Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief contre l’employeur parce que celui-ci rendait difficile l’accommodement auquel elle avait droit - la fonctionnaire s’estimant lésée souffrait d’hypersensibilité environnementale, et la mesure d’adaptation recommandée par le médecin était le télétravail - une nouvelle gestionnaire a remis en question l’arrangement convenu - l’employeur a tardé à faire parvenir à la fonctionnaire s’estimant lésée le matériel dont elle avait besoin pour réaliser ses tâches à domicile - l’arbitre de grief a jugé que l’employeur avait manqué à son obligation d’accommodement en tentant de changer, sans consultation, le régime de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée, et en ne lui fournissant pas en temps voulu les outils nécessaires pour son travail - toutefois, l’arbitre de grief a conclu qu’il n’y avait pas de harcèlement comme tel - l’arbitre de grief a accordé une indemnité pour préjudice moral ainsi qu’une indemnité spéciale en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-03-22
  • Dossier:  566-02-2173
  • Référence:  2011 CRTFP 35

Devant un arbitre de grief


ENTRE

NATHALIE CYR

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur

Répertorié
Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Patricia Harewood, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Michel Girard, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 1er au 3 mars 2011.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Nathalie Cyr, la fonctionnaire s’estimant lésée, souffre d’hypersensibilité environnementale. Elle est gestionnaire de projet au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences – Service Canada (l’« employeur »). Son poste est classifié au groupe et au niveau PM-05. Le 2 février 2007, Mme Cyr a déposé un grief alléguant que l’employeur avait fait preuve de discrimination contre elle et avait enfreint l’article 19 de la convention collective intervenue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Services des programmes et de l’administration dont la date d’expiration était le 20 juin 2007 (la « convention collective »). L’agent négociateur a avisé la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) que Mme Cyr soulevait dans son grief une question liée à l’application ou l’interprétation de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

2 Dans son grief, Mme Cyr allègue que l’employeur a manqué à son obligation de mettre en place ou de maintenir des mesures d’adaptation pour accommoder ses limitations physiques lui causant ainsi un tort physique et psychologique. Mme Cyr allègue aussi que Jo-Ann Dumont et May Morpaw ont fait preuve de discrimination contre elle et qu’elles l’ont harcelée. Mme Cyr prétend que l’employeur et ses représentantes ont ainsi enfreint la convention collective et la LCDP.

3 Mme Cyr demande que des mesures d’adaptation acceptables soient maintenues et que l’employeur travaille en collaboration avec elle pour qu’on lui trouve un emploi et des tâches intéressantes. Elle demande aussi que l’employeur donne une formation aux gestionnaires visés sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et que l’employeur lui fasse des excuses par écrit. Mme Cyr demande qu’on lui verse 20 000 $ pour dommages moraux et 20 000 $ pour dommages spéciaux. Enfin, elle demande que l’employeur lui rembourse les congés de maladie et les congés annuels qu’elle a dû prendre à cause de la discrimination et du harcèlement ainsi que les sommes qu’elle a déboursées pour les certificats médicaux que l’employeur lui a demandés.

II. Résumé de la preuve

4 Mme Cyr a présenté 28 documents en preuve. Elle a convoqué Jean-Pierre Reid, Diane Bertrand et la Dre Jennifer Armstrong comme témoins. Mme Cyr a aussi témoigné. L’employeur a présenté quatre documents en preuve et il a convoqué Jo-Ann Dumont comme témoin. Mme Dumont revenait d’un congé de maladie au moment de l’audience. L’employeur a demandé qu’elle témoigne par téléphone compte tenu que sa santé ne lui permettait pas de se rendre à l’audience. Mme Cyr ne s’y est pas opposé.

5 Lors de la première demi-journée d’audience, j’ai informé les deux parties que j’avais rendu la décision Dumont c. Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada,  2010 CRTFP 37, visant Mme Dumont, témoin de l’employeur. J’ai remis une copie de cette décision aux deux parties qui, après l’avoir lue, ont toutes deux déclaré qu’elles n’y voyaient aucun conflit d’intérêt ou d’apparence de biais de ma part. Je leur ai dit que j’étais d’accord avec elles et qu’il me semblait important de les informer de cette décision visant Mme Dumont.

6 Mme Cyr a commencé à travailler dans la fonction publique en 1992. En février 2004, elle a obtenu un poste avec Service Canada à Place du Portage, Phase IV, au centre-ville de Gatineau. La Phase IV est une tour à bureaux qui fait partie d’un vaste complexe constitué de plusieurs tours comprenant quatre phases rattachées ensemble et portant les noms de Phase I, Phase II, Phase III, Phase IV et Place du Centre. Mme Cyr était gestionnaire de projet en 2004, l’était toujours en 2007 au moment de déposer son grief, et en 2011 au moment de l’audience.

7 Avant de travailler à la Phase IV, Mme Cyr n’avait jamais éprouvé de problèmes de santé particuliers incluant l’hypersensibilité environnementale. Un mois après son début à la Phase IV, Mme Cyr a commencé à se sentir très fatiguée, à éprouver des maux de tête et des douleurs au niveau des sinus environ une heure après être arrivée au travail. Puis, quelque temps après son retour à la maison, ces problèmes de santé s’estompaient. Le lendemain matin, les symptômes revenaient environ une heure après son arrivée au bureau. Mme Cyr a parlé de ces problèmes à son médecin qui l’a référée à un médecin spécialiste qui n’a pu diagnostiquer le problème. Puis, en août 2004, elle est allée rencontrer le Dr John Molot qui connaît bien la médecine environnementale. À ce moment, Mme Cyr n’a cependant pas obtenu de certificat médical ni de diagnostic écrit du Dr Molot.

8 En mars 2004, Mme Cyr a parlé de ses problèmes de santé à son superviseur, M. Reid. Plus tard, Mme Cyr a demandé à M. Reid de travailler de la maison. Selon elle, elle a demandé de télétravailler cinq jours semaine. M. Reid ne se rappelle pas si la demande de Mme Cyr était pour du télétravail à temps plein. Quoiqu’il en soit, une entente de télétravail a été signée le 1er juin 2004 prévoyant que Mme Cyr travaillerait trois jours par semaine à la maison et deux jours au bureau. Mme Cyr a témoigné qu’elle n’était pas pleinement satisfaite de cette mesure d’adaptation. Elle n’en a cependant pas parlé à son syndicat, ni n’a déposé de grief car elle ne voulait pas créer de tensions avec la direction. M. Reid a accepté cet arrangement sans demander de certificat médical à Mme Cyr.

9 Mme Morpaw, la directrice de qui M. Reid relevait, n’était pas favorable au télétravail. En 2005, elle a décidé de faire revenir au bureau les employés qui travaillaient à partir de leur domicile. M. Reid avait informé Mme Morpaw que Mme Cyr éprouvait des problèmes de santé. Mme Morpaw a donc accepté la proposition de M. Reid voulant que Mme Cyr ne revienne pas à temps plein au bureau, mais plutôt qu’elle augmente à compter du 31 août 2005, de  deux à trois, le nombre de jours de présence au bureau chaque semaine. Mme Cyr n’était pas d’accord à augmenter la durée de sa présence au bureau car cela la rendait plus malade. Bien au contraire, ce qu’elle voulait, c’était de travailler à temps plein à la maison. M. Reid était en quelque sorte pris entre Mme Morpaw qui voulait que Mme Cyr travaille à temps plein au bureau et Mme Cyr qui voulait travailler à temps plein de la maison. Mme Cyr en était consciente et elle a accepté d’augmenter ses heures de présence au bureau car elle voulait maintenir de bonnes relations avec la direction. Elle n’en a jamais parlé à Mme Morpaw, car elle croyait qu’elle ne devait pas passer outre à son superviseur et qu’elle devait respecter la hiérarchie. Elle ne s’est pas adressée à son syndicat et elle n’a pas déposé de griefs ou de plaintes pour contester la décision de l’employeur. M. Reid n’a pas demandé de certificat médical à Mme Cyr et celle-ci ne lui en a pas offert.

10 Les symptômes de Mme Cyr ont empiré à partir de septembre 2005 car elle travaillait une journée de plus au bureau chaque semaine. M. Reid le savait mais il disait qu’il ne pouvait faire plus pour Mme Cyr à cause de la position de Mme Morpaw sur le télétravail. Entre-temps, de 2004 à 2006, le rendement de Mme Cyr était excellent comme en font foi les ententes sur le rendement et l’apprentissage déposées en preuve et le témoignage de M. Reid qui était son superviseur immédiat.

11 En avril 2006, M. Reid a informé Mme Cyr que Mme Morpaw voulait qu’elle revienne au bureau à temps plein et qu’elle mette fin à l’entente de télétravail. Mme Cyr lui a répondu que sa santé ne lui permettait pas. M. Reid lui a suggéré d’obtenir un certificat médical qui confirmerait son état de santé. Le 28 avril 2006, Mme Cyr a obtenu un certificat du Dr Molot qui confirmait qu’elle souffrait d’hypersensibilité environnementale causée par l’environnement de travail à Place du Portage Phase IV. Le Dr Molot a recommandé qu’on satisfasse aux besoins de Mme Cyr en lui permettant de travailler à la maison et il a indiqué qu’il ne savait pas quand elle pourrait retourner travailler à son lieu de travail. Mme Cyr a fourni ce certificat médical à M. Reid. À partir de ce moment, l’employeur a approuvé qu’elle travaille de la maison à temps plein. Par la suite, à part quelques rares occasions pour des rencontres de courte durée, Mme Cyr a toujours travaillé de la maison. Le 3 mars 2011, c’était toujours le cas.

12 Mme Cyr a témoigné que ses problèmes de santé liés à sa présence au bureau se sont graduellement dissipés après avril 2006. Elle a aussi témoigné que d’autres symptômes sont par contre alors apparus. Selon elle, le mal était déjà fait car elle avait passé trop de temps dans l’environnement physique de la Phase IV. Elle avait des problèmes d’insomnie, attrapait fréquemment des virus et souffrait d’allergies alimentaires. Sa santé n’était plus ce qu’elle avait été avant 2004.

13 En septembre 2006, M. Reid a annoncé qu’il prenait sa retraite à la fin de l’année et que Mme Dumont le remplacerait. Cette dernière est arrivée dans la section en septembre 2006, mais n’a commencé à assumer la responsabilité de la section qu’à la fin octobre 2006. Mme Dumont devenait dès lors la superviseure de Mme Cyr. Il ressort clairement des témoignages entendus et de la correspondance échangée que la relation entre Mme Cyr et sa nouvelle superviseure, Mme Dumont, était tendue, voire même conflictuelle.

14  Mme Cyr et Mme Dumont ont eu une première rencontre le 21 septembre 2006. Lors de cette rencontre, elles ont discuté des tâches et responsabilités de Mme Cyr. Cette dernière a mentionné à Mme Dumont qu’elle travaillait de la maison sur ordre de son médecin car elle avait développé une sensibilité à son environnement de travail à Place du Portage et que dans son état actuel, elle ne pouvait plus y travailler sans risquer de mettre sa santé en péril. Mme Dumont a répondu qu’elle connaissait les obligations de la direction en matière d’adaptation mais qu’elle n’aimait pas que Mme Cyr soit en télétravail et que, de façon générale, elle était contre ce mode de travail, surtout pour les agents de niveau supérieur comme Mme Cyr. Mme Dumont a témoigné qu’elle avait aussi dit à Mme Cyr qu’elle n’avait pas de problème avec l’obligation de prendre des mesures d’adaptation mais qu’elle avait besoin d’en savoir plus sur ses tâches. Mme Cyr a dès lors compris que sa situation dérangeait Mme Dumont. Cela l’a vivement stressée, l’a rendu anxieuse et a, selon elle, contribué a la détérioration de son état de santé.

15 En novembre 2006, Mme Dumont a informé Mme Cyr que dorénavant, l’employeur lui imputerait une heure de congé de maladie lors de sa visite hebdomadaire chez le médecin pour des injections pour ses allergies, ce qu’il ne faisait pas avant. Mme Dumont a témoigné que Mme Cyr était très en colère à la suite de cette décision.  

16 Mme Cyr et Mme Dumont ont eu une deuxième rencontre le 30 novembre 2006. Mme Dumont avait convoqué cette réunion pour expliquer à Mme Cyr, comme elle l’avait d’ailleurs fait avec les autres employés de la section, son plan de réorganisation du travail au sein de la section. Mme Dumont a expliqué qu’elle devait faire face au départ de gens d’expérience dans sa section et qu’elle devait réorganiser les tâches. Mme Dumont a annoncé à Mme Cyr quelles seraient ses nouvelles responsabilités. Ces responsabilités impliquaient que Mme Cyr devait, à compter de janvier 2007, mettre fin à son télétravail et travailler à Place du Centre qui est située dans le complexe de Place du Portage. Mme Cyr a indiqué qu’elle n’était pas d’accord, que cela était contraire aux recommandations de son médecin et que le même air circulait dans tout le complexe de Place du Portage. Mme Dumont a réitéré à Mme Cyr qu’elle devrait se présenter à Place du Centre en janvier 2007. Elle a suggéré à Mme Cyr de vérifier si un poste était disponible dans la section des appels qui se prête bien au télétravail. Après vérification, il s’est avéré qu’il n’y avait pas de postes vacants dans cette section. Mme Dumont a admis qu’elle n’avait pas consulté Mme Cyr avant de décider quelles seraient ses nouvelles tâches à compter de janvier 2007. Elle a également admis qu’elle n’avait fait aucune recherche sur la situation de la qualité de l’air et du type de système de ventilation qui existait à Place du Centre.

17 Le 7 décembre 2006, Mme Dumont et Mme Cyr ont eu une conversation téléphonique au cours de laquelle Mme Cyr a clairement indiqué à Mme Dumont que la demande de se présenter à Place du Centre transgressait les recommandations de son médecin. Le 13 décembre 2006, Mme Cyr a écrit à Mme Dumont. Elle lui a d’abord résumé sa version de ce qui s’était passé lors de leurs réunions antérieures. Puis, elle lui a écrit que son style de gestion était très contrôlant, qu’elle avait une obligation morale de la traiter humainement et que si cela ne lui suffisait pas, le syndicat s’assurerait qu’elle respecte toutes ses obligations légales. Mme Dumont a témoigné qu’elle s’est sentie blessée par les propos de Mme Cyr et que cette dernière était agressive. Mme Cyr a témoigné que Mme Dumont était insensée, insensible et intimidante et que son attitude l’avait bouleversée.

18 Par la suite, Mme Cyr a consulté son syndicat. Elle est allée voir le Dr Molot qui lui a fourni un nouveau certificat médical le 20 décembre 2006.  Dans ce certificat, le Dr Molot a écrit que Mme Cyr était sensible aux polluants de l’air des édifices équipés de système de ventilation mécanique comme Place du Portage même si la qualité de l’air est normale selon les normes acceptées. Ces normes ne sont pas adaptées aux personnes qui souffrent d’hypersensibilité environnementale comme Mme Cyr. Le Dr Molot a aussi écrit que Mme Cyr devait continuer à travailler de la maison car son niveau de sensibilité n’avait pas baissé même à la suite de traitements.  Il était donc probable qu’elle continuerait à avoir des problèmes de santé similaires si elle travaillait dans d’autres édifices publics. Conséquemment, elle devrait être autorisée à continuer de travailler à la maison en télétravail. Mme Cyr a remis ce certificat médical en main propre à Mme Dumont.

19 Le 22 janvier 2007, Mme Dumont a écrit à Mme Cyr pour faire le point sur la situation et assurer un suivi.  Elle lui a écrit qu’elle tenait à établir la date possible de son retour au bureau afin qu’elle puisse  pleinement s’acquitter des tâches dont elle lui avait fait part lors de la rencontre de novembre. Elle lui a aussi écrit qu’elle ne mettait pas en doute sa sensibilité environnementale, mais qu’elle avait été vue dans d’autres édifices pourvus d’un système de ventilation mécanique au cours des derniers mois. Mme Dumont a demandé à Mme Cyr de lui fournir une autre évaluation médicale indiquant une date approximative de retour au travail dans un édifice pourvu d’un système de ventilation mécanique; fournissant une opinion sur la faisabilité d’un retour au travail prochainement à Place du Centre ou à un autre lieu à proximité de Place du Portage; indiquant si Mme Cyr était en mesure d’accomplir sa pleine charge de travail; indiquant si Mme Cyr pouvait se rendre de temps à autre à des rencontres; établissant le lieu possible de ces rencontres. Dans la même lettre, Mme Dumont a demandé le consentement écrit de Mme Cyr pour que l’employeur puisse consulter des ressources pertinentes dans le domaine médical, y compris Santé Canada, afin de déterminer les mesures d’adaptation à prendre.

20 Le 24 janvier 2007, Mme Cyr est retournée voir le Dr Molot qui lui a fourni un autre certificat médical beaucoup plus élaboré mais réitérant dans l’ensemble ce qu’il avait déjà écrit le 20 décembre 2006 sur l’état de santé de Mme Cyr et ses limitations à travailler dans un édifice équipé d’un système de ventilation mécanique. Mme Cyr a remis ce nouveau certificat médical à l’employeur. Elle a demandé que l’employeur lui rembourse 300 $ pour le coût de ce certificat. Mme Dumont a refusé. Le 1er février 2007, la fonctionnaire a entre autres écrit à Mme Dumont pour l’informer qu’elle ne retournerait pas travailler dans des édifices pourvus d’un système de ventilation mécanique car cela provoquerait des symptômes négatifs pour sa santé.

21 Le 2 février 2007, Mme Cyr a déposé le présent grief. Compte tenu qu’il y était allégué que Mme Dumont harcelait Mme Cyr, l’employeur a décidé que Mme Cyr relèverait désormais de Mme Bertrand, pour qui Mme Cyr faisait le gros de son travail de gestionnaire de projet. Mme Bertrand était alors la greffière en chef au Bureau du juge-arbitre de l’assurance-emploi et la cliente de Mme Cyr. Mme Cyr a donc continué à faire le même travail qu’elle faisait avant son grief, mais en ayant une superviseure différente. Mme Bertrand a supervisé Mme Cyr jusqu’en décembre 2008, moment où elle a pris sa retraite. Mme Bertrand a témoigné qu’elle était pleinement satisfaite du travail de Mme Cyr que ce soit en tant que cliente ou superviseure.

22 La Dre Jennifer Armstrong a témoigné sur les symptômes éprouvés par les personnes qui souffrent d’hypersensibilité environnementale et sur la situation particulière de Mme Cyr qu’elle traite depuis octobre 2007. Elle est une des rares spécialistes de la médecine environnementale au Canada. Sur la base de son CV et de son témoignage, je l’ai reconnue comme experte dans ce domaine lors de l’audience à la demande de l’agent négociateur. L’employeur ne s’est pas opposé à cette requête mais il a mentionné que la Dre Armstrong a commencé à traiter Mme Cyr plusieurs mois après que cette dernière ait déposé un grief. La Dre Armstrong a expliqué que l’hypersensibilité environnementale est difficile à diagnostiquer et qu’il arrive souvent qu’une personne qui en souffre doive consulter plusieurs médecins ou spécialistes avant que la maladie soit bien identifiée. Les personnes qui souffrent d’hypersensibilité environnementale ne peuvent supporter les polluants chimiques contenus dans l’air de plusieurs immeubles à bureaux. Quand ces personnes ne sont plus exposées à ces polluants, leur situation s’améliore. La Dre Armstrong a témoigné sur l’état de santé précaire de Mme Cyr à partir de 2007. Selon elle, les problèmes de Mme Cyr ont été causés par le fait qu’elle a été trop longtemps exposée aux polluants contenus dans l’air de Place du Portage Phase IV. De plus, le stress qu’elle a vécu lorsqu’elle a eu à défendre sa situation avec Mme Dumont a pu aggraver sa situation.   

23 Lorsque l’employeur a accepté que Mme Cyr commence à travailler à la maison en juin 2004, il lui a fourni un ordinateur portable. Le 9 janvier 2007, Mme Cyr a demandé à Mme Dumont que l’employeur lui fournisse une imprimante pour son travail. Elle lui a spécifié que tout ce dont elle avait besoin était une imprimante de base dont le coût varie entre 200 $ et 300 $. Mme Cyr a aussi demandé que la chaise ergonomique que l’employeur avait achetée pour elle quand elle travaillait au bureau lui soit livrée à la maison. Le 11 janvier 2007, Mme Cyr a demandé que deux grosses boîtes remplies de tous ses dossiers de travail et de certains effets personnels lui soient livrées en même temps que l’imprimante et la chaise. Elle a aussi demandé qu’on lui fournisse un classeur pour placer tous ses documents. Le jour même, Mme Dumont a répondu qu’elle lui reviendrait avec une réponse au cours de la semaine ou au début de la semaine suivante. Le 25 janvier 2007, Mme Cyr a envoyé un courriel à Mme Dumont pour lui rappeler que cela faisait plus de deux semaines qu’elle avait reçu sa demande d’équipement et que l’employeur manquait à son obligation de prendre des mesures d’adaptation en ne fournissant pas l’équipement requis pour faire le travail. Le 26 janvier 2011, Mme Dumont a répondu que la chaise, l’imprimante et les boîtes étaient disponibles et que Mme Cyr pouvait venir les chercher. Le 26 janvier 2007, Mme Cyr a répondu que ce matériel devrait lui être livré à son domicile.

24 Mme Bertrand a témoigné qu’elle avait acquiescé à la demande de Mme Cyr de lui fournir l’équipement dont elle avait besoin sauf pour un ordinateur, car elle n’avait pas le budget pour lui en procurer un. Selon Mme Cyr, le classeur et l’imprimante ne lui ont été fournis qu’à l’automne 2008. Mme Bertrand a été remplacée par Denis Bélanger comme greffier en chef. Mme Cyr a demandé à M. Bélanger de lui fournir ce qui lui manquait pour avoir à la maison un poste ergonomique de travail. Selon son témoignage et les documents présentés à l’audience, en date du 19 novembre 2009, Mme Cyr ne disposait toujours pas de tout l’équipement dont elle avait besoin pour faire son travail à la maison dont un ordinateur et une tablette pour le clavier.  

25 La politique de télétravail de l’employeur qui est entrée en vigueur le 9 décembre 1999 a été présentée en preuve. M. Reid a témoigné qu’il connaissait cette politique. Mme Dumont a témoigné qu’elle était familière avec la politique et qu’elle savait que l’employeur devait fournir les outils de travail à la personne en situation de télétravail.     

26 Mme Cyr a témoigné que ni le régime public d’assurance-maladie, ni le régime privé qui s’applique aux fonctionnaires fédéraux, ne couvrent les frais de consultation du Dr Molot ou de la Dr Armstrong. Ces régimes ne couvrent pas non plus plusieurs dépenses de nature médicale et paramédicale que Mme Cyr a dû encourir pour se faire soigner. À ce titre, Mme Cyr a déposé en preuve des factures totalisant approximativement 17 000 $.  Elle a aussi encouru des dépenses importantes pour ses déplacements pour rencontrer un spécialiste dont le lieu d’affaires est dans l’état de la Floride.    

27 Mme Cyr a grandement souffert de sa maladie et du stress engendré par le comportement de l’employeur. Elle a dit avoir vécu beaucoup d’anxiété et de peurs à l’idée d’avoir à entreprendre des procédures judiciaires contre son employeur. Sa vie personnelle et familiale en a grandement souffert. La situation a même affecté ses enfants et son conjoint. À un certain point, elle a développé des allergies alimentaires au point où son alimentation est devenue très restreinte. Selon elle, elle a dû attendre jusqu’à octobre 2010 pour être pleinement accommodée, sauf qu’elle se sent exclue du milieu de travail car elle ne participe pas aux réunions et n’est pas informée de ce qui se passe.  En plus, elle est d’avis que ses tâches ont été réduites et qu’elle n’a pas l’occasion de pleinement faire le travail correspondant à sa classification..

28 Au début de 2007, Mme Cyr a présenté une demande d’indemnisation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CSST). Sa demande a été rejetée le 18 mai 2007. La CSST a conclu que Mme Cyr n’avait pas démontré qu’elle souffrait d’une maladie professionnelle liée au travail. Mme Cyr n’a pas fait appel de cette décision, ni présenté de nouvelle demande à la CSST.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour Mme Cyr

29 La preuve présentée montre que Mme Cyr souffre depuis 2004 d’hypersensibilité environnementale. L’employeur n’a pas contesté cette preuve. En refusant d’accommoder Mme Cyr, l’employeur a manqué à ses obligations. Il n’a pas prouvé qu’il existait des contraintes excessives qui l’avait empêché d’accommoder Mme Cyr. En agissant comme il l’a fait, l’employeur a enfreint la LCDP et la convention collective.

30 En 2004, Mme Cyr a demandé de travailler de la maison car l’air du bureau la rendait malade. L’employeur a refusé de pleinement l’accommoder mais lui a plutôt accordé trois jours par semaine en télétravail. Même si l’état de santé de Mme Cyr ne s’était pas amélioré et que l’air du bureau la rendait toujours malade, l’employeur a décidé unilatéralement en août 2005 de réduire le télétravail de Mme Cyr à deux jours par semaine, la forçant alors à être présente trois jours par semaine au bureau. Puis, en novembre 2006, il a changé unilatéralement ses tâches et lui a annoncé qu’elle devrait revenir au bureau à temps plein à compter de janvier 2007.

31 Mme Cyr a commencé à se sentir mal un mois après avoir commencé à travailler à Place du Portage Phase IV. La preuve a clairement montré qu’elle se sentait mieux quand elle n’était pas au bureau et que l’employeur était au courant de ce fait. En 2004 et 2005, l’employeur n’a pas demandé à Mme Cyr qu’elle fournisse un certificat médical, mais il a quand même refusé de pleinement l’accommoder. L’employeur ne s’est pas soucié de sa santé. Puis, les choses ont empiré avec l’arrivée de Mme Dumont, car cette dernière a harcelé Mme Cyr en plus de lui refuser des outils de travail, de changer ses tâches et de la menacer de lui enlever le télétravail.

32 Il est difficile de quantifier les dommages subis par Mme Cyr. Il faut tenir compte qu’elle a subi de l’humiliation, de l’anxiété et du stress ce qui a contribué à la détérioration de son état de santé. Cette situation a eu un impact sur ses enfants et sur son conjoint. Après 2007, ces problèmes l’affectaient tellement qu’elle ne pouvait plus manger. En plus, on l’a isolée du reste du bureau et elle n’a plus de contact avec ses collègues.

33 Pour ce qui est des dommages spéciaux, il faut tenir compte du fait que Mme Dumont a fait des efforts délibérés pour ramener Mme Cyr à Place du Portage même si elle savait qu’elle était malade. Mme Dumont a remis en question la crédibilité de Mme Cyr en doutant qu’elle était malade parce qu’elle disait l’avoir déjà vue dans un édifice à bureaux. De façon générale, l’employeur a démontré très peu de tolérance à l’égard d’une employée qui avait une incapacité physique et il doit être puni pour son attitude.

34 Mme Cyr m’a renvoyé aux décisions suivantes : Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43; Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (« Meiorin »); Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536; Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15; Pepper c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 71; Panacci c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 2; Maljkovich v. Her Majesty the Queen, 2005 FC 1398; Ontario Public Service Employees Union (Hyland) v. Ontario (Ministry of Correctional Services), 2002 CanLII 45774 (ON G.S.B.); Johnstone c. Agence des services frontaliers du Canada, 2010 CHRT 20.

B. Pour l’employeur

35 Selon l’employeur, rien dans la conduite et les décisions de ses représentants ne peut amener l’arbitre de grief à conclure que Mme Cyr n’a pas été pleinement accommodée de 2004 à novembre 2006. De plus, si Mme Cyr veut réclamer des dommages pour les problèmes que sa présence à la Phase IV lui a causés, elle doit s’adresser à la CSST qui a compétence pour ce genre de cas.

36 M. Reid a témoigné que Mme Cyr ne s’est pas plainte de travailler trois jours par semaine en télétravail. Il ne pouvait donc faire plus pour l’accommoder. De plus, en août 2005, lorsque la situation de télétravail de Mme Cyr a été réduite à deux jours par semaine, cette dernière n’a produit aucun certificat médical pour confirmer que cet arrangement n’était pas acceptable. Qui plus est, elle n’en a pas parlé à Mme Morpaw. À cette époque, l’employeur n’avait rien en main pour confirmer la maladie de Mme Cyr et les mesures d’adaptation qui étaient requises. En avril 2006, dès que Mme Cyr a fourni un certificat médical, l’employeur l’a pleinement accommodée.

37 Les besoins de l’employeur face à la prestation de travail de Mme Cyr ont changé à l’automne 2006. C’est pour cette raison que Mme Dumont voulait réorganiser ses tâches. Il y avait des employés qui prenaient leur retraite et Mme Dumont voulait que Mme Cyr revienne à Place du Centre.  Mme Dumont était prête à accommoder Mme Cyr et elle lui a demandé un certificat médical pour mieux comprendre ses limitations.

38 On peut certes conclure à partir de la preuve déposée que la relation entre Mme Dumont et Mme Cyr n’était pas saine. On ne peut par contre conclure que Mme Dumont a harcelé Mme Cyr. Mme Dumont n’a pas cherché à humilier ou à rabaisser Mme Cyr. Elle voulait seulement que Mme Cyr accepte d’autres tâches et revienne travailler au bureau ou fournisse un certificat médical pour justifier qu’elle ne pouvait le faire.

39 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Hydro-Québec; Pepper; Lloyd; Rees v. Canada (Royal Canadian Mounted Police), 2005 NLCA 15; Callan v. Suncor Inc., 2006 ABCA 15; Béliveau St-Jacques c. Fédération des employés et employées des services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345; Canada (Procureur général) c. Demers, 2008 CF 873; Lowe c. Landmark Transport Inc., 2007 CF 217; Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68; Joss c. Conseil du Trésor (Agriculture et Agroalimentaire Canada), 2001 CRTFP 27; Lafrance c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2007 CRTFP 31; Spooner c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 60.

IV. Motifs

40 Mme Cyr allègue que l’employeur a fait preuve de discrimination contre elle en manquant à son obligation de mettre en place ou de maintenir des mesures pour accommoder ses limitations physiques. Elle allègue aussi que Mme Dumont et Mme Morpaw l’ont harcelée. Mme Cyr prétend que l’employeur et ses représentantes ont ainsi enfreint la convention collective et la LCDP.

41 La clause 19.01 de la convention collective porte sur l’élimination de la discrimination. Elle se lit comme suit :

19.01 Il n'y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l'égard d'un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l'Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l'employé-e a été gracié.

42 Les dispositions suivantes de la LCDP s’appliquent aussi au grief de Mme Cyr :

3.(1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

[…]

7.Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

43 J’accepte la preuve présentée par Mme Cyr voulant qu’elle souffre d’hypersensibilité environnementale et que les premiers symptômes de sa maladie sont apparus en 2004 alors qu’elle travaillait à Place du Portage, Phase IV. L’employeur ne conteste d’ailleurs pas que Mme Cyr souffre d’hypersensibilité environnementale. Compte tenu du témoignage de Mme Cyr, de celui de la Dre Armstrong et des documents présentés lors de l’audience, je considère que l’hypersensibilité environnementale dont souffre Mme Cyr est une déficience au sens du paragraphe 3(1) de la LCDP et une incapacité physique au sens de la clause 19.01 de la convention collective. L’employeur ne m’a d’ailleurs soumis aucun argument à l’effet contraire.

44  Puisque Mme Cyr a prouvé qu’elle souffrait et qu’elle souffre encore d’une déficience ou d’une incapacité physique, la question est de savoir si l’employeur a manqué, comme Mme Cyr le prétend, à son obligation de prendre des mesures d’adaptation et l’a harcelée en raison de son incapacité physique.

45 La Cour suprême a établi dans Simpsons-Sears que l’employeur a l’obligation de prendre des mesures raisonnables afin d’accommoder les limitations fonctionnelles d’un employé en autant que ces mesures ne lui causent pas de contraintes excessives. La Cour a aussi spécifié dans Meiorin que l’employeur doit faire des efforts soutenus et prolongés pour trouver une solution qui permette à l’employé de demeurer au travail malgré ses contraintes médicales. Dans ses arguments, l’employeur n’a pas prétendu que ce que demandait Mme Cyr représentait une contrainte excessive. Il ne me semble donc pas utile d’analyser comment les principes développés dans Hydro Québec ou Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970 s’appliquent au présent cas.

46 L’obligation d’accommoder comporte aussi des aspects procéduraux en ce sens que l’employeur doit étudier sérieusement la façon dont il peut accommoder un employé. Pour ce faire, l’employeur doit tout d’abord obtenir tous les renseignements pertinents sur l’incapacité de l’employé. Puis, il doit voir avec l’employé comment ce dernier peut être accommodé. Comme l’arbitre de grief l’a écrit dans Panacci, le fait de ne pas réfléchir à la question de l’adaptation ou de ne pas prendre cette question en considération revient à manquer à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

47 Mme Cyr a commencé à travailler à Place du Portage en février 2004. Un mois plus tard, elle a commencé à éprouver des problèmes de santé. Elle en a parlé à M. Reid qui a accepté de l’accommoder en acceptant qu’elle travaille de la maison à raison de trois jours par semaine. Il est un peu tard en 2011 pour argumenter, grâce à l’arbitrage d’un grief déposé en 2007, que la mesure d’adaptation de 2004 était insuffisante. Je comprends que Mme Cyr a choisi à l’époque de ne pas « brasser la cage » afin de maintenir de bonnes relations avec l’employeur et qu’elle a accepté l’arrangement proposé par M. Reid. L’employeur a cru que cet arrangement suffisait. S’il ne suffisait pas, il aurait fallu que Mme Cyr en discute. Elle aurait pu s’adresser aux supérieurs de M. Reid, s’adresser à son syndicat ou déposer un grief. Elle aurait aussi pu obtenir un certificat médical appuyant son retrait à temps plein de Place du Portage, Phase IV. Elle ne l’a pas fait et je ne suis pas disposé quelques années plus tard à en tenir l’employeur responsable.  

48 M. Reid, Mme Dumont et Mme Cyr ont témoigné que Mme Morpaw n’était pas favorable au télétravail. Mme Morpaw a le droit d’avoir une telle opinion. En août 2005, sur la base de l’opinion de Mme Morpaw à l’égard du télétravail, M. Reid a demandé à Mme Cyr d’augmenter sa présence au bureau passant de deux jours à trois jours par semaine. Selon M. Reid, Mme Morpaw a accepté de ne pas faire revenir Mme Cyr à temps plein au bureau où elle éprouvait des problèmes de santé. Même si elle n’était pas d’accord avec un tel arrangement, Mme Cyr l’a accepté. Elle n’a pas communiqué avec Mme Morpaw, ni avec son syndicat, ni déposé de grief, ni soumis un certificat médical pour appuyer son retrait du milieu de travail.  Encore une fois, je ne suis pas disposé, quelques années plus tard, à en tenir l’employeur responsable.

49 En avril 2006, Mme Morpaw voulait que Mme Cyr revienne au bureau à temps plein. À la suggestion de M. Reid, Mme Cyr a alors fourni un certificat médical attestant qu’elle souffrait  d’hypersensibilité environnementale causée par la qualité de l’air ambiant à Place du Portage, Phase IV. L’employeur a alors approuvé qu’elle travaille de la maison à temps plein. Jusque-là, l’employeur avait pleinement satisfait à son obligation d’accommoder. Dès que Mme Cyr a présenté une demande de télétravail à temps plein avec certificat médical à l’appui, l’employeur l’a accommodée comme elle l’avait demandée.   

50 L’attitude de l’employeur a toutefois changé à partir de septembre 2006 avec l’annonce du départ de M. Reid. Mme Dumont connaissait l’état de santé de Mme Cyr qui avait été confirmé par un certificat médical datant de moins de six mois. Mme Dumont savait aussi que Mme Cyr avait l’autorisation de travailler de la maison à cause de son état de santé. Pourtant, Mme Dumont, en toute connaissance des circonstances, a informé Mme Cyr qu’elle n’aimait pas que cette dernière soit en situation de télétravail et que, de façon générale, elle était contre ce mode de travail. Il s’agit là du premier manquement de l’employeur à son obligation d’accommoder. Il ressort clairement de l’analyse de la jurisprudence que l’employeur doit faire des efforts soutenus et prolongés pour accommoder un employé. Mme Dumont, par ses commentaires, a fait exactement le contraire. Dès ses premiers contacts avec Mme Cyr elle a, sans motif légitime, remis en question les mesures d’adaptation existantes sur la simple base de ses préférences organisationnelles, sans essayer de bien saisir les limitations de Mme Cyr.

51 En novembre 2006, Mme Dumont a informé Mme Cyr que dorénavant, l’employeur lui imputerait une heure de congé de maladie pour sa visite hebdomadaire chez le médecin pour des injections pour ses allergies. Rien ne m’a été soumis à l’audience pour appuyer que cette décision de Mme Dumont était discriminatoire ou constituait du harcèlement à l’égard de Mme Cyr. En agissant comme elle l’a fait, Mme Dumont a simplement appliqué la convention collective et l’interprétation générale qu’en donne, à tort ou à raison, l’employeur.

52  Le 30 novembre 2006, Mme Dumont a rencontré Mme Cyr et lui a expliqué qu’elle réorganiserait les tâches des employés. Dans le cadre de cette réorganisation, Mme Cyr devrait assumer de nouvelles responsabilités et, à compter de janvier 2007, mettre fin au télétravail et travailler à Place du Centre, qui est situé dans le complexe de Place du Portage. Mme Cyr a indiqué que, pour des raisons de santé, elle n’était pas d’accord avec cette décision. Mme Dumont n’a jamais consulté Mme Cyr avant de décider de changer ses tâches et de mettre fin à sa situation de télétravail. Il s’agit là d’un autre manquement de l’employeur à son obligation d’accommoder. Au lieu de faire des efforts soutenus et prolongés pour accommoder Mme Cyr, Mme Dumont a proposé de mettre en place des mesures qui allait exactement dans le sens contraire de l’accommodement. Aucune preuve ne m’a été présentée qui pourrait m’amener à conclure qu’il y avait des contraintes organisationnelles importantes pour justifier la décision de Mme Dumont de mettre fin à la mesure d’adaptation.

53 Le 20 décembre 2006, Mme Cyr a obtenu un nouveau certificat médical. Dans ce certificat qui a été remis à Mme Dumont, le Dr Molot a établi que Mme Cyr devait continuer à travailler de la maison car son niveau de sensibilité à l’air ambiant n’avait pas baissé et qu’il était probable qu’elle continuerait à avoir des problèmes de santé similaires si elle travaillait dans d’autres édifices publics. Au lieu de discuter avec Mme Cyr des mesures d’adaptation et des contraintes découlant de ce nouveau certificat médical, Mme Dumont lui a plutôt demandé un autre certificat médical. Aucune preuve ne m’a été présentée voulant que Mme Dumont réagissait à des contraintes organisationnelles importantes. Également, aucune preuve n’a été présentée pour démontrer que l’employeur faisait alors des efforts soutenus pour accommoder Mme Cyr. Encore une fois, l’employeur a manqué à son obligation d’accommoder Mme Cyr. Au lieu de l’aider, on semble avoir tenté de la coincer parce qu’elle avait été vue dans des édifices possiblement munis d’une ventilation mécanique. En plus, on l’a obligée à obtenir un nouveau certificat médical en omettant de l’informer qu’elle devrait en assumer les frais.

54 En manquant à son obligation d’accommoder le handicap physique de Mme Cyr, l’employeur a fait preuve de discrimination contre elle de septembre 2006 à la fin janvier 2007. L’employeur a alors enfreint la LCDP et la clause 19.01 de la convention collective.

55 Mme Cyr allègue aussi que Mme Dumont et Mme Morpaw l’ont harcelée. La seule preuve présentée au sujet de Mme Morpaw est à savoir qu’elle n’est pas favorable au télétravail et qu’elle aurait pu avoir un rôle à jouer dans les décisions de l’employeur d’accorder ou de refuser du télétravail à Mme Cyr.  À la limite, Mme Morpaw a pu jouer un rôle dans la discrimination faite à l’égard de Mme Cyr, mais rien dans la preuve présentée ne me porte à croire qu’elle a harcelé Mme Cyr. Même si la situation est moins claire dans le cas de Mme Dumont, j’arrive aussi à la conclusion que la preuve présentée ne me permet pas d’affirmer que Mme Dumont a harcelé Mme Cyr sur la base de son incapacité physique. Certes, Mme Dumont a directement et activement contribué à faire preuve de discrimination contre Mme Cyr, mais elle ne l’a pas harcelée pour autant. Les propos de Mme Dumont ont suscité du stress et de l’anxiété chez Mme Cyr. Ceux de Mme Cyr ont blessé Mme Dumont. Selon Mme Dumont, Mme Cyr était agressive. Selon Mme Cyr, Mme Dumont était insensée, insensible et intimidante. Dans Joss, en se référant à la politique en vigueur dans la fonction publique, l’arbitre écrit :

[…]

On entend par harcèlement tout comportement malséant et blessant d’un employé de la fonction publique envers un autre employé de la fonction publique dont l’importunité était connue de l’auteur ou n’aurait pas dû lui échapper. Tout propos, action ou exhibition répréhensible qui humilie, rabaisse ou embarrasse un employé, que ce soit une fois ou continuellement, est une manifestation de harcèlement.

[…]

Mon analyse de la preuve m’amène à conclure que Mme Dumont a effectivement été insensible à l’égard de l’incapacité physique de Mme Cyr, mais cette même preuve ne me permet pas de conclure au harcèlement. Je ne crois pas que Mme Dumont était consciente de l’impact et de l’importunité de son attitude, de ses paroles et de ses décisions.

56 Depuis 2004, Mme Cyr travaille à temps partiel ou à temps plein en télétravail. Il est clair que sa demande initiale de télétravail était motivée par son état de santé. L’employeur le savait. Il est aussi clair que l’employeur savait, en 2006, que la demande de Mme Cyr de travailler à temps plein à partir de la maison était aussi motivée par son état de santé. Dès lors, l’employeur avait l’obligation de fournir à Mme Cyr de l’équipement de bureau adéquat comme il le fait pour les autres employés qui n’ont pas d’incapacité physique et qui travaillent au bureau. Si l’employeur n’accepte pas de fournir un équipement comparable à Mme Cyr parce qu’elle travaille de la maison à cause de sa maladie, il fait preuve de discrimination contre elle sur la base de son incapacité à moins que le fait de lui fournir l’équipement requis ne constitue une contrainte excessive.

57  Dès que Mme Cyr a commencé le télétravail en 2004, elle a eu accès au réseau informatique de l’employeur qui lui a alors fourni un ordinateur portable. Puis, en janvier 2007, Mme Cyr a demandé qu’on lui fournisse une imprimante en raison des nécessités de son travail. Elle a aussi demandé des boîtes de ses documents qui étaient au bureau, un classeur pour placer ces documents et la chaise ergonomique qu’elle utilisait quand elle était au bureau. Cet équipement n’a pas été livré rapidement à Mme Cyr. Mme Bertrand a dit avoir acquiescé à la demande de Mme Cyr, mais elle n’a pas précisé quand cela a été fait. Mme Cyr a témoigné qu’elle n’a reçu l’équipement qu’à l’automne 2008. Mme Cyr a aussi demandé à Mme Bertrand, puis à M. Bélanger, de lui fournir un ordinateur et une tablette pour le clavier. En novembre 2009, Mme Cyr n’avait toujours pas reçu l’ordinateur et la tablette. Pourtant, quand Mme Cyr était au bureau, elle avait à sa disposition tout l’équipement dont elle avait besoin. Cette négligence de l’employeur de fournir à Mme Cyr l’équipement requis pour faire son travail constitue un manquement à son obligation de prendre des mesures d’adaptation. En agissant comme il l’a fait, l’employeur a fait preuve de discrimination contre Mme Cyr, a enfreint la LCDP et la clause 19.01 de la convention collective.

58 Mme Cyr a témoigné que le fait qu’elle avait travaillé à Place du Portage, Phase IV, l’avait rendue malade. Le témoignage de la Dre Armstrong va dans le même sens. Mme Cyr a déposé en preuve des reçus totalisant 17 000 $ pour des dépenses qu’elle a dû encourir pour se faire soigner. Je n’ai pas compétence pour établir si Mme Cyr est devenue malade à cause de son travail, puis si les dépenses qu’elle a encourues sont reliées à une maladie contractée au travail. La question des maladies professionnelles et des accidents de travail ne relève pas d’un arbitre de grief mais plutôt des administrations provinciales mandatées à cet effet, en l’occurrence la CSST. À la base, ces questions relèvent de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État, chapitre G-5. Cette loi prévoit par contre que l’indemnisation des fonctionnaires victimes de maladies professionnelles et d’accidents du travail se fait selon les taux et conditions en vigueur dans la province où les employés exercent leurs fonctions. Ma compétence se limite plutôt à établir s’il y a eu discrimination et manquements dans les pratiques d’adaptation de l’employeur.

59  Mme Cyr m’a demandé d’ordonner à l’employeur de lui rembourser les congés de maladie et les congés annuels qu’elle a dû prendre à cause de la discrimination dont elle a été victime. Elle n’a soumis aucun relevé de congés en appui de sa réclamation. Qui plus est, la preuve ne me permet pas d’établir de relation causale directe ou indirecte que les actions de l’employeur ont eu comme impact que Mme Cyr a dû prendre des congés.  

60 Mme Cyr a demandé que j’ordonne à l’employeur de lui rembourser les 300 $ qu’elle a dû débourser pour obtenir, à la suite de la demande du 22 janvier 2007 de  Mme Dumont, un certificat médical du Dr Molot. Mme Cyr a soumis la preuve que le certificat lui a coûté 300 $. Elle a également soumis la preuve que le certificat signé par le Dr Molot le 20 décembre 2006 et remis à Mme Dumont suffisait amplement pour justifier des mesures d’adaptation. Compte tenu que l’employeur n’avait pas vraiment besoin de ce nouveau certificat médical et que celui du 20 décembre 2006 suffisait amplement, Mme Cyr ne devrait pas devoir assumer les coûts de ce caprice de l’employeur et l’employeur devra lui rembourser les 300 $ en question.

61 Mme Cyr demande aussi qu’on lui verse 20 000 $ pour dommages moraux et 20 000 $ pour dommages spéciaux. Je suis d’accord que des dommages lui soient payés. Sur cette question, les parties m’ont renvoyé à Pepper, Johnstone et Lloyd qui peuvent servir de point de comparaison pour établir les sommes payables à Mme Cyr.

62 L’alinéa 226(1)h) de la Loi donne le pouvoir à l’arbitre de grief de rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la LCDP qui se lisent comme suit :

53.(2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

[…]

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

[…]

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

63 Dans Pepper, l’arbitre de grief a passé en revue un grand nombre de précédents dans lesquels le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) avait imposé le paiement de dommages. Cette décision de l’arbitre de grief était la première d’un arbitre de la Commission qui imposait le paiement de dommages à la suite d’une violation de la LCDP. Dans Pepper, l’arbitre a ordonné à l’employeur de payer au fonctionnaire 9 000 $ pour le préjudice moral subi et 8 000 $ en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP. L’arbitre a basé sa décision sur le fait que l’employeur avait discriminé contre M. Pepper en mettant fin injustement à son emploi alors qu’il était malade, en agissant avec insouciance avec lui et en brisant la confidentialité du processus de médiation.

64 Dans Lloyd, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait fait preuve de discrimination contre la fonctionnaire s’estimant lesée parce qu’il avait mis en place un plan d’accommodement inadapté à son incapacité physique et qu’il avait tardé à l’aider. L’arbitre de grief a ordonné à l’employeur de payer à la fonctionnaire s’estimant lesée 6 000 $ pour le préjudice moral subi. Il a par contre décidé de ne pas ordonner de paiement en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP parce que la fonctionnaire s’estimant lesée n’avait pas établi que l’employeur avait posé un acte de discrimination délibéré ou inconsidéré.

65 Dans Johnstone, le TCDP a imposé à l’employeur de verser 15 000 $ pour le préjudice moral subi par l’employée et 20 000 $ à titre de dommages en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP. Le TCDP a établi qu’en refusant d’accommoder la situation de famille de l’employée, son employeur lui avait causé un dommage moral important, avait miné sa confiance personnelle et professionnelle ainsi que sa réputation. Le TCDP a également conclu que l’employeur avait agi de façon délibérée et inconsidérée et qu’il n’avait pas respecté la situation de famille de l’employée.

66 La discrimination vécue par Mme Cyr n’a pas eu comme impact que Mme Cyr perde son emploi comme ce fut le cas pour M. Pepper. Par contre, les conséquences sur sa santé ont été très sérieuses. Mme Cyr a témoigné que l’attitude de Mme Dumont l’avait vivement stressée, l’avait rendue anxieuse et avait contribué à la détérioration de son état de santé. La situation a aussi nui à la vie de famille de Mme Cyr. Sur ces points, je crois Mme Cyr, d’autant plus que son témoignage n’a pas été remis en question. Certes, Mme Cyr n’a pas eu à subir des conséquences objectives aussi sérieuses que M. Pepper, mais ce qu’elle a ressenti et les impacts subjectifs des décisions de l’employeur n’en sont pas moins sérieux. J’ai lu la décision Lloyd très attentivement et je trouve que le préjudice moral subi par Mme Cyr est beaucoup plus grand que celui subi par Mme Loyd. Il est difficile d’établir un parallèle avec Johnstone. Tout d’abord, le TCDP ne justifie pas dans les détails pourquoi il accorde des dommages moraux de 15 000 $ à l’employée. Qui plus est, la discrimination s’est produite sur une période beaucoup plus longue que dans le cas de Mme Cyr.

67 Compte tenu des décisions étudiées, de la nature, des circonstances et de la gravité des actes discriminatoires commis, j’en conclus que l’employeur devrait payer une somme de 8 000 $ à Mme Cyr pour les préjudices moraux qu’elle a subis.

68 Pour l’indemnité spéciale payable en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP, la comparaison avec les décisions soumises me semble plus difficile à faire. Je crois plutôt qu’il s’agit d’établir à quel degré les auteurs des actes discriminatoires ont agi de façon délibérée et inconsidérée.

69 Rien dans la preuve soumise ne m’amène à conclure que l’employeur a fait preuve de discrimination de façon délibérée contre Mme Dumont, autrement dit qu’il y avait une intention de faire preuve de discrimination. Par contre, l’analyse de cette même preuve démontre que la discrimination comprenait des actes inconsidérés, c’est-à-dire qui témoignaient d’un manque de réflexion et d’adresse dans la gestion d’une employée qui avait une incapacité physique connue et dans l’application d’obligations juridiques qui étaient aussi connues.

70 Les représentants de l’employeur connaissaient tous la politique sur le télétravail. Ils connaissaient aussi les obligations de l’employeur en matière d’adaptation. Ils travaillaient tous pour le ministère fédéral qui assume la responsabilité gouvernementale de promouvoir l’équité en emploi dans la société canadienne. Les représentants de l’employeur n’ont aucune excuse, car ils savaient ce qu’ils devaient faire. Pourtant, l’employeur a tardé pendant des mois avant de fournir un équipement de travail adéquat à Mme Cyr malgré des politiques connues et contraires à ses actions. Encore plus grave, Mme Dumont, dès son arrivée, a clairement laissé savoir à Mme Cyr qu’elle n’était pas d’accord avec le télétravail même si elle savait que Mme Cyr avait une incapacité physique. Il s’agit d’un comportement nettement inconsidéré. C’est comme de dire à une personne aveugle qu’on est contre la présence d’un chien guide au bureau. La preuve révèle que les paroles ou écrits inconsidérés ont continué de s’empiler dans les mois qui ont suivi et que Mme Cyr en a souffert.

71 Je considère qu’il s’agit là de manquements sérieux aux obligations d’un employeur et de ses représentants qui, de surcroit, disent connaître les lois, les politiques et les obligations en matière d’accommodement. J’ordonne donc à l’employeur de verser à Mme Cyr 10 000 $, soit la moitié du montant maximal que je peux accorder en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP.

72 Mme Cyr a aussi demandé que des mesures d’adaptation acceptables soient maintenues et que l’employeur travaille en collaboration avec elle pour qu’on lui trouve un emploi et des tâches intéressantes. Selon ce que j’ai entendu à l’audience, les arrangements de travail actuels dont bénéficie Mme Cyr sont satisfaisants et permettent de l’accommoder. Si ces arrangements changent, Mme Cyr pourra toujours les contester par voie de griefs en alléguant qu’ils ne permettent pas de l’accommoder. De plus, la preuve ne me permet pas de tirer de conclusion à l’égard des tâches de Mme Cyr.

73 Enfin, Mme Cyr a demandé que l’employeur lui fasse des excuses et qu’il donne de la formation à ses gestionnaires sur l’obligation d’accommoder. Il ressort clairement de ma décision que l’employeur n’a pas agi correctement avec Mme Cyr. Une lettre d’excuse n’aiderait en rien à réparer le tort qui lui a été causé. Qui plus est, la preuve soumise ne me permet pas de conclure que les gestionnaires de l’employeur n’ont pas déjà été formés sur l’obligation d’accommoder. Je ne suis donc pas disposé à ordonner ces mesures.

74 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

75 Le grief est accueilli.

76 J’ordonne à l’employeur de verser, dans les 60 jours, la somme de 8 000 $ à Mme Cyr pour le préjudice moral qu’elle a subi.

77 J’ordonne à l’employeur de verser, dans les 60 jours, la somme de 10 000 $ à Mme Cyr à titre d’indemnité spéciale prévue au paragraphe 53(3) de la LCDP.

78 J’ordonne à l’employeur de verser, dans les 60 jours, la somme de 300 $ à Mme Cyr représentant le montant pour le certificat médical qu’elle a obtenu du Dr Molot en janvier 2007.

Le 22 mars 2011.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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