Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Dans une décision antérieure, l’arbitre de grief avait conclu que les mesures disciplinaires imposées au fonctionnaire s’estimant lésé n’étaient pas justifiées et que l’administrateur général avait manqué à ses devoirs de transparence, de diligence, de prudence et d’impartialité; l’arbitre de grief avait réintégré le fonctionnaire s’estimant lésé dans son poste de gestion et lui avait octroyé des dommages compensatoires et punitifs: Robitaille c.Administrateur général (ministère des Transports), 2010CRTFP70 - l’arbitre de grief avait retenu compétence pour trancher tout litige touchant l’indemnisation de la perte de perspective d’avancement du fonctionnaire s’estimant lésé et la perte de biens personnels (dont la vente de sa maison) encourue pour payer les honoraires et les frais de son avocat - à l’audience, les parties se sont entendues sur une somme de 40 000$ à titre d’indemnisation de la perte de perspective d’avancement - l’arbitre de grief a rejeté la demande d’indemnisation des frais de notaire et de la <<taxe de bienvenue>> liés à l’acquisition de la maison du fonctionnaire s’estimant lésé, parce qu’ils étaient antérieurs aux incidents qui ont fait l’objet des griefs - l’arbitre de grief a aussi conclu que l’administrateur général avait adéquatement indemnisé le fonctionnaire s’estimant lésé pour la perte de ses REER et les sommes qu’il avait dû emprunter pour payer son avocat - enfin, l’arbitre de grief a octroyé au fonctionnaire s’estimant lésé des dommages de 14678$ à titre d’indemnisation pour la pénalité d’intérêt hypothécaire, la quittance de vente et les frais de courtage immobilier découlant de la vente prématurée de sa maison pour payer les frais de son avocat. Décision complétée. Dommages octroyés en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-02-25
  • Dossier:  566-02-420, 421, 710 et 1777
  • Référence:  2011 CRTFP 28

Devant un arbitre de grief


ENTRE

RAYMOND ROBITAILLE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Transports)

défendeur

Répertorié
Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Fernand Guérette, avocat

Pour le défendeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 18 février 2011.

I. Mise en contexte

1 La présente décision fait suite aux ordonnances rendues dans Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70.

2 Le fonctionnaire s’estimant lésé, Raymond Robitaille (le « fonctionnaire ») est gestionnaire, Direction Surface de la région du Québec du ministère des Transports (« Transports Canada » ou l’ « employeur »). Le fonctionnaire a déposé quatre griefs individuels qui avaient pour objet : a) de contester l’iniquité des conclusions d’une enquête concernant des allégations de harcèlement portées contre lui par une subalterne (26 mai 2005), b) les mesures disciplinaires qui ont suivies (22 juin 2005 et 24 août 2006), c) l’affectation à d’autres tâches contre son gré (24 août 2006) et, d) l’imposition d’un plan de redressement (24 octobre 2006). Les griefs ont été accueillis et six redressements ont été imposés à l’administrateur général au nom de l’employeur.

3 Je suis demeurée saisie de l’affaire pour une période de 90 jours suivant l’émission de la décision pour trancher tout désaccord entre les parties, y compris le choix d’un spécialiste en ressources humaines, d’un actuaire, des valeurs actuarielles et le calcul des montants ordonnés. La période de 90 jours a été prolongée à plusieurs reprises et prend fin le 15 mars 2011.

4 L’administrateur général a accordé au fonctionnaire tous les redressements ordonnés dans la décision Robitaille sauf deux, soit celui au paragraphe 352 et celui au paragraphe 353 en partie. Les redressements en litige ont fait l’objet d’une médiation, mais sans résolution.

5 La décision Robitaille fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire de l’administrateur général concernant les redressements ordonnés aux paragraphes 352 et 353 qui font l’objet de la présente décision, ainsi qu’au paragraphe 354 qui a ordonné à l’administrateur général de payer au fonctionnaire la somme de 50 000 $ à titre de dommages punitifs. La demande de contrôle judiciaire doit être entendue par la Cour fédérale le 15 mars 2011.

6 Une audience a été convoquée pour entendre les parties concernant les questions en litige à l’égard des paragraphes 352 et 353 de la décision Robitaille. L’audience a permis aux parties d’expliquer chacune leur point de vue. Le fonctionnaire a témoigné concernant ses pertes financières personnelles et il a été contre-interrogé par l’employeur. Le fonctionnaire a déposé un rapport préparé par l’actuaire retenu par les parties, un tableau expliquant ses réclamations, ainsi qu’un cartable de documents au soutien de sa position sur les montants réclamés.

II. Les questions en litige

7 Voici les paragraphes de la décision Robitaille qui font l’objet du litige :

[…]

[352] En ce qui concerne la carrière du fonctionnaire, j’ordonne à l’administrateur général de faire faire, à ses frais, une évaluation monétaire de la perte de perspective d’avancement de carrière du fonctionnaire depuis le 6 septembre 2005 par un spécialiste en ressources humaines et de rembourser au fonctionnaire toute perte de salaire et de bénéfices, y compris la pension, qui en a résulté.

[353]  En ce qui concerne la perte des biens personnels encourue par le fonctionnaire afin de payer les honoraires et frais de son procureur, j’ordonne que soit faite une évaluation actuarielle, aux frais de l’administrateur général, de la perte encourue, et j’ordonne à l’administrateur général de rembourser au fonctionnaire la valeur actuarielle de cette perte.

[…]

A. Le paragraphe 352

8 À la suite d’un appel d’offres, l’employeur a retenu les services d’un spécialiste en ressources humaines pour évaluer la perte d’avancement de carrière. Cette personne s’est retirée du dossier après une évaluation et quelques rencontres avec les parties. L’employeur a alors fait une offre de règlement au montant de 40 000 $ à titre de compensation pour la perte d’avancement de carrière. Le fonctionnaire a accepté l’offre, mais a refusé de signer la quittance, estimant que celle-ci avait l’effet de le priver de certains recours devant les tribunaux, le cas échéant.

9 À l’audience, les parties se sont entendues sur la valeur de ce redressement comme étant la somme de 40 000 $ et ont accepté qu’aucune preuve ne soit nécessaire pour la justifier. J’ai donné au fonctionnaire le choix d’accepter de signer la quittance proposée par l’employeur et de recevoir immédiatement la somme de 40 000 $ ou de la consigner dans ma décision avec la conséquence que cette somme ne lui serait pas remise, le cas échéant, avant que la Cour fédérale rende sa décision. Le fonctionnaire a choisi l’ordonnance de paiement.

B. Le paragraphe 353

10 L’actuaire choisi par les parties a préparé un bilan de la valeur des pertes passées du fonctionnaire actualisées au 1er novembre 2010. De ce bilan, certains des calculs sont en litige : a) les frais de notaire et la « taxe de bienvenue » liés à l’achat de la propriété immobilière du fonctionnaire en 2004; b) le remboursement des marges de crédit engagées pour payer certains honoraires du procureur du fonctionnaire entre 2005 et 2010; et c) la pénalité de remboursement prématuré de l’hypothèque, la quittance de vente de la propriété immobilière et les frais de l’agent immobilier en 2008.

III. Position des parties sur les questions en litige

A. Les frais de notaire et la « taxe de bienvenue » liés à l’achat de la propriété immobilière du fonctionnaire en 2004

11 L’employeur s’est objecté au remboursement de ces frais parce qu’ils ne sont pas pertinents.

12 Le fonctionnaire a admis que ces frais ont précédé ses griefs et qu’il acceptait de les délaisser.

B. Le remboursement des marges de crédit engagées pour payer certains honoraires du procureur du fonctionnaire entre 2005 et 2010

13 À ce titre, le fonctionnaire réclame la somme de 72 339, 74 $, qui représente ses emprunts pour payer certains honoraires de son procureur en plus de l’encaissement de ses Régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER). Au moment d’encaisser ses REER pour obtenir des liquidités, le fonctionnaire n’a reçu que la moitié de leur valeur.

14 L’employeur s’oppose au remboursement de ces sommes, puisque le fonctionnaire a été remboursé pour la pleine valeur de ses REER plus les intérêts courus. L’employeur soutient que ce remboursement est conforme à l’esprit de l’ordonnance du paragraphe 353 de la décision Robitaille.

15 Le fonctionnaire répond que la valeur actualisée des REER ne correspond qu’à leur valeur s’ils n’avaient pas été encaissés et ne tient pas compte des pertes financières personnelles découlant des emprunts, ni des intérêts.

C. La pénalité de remboursement de l’hypothèque, la quittance de vente de la propriété immobilière et les frais de l’agent immobilier en 2008

16 Le fonctionnaire soutient que ces frais sont directement reliés à la vente forcée de sa propriété en raison des circonstances de cette affaire et doivent être compensés. L’employeur soutient que ces dépenses ne sont pas pertinentes, car elles n’ont aucune incidence sur la valeur de vente de la propriété.

IV. Motifs

17 Après avoir considéré les arguments des parties, j’en arrive aux conclusions suivantes.

A. Les frais de notaire et la « taxe de bienvenue » liés à l’achat de la propriété immobilière du fonctionnaire en 2004

18 Les frais de notaire et la « taxe de bienvenue » rattachés à l’achat de la propriété immobilière du fonctionnaire en 2004 ne sont pas pertinents à la présente affaire, car ils précèdent les griefs et les incidents qui ont donné lieu à la vente de la propriété immobilière. Par conséquent, je ne fais pas droit à cette réclamation du fonctionnaire.

B. Le remboursement des marges de crédit engagées pour payer certains honoraires du procureur du fonctionnaire entre 2005 et 2010

19 Voici un extrait des calculs de l’actuaire concernant la valeur actualisée des pertes du fonctionnaire entre 2005 et le 1er novembre 2010 relativement à ses REER et le montant qui lui a été versé (total avec intérêts) :

DÉBOURSÉ

MONTANT AVANT INTÉRÊTS

INTÉRÊTS LÉGAUX ET INDEMNITÉ ADDITIONNELLE

TOTAL AVEC INTÉRÊTS

2005

15-09-05 rachat REER

 

20 000 $

 

138.09 %

 

27 618 $


2006

14-09-06 rachat REER

 

36 000 $

 

130.20 %

 

46 872 $

2007

21-02-07 rachat REER

22-02-07 rachat REER

22-02-07 rachat REER

 

5 000 $

5 000 $

3 264 $

 

126.26 %

126.23 %

126.23 %

 

6 313 $

6 312 $

4 121 $

2008

10-01-08 rachat REER

 

8 597 $

 

118.29 %

 

10 169 $

2010

08-06-10

 

29 215 $

 

102.12 %

 

29 834 $

TOTAL

107 076 $

 

131 239 $

20  Le fonctionnaire a fait valoir les calculs suivants :

HONORAIRES PAYÉS À MÊME LES REER

REER ENCAISSÉ

(brut)

REER ENCAISSÉ

(après impôts)

EMPRUNT

2003/2004

12 000 $

 

 

 

2005

29 200 $

 

20 000 $

 

10 000 $

Marge de crédit

15 000 $

2006

38 800 $

 

36 000 $

 

18 000 $

Marge de crédit

15 839,74

2007

13 500 $

 

13 264 $

 

6 632,16 $

 

Cartes de crédit

2008

31 500 $

 

8 596,76 $

 

4 293,38 $

Marge de crédit

36 500 $

TOTAL

125 000 $

 

77 860,76 $

 

38 925,54 $

 

72 339,74 $

21 Le fonctionnaire a témoigné qu’il a payé des intérêts de 22 007,14 $ sur les sommes empruntées. Le fonctionnaire réclame le montant de ses emprunts (72 339,74 $) et les intérêts (22 007,14 $), un total de 94 346,88 $.

22 Selon les calculs actuariels ci-dessus, le fonctionnaire a reçu 131 239 $ pour l’encaissement de ses REER contre la valeur de 107 076 $ à l’achat. Il a de plus reçu la somme de 38 925,54 $ après impôts lorsqu’il les a encaissés, somme qui n’a pas été comptabilisée dans le calcul de la valeur actualisée. L’encaissement net se chiffre donc à 170 164,54 $. J’estime que cette somme compense adéquatement le fonctionnaire pour ses pertes en ce qui concerne la perte des biens personnels tel que prévu au paragraphe 353 de la décision Robitaille.

C. La pénalité de remboursement de l’hypothèque, la quittance de vente de la propriété immobilière et les frais de l’agent immobilier en 2008

23 Le fonctionnaire a été dans l’obligation de vendre sa propriété immobilière pour payer certains honoraires de son procureur, en raison de la complexité de cette affaire, et du manque de célérité de l’employeur à traiter la plainte et les conséquences de l’enquête, éléments que j’ai jugés aggravants (voir le paragraphe 336 de la décision Robitaille). La vente prématurée de cette propriété lui a occasionné une pénalité de remboursement prématuré de d’hypothèque (1 629 $) qu’il n’aurait pas autrement encourue.  Bien que la quittance de vente de la propriété (629 $) et les frais de l’agent immobilier (12 420 $) soient inhérents à la vente de toute propriété, j’estime que l’obligation de vendre la propriété immobilière à un moment où le fonctionnaire ne  contrôlait pas les conditions du marché est un motif suffisant pour accorder le remboursement de ces frais. 

24 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

25 À titre de redressement pour la perte d’avancement de carrière tel que précisé au paragraphe 352 de la décision Robitaille, j’ordonne à l’administrateur général de verser au fonctionnaire la somme de 40 000 $ une fois que la Cour fédérale aura rendu sa décision de contrôle judiciaire de la décision Robitaille (2010 CRTFP 70).

26 La réclamation pour les frais de notaire et la « taxe de bienvenue » liés à l’achat de la propriété immobilière du fonctionnaire en 2004 est rejetée.

27 La demande de remboursement des marges de crédit engagées pour payer certains honoraires du procureur du fonctionnaire entre 2005 et 2010 est rejetée.

28 À titre de redressement pour les pertes personnelles tel que précisé au paragraphe 353 de la décision Robitaille, j’ordonne à l’administrateur général de verser au fonctionnaire la somme de 14 678 $, ce qui comprend la pénalité de remboursement prématuré de l’hypothèque (1 629 $), la quittance de vente de la propriété immobilière (629 $) et les frais de l’agent immobilier (12 420 $) une fois que la Cour fédérale aura rendu sa décision de contrôle judiciaire de la décision Robitaille.

Le 25 février 2011.

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

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