Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé s'est fait refuser la possibilité de faire des heures supplémentaires parce qu'il ne faisait pas partie de l'équipe à laquelle les heures supplémentaires étaient proposées - l'arbitre de grief a déterminé que l'employeur avait agi de façon arbitraire en présumant que le fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait faire le travail en question parce qu'il ne faisait pas partie de l'équipe - la preuve a démontré qu'il était qualifié pour faire le travail et que, par conséquent, il aurait dû se faire offrir des heures supplémentaires. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-02-25
  • Dossier:  566-02-2150
  • Référence:  2011 CRTFP 27

Devant un arbitre de grief


ENTRE

TERRY CASPER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Casper c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Deborah M. Howes, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
John Haunholter, avocat, et Carm Chan, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Doreen Meuller, avocate, et Shannon Ross, conseillère en relations de travail

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 29 avril ainsi que les 12 et 25 mai 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le 10 juillet 2007, Terry Casper, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief pour contester le refus d’une possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. Il a allégué un manquement à la clause 28.05a) de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) à l’égard du groupe Services des programmes et de l’administration (date d’expiration : 20 juin 2007; la « convention collective »). Le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur ») a déclaré qu’il n’était pas admissible pour effectuer les heures supplémentaires en question.

2 Les deux questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. L’employeur a-t-il violé la clause 28.05a) de la convention collective en refusant au fonctionnaire la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires?
  2. Si oui, quel est le redressement approprié?

3 Je conclus que le fonctionnaire était admissible pour effectuer des heures supplémentaires et que l’employeur a violé la clause 28.05a) de la convention collective en lui refusant la possibilité d’en effectuer. Mes motifs suivent avec mon ordonnance.

Disposition de la convention collective

4 La clause 28.05a) de la convention collective se lit comme suit :

     28.05 Attribution du travail supplémentaire

a) Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

5 Le litige porte sur le sens de « employé-e-s qualifiés ».

Les positions des parties

6 Le grief du fonctionnaire et la mesure corrective qu’il réclame sont datés du 10 juillet 2007 et se lisent comme suit :

[Traduction]

Je conteste le manquement de la direction à la clause 28.05a) de la convention collective en me privant de mon droit d’effectuer des heures supplémentaires.

Mesure corrective :

Que je sois dédommagé financièrement pour toutes les heures supplémentaires qu’on ne m’a pas offert la possibilité d’effectuer.

Qu’on me présente des excuses écrites pour ne pas m’avoir donné de possibilités d’effectuer des heures supplémentaires.

Que je sois indemnisé intégralement.

7 L’AFPC et le fonctionnaire allèguent que l’employeur tente, par sa politique ou sa pratique, d’ajouter des qualifications supplémentaires à l’admissibilité à faire des heures supplémentaires, de façon à limiter le droit des employés d’en effectuer. Ils se fondent sur MacAdams c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-26601 (19951127) pour justifier leur proposition que la clause 28.05a) de la convention collective s’applique à tous les employés membres de l’unité de négociation. L’employeur ne peut pas limiter arbitrairement la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires à un petit groupe d’employés.

8 L’employeur conteste le grief en déclarant que le fonctionnaire ne faisait pas partie du groupe précis auquel il avait offert la possibilité d’effectuer le travail supplémentaire. Dans la lettre du 6 juillet 2009 où il a rejeté le grief, l’employeur a donné les raisons suivantes de son refus à faire des heures supplémentaires :

[Traduction]

En examinant l’information figurant dans votre formule de présentation de grief, je constate que la direction a le droit de déterminer s’il faut effectuer des heures supplémentaires pour les nécessités du service. La direction a offert la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires seulement aux membres de l’Équipe J à seule fin de traiter l’inventaire de courrier blanc. Vous êtes spécialiste du service de livraison et vous étiez membre de l’Équipe I à ce moment-là, alors que l’offre d’effectuer du travail supplémentaire était limitée aux membres de l’Équipe J. Comme les membres de l’Équipe J étaient les seuls employés qui se consacraient au traitement du courrier blanc au Centre de traitement des cas, j’estime qu’il était raisonnable que la direction limite la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires aux membres de l’Équipe J.

Les événements

9 La preuve m’a amenée à conclure ce qui suit sur les événements. Le fonctionnaire est un spécialiste du service de livraison (classifié PM-03) au Centre de traitement des cas (le « Centre ») de Vegreville, en Alberta. Le Centre traite des demandes de résidence permanente et temporaire. L’employeur répartit le lieu de travail en équipes.

10 Le fonctionnaire compte plus de 10 années de service; il est passé du groupe et niveau PM-02 au groupe et niveau PM-03. Il a accompli les tâches (durant les heures de travail normales ou en temps supplémentaire) de membres du groupe Commis aux écritures et aux règlements (groupes et niveaux CR-03 et CR-05) et du groupe Administration des programmes (groupe et niveaux PM-02, PM-03 et PM-04). Il est membre de l’« Équipe I ». Il a traité du « courrier blanc » (courrier reçu) et se sentait capable de faire le travail supplémentaire en question.

11 Normalement, les employés sont informés des possibilités d’effectuer du travail supplémentaire au Centre quand la direction fait circuler un courriel ou une note de service et que les chefs d’équipe affichent une feuille à signer pour faire des heures supplémentaires à l’extérieur de leurs bureaux. Le 19 juin 2007, le fonctionnaire a appris une possibilité d’effectuer des heures supplémentaires émanant d’une autre équipe de travail, l’« Équipe J », affichée seulement à cette équipe. Il est allé voir la chef de l’Équipe J, Shelley Thostenson. Les feuilles à signer étaient dans son bureau plutôt qu’affichées à l’extérieur. Le fonctionnaire a signé pour pouvoir faire des heures supplémentaires. Plus tard, quand il n’a plus entendu parler du travail supplémentaire offert, il a reparlé à Mme Thostenson, qui lui a dit avoir été incapable de l’autoriser à faire des heures supplémentaires parce qu’il n’était pas membre de l’Équipe J et qu’elle n’était pas au courant de ses normes de production (une autre politique de l’employeur en vigueur à l’époque qui influait sur l’admissibilité d’effectuer des heures supplémentaires). Elle l’a renvoyé voir son propre chef d’équipe. À la fin de cette journée-là, le fonctionnaire était resté sans réponse et n’avait pas fait les heures supplémentaires en question. Il a interprété le silence de l’employeur comme un refus de l’autoriser à effectuer des heures supplémentaires pour lesquelles il s’estimait qualifié.

12 Les employés de l’Équipe J sont classifiés CR-03. C’est quelqu’un de cette équipe qui a effectué le travail supplémentaire. C’était la seule fois que l’Équipe J était la seule à se faire offrir la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. L’Équipe J fait typiquement du travail de commis pour soutenir sept équipes opérationnelles. Elle traite des listes de reports (BF), du courrier blanc et du courrier de retour et fait également du suivi sur des demandes de sécurité. Les heures supplémentaires en question étaient pour du travail typiquement accompli par les membres de l’Équipe J, et la possibilité de les effectuer n’avait été offerte qu’à eux. Il y avait un important arriéré de courrier blanc, et la direction avait décidé qu’il faudrait offrir aux membres de l’Équipe J la possibilité d’effectuer du travail supplémentaire pour l’éponger.

13 Les membres de l’Équipe J reçoivent cinq jours de formation sur les procédures de la salle du courrier, les systèmes de classement, les listes de reports, les procédures applicables au courrier blanc et les communications avec les bureaux de la sécurité. Ils reçoivent également de la formation sur les tâches propres à leur équipe. À la fin de leur formation, on leur donne une semaine de mentorat.

14 Le Centre a changé sa façon de traiter le courrier blanc avec les années. Le fonctionnaire, Louise Hicks et Carol Yates sont tous membres d’équipes opérationnelles; ils n’ont jamais fait partie de l’Équipe J et n’ont jamais reçu les cinq jours de formation particulière à cette équipe. Néanmoins, ils ont tous traité du courrier blanc de temps à autre, aussi bien dans le cadre de leurs fonctions qu’en faisant des heures supplémentaires.

Motifs

15 La clause 28.05a) de la convention collective stipule que l’employeur doit offrir le travail supplémentaire aux employés qualifiés qui sont facilement disponibles. Fondamentalement, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le fonctionnaire était qualifié pour faire le travail en question.

16 J’estime que la preuve confirme, selon la prépondérance des probabilités, que le fonctionnaire était qualifié pour faire le travail supplémentaire consistant à traiter du courrier blanc : il l’avait déjà fait. Je n’ai rien trouvé de spécial ni d’unique dans ce travail supplémentaire, car il n’exigeait pas d’aptitudes qui auraient empêché d’autres employés que ceux de l’Équipe J de l’effectuer. De même, la preuve sur le programme de formation n’a pas démontré qu’il fallait avoir des aptitudes ou des connaissances spéciales ou uniques sur le traitement du courrier blanc qu’on ne pouvait acquérir qu’en suivant cette formation. J’estime qu’il est plus vraisemblable qu’un employé ayant de longs états de service et une expérience professionnelle variée, comme le fonctionnaire, aurait su comment l’employeur traite le courrier blanc.

17 Quand le fonctionnaire a signé pour effectuer des heures supplémentaires, il a démontré qu’il était facilement disponible. Avant de rejeter son offre de travailler, l’employeur avait l’obligation de déterminer s’il était qualifié pour accomplir le travail supplémentaire. L’employeur ne l’a pas déterminé. Le fonctionnaire a plutôt été rejeté parce qu’il n’était pas membre de l’équipe qui s’était fait offrir la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. L’employeur a agi arbitrairement en partant du principe que le fonctionnaire ne pouvait pas être qualifié pour faire le travail parce qu’il n’était pas membre de l’Équipe J. Ce faisant, il a violé la clause 28.05a) de la convention collective.

Redressement

18 Je conclus que le fonctionnaire a droit au paiement qu’il aurait reçu s’il avait effectué le travail supplémentaire pour le quart en question en juillet 2007. Il n’est pas approprié de lui accorder des excuses ou un autre redressement en l’espèce. Rien dans la preuve ne laisse entendre que les actions de l’employeur étaient plus qu’une mauvaise interprétation ou qu’une erreur d’application de la convention collective.

19 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

20 Le grief est accueilli.

21 Je déclare que l’employeur a violé la clause 28.05a) de la convention collective en refusant d’autoriser le fonctionnaire à effectuer le travail supplémentaire. Le fonctionnaire a droit au paiement du quart de travail supplémentaire qu’il n’avait pas été autorisé à effectuer.

Le 25 février 2011.

Traduction de la CRTFP

Deborah M. Howes,
arbitre de grief

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