Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés contestaient la pratique de l'employeur qui consistait à ne pas proposer aux employés qui n'atteignaient pas la norme de production de travailler des heures supplémentaires - l'employeur a reconnu que <<compétent>> ne signifiait pas satisfaire à une norme de production - les fonctionnaires s’estimant lésés prétendent avoir droit à un dédommagement additionnel puisque la fiche des heures supplémentaires qui est affichée ouvertement leur a causé de l'embarras - l'arbitre de grief n'a pas été convaincue - la fiche des heures supplémentaires n'indique pas pourquoi un employé donné ne s'est pas fait offrir des heures supplémentaires - les fonctionnaires s’estimant lésés n'ont pas démontré que l’affichage public des heures supplémentaires leur avait causé de l'embarras. Griefs accueillis en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-02-25
  • Dossier:  566-02-2138 à 2149 et 2151 à 2156
  • Référence:  2011 CRTFP 26

Devant un arbitre de grief


ENTRE

DENIS ALLARD, CARMEL BARON, LOUISE HICKS, KARL DAVID KITCHEN,
MICHELLE ROZKA, CARRIE SMOLAK ET CAROL ANN YATES

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Allard et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Deborah M. Howes, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
John Haunholter, avocat, et Carm Chan, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Doreen Meuller, avocate, et Shannon Ross, conseillère en relations de travail

Affaire entendue à Vegreville (Alberta),
du 23 au 25 septembre 2009 et le 13 avril 2010.
Arguments écrits déposés le 29 avril et les 12 et 25 mai 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Les fonctionnaires s’estimant lésés, Denis Allard, Carmel Baron, Louise Hicks, Karl David Kitchen, Michelle Rozka, Carrie Smolak et Carol Ann Yates (les « fonctionnaires ») ont réclamé un paiement pour des possibilités de travailler des heures supplémentaires qui leur ont été refusées depuis 2007. Ils se sont fondés sur la clause 28.05a) de la convention collective (la « convention collective », date d’expiration : le 20 juin 2007) conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») à l’égard du groupe Services des programmes et de l’administration. Cette clause se lit comme suit :

          28.05 Attribution du travail supplémentaire

a) Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

2 Le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur ») a contesté les griefs en alléguant que les fonctionnaires n’étaient pas qualifiés pour effectuer des heures supplémentaires, parce qu’ils n’avaient pas atteint les normes de production.

Les fonctionnaires étaient-ils « qualifiés »?

3 Le dernier jour de l’audience, les parties m’ont informée qu’elles étaient arrivées à un règlement partiel des points contestés dans les griefs et m’ont demandé de tirer certaines conclusions. Je me suis fondée sur leur entente pour statuer comme suit sur le bien-fondé des demandes de paiement de temps supplémentaire.

4 L’employeur a reconnu le bien-fondé des griefs. Par conséquent, les parties se sont entendues et j’ai conclu que le terme « qualifiés », tel qu’il est employé à la clause 28.05 de la convention collective, ne signifie pas atteindre un niveau de production établi par l’employeur.

5 Les parties se sont entendues par écrit au sujet des dommages-intérêts payables à chaque fonctionnaire en ce qui concerne les possibilités d’effectuer des heures supplémentaires qui leur ont été refusées, en fonction des principes suivants :

[Traduction]

  1. Si le ou la fonctionnaire était en congé, il ou elle est réputé(e) ne pas avoir été disponible pour faire des heures supplémentaires entre la date applicable dans le grief pertinent et le 13 avril 2010.
  2. Si le ou la fonctionnaire touchait des prestations de la Commission des accidents du travail, il ou elle est réputé(e) ne pas avoir été disponible pour effectuer des heures supplémentaires quand on lui en a offert la possibilité entre la date applicable dans le grief pertinent et le 13 avril 2010.
  3. Si le ou la fonctionnaire occupait un poste « Anglais essentiel » et que les heures supplémentaires qu’on lui a offert d’effectuer devaient servir à faire du traitement bilingue, il ou elle est réputé(e) ne pas avoir été disponible pour effectuer des heures supplémentaires quand on lui en a offert la possibilité entre la date applicable dans le grief pertinent et le 13 avril 2010.
  4. Si le ou la fonctionnaire a effectué des heures supplémentaires quand on lui en a offert la possibilité et qu’il ou elle a été payé(e), il ou elle est réputé(e) ne pas avoir eu droit à une double rémunération pour toutes heures supplémentaires qu’on lui a offert d’effectuer entre la date applicable dans le grief pertinent et le 13 avril 2010.
  5. Les fonctionnaires recevront également les indemnités de repas applicables en vertu de la clause 28.09 de la convention collective.

Dédommagement pour humiliation

6 Il ne me reste plus qu’une question à trancher, soit la demande de dédommagement pour humiliation subie par les fonctionnaires à leur lieu de travail en raison de la méthode utilisée par l’employeur pour attribuer les heures supplémentaires.

7 Les fonctionnaires déclarent qu’ils devraient être dédommagés pour l’embarras et l’humiliation qu’ils ont subis en raison de la pratique de l’employeur d’afficher la fiche à signer pour le travail supplémentaire à l’extérieur du bureau du chef d’équipe.

8 La preuve sur cette pratique d’affichage est très limitée. J’ai résumé mes conclusions basées sur la preuve comme suit.

9 Le lieu de travail est divisé en différentes équipes. L’employeur a une pratique établie pour informer le personnel de la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires : les chefs d’équipe affichent à l’extérieur de leurs bureaux des feuilles sur lesquelles sont précisés les jours et les heures où les employés pourront effectuer des heures supplémentaires; les employés qui sont intéressés y inscrivent leur nom et leurs coordonnées. Tous les autres membres de l’équipe peuvent voir ces feuilles. Si un employé change d’idée et ne veut plus effectuer d’heures supplémentaires ou qu’un chef d’équipe décide qu’un employé n’est pas qualifié pour en faire, il barre son nom de la feuille. Le chef d’équipe peut barrer un nom pendant que la feuille est affichée ou après l’avoir enlevée, à la fin de la journée. Une fois la feuille enlevée, le chef d’équipe s’en sert pour confirmer les heures supplémentaires et il peut y ajouter des notes; la feuille n’est pas affichée de nouveau le lendemain.

10 Les fonctionnaires se sont sentis humiliés quand leurs noms ont été barrés de la feuille. Ils savaient tous que cela signifiait que l’employeur avait décidé qu’ils n’avaient pas atteint la norme de production. Certains n’ont plus tenté de se prévaloir de la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires pour éviter de se faire humilier encore.

11 L’AFPC soutient que le traitement que l’employeur a fait subir aux fonctionnaires a causé à ces derniers de la souffrance morale individuelle et les a privé des droits établis dans deux décisions d’arbitrage de grief antérieures dont l’employeur aurait dû être conscient (voir Foote c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 142 et Bunyan et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 85). Les fonctionnaires déclarent que la pratique de l’employeur les humilie quand leurs noms sont barrés de la feuille affichée lorsqu’ils ne sont pas admissibles pour effectuer des heures supplémentaires; ils interprètent ce geste de l’employeur comme une façon de dire aux autres employés que leur rendement est inférieur à la norme. Puisqu’un employeur ne reprendrait ni ne critiquerait un employé devant ses collègues, il ne devrait pas leur manquer de respect en barrant leurs noms de la feuille à signer pour effectuer des heures supplémentaires. Afin de justifier les demandes de dommages, l’AFPC invoque les quatre décisions suivantes : Deschamps et Commission des droits de la personne du Québec c. 2755-9046 Québec Inc.,[1993] J.T.D.P.Q. no 27 (QL); Teamsters Local Union No. 31 v. Beachcomber Hot Tubs Inc., 176 L.A.C. (4e) 1; Saskenergy Inc. v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 649,176 L.A.C. (4e) 55; Malyj c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-21439 (19920406).

12 L’employeur conteste la demande de dédommagement pour humiliation pour deux raisons. Premièrement, il déclare que l’arbitre de grief n’a pas le pouvoir d’accorder un tel redressement. Deuxièmement, il affirme que rien ne justifie une telle décision.

13 Je rejette la demande de dédommagement pour humiliation des fonctionnaires parce que rien ne justifie un tel redressement. Les chefs d’équipe ont deux raisons connues pour barrer le nom d’un employé de la feuille. Ils ne prennent pas de notes pour préciser la raison applicable à un employé quelconque. Seuls le chef d’équipe et l’employé intéressé connaissent cette raison. Les autres employés ne connaissent pas les raisons applicables aux autres employés, à moins qu’ils en soient informés. La feuille des heures supplémentaires finale précise seulement qui effectuera le travail supplémentaire, pas pourquoi d’autres ne l’effectueront pas. Les employés peuvent tirer leurs propres conclusions en ce qui concerne les noms barrés. Dans ces cas-ci, l’employeur n’a pas pris de mesure ni fait de déclaration dans l’intention de jeter le discrédit, ou qui aurait raisonnablement pu jeter le discrédit, sur un employé, à moins que l’intéressé n’ait révélé les renseignements pertinents à ses collègues. Si les employés étaient embarrassés à l’idée de parler d’une situation donnée concernant les heures supplémentaires avec leurs collègues, l’employeur ne peut pas en être tenu responsable. Il s’ensuit que je ne trouve aucune raison pour conclure à l’existence d’une source raisonnable d’humiliation des fonctionnaires.

14 Compte tenu de cette conclusion, je n’ai pas besoin de me prononcer sur l’argument de l’employeur contestant mon pouvoir.

15 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

16 Les griefs sont accueillis dans la mesure où les parties sont convenues.

17 Les fonctionnaires n’ont pas droit à des dommages pour l’humiliation qu’ils prétendent avoir subie.

Le 25 février 2011.

Traduction de la CRTFP

Deborah M. Howes,
arbitre de grief

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