Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que la décision de l’employeur de ne pas reconduire son emploi d’une durée déterminée constituait une mesure disciplinaire déguisée - son agent négociateur ne l’a pas soutenu à l’arbitrage de grief - le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas présenté à l’audience et n’a pas répondu aux appels téléphoniques ni à la lettre que lui a fait parvenir laCommission - l’employeur a assisté à l’audience et a fait valoir que le grief devait être rejeté pour fins de non-lieu ou d’abandon - le non-renouvellement par l’employeur d’un contrat d’emploi d’une durée déterminée ne constitue pas un licenciement ni une mise à pied, et la Commission n’a pas compétence relativement au non-renouvellement courant d’un contrat d’emploi d’une durée déterminée, à moins que le non-renouvellement du contrat était en réalité une mesure disciplinaire déguisée - le fonctionnaire s’estimant lésé avait le fardeau de prouver son allégation, et il ne s’est pas acquitté de ce fardeau - le fonctionnaire s’estimant lésé a abandonné son grief. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-12-15
  • Dossier:  566-32-4458
  • Référence:  2011 CRTFP 143

Devant un arbitre de grief


ENTRE

FRANK-KAYEMBE TSHIBANGU

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence canadienne d’inspection des aliments)

employeur

Répertorié
Tshibangu c. Administrateur général (Agence canadienne d’inspection des aliments)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John J. Steeves, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Allison Sephton, avocate

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 15 novembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

Introduction

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), Frank­Kayembe Tshibangu, allègue que la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi à durée déterminée n’était en fait qu’une mesure disciplinaire déguisée. Il a demandé d’être réintégré dans ses fonctions au moyen de la procédure de grief, avec l’aide de son agent négociateur, mais sans succès. Il cherche maintenant à se faire réintégrer grâce à un arbitrage de grief devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »). Son agent négociateur a décidé de ne pas le soutenir dans cette démarche.

2 La Commission a fixé une audience du 15 au 18 novembre 2011. Un avis d’audience a été envoyé au fonctionnaire, mais celui-ci ne s’y est pas présenté. Il n’a pas non plus répondu aux demandes de renseignements que la Commission lui a logées par voies téléphonique et postale.

3 L’employeur s’est présenté à l’audience et a soutenu que le grief devait être rejeté, pour fins de non-lieu, ou parce que le fonctionnaire a retiré son grief.

Résumé de la preuve

4 L’employeur, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’« employeur ») exploite des installations visant l’inspection des aliments au Canada.

5 Le fonctionnaire a été engagé comme inspecteur en hygiène des viandes à Port Coquitlam, en Colombie-Britannique, pour un mandat devant se terminer le 30 mars 2008. Il fait ou faisait partie de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, son agent négociateur. Le 5 mars 2008, l’employeur a avisé par écrit le fonctionnaire que son emploi ne serait pas prolongé au-delà du 30 mars 2008.

6 Le 26 mars 2009, l’agent négociateur a déposé un grief au nom du fonctionnaire. Sous [traduction] « Énoncé du grief », on a seulement indiqué [traduction] « congédiement injustifié ». Le numéro de téléphone du fonctionnaire qui a été inscrit sur le grief était le numéro A (je ne donne pas ce numéro ni ceux figurant ci‑dessous pour des raisons de confidentialité). Ce numéro n’est pas clairement lisible parce que les sept chiffres ont été rayés à la main. Le numéro B a été inscrit à la main au-dessus du numéro A (l’indicatif régional est demeuré inchangé). Le grief a passé toutes les étapes de la procédure de règlement des griefs sans être réglé. Par exemple, le 25 juillet 2008, l’employeur a avisé le fonctionnaire ainsi que son agent négociateur que le grief était rejeté, et que la raison de la cessation de l’emploi du fonctionnaire s’expliquait par : [traduction] « […] les modifications apportées aux programmes d’inspection ont eu un impact sur les besoins opérationnels ».

7 L’agent négociateur a soumis le grief à la Commission le 29 septembre 2010. La lettre explicative stipulait : [traduction] « Le présent grief a trait à un licenciement (mesure disciplinaire déguisée) ». Dans la formule 21, « Avis de renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel », on a indiqué que le renvoi à la Commission était en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Cette disposition est résumée sur la formule. On y indique qu’elle inclut une protection contre « une mesure disciplinaire injuste entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire ». Le numéro de téléphone qui y est inscrit pour le fonctionnaire est le numéro B.

8 La Commission a émis un « avis d’audience » en date du 12 octobre 2011. Cet avis a été envoyé à l’agent négociateur de même qu’à l’employeur. L’avis indiquait entre autres la date, l’heure et le lieu de l’audience. Les dates fixées étaient du 15 au 18 novembre 2011. L’audience devait débuter à 9 h 30 et se tenir à Vancouver, en Colombie-Britannique. L’avis contenait en outre le paragraphe suivant :

[…]

EN CAS DE défaut, de votre part, de comparaître à l’audience ou à toute reprise de celle-ci, la Commission pourra statuer sur la question en se fondant sur les éléments de preuve et les observations présentés à l’audience, sans qu’aucun autre avis vous soit adressé.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

9 Dans une lettre antérieure datée du 14 octobre 2010, la Commission a avisé l’agent négociateur, l’employeur et le fonctionnaire (on lui a envoyé une copie de la lettre) à l’égard de plusieurs exigences procédurales d’une audience en vertu de la Loi et du Règlement connexe. La lettre stipulait également : [traduction] « Il est aussi de la responsabilité du fonctionnaire s’estimant lésé d’informer la Commission de tout changement visant son adresse résidentielle ou son numéro de téléphone. »

10 Le 3 novembre 2011, ou vers cette date, on a indiqué à la Commission que l’agent négociateur n’appuyait plus le grief, qui devait être entendu du 15 au 18 novembre 2011. L’agent négociateur a indiqué à la Commission que le numéro auquel on pouvait joindre le fonctionnaire à cette époque était le numéro C. Selon une note préparée par un agent de gestion de cas travaillant à la Commission, l’agent négociateur a fourni ce numéro parce que le numéro de téléphone figurant dans le dossier n’était plus en service. Le 3 novembre 2011, l’agent a rédigé une lettre à l’attention du fonctionnaire, faisant référence au grief et au dossier de la Commission, et stipulant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La Commission a été avisée que l’Alliance de la Fonction publique du Canada a décidé de ne plus vous représenter dans la présente affaire.

Puisque vous ne serez plus représenté par votre agent négociateur, veuillez indiquer à la Commission, d’ici le 8 novembre 2011, la manière dont vous souhaitez procéder en ce qui a trait à votre renvoi à l’arbitrage.

Si vous décidez de donner suite au renvoi et d’être représenté par quelqu’un d’autre que vous-même, veuillez fournir à la Commission le nom, l’adresse ainsi que les numéros de téléphone et de télécopieur de votre représentant afin que nous puissions lui envoyer toute documentation pertinente.

Veuillez noter que l’audience a été fixée du 15 au 18 novembre 2011 à Vancouver, en Colombie-Britannique.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

11 La lettre ci-dessus a été envoyée au fonctionnaire par la Commission, par poste prioritaire, à l’adresse que le fonctionnaire a inscrite sur la formule 21 en vigueur en septembre 2010, qu’il a soumise à la Commission (cette adresse diffère de celle inscrite sur le formulaire de grief daté de mars 2008). La Commission a ensuite obtenu l’information de suivi confirmant que la lettre avait bien été livrée à 11 h 05 min 37 s, le 7 novembre 2011. L’agent de gestion de cas n’a reçu aucune réponse à cette lettre. Il a appelé le fonctionnaire, mais n’a obtenu aucune réponse. Une boîte vocale indiquait que l’on pouvait laisser un message à l’attention de « Frank Kayembe », ce que l’agent a fait.

12 Le 9 novembre 2011, un agent de gestion de cas de la Commission a appelé le fonctionnaire à deux autres occasions en composant le numéro inscrit sur le grief (mars 2008). Il n’a pas obtenu de réponses. L’agent a laissé des messages vocaux demandant au fonctionnaire d’appeler la Commission. Le lendemain, soit le 10 novembre 2011, l’agent a laissé un cinquième et un sixième message. Le numéro de téléphone qu’il a composé est celui qui a été fourni par l’agent négociateur, soit le numéro C. Le fonctionnaire ne l’a pas rappelé.

13 J’ai été nommé arbitre de grief par le président de la Commission afin d’arbitrer le grief déposé, et j’ai pris part à l’audience le 15 novembre 2011. L’audience a commencé à 9 h 30, comme le stipulait l’avis d’audience. Des représentants de l’employeur étaient présents, mais ni le fonctionnaire, ni son aucune personne le représentant n’étaient présents. J’ai suspendu l’audience jusqu’à 11 h, ce même jour, au cas où le fonctionnaire aurait été retardé d’une quelconque façon. Pendant la suspension de l’audience, un autre agent de gestion de cas a tenté de joindre le fonctionnaire par téléphone, en composant le numéro fourni par l’agent négociateur, soit le numéro C. Aucune sonnerie ne s’est fait entendre et l’agent n’a pu laisser un message.

14 Lors de la reprise de l’audience à 11 h, l’employeur était présent, mais pas le fonctionnaire. Lors de l’audience qui s’est ensuivie, l’employeur a fait valoir que je devrais rejeter le grief pour fins de non-lieu, ou encore parce que le fonctionnaire a retiré son grief.

Motifs

15 Les faits énoncés ci-dessus établissent que le fonctionnaire a été avisé de la tenue de l’audience fixée du 15 au 18 novembre 2011. Sans même déterminer s’il a reçu l’avis d’audience daté du 12 octobre 2011 (envoyé à l’agent négociateur et à l’employeur), nous pouvons affirmer qu’il a reçu la lettre de la Commission datée du 3 novembre 2011. De plus, la Commission a laissé quatre messages au fonctionnaire et a tenté de communiquer avec lui le premier jour de l’audience. Il semble qu’il ait eu différents numéros de téléphone (et différentes adresses), mais la Commission peut seulement agir en fonction de l’information qui lui est fournie par les parties, y compris le fonctionnaire. La lettre de la Commission, datée du 14 octobre 2011 et dont le fonctionnaire a obtenu copie, stipulait expressément qu’il lui incombait d’informer la Commission de tout changement visant son adresse ou son numéro de téléphone.

16  Il est bien établi que le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée par l’employeur ne constitue ni un licenciement ni une mise à pied, ni toute autre situation visée par l’article 209 de la Loi. À moins que le non-renouvellement était, en fait, une mesure disciplinaire déguisée, le non-renouvellement des contrats à durée déterminée ne relève pas de la compétence de la Commission (voir, par exemple, Chouinard c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2010 CRTFP 133, au paragr. 45). Dans le cas que je dois trancher, le fonctionnaire allègue que le non-renouvellement de son contrat à durée déterminée correspondait à une mesure disciplinaire déguisée. Il lui appartient de prouver son allégation (Wong c. Administrateur général (Service canadien du renseignement de sécurité), 2010 CRTFP 18, au paragr. 34).

17 Le dossier de la Commission comprend le court énoncé dans le grief : [traduction] « congédiement injustifié » et une référence à un [traduction] « licenciement (mesure disciplinaire déguisée) » dans la lettre explicative accompagnant la formule 21 soumise à la Commission en septembre 2010. Il s’agit de simples allégations plutôt que d’une preuve. En fait, il n’existe aucune preuve venant étayer les allégations du fonctionnaire. Ce dernier avait le fardeau de prouver ses allégations au moyen de preuves convaincantes, mais il ne s’est pas acquitté de ce fardeau. De plus, malgré les efforts de la Commission pour communiquer avec lui, le fonctionnaire n’a fait aucune tentative pour communiquer avec la Commission. Cela démontre qu’il n’a aucun intérêt dans la résolution de son grief.

18 Dans les circonstances, je ne peux que conclure que, en l’absence de preuves étayant l’allégation du fonctionnaire à l’égard d’une mesure disciplinaire déguisée, son grief doit être rejeté. Subsidiairement, le fonctionnaire a abandonné son grief.

19 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

20 Le grief est rejeté.

Le 15 décembre 2011.

Traduction de la CRTFP

John J. Steeves,
arbitre de grief

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