31 mai 1990 conservera, aux fins du « service » et du calcul des congés annuels auxquels il ou elle a droit en vertu du présent paragraphe, les périodes de service antérieur auparavant admissibles à titre d'emploi continu jusqu'à ce que son emploi dans la fonction publique prenne fin.

[…]

Tom Prosper

[…]

5 Mme Gould-Demers lui a répondu comme suit le 20 décembre 2007 :

[Traduction]

De : Gould-Demers, Monica
Envoyé le : 20 décembre 2007, 15 h 43
À : Prosper,Tom
Objet : Re : Crédits de congé de M. Prosper
Bonjour Tom,
Veuillez excuser le retard à vous transmettre les informations demandées. Des problèmes sont survenus dans le fonctionnement de l’outil qui sert à calculer les crédits de congés.
Une fois que le tout sera rétabli, je veillerai à ce que vos crédits de congés annuels correspondent à vos périodes de service continu et discontinu.
Merci,
Monica Gould-Demers

[…]

6 Le fonctionnaire a déposé en preuve les courriels subséquents échangés entre lui-même et Mme Gould-Demers confirmant que les rajustements avaient été effectués en fonction de sa date d’entrée dans la fonction publique en 1974. Le 24 janvier 2008, Mme Gould-Demers a informé le fonctionnaire qu’elle avait vérifié auprès de sa supérieure immédiate la procédure de calcul concernant ses crédits de congés. M. Prosper a témoigné qu’il se sentait alors très encouragé par les démarches entreprises à cet égard.

Le 24 janvier 2008, Mme Gould-Demers a envoyé au fonctionnaire le courriel suivant :

[Traduction]

De : Gould-Demers, Monica
Envoyé le : 24 janvier 2008, 12 h 33
À : Prosper, Tom
c. c. : Drouin,Francine
Objet :Re : Crédits de congé de M. Prosper
Merci de votre suivi. J’ai vérifié la procédure auprès de ma supérieure immédiate, et j’effectuerai les calculs requis dès aujourd’hui.
Je vous reviendrai avec les résultats de mes calculs.
Monica

7 Le 30 janvier 2008, Mme Gould-Demers a confirmé au fonctionnaire que la date pour le rajustement de ses crédits de congés annuels avait été changée à novembre 1975 (comme il avait été absent pendant une année en 1999, cette année-là ne peut être comptabilisée aux fins du calcul de ses crédits de congés annuels).

Mme Gould-Demers a envoyé le courriel suivant au fonctionnaire le 30 janvier 2008 :

[Traduction]

De : Gould-Demers, Monica
Envoyé le : 30 janvier 2008, 9 h 46
À : Prosper, Tom
c. c. : Drouin,Francine; Bedard, Raymond
Objet : Re: Crédits de congé de M. Prosper
Bonjour Tom,
Tel qu’il a été entendu lors de notre conversation téléphonique de ce matin, je voulais simplement confirmer le contenu de notre discussion.
J’ai refait les calculs et votre nouvelle date de service continu/discontinu est le 14 novembre 1975. Je vais envoyer un courriel à notre CFSR qui transmettra le tout au SAE et leur demandera de procéder aux ajustements en fonction de la nouvelle date, soit le 14 novembre 1975. Votre date antérieure de service continu/discontinu était le 6 novembre 2000.
Je vérifierai votre rapport individuel sur les congés cette semaine pour m’assurer que le SAE vous a crédité le nombre exact de semaines (en heures) auxquelles vous avez droit en fonction de votre nouvelle date de début d’emploi.
Merci encore pour votre patience,
Monica

8 Le fonctionnaire a souligné que, comme ça avait été le cas lors du courriel précédent du 24 janvier 2008, une copie conforme du courriel avait été transmise à Mme Francine Drouin, la supérieure immédiate de Mme Gould-Demers. M. Raymond Bédard, le superviseur du fonctionnaire, a également reçu une copie conforme du courriel. Le fonctionnaire a témoigné que le fait que Mme Drouin soit impliquée dans le processus le rassurait quant au fait que le rajustement lui serait effectivement accordé jusqu’en 1975.

9 D’autres courriels ont suivi, faisant état des détails du calcul de ses crédits de congés annuels supplémentaires et des rajustements correspondants.

10 Le fonctionnaire a témoigné qu’en avril 2008, il avait reçu un relevé de ses congés accumulés du 1er avril 2008 au 1er avril 2009 confirmant que l’employeur lui avait crédité 778,380 heures en congés annuels, dont 553,380 heures représentaient le rajustement effectué afin de tenir compte de l’établissement de sa date de début d’emploi à l’année 1975. De plus, le solde de ses crédits de congés accumulés est passé de 112 heures à 225 heures, ce qui correspond au rajustement effectué pour tenir compte de sa nouvelle date de début d’emploi établie à l’année 1975.

11 Après avoir reçu le relevé de ses congés accumulés, le fonctionnaire a consulté son épouse et a décidé qu’il prendrait alors quatre semaines de congé en juillet 2008, qu’il prendrait congé les lundis et vendredis du mois d’août, ainsi qu’une semaine complète à Noël. Le 8 avril 2008, il a transmis son formulaire de demande de congé pour le mois de juillet à son supérieur immédiat, M. Bédard. De plus, le 8 avril et le 16 juin 2008, il lui a demandé l’autorisation de prendre congé les lundis et vendredis du mois d’août 2008. M. Bédard a approuvé ses demandes le 18 avril et le 16 juin 2008, respectivement. Le 21 avril 2008, il a demandé l’autorisation de prendre quatre jours de ses congés annuels à l’occasion des vacances de Noël 2008. M. Bédard a approuvé cette demande le 30 avril 2008. Le fonctionnaire a témoigné qu’avant de recevoir le rajustement, il avait droit à 112 heures de congés annuels par année (trois semaines) et qu’il utilisait habituellement tous ses congés annuels au cours de l’année visée, soit plus ou moins deux semaines l’été et le reste à Noël et à l’occasion des vacances scolaires d’hiver au mois de mars.

12 Le fonctionnaire a précisé qu’une fois ses vacances approuvées, il a organisé un voyage avec sa famille à Disney World en Floride pour les vacances de Noël 2008. Il a aussi pris des engagements financiers à cette fin en mai et en juin 2008, notamment pour les frais de transport aérien et les frais de séjour.

13 Le fonctionnaire a témoigné qu’en avril 2008, puisqu’il lui restait beaucoup de congés annuels accumulés qu’il n’avait pas l’intention d’utiliser et qu’il n’avait pas l’intention de les reporter à l’exercice financier suivant, il a décidé de monnayer le reste de ses congés annuels et d’acheter une deuxième voiture, ce qu’il a fait en juillet 2008.

14 Le fonctionnaire a témoigné que ce n’est qu’à son retour de vacances, le 5 août 2008, qu’il a vu le courriel que lui avait envoyé Mme Drouin le 16 juillet 2008. Dans ce courriel, cette dernière l’informait qu’il n’avait pas droit à ces crédits de congés annuels parce qu’il avait touché une indemnité de départ par le passé. Le courriel se lit comme suit :

[Traduction]

De: Drouin, Francine
Envoyé le: 16 juillet 2008, 10 h 53
À : Prosper,Tom
c. c. : Pearson,Sylvie
Objet : Solde révisé des congés annuels conformément à la convention collective
Importance : Élevée

Bonjour M. Prosper

Après avoir vérifié le dossier et conformément à la clause 34.2 de la convention collective, vous n’avez pas droit à ce qu’il soit tenu compte de toutes vos années de service antérieures dans l’établissement de votre date d’emploi continu et discontinu aux fins des congés annuels parce que vous avez reçu une indemnité de départ lors de votre démission; j’ai changé votre date au 06.11.2000 dans notre système, ce qui laisse un solde de congés annuels de 27,630 heures pour l’exercice financier 01.04.2008 au 31.03.2009.

Francine Drouin

[…]

15 Le fonctionnaire a indiqué qu’à ce moment-là, il avait déjà pris quatre semaines de vacances, soit une semaine de plus que les trois semaines auxquelles il avait droit au départ pour toute l’année. Le fonctionnaire a aussi affirmé qu’il était surpris d’apprendre qu’il n’avait plus droit à ces congés. Il a aussitôt demandé une rencontre avec son superviseur, le service des Ressources humaines, et Mme Drouin et sa superviseure immédiate, Mme Jo-Anne Mudryk, afin de discuter de cette question.

16 Le fonctionnaire a témoigné qu’au début du mois d’août, il pensait que cette question pouvait encore être résolue en sa faveur. Ainsi, après avoir consulté son superviseur, il a pris trois jours de congé au début du mois d’août. Lorsqu’il s’est rendu compte que l’employeur ne changerait pas d’avis, il a décidé de ne pas prendre congé les lundis et vendredis du mois d’août comme il l’avait planifié.

17 Le fonctionnaire a témoigné que, après avoir été mis au courant de la position de son employeur à ce sujet, il n’avait pas annulé le voyage à Disney World car, selon ce qu’il en comprenait, il ne pouvait pas demander un remboursement. Il a précisé qu’il avait communiqué avec l’émetteur de sa carte de crédit pour annuler le voyage et réclamer un remboursement, mais en vain.

18 Le fonctionnaire a déclaré que comme il s’attendait à avoir davantage de congés annuels et qu’il ne prévoyait pas utiliser tous ses congés au cours de l’exercice financier 2008, et puisqu’il ne voulait pas les reporter au prochain exercice financier, il avait prévu monnayer le reste de ses congés annuels. Il a donc acheté une deuxième voiture en juillet 2008 en pensant qu’il recevrait de l’argent en monnayant une partie de ses congés annuels accumulés. Il a précisé que, bien que personne de l’Agence ne lui ait expressément dit qu’il pouvait ainsi monnayer ses congés annuels excédentaires, il n’avait pas eu vent qu’une telle demande ait été refusée par le passé. Il a signalé qu’il avait déjà monnayé des congés annuels dans les années 1970. Il a également témoigné qu’étant donné qu’il ne pouvait pas monnayer ses congés annuels, il avait décidé en septembre 2008 de vendre la voiture; il l’a vendue pour la somme de 3000 $, soit 2000 $ de moins que ce qu’il l’avait payée en juillet 2008.

19 Le fonctionnaire a témoigné que toute cette affaire l’avait désappointé, et qu’il lui est apparu que le service des Ressources humaines de l’ASFC pouvait agir comme bon lui semble, en toute impunité.

20 En réponse au représentant de l’employeur, le fonctionnaire a admis qu’il n’avait jamais fait part à Mme Gould-Demers qu’il avait reçu une indemnité de départ en 1999. Il a de plus précisé qu’avant 1999, il bénéficiait de six semaines de congés annuels. Il a de plus confirmé qu’il n’avait pas de copie des billets d’avion ni des réservations d’hôtel de son voyage à Disney World. Il a affirmé qu’il avait séjourné sur le site même de Disney World. Il a admis qu’il se serait quand même rendu en vacances à Disney World s’il avait eu droit à seulement 112 heures de congés annuels en 2008, mais qu’il n’aurait sans doute pas séjourné sur le site même. Quant à la voiture, il a indiqué qu’il ne l’aurait pas achetée, qu’il aurait plutôt attendu à sa retraite. Le fonctionnaire a convenu que, bien qu’il ne soit pas d’accord avec la décision de l’employeur de récupérer les congés annuels qui lui ont été accordés par erreur, il ne conteste pas comme tel le calcul du nombre d’heures effectué par l’employeur à cet égard.

B. Pour l’employeur

21 Mme Gould-Demers a témoigné pour le compte de l’employeur. Elle a affirmé qu’elle travaillait présentement pour l’ASFC à titre de conseillère en rémunération et qu’elle avait commencé à travailler auprès de l’ASFC en 2006 en tant que stagiaire au poste de conseillère en rémunération. Elle a expliqué qu’à l’époque pertinente, elle était la conseillère en rémunération du fonctionnaire et qu’elle traitait les demandes qu’il lui faisait à cet égard, notamment sa demande de décembre 2007 au sujet de ses années de service continu et discontinu. Elle a indiqué qu’elle ne lui avait pas demandé s’il avait reçu une indemnité de départ par le passé. Elle a précisé n’avoir jamais eu de discussion avec le fonctionnaire et qu’ils avaient toujours correspondu par courriel. Mme Gould-Demers a indiqué que puisque Mme Drouin était sa chef d’équipe, le courriel du 30 janvier 2008 qui avait été envoyé au fonctionnaire devait aussi lui être transmis. Mme Gould-Demers ne se souvenait pas d’avoir discuté de ce dossier avec sa chef d’équipe. Aussi, bien qu’elle présume avoir consulté sa superviseure ou d’autres personnes à ce sujet, elle ne s’en souvient pas. Elle a précisé qu’avec le recul, elle a réalisé qu’elle aurait dû demander au fonctionnaire s’il avait reçu une indemnité de départ lorsqu’il a quitté la fonction publique en 1999. Elle a indiqué que sa dernière intervention au dossier du fonctionnaire avait eu lieu en janvier 2008.

22 En réponse à une question du représentant du fonctionnaire au sujet du courriel envoyé le 24 janvier 2008 au fonctionnaire, Mme Gould-Demers a indiqué que lorsqu’elle a écrit : [traduction] « […] J’ai vérifié la procédure auprès de ma superviseure […] » elle voulait dire qu’elle aurait vérifié auprès de sa superviseure  l’essentiel du contenu du courriel du fonctionnaire en ce qui concerne l’indemnité de départ.

23 Mme Francine Gladu (à l’époque connue sous Francine Drouin) a aussi été appelée à témoigner pour le compte de l’employeur. Elle est présentement directrice du service de la rémunération au ministère de la Santé, poste qu’elle occupe depuis mars 2009. Elle a expliqué qu’au moment des événements, elle était la superviseure de Mme Gould-Demers. Elle était également responsable de huit employés, dont certains étaient des stagiaires comme Mme Gould-Demers. Elle a précisé que les stagiaires relevaient des conseillers en rémunération et qu’elle s’impliquait dans un dossier si on le lui demandait directement. Elle a souligné qu’elle avait une charge de travail considérable et qu’elle devait interagir avec plusieurs personnes (les employés, les familles, les conseillers en rémunération, etc.). Elle a précisé qu’elle ne s’impliquait pas dans les détails d’un dossier à moins qu’on lui demande spécifiquement. Elle a indiqué que bien qu’elle soit d’avis que le fonctionnaire n’avait pas droit aux congés annuels supplémentaires en raison du fait qu’il avait reçu une indemnité de départ quelques années auparavant, tel que le démontraient les documents consignés à son dossier, elle ne se souvenait pas d’avoir lu les courriels du 24 et du 30 janvier 2008 dont une copie lui avait été transmise. Elle ne se souvenait pas non plus si Mme Gould-Demers lui avait demandé des conseils à ce sujet. Par contre, durant son témoignage, Mme Gladu a alors indiqué qu’elle avait dit à Mme Gould-Demers que le fonctionnaire n’avait pas droit aux congés annuels supplémentaires. Mme Gladu a souligné qu’elle n’était pas impliquée dans ce dossier, et ce, jusqu’à ce que Mme Mudryk lui  demande d’y jeter un coup d’œil. Elle a signalé qu’elle avait par la suite envoyé un courriel au fonctionnaire, soit le 16 juillet 2008, pour l’informer qu’il n’avait pas droit aux congés supplémentaires parce qu’il avait déjà reçu une indemnité de départ.

24 Mme Mudryk a été la dernière personne appelée à témoigner pour l’employeur. Elle est présentement directrice de la rémunération des cadres supérieurs à l’ASFC, poste qu’elle occupe depuis janvier 2009. Avant cette date, elle était gestionnaire de la rémunération aux bureaux de l’administration centrale de l’ASFC. Elle est intervenue dans le dossier après que Mme Sylvie Pearson, une autre conseillère en rémunération à qui des dossiers de Mme Gould-Demers avaient été confiés, dont celui du fonctionnaire, soit venue la voir à ce sujet. Mme Mudryk a affirmé que, probablement au cours du mois de juin 2008, Mme Pearson avait remarqué au dossier du fonctionnaire qu’il disposait d’un nombre considérable de congés annuels accumulés, ce qui n’aurait normalement pas dû être le cas puisqu’il avait auparavant reçu une indemnité de départ. Mme Mudryk a alors demandé à Mme Gladu d’étudier le dossier. Une fois qu’il a été effectivement établi que le fonctionnaire n’avait pas droit à ces crédits de congés supplémentaires, Mme Mudryk a demandé à Mme Gladu de rédiger et d’envoyer le courriel daté du 16 juillet 2008 au fonctionnaire. Mme Mudryk a affirmé qu’elle avait demandé à Mme Gladu de le faire parce qu’elle était la superviseure de l’équipe.

25 Mme Mudryk a indiqué que vers la mi-août, elle avait rencontré le fonctionnaire et son délégué syndical au sujet du contenu courriel du 16 juillet 2008. Mme Gladu et un représentant du service des Ressources humaines assistaient également à cette réunion. Mme Mudryk a témoigné que la rencontre s’était bien déroulée, compte tenu des circonstances. En réponse à une question du représentant du fonctionnaire, à savoir si le fonctionnaire lui avait alors fait part des engagements qu’il avait pris, Mme Mudryk a répondu que le fonctionnaire lui avait dit qu’il lui restait encore des vacances à écouler et qu’il comptait amener sa fille à Disney World en décembre.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

26 Le représentant du fonctionnaire a affirmé d’entrée de jeu que le cas du fonctionnaire était particulièrement désolant. Le fonctionnaire, un employé aux longs états de service dans la fonction publique, avait brièvement quitté la fonction publique en 1999 et avait alors reçu une indemnité de départ. Il a recommencé à travailler pour la fonction publique en l’an 2000. En 2007, le fonctionnaire s’est renseigné au sujet du programme des prix de long service. Par la même occasion, il a demandé s’il avait droit au rajustement de ses congés annuels à l’année de son arrivée dans la fonction publique. On l’a alors informé que ses crédits de congés annuels seraient rajustés à l’année 1975, pour ensuite l’informer que l’on s’était trompé à ce sujet.

27 Le représentant du fonctionnaire a soutenu que le principe de la préclusion promissoire s’appliquait en l’instance. Il m’a renvoyé en outre à Sorensen et al. c. Conseil du Trésor (Affaires étrangères et Commerce international), dossiers de la CRTFP 166-02-25062, 24269, 24870 et 24905(19961108). Il m’a également renvoyé à Lapointe c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 57.

28 Le représentant du fonctionnaire m’a aussi renvoyé à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au paragraphe 2:2211, qui énonce ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le concept de la préclusion équitableest solidement ancré en common law et a été énoncé comme suit :

Le principe, tel que je le conçois, veut que dans des circonstances où une des parties a, par ses paroles ou sa conduite, fait une promesse à l’autre partie ou lui a donné une assurance dans l’intention d’affecter les rapports juridiques entre les parties et qu’il y soit dûment donné suite, alors une fois que l’autre partie s’est fondée sur cet engagement et a agi en conséquence, la personne qui a fait la promesse ou donné l’assurance ne peut ensuite être justifiée de s’en remettre aux rapports juridiques existant auparavant comme si telle promesse ou assurance n’avait pas été faite, mais doit plutôt accepter les rapports juridiques liant les parties assorties de la condition que cette partie a elle-même proposée, bien qu’elle ne soit pas appuyée par quelque autre considération de nature juridique outre sa parole donnée.

Un arbitre a résumé cette doctrine comme suit :

Il appert que la doctrine à cet égard s’articule en deux volets. Il doit y avoir l’existence d’une conduite dans le cadre de laquelle les deux parties agissent ou les deux consentent, et dans laquelle la partie invoquant la préclusion a été amenée à croire les droits strictes ne seraient pas exécutées. Il s’ensuit que la partie contre laquelle la préclusion est invoquée ne sera pas admise à exécuter ses droits de façon stricte si cela s’avérait inéquitable. Ainsi, il serait inéquitable pour une partie de tenir rigidement à l’exécution de ses droits lorsque la partie invoquant la préclusion est celle qui se serait fondée, à son détriment, sur l’engagement de cette autre partie.

Partant, les éléments essentiels de la préclusion sont : l’existence d’une représentation claire et sans équivoque, en particulier lorsque la représentation a été faite dans le contexte d’une négociation; la représentation peut avoir été faite en paroles ou en actes; ou, dans certaines circonstances, elle peut résulter du silence ou de l’acquiescement d’une partie; dont il est l’intention des parties que la partie qui en bénéficie est justifiée de se fonder sur cette représentation; bien que cette intention puisse s’inférer de ce qui peut raisonnablement avoir été compris par la partie; et que la partie a agi, ou n’a pas agi, en conséquence; et cela, à son détriment.

[…]

29 Le représentant du fonctionnaire a passé en revue les éléments essentiels du principe de préclusion et il a déclaré qu’ils s’appliquaient à la présente affaire.

1. L’existence d’une représentation claire et sans équivoque, sur laquelle le fonctionnaire s’est appuyé

30 Le représentant du fonctionnaire a fait valoir que le fonctionnaire avait agi de manière diligente et raisonnable. Le 14 décembre 2007, il avait transmis sa question par courriel à son conseiller en rémunération et lui a demandé si l’exception prévue à la clause 34.03b) de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada visant le groupe des Services des programmes et de l’administration, dont la date d’échéance était le 20 juin 2007, lui accordait le droit au rajustement de ses crédits de congés annuels depuis 1974. On lui a confirmé peu après, dans un courriel envoyé par Mme Gould-Demers en date du 20 décembre 2007, que ses crédits de congés annuels seraient rajustés pour correspondre à ses années de service continu et discontinu. Le 24 janvier 2008, Mme Gould-Demers lui a confirmé par courriel, avec copie conforme envoyée à sa superviseure, Mme Drouin, qu’elle avait [traduction] « […] vérifié la procédure » auprès de sa superviseure et qu’elle effectuerait les calculs requis la même journée. Enfin, par courriel daté du 30 janvier 2008, toujours en envoyant une copie conforme à sa superviseure, Mme Gould-Demers a confirmé au fonctionnaire qu’elle avait complété les calculs, et que sa nouvelle date de service continu et discontinu était le 14 novembre 1975. Elle a aussi mentionné qu’elle verrait à ce que le système indique ses crédits de congés annuels accumulés en fonction de cette date.

31 Le représentant du fonctionnaire a soutenu que même si Mme Drouin, la superviseure, a indiqué à Mme Gould-Demers que le fonctionnaire n’avait pas droit au rajustement de ses crédits de congés annuels à sa date de début d’emploi établie au mois de novembre 1975, elle n’en a pas informé le fonctionnaire et elle n’est pas non plus intervenue à cet effet. On peut donc conclure qu’elle ne s’opposait pas à l’affirmation faite par Mme Gould-Demers au fonctionnaire ou, du moins.

32 Le représentant du fonctionnaire a aussi maintenu que malgré les nombreuses confirmations et en dépit des suivis effectués par le fonctionnaire depuis décembre 2007, ce n’est qu’à son retour de vacances, le 5 août 2008, que le fonctionnaire a été informé de l’erreur. Des affirmations claires lui ont été présentées, et il était de l’intention des parties qu’il puisse se fier à ces affirmations. Ainsi le fonctionnaire a obtenu des crédits de congés supplémentaires, et ce, rétroactivement jusqu’en 1975. Les congés annuels auxquels le fonctionnaire aurait dorénavant droit ont aussi été rajustés, en fonction de la reconnaissance de sa date de début d’emploi établie à l’année 1975.

2. Confiance préjudiciable

33 Le représentant du fonctionnaire a soutenu qu’un engagement avait été pris à l’égard du fonctionnaire et que ce dernier s’était fié sur cet engagement pour agir. Ainsi, en raison du montant révisé de ses congés, le fonctionnaire et sa famille ont planifié leurs vacances pour le reste de l’année 2008, notamment 20 journées de vacances en juillet, les lundis et vendredis de congé au mois d’août, puis quatre autres journées en décembre pour un voyage à Disney World. Le fonctionnaire a témoigné qu’il prenait habituellement cinq à dix jours de vacances au mois de juillet et qu’il gardait ses autres journées de congé annuel pour le reste de l’année. Le représentant du fonctionnaire a fait valoir que, compte tenu de la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire n’aurait pas utilisé toutes ses vacances annuelles au mois de juillet s’il avait su qu’il n’accumulait encore que trois semaines de congés annuels. Il aurait gardé des journées de congé pour la période des Fêtes et les vacances scolaires au mois de mars. Or, à cause de cette erreur, le fonctionnaire a utilisé tous ses congés annuels et même davantage en juillet parce qu’il s’est fié aux affirmations de son employeur. Son représentant a aussi signalé que toutes ses demandes de congé avaient été approuvées par son superviseur immédiat.

34 Il ne fait aucun doute pour le représentant du fonctionnaire que le fonctionnaire s’est fié, à son détriment, sur les affirmations qui lui avaient été faites par son employeur. À cause de l’erreur de son employeur, le fonctionnaire n’a pas pu organiser ses vacances comme il l’aurait voulu. En plus, sa banque de vacances s’est retrouvée déficitaire pour le reste de l’exercice 2008-2009. Ce déficit s’est prolongé jusqu’en 2009-2010.

35 Au soutien de son argumentation, le représentant du fonctionnaire m’a renvoyé à Murchison c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 93.

36 Selon le représentant du fonctionnaire, le fait que le fonctionnaire ait pris ses vacances en se fiant au nombre de crédits de congés annuels qui lui avait été confirmé, et ce, pour une période plus longue qu’il l’aurait fait en temps normal, et que sa banque de congés annuels s’en soit retrouvée déficitaire, établit qu’il a mis sa confiance dans des affirmations erronées, et ce, à son détriment.

37 Le représentant du fonctionnaire a aussi déclaré que le fonctionnaire avait pris d’autres engagements en fonction des déclarations qui lui avaient été faites. Ainsi, il a acheté une deuxième voiture en pensant qu’une partie de ses congés annuels non écoulés, qui lui ont été accordés par erreur, pourrait lui être remise en argent. Il a acheté la voiture pendant qu’il était en vacances en juillet 2008. Il a été obligé de la vendre après avoir appris qu’il n’avait pas droit à ces congés supplémentaires. Il a dû la vendre à perte; il l’avait payée 5000 $ et l’a revendue 3000 $.

38 Le représentant du fonctionnaire a soutenu que l’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le fonctionnaire monnaie ses congés annuels excédentaires puisque cela était pratique courante à l’ASFC; cela est en outre étayé par la clause 34.11 de la convention collective, laquelle traite du report et du paiement en argent des congés annuels. De plus, il fait valoir que le témoin de l’employeur n’a pas contredit cette affirmation.

39 Le représentant du fonctionnaire a aussi soutenu que le fonctionnaire avait pris un autre engagement fondé sur le fait qu’il devait recevoir des crédits de congé supplémentaires, soit un voyage avec sa famille à Disney World en décembre 2008.  Le représentant du fonctionnaire utilise comme argument le fait que le voyage avait été réservé avant que le fonctionnaire ne soit informé de l’erreur. Il avait promis à sa fille qu’il l’amènerait à Disney World pour son anniversaire de naissance. Le fonctionnaire a donc décidé de prendre un congé sans solde pour y aller puisque sa banque de congés était alors déficitaire. Voilà un autre exemple d’un engagement pris par le fonctionnaire, à son détriment, après s’être fondé sur les déclarations de l’employeur.

40 Selon le représentant du fonctionnaire, les éléments essentiels de la préclusion promissoire ont été établis : un engagement a été pris selon lequel il avait droit à des congés supplémentaires. Le fonctionnaire a fait preuve de sincérité depuis le début de cette affaire. Il s’est informé et on lui a dit qu’il avait droit à ces congés. Toutes ses demandes de congé ont été approuvées. Il a établi qu’il s’était fié à ces affirmations, et ce, à son détriment. Le fonctionnaire a utilisé des congés auxquels il croyait effectivement avoir droit; il a ainsi épuisé tous ses congés annuels au mois de juillet, puis a acheté une voiture, pour ensuite la vendre à perte; il s’est rendu en Floride en prenant un congé sans solde parce qu’il était lié par un engagement financier à cet égard et qu’il s’y était également engagé envers sa famille. Enfin, le représentant de l’employeur a souligné qu’il s’était passé sept mois entre l’approbation de ses congés annuels supplémentaires et la découverte de l’erreur à cet égard.

41 Le représentant du fonctionnaire a demandé que j’accueille le grief, que je rétablisse le nombre de crédits de congés qui avait été promis au fonctionnaire et que j’ordonne le rajustement de sa banque de congés annuels de l’exercice courant afin de tenir compte de l’acquisition de ses droits à cet égard à compter de l’année 1975.

B. Pour l’employeur

42 Le représentant de l’employeur a commencé sa plaidoirie en posant, à titre d’énoncé général, que des erreurs pouvaient se produire à l’occasion et qu’il s’en produirait sûrement encore L’enjeu de cette affaire n’était pas de trouver un coupable. Tout dans cette affaire découle d’une erreur. Il doit être possible de rectifier cette erreur.

43 Le représentant de l’employeur a soutenu qu’il n’y a aucun doute que ce qui a été donné par erreur devait pouvoir être recouvré. Personne n’a droit à quelque chose qui lui aurait été donné par erreur sans pouvoir invoquer une justification légale à cet effet.

44 Le représentant de l’employeur a maintenu que l’équité ne pouvait justifier qu’un employé puisse tirer profit d’une erreur. Seulement une doctrine juridique pourrait justifier qu’un employé puisse bénéficier d’une erreur. En l’instance, la seule doctrine pertinente pourrait être celle de la préclusion promissoire. À moins d’une conclusion de ma part que cette doctrine trouve ici application, rien ne justifierait que le fonctionnaire puisse conserver les congés annuels supplémentaires qui lui ont été accordés par erreur.

45 Le représentant de l’employeur a fait valoir que, pour que la préclusion s’applique, il faut impérativement que deux éléments soient présents : en premier lieu, une promesse ou une assurance doit avoir été faite ou donnée par une partie, par ses paroles ou ses actes, qu’elle ne se fonderait pas strictement sur ses droits légaux; deuxièmement, la démonstration que la partie s’y soit fiée, et ce, à son détriment.

46 Le représentant de l’employeur m’a renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans Maracle c. Travellers Indemnity Co. of Canada, [1991]2 R.C.S. 50. Il m’a également renvoyé à la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Tellus Communications Inc. v. Telecommunications Workers Union, 2010 BCSC 1429.

47 Le représentant de l’employeur a soutenu que selon la doctrine de la préclusion, je dois tout d’abord conclure à la présence d’une intention, sinon pouvoir inférer l’existence d’une telle intention; en d’autres termes, je dois être en mesure de conclure que l’employeur avait l’intention de renoncer à ses droits découlant de la convention collective. Le représentant de l’employeur a fait valoir qu’une erreur n’est pas la manifestation d’une intention. En l’occurrence, bien qu’une erreur se soit produite, l’employeur n’avait pas l’intention de modifier les droits qui lui sont conférés par la convention collective. À titre d’illustration d’une intention inférée, le représentant de l’employeur a cité en exemple une situation dans laquelle l’employeur aurait trop tardé pour rectifier son erreur. Or, cela n’est pas le cas dans l’affaire qui nous occupe; l’employeur a fait preuve de diligence. À cet égard, le représentant de l’employeur m’a renvoyé au paragraphe 42 de Tellus.

48 En l’instance, l’employeur n’avait aucunement l’intention de renoncer à ses droits. Il n’avait pas l’intention d’accorder au fonctionnaire des congés supplémentaires. Dans les circonstances, il n’est pas injuste ni inéquitable de demander le remboursement des congés auxquels le fonctionnaire n’avait pas droit.

49 D’après le représentant de l’employeur cette affaire est distincte de Lapointe. Dans Lapointe, une longue période de quatre années s’était écoulée, ce qui avait amené l’arbitre de grief à inférer l’intention de l’employeur de renoncer à ses droits. Dans la présente affaire, après seulement cinq mois, par l’entremise de Mme Mudryk, l’employeur a agi dans les meilleurs délais et avec diligence.

50 Toujours selon le représentant de l’employeur, cette affaire se distingue également de Murchison. Dans Murchison, le temps écoulé avant de découvrir l’erreur et de prendre les mesures qui s’imposaient était pertinent à la décision. En outre, dans Murchison, l’arbitre de grief devait se prononcer sur l’application du paragraphe 155(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, ce qui n’est pas le cas en l’instance.

51 Quant à savoir si le fonctionnaire s’est fondé sur les actions de l’employeur pour prendre ses vacances comme il l’a fait, le représentant de l’employeur a soutenu que ce n’est pas parce que le fonctionnaire a effectivement épuisé ses congés annuels qu’il l’a nécessairement fait à son détriment en se fiant sur les affirmations de l’employeur. Après tout, le fonctionnaire a quand même profité de ses vacances. Même après avoir été informé qu’il n’avait pas droit aux congés annuels supplémentaires qui lui avaient été accordés, il a quand même pris trois autres journées de congé au mois d’août. Et pour ce qui est du voyage à Disney World, c’était son choix et sa décision. Malgré le caractère désolant de la situation, cela ne signifie pas que cela s’est fait à son détriment. Aucune preuve n’a été présentée selon laquelle il a eu à emprunter de l’argent. Il serait allé à Disney World peu importe ce qui s’était passé.

52 Pour ce qui est de l’achat d’une deuxième voiture, le représentant de l’employeur a fait valoir que le fonctionnaire n’avait jamais fait de démarches auprès de l’employeur au sujet du paiement en argent de ses congés. Cela était purement hypothétique. Il n’a fait aucune demande auprès de l’employeur à ce sujet. Le fonctionnaire n’a pas satisfait le fardeau de la preuve qui lui incombait à cet égard. Il n’y a aucune preuve voulant que le fonctionnaire ait souffert financièrement à la suite de ces événements. Le fonctionnaire a décidé de revendre la voiture au premier acheteur pour 2000 $ de moins que ce qu’il demandait au départ. Il aurait pu attendre jusqu’à ce qu’il obtienne le prix qu’il voulait. L’employeur ne peut être tenu responsable de la perte subie par le fonctionnaire. Ce qui plus est, le fait d’avoir essuyé une perte sur la vente de la voiture ne l’a pas empêché de partir en voyage avec sa famille à Noël.

53 En conclusion, le représentant de l’employeur a souligné qu’avant de décider si l’employeur avait agi au détriment du fonctionnaire, je devais d’abord trancher s’il y avait une intention de la part de l’employeur, sinon une intention inférée de sa part, de renoncer à l’application rigoureuse des dispositions de la convention collective. Une erreur ne donne pas droit à des congés annuels supplémentaires ni au paiement de congés annuels au-delà de ce qui est prévu dans la convention collective. Dans la présente affaire, aucune promesse n’a été faite et il n’y a eu aucune intention d’accorder davantage que ce qui était prévu à la convention collective. L’employeur a agi avec célérité. Le grief devrait être rejeté.

C. Réplique du fonctionnaire

54 Dans sa réplique, le représentant du fonctionnaire a fait une distinction entre les faits de la présente affaire et ceux dans Lapointe et Ellement c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), dossier de la CRTFP 166­02­27688 (19970611). Il a soutenu qu'en dépit de la décision favorable au fonctionnaire dans Lapointe, il n’y a avait pas eu d’entente au préalable voulant que le fonctionnaire en cause reçoive le trop-perçu. En ce qui a trait au voyage à Disney World, le représentant du fonctionnaire a réitéré que le fonctionnaire avait témoigné qu’il y aurait sans doute eu des frais d’annulation à assumer de sa part. Il a aussi soutenu que le fonctionnaire s’était informé, dans son courriel du 30 janvier 2008 à Mme Gould-Demers, de la possibilité de monnayer ses congés annuels excédentaires. Enfin, il a fait valoir que les décisions du fonctionnaire, qui ont été prises à son détriment, étaient fondées sur le total des crédits de congés annuels qui lui avait été accordés; si on lui avait accordé un total de crédits différent, il aurait peut-être pris des décisions différentes.

55 Le courriel du 30 janvier 2008 envoyé par le fonctionnaire à Mme Gould-Demers se lisait comme suit :

[Traduction]

Objet : Re : Crédits de congé de M. Prosper
Date : le mercredi 30 janvier 2008, 9 h 53:09 - 0500
De :  Tom.Prosper@cbsa-asfc.gc.ca
À :Monica.Gould-Demers@cbsa·asfc.gc.ca
c. c. : Francine.Drouin@cbsa-asfc.gc.ca; Raymond.Bedard@cbsa-asfc.gc.ca

Monica,
Merci pour ces bonnes nouvelles. Tel qu’il a été discuté, une fois que le total des crédits de congés sera calculé, j’aimerais avoir une rencontre avec toi afin d’examiner les possibilités de monnayer des congés, d’en reporter, d’en utiliser pour une retraite anticipée, etc.

[…]

Je vous remercie de votre aide dans ce dossier et j’anticipe de recevoir une communication de votre part prochainement à ce sujet.

Tom Prosper

[…]

IV. Motifs

56 À la fin de l’audience, puisqu’aucune preuve n’a été présentée quant au calcul du nombre d’heures en cause dans la présente affaire, les parties m’ont demandé de demeurer saisie du dossier au cas où il y aurait quelque difficulté se rapportant à la mise en œuvre de ma décision.

57 Les faits en l’instance ne sont pas contestés. Le fonctionnaire a présenté un grief contestant la décision de l’employeur de recouvrer les congés annuels qui lui avaient été accordés par erreur. Le fonctionnaire a travaillé au sein de la fonction publique de 1974 à 1999. Cette année-là, il a quitté la fonction publique et a reçu une indemnité de départ. Au moment de son départ de la fonction publique, il avait droit à l’équivalent de six semaines de vacances par année. En 2000, il est revenu travailler au sein de la fonction publique. Il avait alors droit à l’équivalent de trois semaines de vacances par année. En 2007, il s’est informé s’il avait droit au programme des prix de long service. Il a également demandé si, lors du calcul de ses droits au titre des congés annuels, ses années de service seraient calculées à partir de 1974. Il a envoyé un courriel à cet effet à son conseiller en rémunération le 14 décembre 2007. Dans ce courriel, il fait état de son retour à l’ASFC et reproduit la clause de la convention collective traitant des situations dans lesquelles un employé a touché une indemnité de départ et de l’incidence de ce fait sur le calcul de ses congés annuels. Le courriel se lisait comme suit :

[Traduction]

De : Prosper, Tom
Envoyé le : 14 décembre 2007, 13 h 33
À : Gould-Demers, Monica
Objet : Crédits de congé de M. Prosper
Importance : Élevée
Bonjour Monica,
Je m’excuse de vous déranger à nouveau. On m’a récemment avisé que puisque ma date de début d’emploi a été inscrite à nouveau dans le SAE comme étant le 8 avril 1974, mes crédits de congés annuels devraient également être rajustés également afin de correspondre à ma date de début d’emploi en 1974.
Voici ma question :

Est-ce que mes crédits de congés annuels auraient dû s’accumuler depuis mon retour au sein de l’Agence selon les taux correspondant à mes années de service cumulées tel qu’il est prévu à l’article 34 de la convention collective?

J’ai pris connaissance de la clause 34.03 de la convention collective et je pense que l’alinéa b) s’applique à ma situation. En effet, je faisais partie du groupe PM lors de la signature de la convention collective le 17 mai 1989 et, par conséquent, je conserve, aux fins du « service » et du calcul des congés annuels auxquels j’ai droit, les périodes de service antérieur auparavant admissibles à titre d’emploi continu. Je vous remercie de l’attention que vous portez à cette question.
34.03
a) Aux fins du paragraphe 34.02 seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu'elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l'employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. Cependant, cette exception ne s'applique pas à l'employé-e qui a touché une indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité et qui est réaffecté dans la fonction publique pendant l'année qui suit la date de la dite mise à pied.
b) Nonobstant l'alinéa a) ci-dessus, l'employé-e qui faisait partie de l'une des unités de négociation énumérées ci-dessous à la date de signature de la convention collective pertinente ou l'employé-e qui a adhéré à l'une de ces unités de négociation entre la date de signature de la convention collective pertinente et le 31 mai 1990 conservera, aux fins du « service » et du calcul des congés annuels auxquels il ou elle a droit en vertu du présent paragraphe, les périodes de service antérieur auparavant admissibles à titre d'emploi continu jusqu'à ce que son emploi dans la fonction publique prenne fin.

[…]

58 À plus d’une occasion, Mme Gould-Demers, agissant pour le compte de l’employeur en sa qualité de conseillère en rémunération, a confirmé par courriel au fonctionnaire que ses droits au titre des congés seraient calculés à partir de 1975 (au lieu de 1974, afin de tenir compte de l’année pendant laquelle il ne travaillait pas pour la fonction publique). Je souligne également que la supérieure immédiate de Mme Gould-Demers, Mme Gladu (dont le nom était auparavant Mme Drouin), avait reçu une copie conforme des courriels envoyés par Mme Gould-Demers au fonctionnaire, mais qu’elle n’était jamais intervenue et n’avait jamais manifesté son désaccord quant aux congés supplémentaires accordés au fonctionnaire.

59 Tel qu’il a été mentionné plus tôt, je ne crois pas qu’il soit contesté qu’une erreur ait été commise de bonne foi dans la présente affaire, et qu’il en soit résulté que le fonctionnaire s’est vu accorder un nombre considérable de crédits de congés annuels auxquels il n’avait pas droit. De plus, en 2008, il y a eu un rajustement des congés annuels qui lui étaient accordés en fonction du rajustement de sa date de début d’emploi à l’année 1975.

60 Le représentant du fonctionnaire a essentiellement soutenu que je devrais accueillir le grief parce que le fonctionnaire s’était fié à ce qui lui avait été promis et qu’il avait agi de bonne foi, avait posé dès le départ les questions pertinentes au sujet de ses droits, et avait reçu la confirmation de ces affirmations à plus d’une reprise de la part de l’employeur. En raison des affirmations de l’employeur, il avait pris des engagements; il avait cependant agi au détriment de ses intérêts. Par conséquent, la préclusion devrait s’appliquer en faveur du fonctionnaire.

61 Bien que l’employeur ait admis qu’une erreur avait été commise, il a fait valoir que la doctrine de la préclusion ne pouvait s’appliquer que si je concluais à la présence d’une intention de la part de l’employeur, réelle ou inférée, de renoncer à ses droits en accordant les congés annuels supplémentaires au fonctionnaire.

62 Je dois donc répondre tout d’abord à la question suivante : en agissant comme il l’a fait, est-ce que l’employeur a fait des déclarations sans équivoque au fonctionnaire en ce qui concerne les congés annuels auxquels il avait droit? Dans l’affirmative, je dois alors décider si le fonctionnaire a agi à son détriment en se fiant aux déclarations de l’employeur.

63 En réponse à la première question, je conclus que les actions de l’employeur, par l’entremise de ses représentants, ont induit le fonctionnaire en erreur quant aux congés annuels auxquels il avait droit, et que cela a eu pour lui le même effet qu’une promesse qui lui aurait été faite à cet égard.

64 À mon avis, le fonctionnaire s’est informé dès le début auprès de son conseiller en rémunération au sujet des congés annuels auxquels il avait droit, et si le décompte de ses années de service aux fins de ses congés annuels pouvait remonter jusqu’en 1974. Dans le courriel qu’il a envoyé le 14 décembre 2007, le fonctionnaire a fait part ouvertement de sa situation. Bien que cette question n’ait jamais été discutée de vive voix avec les représentants de l’employeur, il me semble que le libellé du courriel était clair et faisait en sorte que l’employeur savait dès ce moment-là, sinon aurait dû savoir, que le fonctionnaire avait quitté la fonction publique quelques années auparavant. De plus, en raison de la nature même de sa question et du renvoi dans son courriel au sujet de l’indemnité de départ, l’employeur aurait dû savoir  que le fonctionnaire avait reçu une indemnité de départ à un moment ou un autre. Ce qui plus est, l’employeur était certes en mesure de vérifier ce fait, soit en consultant le dossier du fonctionnaire sinon en s’informant directement auprès du fonctionnaire à ce sujet. Or, l’employeur ne l’a pas fait.

65 À mon avis, après avoir reçu le courriel du fonctionnaire, il incombait à l’employeur de prendre les dispositions afin d’analyser correctement la situation du fonctionnaire. Non seulement l’employeur ne l’a pas fait, mais dans les courriels échangés par la suite entre les parties, il a toujours maintenu qu’il reprenait ses calculs et rajustait son système de manière à y intégrer les nouvelles données au sujet des congés annuels auxquels le fonctionnaire avait droit. L’employeur a enfin confirmé, en janvier 2008, les congés annuels auxquels le fonctionnaire avait supposément droit. Il ne s’agit pas ici d’une situation où une erreur a été commise et où l’employeur n’a pas eu l’occasion de la corriger. Ni une situation où l’erreur était difficile à repérer. Dans son témoignage, Mme Gladu (auparavant Mme Drouin) a indiqué que l’information au sujet de l’indemnité de départ touchée par le fonctionnaire se trouvait dans son dossier de rémunération. Mme Mudryk a confirmé cela et précisé que Mme Pearson s’était adressée à elle après avoir consulté le dossier du fonctionnaire et s’être rendu compte de l’erreur qui avait été commise.

66 Il importe également de noter que, dans les courriels datés du 24 et du 30 janvier, Mme Gladu (auparavant Mme Drouin) en a reçu une copie conforme, mais qu’elle n’a jamais cru bon d’intervenir afin de vérifier l’information et de corriger l’erreur. Ce n’est qu’en juin 2008, lorsque Mme Mudryk en a été informée, que l’employeur a entrepris des mesures à cette fin.

67 Ayant conclu que des affirmations avaient été faites au fonctionnaire au sujet des congés annuels supplémentaires auxquels il avait droit, et avant de trancher la question à savoir s’il avait agi à son détriment sur la foi des déclarations de l’employeur, je dois me demander à quel moment, dans les circonstances de cette affaire, les affirmations de l’employeur ont-elles changé? Il m’apparaît que l’on ne peut indéfiniment tirer profit d’une erreur. En temps normal, l’obligation cesse à partir du moment où le fonctionnaire est informé de l’erreur de l’employeur. En l’instance, il s’agit du moment où le fonctionnaire a été informé qu’il n’avait pas droit aux congés annuels supplémentaires qui lui avaient été accordés. Ce principe est articulé comme suit au paragraphe 2:2213 de Canadian Labour Arbitration :

[Traduction]

[…]

[…] Toutefois, une fois la préclusion invoquée, les arbitres sont généralement d’avis qu’elle peut avoir une durée limitée. Par conséquent, un avis de l’intention [de la partie] de s’en tenir à nouveau à l’application rigoureuse de l’entente, ou la manifestation d’une conduite qui indique qu’il y aura un retour aux droits légaux absolus de la partie, par exemple par le dépôt d’un grief ou la négociation en vue du règlement d’un grief, mettra fin à la préclusion […]

[…]

68 J’estime que, dans une situation comme celle-ci, l’employé a l’obligation d’atténuer les dommages qui lui sont occasionnés par l’erreur.

69 Je vais maintenant appliquer ce raisonnement à la présente affaire. Le fonctionnaire a expliqué qu’il était revenu de ses vacances le 5 août 2008. Selon lui, bien qu’un courriel lui ait été envoyé le 16 juillet, ce n’est que le 5 août 2008 qu’il en a pris connaissance. À ce moment, il avait déjà passé quatre semaines en vacances, alors qu’en fait, n’eut été de l’erreur, il n’avait droit qu’à seulement trois semaines de vacances, et ce, pour l’ensemble de l’exercice financier. Il a témoigné qu’il ne prenait habituellement que deux semaines de vacances l’été et le reste à Noël et au mois de mars.

70 J’estime qu’en effet, le fonctionnaire a agi à son détriment lorsqu’il a décidé, sur la foi des affirmations de l’employeur, de prendre quatre semaines de congé au mois de juillet, même s’il n’avait en réalité que trois semaines de congé pour toute l’année. La preuve a démontré qu’il prenait normalement deux semaines de vacances durant l’été. Ces deux semaines supplémentaires de vacances, que le fonctionnaire a prises uniquement en raison des affirmations de l’employeur, ne devraient pas être recouvrées par l’employeur, car elles sont effectivement couvertes par le principe de la préclusion promissoire.

71 Pour ce qui est des trois journées de congé supplémentaires qu’il a prises au mois d’août 2008, là encore la preuve non contredite est que le fonctionnaire croyait que la question pouvait être résolue et, à la suite de l’approbation de son supérieur immédiat, M. Bédard, il a pris ces trois journées de vacances de plus. Dans les circonstances, je ne crois pas que l’employeur soit en droit de recouvrer ces trois journées de vacances non plus.

72 En ce qui a trait au voyage à Disney World, tel que je l’ai mentionné plus tôt, j’estime qu’une fois informé de la position de l’employeur au mois d’août 2008, le fonctionnaire avait alors l’obligation d’atténuer les dommages qui lui étaient occasionnés. Il a su le 5 août 2008 qu’il n’avait pas droit aux congés annuels supplémentaires qui lui avaient été accordés. Il a néanmoins décidé de partir en voyages à Disney World même si cela signifiait qu’il devait le faire en prenant un congé sans solde. La décision lui revenait, et l’employeur ne peut en être tenu redevable. De plus, aucune preuve n’a été présentée quant aux efforts du fonctionnaire visant à obtenir l’annulation du voyage ou un remboursement, outre l’évocation de vagues démarches auprès de l’émetteur de sa carte de crédit. Le fonctionnaire a témoigné qu’il [traduction] « pensait » ne pas pouvoir être remboursé. Ces faits ne sont pas suffisants pour que je puisse conclure à l’application du principe de la préclusion promissoire aux circonstances ayant trait au voyage à Disney World.

73 Je vais maintenant traiter de la question des congés annuels auxquels le fonctionnaire a droit durant un exercice financier. Tel que je l’ai mentionné précédemment, je ne pense pas que le fonctionnaire puisse bénéficier indéfiniment de l’erreur qui l’a amené à croire qu’il avait droit à des congés annuels supplémentaires. Par conséquent, je conclus que l’employeur était dans son droit de rétablir les congés annuels auxquels le fonctionnaire avait droit en 2008 conformément aux dispositions de la convention collective à cet égard.

74 Enfin, au sujet de la vente de la deuxième voiture, le fonctionnaire a fait valoir que parce qu’il avait prévu monnayer une partie de ses congés annuels excédentaires, il avait acheté une deuxième voiture, mais qu’il avait dû se résoudre à la vendre à perte un mois plus tard après avoir été informé de la position de l’employeur au sujet de ses congés annuels. Bien qu’il ait témoigné que cela était pratique courante à l’ASFC de monnayer les congés annuels non écoulés à la fin de l’exercice financier, aucune preuve n’a été présentée selon laquelle le fonctionnaire aurait présenté une demande à l’employeur afin de monnayer ses congés non écoulés et que telle demande aurait été acceptée par l’employeur et ensuite refusée. Par conséquent, il n’a pas à être indemnisé relativement à la perte encourue à la vente de cette voiture.

75 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

76 Le grief est accueilli en partie.

77 J’ordonne que le fonctionnaire se fasse créditer les deux semaines de congés annuels supplémentaires qu’il a pris au mois de juillet 2008.

78 J’ordonne que le fonctionnaire se fasse créditer les trois jours de congés annuels qu’il a pris au mois d’août 2008.

79 Je rejette toutes les autres demandes présentées dans le cadre de ce grief.

80 Je demeure saisie du dossier pour une période de quatre-vingt-dix (90) jours dans l’éventualité où il y aurait quelque difficulté se rapportant à la mise en œuvre de la présente décision.

Le 6 décembre 2011

Traduction de la CRTFP

Linda Gobeil,
arbitre de grief

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