Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s'estimant lésés allèguent que l'employeur a violé une disposition de la convention collective lorsqu'il a modifié les heures de travail pour les essais en mer en invoquant des circonstances exceptionnelles - un autre arbitre de grief a conclu à partir d'une preuve similaire qu'il n'y avait pas eu de circonstances exceptionnelles - l'employeur a affirmé qu'il disposait d'éléments de preuve additionnels montrant que les circonstances étaient de nature exceptionnelle - les fonctionnaires s'estimant lésés ont demandé que les éléments de preuve additionnels ne soient pas admis, en faisant valoir que le principe de préclusion découlant d'une question déjà tranchée devrait s'appliquer - l'arbitre de grief a conclu que, par souci d'équité, l'employeur devrait être autorisé à présenter des éléments de preuve additionnels - l’arbitre de grief a ordonné à l'employeur de communiquer les nouveaux éléments de preuve dans les 30jours suivant la décision, et une audience sur le fond aura lieu par la suite. Demande des fonctionnaires s’estimant lésés rejetée. Ordonnance de divulgation complète des éléments de preuve additionnels. Tenue d’une audience à une date ultérieure.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-03-07
  • Dossier:  566-02-580, 581, 583, 584, 586, 588, 592 et 593
  • Référence:  2011 CRTFP 31

Devant un arbitre de grief


ENTRE

HARRY MICHAEL BROMMA, RICHARD BUCKLEY, JAMES EDGAR RUTLEY,
WILLIAM PETER SKROBOTZ ET DAVID L. WALTS

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Bromma et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
James L. Shields, avocat

Pour l'employeur:
Stephan Bertrand, avocat, et Philippe Lacasse, avocat

Affaire entendue à Victoria (Colombie-Britannique),
les 19 et 20 octobre 2010.
Décision rendue sur la base d’arguments écrits déposés
les 12 et 26 novembre 2010, 23 décembre 2010 et 11 janvier 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 La présente décision intérimaire porte sur 8 des 14 griefs initialement déposés par des employés du ministère de la Défense nationale affectés à l'Installation de maintenance de la Flotte (IMF) de la Base des Forces canadiennes Esquimalt, au Cap Breton. Ces employés prétendent avoir droit à une indemnité pour des heures travaillées en dehors de leur horaire de travail régulier, à l'occasion d'essais en mer, conformément à l’article 32 de la convention collective conclue entre la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 (le « syndicat » ou la FIOE) et le Conseil du Trésor (l’« employeur »), dont la date d’expiration était le 31 août 2004. Cette convention collective est demeurée en vigueur jusqu'à la signature d'une nouvelle convention, le 22 décembre 2005. Les fonctionnaires s'estimant lésés (les « fonctionnaires ») sont des technologues en électronique classifiés EL-06.

2 À l'audience, les parties m'ont signalé que cinq des griefs originaux avaient été réglés, et qu'il restait donc les griefs suivants à résoudre : dossiers de la CRTFP 566-02-580 et 581 (Bromma), 566-02-583 et 584 (Buckley), 566-02-586 (Rutley), 566-02-588 (Skrobotz), et 566-02-592 et 593 (Walts). J'ai par la suite appris qu'un sixième grief, dossier de la CRTFP 566-02-591 (Vinden), était aussi résolu.

3 Le présent litige a emprunté tout un circuit. Le syndicat a déposé un grief collectif le 8 juillet 2005, au nom de 16 employés de l'IMF de Cap Breton, alléguant que l'employeur avait violé l’article 32 « Indemnité d'essais en mer » de la convention collective en émettant une instruction de travail qui modifiait les heures de travail des employés devant effectuer des essais en mer. Ce grief a été renvoyé à l'arbitrage le 11 mai 2006, et entendu en 2008. Une décision préliminaire, Fraternité internationale des ouvriers en électricité - section locale 2228 c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 36 (FIOE no 1), relative aux questions de compétence, a été rendue le 22 mai 2008, et une décision portant sur le fond de ce grief, Fraternité internationale des ouvriers en électricité - section locale 2228 c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2009 CRTFP 2 (FIOE no 2), a été rendue le 20 janvier 2009.

4 Ces deux décisions ont de l'importance pour les présents griefs. Selon le grief collectif, l'employeur aurait affecté les fonctionnaires à des quarts de soir et de nuit durant des essais en mer, contrevenant ainsi à la convention collective. Le groupe au nom duquel le grief a été déposé comprend des employés appelés à faire des essais en mer à l'automne 2005 et au début de 2006. Par suite de la décision de procédure FIOE no 1, qui a conclu que le grief collectif était prématuré pour tous les fonctionnaires sauf trois, le seul essai en mer portant litige était celui de juillet 2005. Toutefois, il importe de noter que les fonctionnaires cités dans ces griefs faisaient partie du groupe d'employés dont le grief collectif avait été jugé prématuré.

5 La décision FIOE no 2 a porté sur les questions de fond soulevées par les parties. L'arbitre de grief devait se prononcer sur l'interprétation du segment « lorsque les circonstances le justifient » qui figure à la clause 23.15 de la convention collective, et déterminer la portée selon laquelle, à la lumière de la preuve qui lui était présentée, les circonstances permettaient à l'employeur de modifier l'horaire de travail régulier des fonctionnaires pour l'essai en mer de juillet 2005.

6 L'analyse qu'a fait l'arbitre de grief de la clause 23.15 de la convention collective, plus particulièrement du segment « lorsque les circonstances le justifient », l'a amené à conclure que le droit de modifier les heures de travail « lorsque les circonstances le justifient » ne peut être exercé que dans des circonstances exceptionnelles et exige de l'employeur qu'il « […] enquêt[e] sur les circonstances spécifiques d’une situation pour établir le besoin de traiter celle-ci comme une exception » (paragraphe 110).

7 S'inspirant de cette analyse, l'arbitre de grief a déterminé que l'employeur avait fondé sa décision de modifier les heures de travail des employés affectés à l'essai en mer de juillet 2005 sur une politique de travail générale, qui visait à limiter les dépenses en heures supplémentaires, plutôt que sur les circonstances propres à l'essai en mer. L'arbitre de grief a déclaré que de telles considérations financières « […] ne suffisent pas en soi pour établir que les circonstances précises de l’essai en mer fixé au 11 juillet2005 — ou de tout autre essai en mer spécifique — justifiaient le recours à la clause 23.15 » (paragraphe 111). L'arbitre de grief a donc accueilli le grief collectif, jugeant que l'employeur n'avait pas étudié les circonstances particulières de l'essai en mer pour voir si elles justifiaient la modification de l'horaire de travail régulier des fonctionnaires.

8 Dès le début de l'audience, les parties m'ont informée que les répercussions de la décision rendue plus tôt sur ces griefs suscitaient de profondes divergences d'opinions. Elles croyaient que cette affaire devait être résolue avant que la preuve se rapportant aux griefs ne soit entendue. Plus précisément, les parties ne s'entendaient pas pour dire si le principe de la préclusion s'applique aux présents griefs et empêche l'employeur de fournir de nouvelles preuves sur les circonstances qui justifiaient la modification des heures de travail pour les essais en mer ici contestés.

9 Il a été convenu de reporter l'audience pour permettre aux parties de présenter des arguments écrits sur l'application du principe de préclusion à ces griefs.

II. Résumé de la preuve

10 D'après l'exposé conjoint des faits soumis par les parties, tous les fonctionnaires ont déposé un grief alléguant que l'employeur avait violé la convention collective en modifiant leur horaire de travail régulier pour qu'il concorde avec les essais en mer effectués en août et en septembre 2005, ainsi qu'en janvier 2006.

11 Plus particulièrement, MM. Bromma, Buckley, Rutley et Walts ont été affectés aux essais en mer d'août 2005, et leur horaire de travail régulier a été modifié par l'employeur. Conséquemment, les heures supplémentaires qu'ils réclamaient pour le travail effectué en dehors de leur horaire régulier ont été refusées.

12 M. Walts a participé à l'essai en mer de septembre 2005. Sa réclamation d'heures supplémentaires a également été refusée, puisque son horaire de travail régulier avait été modifié en fonction de l'essai en mer.

13 MM. Bromma, Buckley et Skrobotz ont participé à l'essai en mer de janvier 2006. Leurs réclamations d'heures supplémentaires ont été refusées, car l'employeur avait modifié leur horaire de travail régulier pour l'adapter à l'essai en mer.

14 Dans chacun des cas, les fonctionnaires ont déposé des griefs individuels pour dénoncer les modifications apportées à leur horaire de travail régulier, ainsi que le refus de leur payer des heures supplémentaires. L'employeur a rejeté ces griefs. Aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a soulevé la similitude entre ces griefs et le grief collectif déposé plus tôt qui suivait son cours dans la procédure de règlement des griefs (FIOE no 2).

15 L'exposé conjoint des faits citait comme pièce la décision FIOE no 2 et toutes les pièces déposées dans ce cas, ainsi que les rapports sur les fonctions supplémentaires, les griefs et les réponses aux griefs se rapportant aux griefs individuels devant moi.

III. Arguments écrits

A. Pour le syndicat

16 Le syndicat signale que, même si les arbitres ne sont pas strictement tenus de suivre les décisions antérieures, la forte valeur de précédent des décisions arbitrales aide grandement les parties à gérer leurs relations courantes. Le syndicat soutient que la procédure de règlement des griefs vise à régler des conflits pour de bon, ce qui ne peut se produire si les conflits sont plaidés et replaidés de manière non définitive.

17 Le syndicat prétend que la préclusion ne s'applique pas qu'aux décisions antérieures rendues pour les mêmes parties sur un même enjeu, mais aussi à tout droit, toute question ou tout fait contesté par les parties qui a déjà été tranché. Dès qu'un conflit entre deux parties est réglé, il ne peut être plaidé de nouveau entre ces deux parties, même si une question ou une cause d'action différente surgit.

18 Cela dit, le syndicat soutient que la décision dans FIOE no 2 a tranché pour de bon les questions de fond qui opposaient les parties, et que ces questions ne devraient pas subir un nouvel examen. Notamment, le syndicat prétend que la principale question évoquée dans FIOE no 2 avait trait à l'interprétation et à l'application de la clause 23.15 de la convention collective, plus précisément si la décision de l'employeur de modifier l'horaire de travail régulier des fonctionnaires à la lumière d'une instruction de travail générale qui était motivée par un désir de réduire les dépenses en heures supplémentaires, constituait une condition préalable à l'application de la clause 23.15.

19 Le syndicat prétend que, après plusieurs jours de témoignages et d'arguments, l'arbitre de grief dans FIOE no 2 a déterminé que, selon le libellé de la clause 23.15 de la convention collective, l'employeur est tenu d'évaluer les circonstances de chaque essai en mer, afin de déterminer si des circonstances exceptionnelles justifient la modification de l'horaire de travail. De plus, l'arbitre de grief a déclaré que l'employeur avait modifié les heures de travail pour les essais en mer de juillet 2005, en se fondant sur l'instruction de travail de mai 2005, laquelle avait établi une pratique courante appliquée aux essais en mer subséquents.

20 Le syndicat soutient que les constatations de l'arbitre de grief dans FIOE no 2 établissent un précédent qui s'applique non seulement de manière générale, mais aussi de façon particulière aux circonstances de ces griefs, car elles portent sur les essais en mer au départ évoqués dans le grief collectif, qui avait été jugé prématuré.

21 Le syndicat allègue que la question à trancher dans ce cas devrait se limiter aux dates des essais en mer concernés et au montant de l'indemnité à laquelle chaque fonctionnaire a droit.

22 Le syndicat appuie sa position sur les décisions suivantes : Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e éd., paragr. 1:3100; Ford Electronics Manufacturing Corporation v. International Association of Machinists and Aerospace Workers, Local 2113 (2000), 86 L.A.C. (4e) 409; Phillips Cables Ltd. v. United Electrical, Radio and Machine Workers, Local 510 (1977), 16 L.A.C. (2e) 225; Ford Motor Co. of Canada v. Ontario (Human Rights Commission(2001), 209 D.L.R. (4e) 465.

B. Pour l’employeur

23 L'employeur affirme que, pour que le principe de la préclusion s’applique, les questions et les circonstances de fait doivent être les mêmes dans le cas subséquent que dans l'original. Elles ne le sont pas en l’espèce. Même si le syndicat prétend que, pour ces griefs, les circonstances qui ont entraîné la modification de l'horaire de travail pour les essais en mer sont les mêmes que celles de la modification des heures de travail évoquée dans FIOE no 2, elles étaient en fait très différentes.

24 L'employeur affirme que, s'il en avait la possibilité, il exposerait les circonstances précises qui l'ont amené à modifier les heures de travail pour chacun des essais en mer cités dans les griefs.

25 L'employeur prétend qu'aucune preuve soumise à mon attention ne me permet de conclure que les circonstances de fait l'ayant amené à modifier les heures de travail pour les essais en mer de juillet 2005, et évoquées dans FIOE no 2, sont les mêmes que celles qui ont entraîné la modification des heures de travail pour les essais cités dans les griefs.

26 L'employeur soutient que la décision dans FIOE no 2 se limite clairement aux faits particuliers qui s'y rapportent. L'arbitre de grief dans ce cas n'a traité que des circonstances de l'essai en mer de juillet 2005. De plus, l'arbitre de grief affecté à ce cas a clairement dit que la clause 23.15 de la convention collective exigeait de l'employeur qu'il justifie au cas par cas sa décision de modifier l'horaire de travail des employés.

27 L'employeur signale qu'il n'a pas eu le loisir de démontrer les circonstances entourant les essais en mer des mois d'août et de septembre 2005, ni ceux de janvier 2006. À la lumière de ces faits, il doit bénéficier de la possibilité de soumettre en preuve les circonstances particulières qui ont motivé sa décision de modifier les heures de travail des fonctionnaires pour les essais en mer faisant l'objet des griefs.

28 Pour tous ces motifs, l'employeur affirme que le principe de la préclusion ne s'applique pas aux présents griefs.

C. La réponse du syndicat

29 Le syndicat souligne que le grief collectif, dans lequel il est allégué que l'employeur affectait les employés à des quarts de soir et de nuit, et contrevenait ainsi à la convention collective, avait été déposé au nom de 16 employés, dont les fonctionnaires en l’espèce. En raison d'une objection préliminaire soulevée par l'employeur, le grief collectif a été jugé prématuré pour tous les fonctionnaires cités, sauf trois. Le syndicat soutient que ces griefs concernent le même groupe de fonctionnaires et les mêmes circonstances que celles jugées prématurées. Le syndicat soutient que la même instruction de travail que celle qui a entraîné la modification des heures de travail dans FIOE no 2 s'applique à ces griefs. Les circonstances de fait sont donc les mêmes. Puisque la décision FIOE no 2 a porté sur les circonstances de fait, celles-ci ne devraient pas subir un nouvel examen.

30 Le syndicat soumet par ailleurs que l'employeur cherche à modifier sa position relativement à ces griefs, en se fondant sur FIOE no 2. Tout au long de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a indiqué que ces griefs étaient identiques au grief collectif, et il a adopté une réponse uniforme. Ce n'est qu'après FIOE no 2 que l'employeur a soutenu que les circonstances de fait différaient pour chacun des essais en mer.

31 Le syndicat affirme que l'employeur ne devrait pas être autorisé à modifier la position qu'il a maintenue tout au long de la procédure de règlement des griefs, pas plus qu'il ne devrait avoir droit d'ajouter des questions non soulevées par lui auparavant. Le syndicat soutient que de permettre à l'employeur de modifier sa position à cette étape tardive du processus minerait et mettrait en échec la procédure de règlement des griefs. Selon le syndicat, il y aurait là abus de procédure.

32 Le syndicat cite les décisions suivantes pour étayer sa position : Fuller Austin Insulation Ltd. v. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 2103 (2002), 107 L.A.C. (4e) 421; Office and Professional Employees Union, Local 343 v. United Steelworkers(1972), 24 L.A.C. 1.

IV. Motifs

33 Les parties m'ont demandé de déterminer si le principe de la préclusion s'appliquait. Le syndicat prétend que les questions soulevées dans les griefs ont déjà été tranchées dans FIOE no 2. L'employeur, quant à lui, soutient que même si les questions soulevées dans les griefs actuels sont similaires à celles évoquées dans FIOE no 2, cette décision n'a fait que démontrer que l'analyse nécessaire pour déterminer s'il y a eu violation de la convention collective se fonde sur des faits et des événements. Les faits et les événements soulevés dans ces griefs diffèrent de ceux de FIOE no 2.

34 Je reconnais d'emblée qu'il est judicieux pour un arbitre de grief de suivre la décision rendue par un autre arbitre de grief sur des questions qui mettent en cause les mêmes parties, la même convention collective et les mêmes enjeux, à moins qu'un problème particulier ne se dégage de la décision précédente. Les décisions d’arbitrage procurent des directives aux parties à propos de leur relation actuelle. Elles doivent être en mesure de se fier à leur caractère constant et définitif. Je suis d'accord avec l'arbitre de grief dans Timson et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 8, qui a signalé que « le caractère définitif de la procédure d'arbitrage aux termes du paragraphe 233(1) de la LRTFP révèle […] une volonté de maintenir l’effet des décisions antérieures, non sans considérer cependant les intérêts légitimes de chaque partie » (paragr. 22).

35 Il semble évident que FIOE no 2 établit un précédent qui, je crois, s'applique aux présents griefs. Je n'ai aucune hésitation à accepter la conclusion de l'arbitre de grief dans ce cas, à savoir que le passage « lorsque les circonstances le justifient » de la clause 23.15 de la convention collective devrait être interprété comme donnant à l'employeur la possibilité de modifier l'horaire de travail régulier, seulement dans des circonstances exceptionnelles, et que l'employeur doit en fait se concentrer sur les circonstances propres à chaque situation avant de déterminer s'il y a circonstances exceptionnelles. Je n'hésite pas non plus à accepter la conclusion de l'arbitre de grief, c'est-à-dire que des motivations financières en soi ne suffisent pas à démontrer des circonstances exceptionnelles justifiant la modification de l'horaire de travail régulier, conformément à la clause 23.15.

36 Cependant, même si FIOE no 2 établit des principes d'application générale à ces griefs, elle ne se fonde en définitive que sur la preuve de l'essai en mer du 11 juillet 2005, et non sur les essais en mer en général. On n'y trouve aucune conclusion qui puisse me porter à dire que l'employeur a traité tous les essais en mer de la même façon. La question de savoir si l'employeur s'est penché sur les circonstances particulières des essais en mer évoqués dans ces griefs n'est certainement pas clarifiée. Pour ces motifs, et malgré l'objection du syndicat, je déclare que l'employeur doit être autorisé à fournir une preuve des circonstances particulières entourant les essais en mer évoqués dans les griefs.

37 Toutefois, cela ne règle pas le litige qui oppose les parties. Le syndicat prétend que l'employeur a substantiellement modifié sa position à l'égard de ces griefs, à la lumière de FIOE no 2. Tout au long de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a déclaré que les griefs reprenaient les faits exposés dans le grief collectif. Ce n'est que maintenant, après la décision dans FIOE no 2, que l'employeur soutient que des faits propres à chaque essai en mer justifient la modification des heures de travail. Le syndicat soutient que le fait de permettre à l'employeur de modifier sa position à cette étape équivaudrait à un abus de procédure.

38 Je suis sensible à cet argument. Pour que la procédure de règlement des griefs soit efficace, il est essentiel que les parties connaissent les enjeux. Quoi qu'il en soit, à mesure que les griefs progressent, les positions des parties risquent inévitablement d'évoluer. Un des objectifs de la procédure de règlement des griefs est de procéder à la divulgation des positions des parties, de sorte que le litige puisse être résolu. Par conséquent, il me semble qu'on peut remédier à tout préjudice que pourrait causer au syndicat le changement apparent de position de l'employeur au moyen d'une divulgation complète avant l'audience.

Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

39 La requête du syndicat pour que l'employeur soit interdit de fournir des preuves sur les essais en mer d'août et de septembre 2005, et sur celui de janvier 2006, aux motifs de la préclusion, est rejetée. L'employeur a droit de fournir des preuves sur les circonstances particulières des essais en mer contestés dans les présents griefs.

40 L'employeur doit entièrement divulguer au syndicat la preuve qu'il compte présenter au sujet des circonstances particulières qui ont justifié la modification des heures de travail des fonctionnaires pour les essais en mer faisant l'objet des griefs, dans les 30 jours de la présente décision.

41 Une audience portant sur le fond des griefs aura lieu aux dates que fixera le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, en consultation avec les parties.

Le 7 mars 2011.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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