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Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-01-26
  • Dossier:  166-02-36945 et 36946
  • Référence:  2011 CRTFP 6

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARIETTE BEAULAC ET ANNIE SURPRENANT

fonctionnaires s'estimant lésées

et

AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

employeur

Répertorié
Beaulac et Surprenant c. Agence des services frontaliers du Canada

DÉCISION D’ARBITRAGE ACCÉLÉRÉ

Affaire concernant deux griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35


Devant:
Michele A. Pineau, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésées:
Guylaine Bourbeau, agente de griefs et de l’arbitrage

Pour l'employeur:
Benoit Riel, conseiller principal en relations de travail

Note : Les parties ont convenu de traiter les griefs selon une méthode d'arbitrage accéléré. Cette décision finale et exécutoire ne peut constituer un précédent ni être renvoyée pour contrôle judiciaire à la Cour fédérale.


Affaire entendue à Ottawa, Ontario,
le 21 janvier 2011.

I. Griefs renvoyé à l'arbitrage

1 Les fonctionnaires s’estimant lésées, Mariette Beaulac et Annie Surprenant (« les fonctionnaires »), sont agentes de douanes à l’emploi de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« Agence » ou l’« employeur » selon le contexte). Elles occupent un poste au groupe et niveau PM-02 et sont affectées à la Direction de la région de l’Estrie. L’agent négociateur de la convention collective qui fait l’objet du litige est l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC ou l’« agent négociateur »).

2 Le 10 février 2003, Mme Beaulac a déposé un grief contestant la décision de l’employeur de ne pas lui rembourser les frais raisonnables de déplacement liés aux cours qu’elle suivait dans le cadre du programme d’études de 2e cycle en administration publique dispensés par l’École nationale d’administration publique (ÉNAP). Le 11 février 2003, Mme Surprenant a déposé un grief au même effet. À titre de redressement, les fonctionnaires demandent d’être remboursées pour leurs frais raisonnables de déplacement, y compris pour le stationnement et les repas à compter du 1er février 2001.

3 Depuis le dépôt des griefs, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur le 1er avril 2005. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l’arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

4 Il y a lieu de préciser que les parties ont convenu de traiter les griefs selon une méthode d’arbitrage accéléré. La présente décision est finale et exécutoire, ne constitue pas un précédent et ne peut être renvoyée pour contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

II. Contexte des griefs

5 Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits comme suit pour les deux griefs :

Exposé conjoint des faits

Mariette Beaulac (166-2-36945)

Annie Surprenant (166-2-36946)

et

le Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

[1] Au moment du dépôt de leur grief, Mariette Beaulac et Annie Surprenant, les employées s’estimant lésées, occupent un poste d’inspecteur des douanes (PM-02) pour l’Agence des douanes et du revenu du canada (ADRC).

[2] De février 2001 à mars 2003, les employées suivent des cours dans le cadre du programme d’études de 2e cycle en administration publique qui est dispensé par l’École nationale d’administration publique (ENAP). Les cours ont lieu les lundis soirs et les mardis matins à Sherbrooke.

[3] Pour les fins de ce programme d’études, l’employeur accepte en vertu des Lignes directrices sur l’aide à l’éducation de l’ADRC :

1-De rembourser des frais de scolarité jusqu’à concurrence de 300$ pour chaque cours;

2-D’octroyer du temps rémunéré pendant les heures de travail, jusqu’à concurrence de 60 heures par cours. Le congé d’éducation rémunéré (code 6220) est utilisé pour justifier les absences.

[4] Le 12 novembre 2002, les employées demandent à l’employeur si les frais de déplacement (kilométrage, repas et stationnement) engagés pour les cours suivis à l’ENAP peuvent être remboursés.

[5] En janvier 2003, l’employeur informe les employées qu’elles ne sont pas admissibles aux frais de déplacement pour lesdits cours.

[6] Madame Beaulac dépose un grief le 10 février 2003 et madame Surprenant dépose un grief le 11 février 2003 pour contester la décision de l’employeur de ne pas respecter l’article 51 de la convention collective et ce, depuis février 2001. À titre de mesures correctives, elles demandent que l’employeur se conforme à l’article 51 de la convention collective en remboursant les dépenses raisonnables engagées depuis février 2001. Madame Beaulac réclame un remboursement de 2540 $ et madame Surprenant réclame un remboursement de 1837 $ pour les frais de déplacement encourus depuis février 2001.

[7] Les présents griefs impliquent donc deux conventions collectives dont le langage à l’article 51 est identique :

-La convention collective du groupe Exécution des programmes et des services administratifs conclue entre l’ADRC et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) (date d’expiration est le 31 octobre 2000) s’appliquait pour la période du 23 juin 2000 au 21 mars 2002;

-La convention collective du groupe Exécution des programmes et des services administratifs conclue entre l’ADRC et l’AFPC (date d’expiration est le 31 octobre 2003) s’appliquait pour la période du 22 mars 2002 au 13 mars 2005.

[8] Le 12 décembre 2003, le Gouverneur en conseil, en vertu du décret 2003-2064 et ce, en conformité avec la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique, a transféré certaines parties de l’Agence des douances et du revenu du Canada (ADRC) à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). L’ADRC est maintenant appelée l’Agence du revenu du Canada (ARC) et est demeurée un organisme distinct qui se trouve à l’Annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques(LGFP).

[9] Les portions qui ont été transférées à l’ASFC incluaient le transfert des postes et des employés de la fonction publique en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. L’ASFC fait partie du secteur de l’administration publique centrale en vertu de l’annexe IV de la LGFP.

6 À l’audience, les parties ont déposé une série de pièces à l’appui de l’exposé conjoint des faits et ont apporté certaines précisions.

7 La représentante des fonctionnaires a expliqué que bien que les faits donnant lieu aux griefs remontent à 2001, les fonctionnaires n’ont eu connaissance des éléments de leur litige qu’en 2003. Elles auraient appris en côtoyant d’autres étudiants employés par l’Agence qu’ils recevaient le remboursement de frais de déplacement autorisés au préalable à l’égard des mêmes cours que suivaient les fonctionnaires. Ces dernières ont donc présenté un calcul de leurs frais de déplacement depuis 2001, moment où elles ont commencé leur formation. Les frais ont été refusés, de là le dépôt de griefs.

8 Les fonctionnaires ont fait valoir qu’au début de la procédure de règlement des griefs, l’Agence semblait ouverte à accorder un remboursement si elles étaient en mesure de fournir des preuves d’un cas où la politique d’aide à l’éducation avait été appliquée tel qu’elles le suggéraient.

9 Pendant ce temps, certaines parties de l’Agence des douances et du revenu du Canada ont été transférées à l’Agence des services frontaliers du Canada, y compris la direction où travaillent les fonctionnaires. L’Agence des services frontaliers du Canada a continué à appliquer la politique d’aide à l’éducation et a refusé de faire droit aux griefs.

10 Le représentant de l’employeur a précisé qu’aucune preuve venait appuyer l’allégation des fonctionnaires que d’autres employés de l’Agence auraient obtenu le remboursement de leurs frais de déplacement dans les circonstances décrites par les fonctionnaires. Il y a certes eu une erreur momentanée dans une information affichée sur le site intranet de l’Agence, InfoZone, mais elle a été corrigée et il n’y a aucune preuve que les fonctionnaires se sont fiées à cette information à leur détriment. L’employeur a accordé aux fonctionnaires un congé d’éducation en vue du perfectionnement des compétences et non un congé de promotion professionnelle payé (séminaire, colloque) prévu à l’article 51 de la convention collective.

III. Résumé de l’argumentation

11 Les fonctionnaires soumettent que leurs griefs ont été déposés en vertu de la convention collective et non en vertu de la politique intitulée Lignes directrices – Aide à l’éducation (« la politique »). Elles se sont inscrites à l’ÉNAP et elles ont reçu le remboursement des frais de scolarité et du temps rémunéré pendant les heures de travail, jusqu’à concurrence de 60 heures par cours. Les frais occasionnés par leurs déplacements pour suivre les cours sont des frais réels et raisonnables qu’elles ont engagés dans le cadre de leur présence à ces cours. Les fonctionnaires réclament l’application intégrale de la clause 51.03 de la convention collective en vue du remboursement de leurs frais de déplacement.

12 L’employeur plaide que pour faire rembourser les frais qu’elles réclament, les fonctionnaires devaient au préalable présenter une demande écrite et obtenir l’approbation de l’employeur. La politique est claire à savoir que les frais demandés par les fonctionnaires ne sont pas admissibles à un remboursement. L’employeur soumet que lorsque les fonctionnaires n’ont pas obtenu les frais demandés, elles se sont alors tournées vers la convention collective pour tenter de justifier leur demande. L’employeur ajoute que la politique a été appliquée aux fonctionnaires comme à tous les autres employés qui présentent une demande de congé d’éducation. Le congé d’éducation est discrétionnaire et n’est pas du même genre que le congé prévu à l’article 51 de la convention collective.

IV. Motifs

13 Les fonctionnaires contestent la décision de l’employeur de ne pas leur accorder le remboursement des frais de déplacement relativement à leurs études. Elles déclarent y avoir droit en vertu de la clause 51.03 de la convention collective concernant la promotion professionnelle payée.

14 L’employeur maintient que les fonctionnaires ont obtenu un congé d’étude qui ne fait pas partie des dispositions de la clause 51.03 et, par conséquent, les fonctionnaires n’ont pas droit au remboursement des frais de déplacement liés à leurs études.

15 L’article 51 de la convention collective se lit comme suit :

[…]

ARTICLE 51

CONGÉ DE PROMOTION PROFESSIONNELLE PAYÉ

51.01 La promotion professionnelle s’entend d’une activité qui, de l’avis de l’Employeur, est susceptible de favoriser l’épanouissement professionnel de l’individu et la réalisation des objectifs de l’organisation. Les activités suivantes sont réputées s’inscrire dans le cadre de la promotion professionnelle :

a)       un cours offert par l’Employeur;

b)       un cours offert par un établissement d’enseignement reconnu;

c)       un séminaire, un congrès ou une séance d’étude dans un domaine spécialisé directement rattaché au travail de l’employé-e.

51.02 Sur demande écrite de l’employé-e et avec l’approbation de l’Employeur, le congé de promotion professionnelle payé peut être accordé pour toute activité dont il est fait mention au paragraphe 51.01. L’employé-e ne touche aucune rémunération en vertu des dispositions de l’article 28, Heures supplémentaires, et de l’article 32, Temps de déplacement, pendant le temps qu’il ou elle est en congé de promotion professionnelle visé par le présent article.

51.03 Les employé-e-s en congé de promotion professionnelle touchent le remboursement de toutes les dépenses raisonnables de voyage et autres qu’ils ou elles ont engagées et que l’Employeur juge justifiées.

[…]

16 La clause 51.02 de la convention collective précise qu’une demande de congé de promotion professionnelle se fait par écrit et est assujettie à l’approbation de l’employeur. Dans la présente affaire, je n’ai aucune preuve que les fonctionnaires ont présenté une demande écrite de congé de promotion professionnelle. L’écrit dont je dispose dans le cas de Mme Beaulac est une demande et autorisation de formation pour une formation universitaire de trois ans. Aucune demande de remboursement, autre que pour le coût estimatif des études n’a été prévue. Bien que l’ÉNAP soit un établissement d’enseignement reconnu (clause 51.01b) de la convention collective), ce critère à lui seul ne suffit pas à transformer une demande d’autorisation pour suivre des études universitaires en un congé de promotion professionnelle, tel que l’entend la convention collective.

17 Même si le congé d’études obtenu par les fonctionnaires comprend le remboursement des frais de scolarité et l’octroi du temps rémunéré pendant les heures de travail, j’estime qu’à moins d’un énoncé clair, ces deux conditions n’ont pas l’effet d’engendrer le remboursement des frais de déplacement prévus à la clause 51.03.  Il y a lieu de distinguer l’objectif visé par un congé d’études au sens de la politique et celui visé par un congé de promotion professionnelle au sens de la convention collective. De façon générale, un congé d’études sert à soutenir les efforts d’un employé en vue d’améliorer et de rehausser ses compétences et ses qualifications professionnelles en lui facilitant l’accès aux études. Par contre, une activité de promotion professionnelle est une formation ponctuelle visant l’acquisition de connaissances afin de permettre à un employé de mieux effectuer ses fonctions.

18 La politique produite en preuve par l’employeur cerne expressément l’objectif du congé d’études dont bénéficiaient les fonctionnaires et qui se lit comme suit :

[…]

4.0     Lignes directrices à l’égard de l’aide à l’éducation

4.1     L’aide à l’éducation est offerte afin que les employés puissent poursuivre des activités d’apprentissage accréditées offertes par des établissements d’enseignement externes. L’aide à l’éducation se traduit par le remboursement de frais de scolarité et d’autres frais admissibles ainsi que par le congé d’études avec ou sans indemnité.

[…]


[Le passage en évidence l’est dans l’original]

19 La politique prévoit comme suit que le type d’aide à l’éducation qu’il y a lieu d’accorder est à la discrétion du gestionnaire :

[…]

4.2     Détermination de l’aide à l’éducation à accorder :

C’est aux gestionnaires de déterminer le type d’aide à l’éducation à accorder. Aucune règle absolue n’existe pour décider de l’application de l’aide à l’éducation à part l’indemnité minimale stipulée dans certaines conventions collectives. Les gestionnaires doivent tenir compte des avantages qu’entraînerait le perfectionnement des compétences autant pour l’ADRC que pour l’employé avant d’approuver la demande d’aide à l’éducation.

[…]

20 En l’espèce, le gestionnaire des fonctionnaires a déterminé qu’elles avaient droit au remboursement des frais de scolarité et du temps rémunéré pendant les heures de travail, sans plus. Les fonctionnaires ne se sont pas plaintes de cette situation avant d’apprendre que d’autres employés recevaient apparemment le remboursement de leurs frais de déplacement. Malheureusement, les fonctionnaires n’ont pas été en mesure de faire la preuve de leurs dires.

21 Or, la politique ne pourrait être plus claire quant à l’inadmissibilité des frais demandés par les fonctionnaires :

[…]

Les coûts suivants ne sont pas admissibles au remboursement :

[…]

  • transport et stationnement, à moins qu’il ne s’agisse d’assurer un accès équitable;

[…]

22 La LRTFP ne m’autorise pas à modifier la convention collective ni les politiques de l’employeur. Mon rôle est d’interpréter et voir à l’application de la convention collective. En l’espèce, je suis d’avis que l’employeur a correctement interprété la convention collective en décidant que les dispositions de l’article 51 de la convention collective ne s’appliquaient pas aux fonctionnaires. Celles-ci ne m’ont pas convaincu du contraire.

23 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

24 Les griefs sont rejetés.

Le 26 janvier 2011.

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

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