Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a été suspendu sans traitement de son poste d'agent correctionnel lorsque le Service correctionnel du Canada (l'<<employeur>>) a été informé qu'il avait été aperçu alors qu'il avait des rapports avec des personnes ayant censément des liens avec des groupes criminels - il a également été accusé d'avoir fait une utilisation abusive de l'identification de son employeur en montrant son insigne d'agent correctionnel aux agents de police qui lui ont demandé de s'identifier - l'employeur a procédé à une enquête d'établissement des faits, à la suite de laquelle il a annulé la suspension sans traitement et remboursé le fonctionnaire s'estimant lésé en conséquence - l'employeur a ensuite tenu une audience disciplinaire et déterminé qu'aucune sanction disciplinaire n'était requise - le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief contestant la suspension et a demandé notamment qu'on lui verse les intérêts sur le salaire qui lui serait remboursé - le défendeur a contesté la compétence de l'arbitre de grief d'entendre le grief au motif qu'il s'agissait d'un grief théorique, car l'employeur avait remboursé au fonctionnaire s'estimant lésé la totalité du salaire et des avantages sociaux, et la suspension représentait une mesure administrative au lieu d'une mesure disciplinaire - l'arbitre de grief a conclu que le grief n'était pas théorique étant donné qu'une question de fond était toujours en litige, soit les intérêts sur le salaire et les heures supplémentaires que l'employeur n'avait pas versés au fonctionnaire s'estimant lésé durant sa suspension - l'arbitre de grief ne pourrait examiner la question des intérêts réclamés que si le grief lui avait été soumis comme il se doit en vertu de l'alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - l'arbitre de grief a conclu qu'il devait examiner les circonstances particulières du cas pour déterminer la preuve de l'intention de l'employeur - il a été convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, l'employeur n'avait pas eu l'intention d'imposer une mesure disciplinaire - l'employeur s'inquiétait du fait que la présence du fonctionnaire s'estimant lésé sur le lieu de travail puisse entraîner un risque grave ou immédiat pour le personnel, les détenus, le public ou sa réputation - l'arbitre de grief n'avait pas la compétence pour examiner le grief. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-04-13
  • Dossier:  566-02-2632
  • Référence:  2011 CRTFP 45

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STUART FREDERICK KING

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
King c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada).

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Marie-Pier Dupuis-Langis, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour le défendeur:
Anne-Marie Duquette, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits déposés
le 5 juillet 2010, ainsi que les 24 et 25 février et les 17 et 24 mars 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), Stuart Frederick King, travaille comme agent correctionnel à l’Établissement Pacifique/Centre régional de traitement (EP/CRT), à Abbotsford (Colombie-Britannique). Le 8 septembre 2008, la directrice de l’établissement l’a suspendu sans traitement en attendant l’issue d’une enquête disciplinaire, ce qui a mené le fonctionnaire à déposer un grief, avec l’appui de son agent négociateur, le Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (UCCO-SACC-CSN).

2 Le fonctionnaire a énoncé comme suit les mesures correctives demandées :

[Traduction]

Je demande d’être immédiatement rétabli dans mon poste à l’EP/CRT;

Je demande que toute mention de mesure disciplinaire et d’enquête à mon dossier soit détruite;

Je demande le paiement de toute rémunération depuis cette suspension (salaire régulier, primes de quart, primes de fin de semaine et rémunération des jours fériés);

Je demande que les congés de maladie, annuels et autres, que j’ai dû prendre en raison de cette mesure, me soient restitués;

Je demande d’être dédommagé pour les heures supplémentaires que j’ai manquées;

Je demande que me soient restitués les congés que j’aurais accumulés, si je n’avais pas été suspendu sans traitement;

Je demande un rajustement du crédit sur mon régime de retraite et le RPC en raison de cette mesure;

Je demande que me soient versés des intérêts sur l’argent qu’on me doit;

Je demande que le grief soit immédiatement renvoyé au troisième palier (suppression des 1er et 2e paliers)

3 En l’absence d’une réponse au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, de la part de l’administrateur général du Service correctionnel du Canada (le « défendeur »), le 5 décembre 2008, le fonctionnaire a renvoyé l’affaire à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission », en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi »).

4 Le 5 juillet 2010, le défendeur a déposé des arguments écrits, comportant une objection à la compétence de l’arbitre de grief à statuer sur le grief, au motif qu’il était théorique. Le défendeur a déclaré que son enquête disciplinaire a déterminé qu’il n’y avait pas eu d’inconduite. Le défendeur a annulé la suspension sans traitement, l’a remplacée par un congé rémunéré et a dédommagé le fonctionnaire [traduction] « […] pour le salaire, les indemnités et les primes de quart perdus, ainsi que les heures supplémentaires manquées ». Selon le défendeur, au bout du compte, le fonctionnaire n’a jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire.

5 Le défendeur a aussi fait valoir dans ses arguments que, même s’il estimait que le grief était théorique, la suspension sans traitement en attendant l’issue de l’enquête disciplinaire constituait une mesure administrative, qu’elle n’était pas de nature disciplinaire et qu’elle ne pouvait pas faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage en application de l’article 209 de la Loi.

6 Le greffe de la Commission a demandé au fonctionnaire de faire connaître sa position à l’égard des objections soulevées par le défendeur. Le 20 juillet 2010, le fonctionnaire a soumis qu’en l’espèce il y avait eu suspension disciplinaire et qu’une telle suspension comporte une question relevant de la compétence d’un arbitre de grief. En ce qui concerne le caractère théorique du grief, le fonctionnaire a soutenu, lors d’une conférence préparatoire à l’audience subséquente, qu’une question de fond demeurait en litige — intérêts sur le salaire et heures supplémentaires n’ayant pas été payées pendant la suspension.

7 En me basant sur la conférence préparatoire à l’audience et le dossier, j’ai rejeté l’argument du défendeur relativement au caractère théorique du grief. J’étais convaincu que les parties demeuraient opposées concernant les intérêts réclamés par le fonctionnaire pour le salaire et les heures supplémentaires non payées pendant sa suspension sans traitement. À mon avis, la réclamation des intérêts comportait une question en litige découlant directement de la demande initiale de mesure corrective.

8 Les discussions lors de la conférence préparatoire à l’audience m’ont également amené à conclure que les parties pouvaient procéder, et étaient disposées à procéder, par la voie d’arguments écrits sur la question de ma compétence. J’ai établi que la question devant être tranchée était la suivante :

[Traduction]

Le défendeur a fait valoir que la suspension sans traitement en attendant l’issue de l’enquête disciplinaire était une mesure administrative, qu’elle n’était pas de nature disciplinaire et qu’elle ne pouvait pas faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage en application de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« la Loi »). Par conséquent, la question devant être tranchée est de savoir si l’alinéa 209(1)b) de la Loi confère à un arbitre de grief la compétence nécessaire pour examiner le grief dans les circonstances en l’espèce.

9 La présente décision porte seulement sur la question de compétence énoncée.

II. Résumé de la preuve

10 D’après les arguments du défendeur, les faits essentiels du cas sont les suivants.

11 Le 20 août 2008, Mike Gordon, un agent immobilier et ancien agent correctionnel au Service correctionnel du Canada (SCC), a été assassiné à Chilliwack (C.-B.). Le fonctionnaire avait donné à M. Gordon le mandat de vendre sa propriété et l’avait rencontré pour discuter de la vente le jour de son assassinat.

12 Les communiqués de presse publiés immédiatement à la suite de l’assassinat indiquaient que M. Gordon était connu de la police et qu’il avait été associé à un gang criminalisé. Le 21 août 2008, le fonctionnaire a communiqué avec l’EP/CRT pour divulguer le fait qu’il avait appris le décès de M. Gordon, qu’il l’avait rencontré et qu’il ne savait pas que M. Gordon était connu des milieux policiers ou qu’il était associé à un gang criminalisé.

13 Le fonctionnaire a assisté aux funérailles de M. Gordon, le 29 août 2008, même si le défendeur lui avait dit que sa présence pourrait être mal interprétée. Après les funérailles, le fonctionnaire s’est joint à un groupe de personnes rassemblées dans une brasserie locale. Des membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) se sont présentés sur les lieux pour effectuer un contrôle. Ils ont demandé à plusieurs clients, dont le fonctionnaire, de montrer leur pièce d’identité. Le fonctionnaire a montré son insigne d’agent correctionnel et une deuxième pièce d’identité.

14 Le 30 août 2008, le défendeur a été informé par la GRC que le fonctionnaire avait été vu, le 29 août 2008, en compagnie de personnes appartenant prétendument à un gang et qu’il avait été en présence d’au moins un membre de gang connu. La GRC a précisé que le fonctionnaire avait montré son insigne du SCC.

15 En invoquant la gravité des événements lui ayant été rapportés, le défendeur a suspendu le fonctionnaire sans traitement, le 8 septembre 2008, en attendant l’issue d’une enquête de recherche des faits sur les allégations suivantes :

[Traduction]

1. Qu’il a fait une utilisation inappropriée de sa pièce d’identité du Service correctionnel du Canada, à Chilliwack, le 29 août 2008;

2. Qu’il a été vu en compagnie de personnes appartenant prétendument à un gang, à Chilliwack, le 29 août 2008.

16 Le 25 septembre 2008, les enquêteurs ont rencontré le fonctionnaire. Le 10 octobre 2008, ils ont terminé leur rapport et l’ont transmis à la directrice, Judy Campbell.

17 Le 20 octobre 2008, la directrice Campbell a informé le fonctionnaire qu’elle avait pris connaissance du rapport d’enquête et qu’elle avait décidé d’annuler la suspension sans traitement du fonctionnaire, parce que sa présence au lieu de travail ne constituait plus un risque grave ou immédiat pour le personnel, les détenus, le public ou la réputation du SCC. Elle a autorisé son retour au travail et a rétabli sa paie, au 20 octobre 2008. Elle a également informé le fonctionnaire qu’une audience disciplinaire serait fixée lorsqu’il aurait reçu une copie expurgée du rapport d’enquête.

18 Le 30 octobre 2008, le défendeur a modifié le congé non rémunéré du fonctionnaire par un congé rémunéré pour la durée de la suspension et l’a remboursé en conséquence. Les crédits de congé de maladie qui auraient été accumulés pendant sa suspension ont été restitués. Au cours des trois mois qui ont suivi, le défendeur a dédommagé le fonctionnaire pour l’ensemble du salaire et des avantages sociaux ayant été perdus, y compris les indemnités et les primes de quart, ainsi que les occasions manquées de faire des heures supplémentaires.

19 Les 23 et 24 février 2009, la directrice Campbell a tenu une audience disciplinaire. Le 16 mars 2009, elle a écrit au fonctionnaire lui confirmant que le processus disciplinaire était terminé et qu’elle avait déterminé qu’aucune sanction disciplinaire n’était nécessaire.

20 Dans ses arguments, le fonctionnaire a décrit les faits allégués par le défendeur comme [traduction] « non corroborés ». Il a fait valoir que le défendeur s’est fié à une preuve qui aurait dû être [traduction] « produite par des témoins (ouï-dire) » dans le cadre d’une audience et a demandé à la Commission de ne pas tenir compte de cette preuve. La demande du fonctionnaire ne s’appliquait cependant pas aux cinq paragraphes suivants de la section [traduction] « Faits » des arguments du défendeur :

[Traduction]

[…]

14. le 8 septembre 2008, compte tenu de la gravité des événements, l’employeur a suspendu le fonctionnaire sans traitement en attendant l’issue d’une enquête de recherche des faits sur les allégations suivantes :

1. Qu’il a fait une utilisation inappropriée de sa pièce d’identité du Service correctionnel du Canada, à Chilliwack, le 29 août 2008;

2. Qu’il a été vu en compagnie de personnes appartenant prétendument à un gang, à Chilliwack, le 29 août 2008.

Lettre de Judy Campbell à Stuart King, datée du 8 septembre 2008, concernant la suspension sans traitement en attendant l’issue d’une enquête (copie jointe);

Note de service de Judy Campbell à John Wiseman et à Don Trenaman, datée du 8 septembre 2008, concernant l’enquête disciplinaire mettant en cause Stuart King (copie jointe).

15. Le 11 septembre 2008, l’employeur a reçu le grief faisant l’objet du présent renvoi à l’arbitrage, numéro de dossier 566-02-2632. Les détails du grief se lisent comme suit : « Le 8 septembre 2008, Judy Campbell (nom), directrice de l’EP/CRT, m’a suspendu sans traitement en attendant l’issue d’une enquête disciplinaire. Je conteste cette sanction disciplinaire injustifiée, excessive et non fondée en fait et en droit. »

Formulaire de présentation d’un grief, daté du 9 septembre 2008 (copie jointe).

[…]

18. Le 20 octobre 2008, la directrice Judy Campbell a écrit au fonctionnaire pour l’aviser qu’elle avait reçu et examiné le rapport d’enquête et qu’elle avait décidé qu’il n’y avait plus de risque grave ou immédiat pour le personnel, les détenus, le public ou la réputation du SCC. Par conséquent, elle informait le fonctionnaire qu’elle avait décidé d’annuler sa suspension sans traitement, d’autoriser son retour au travail dans ses fonctions normales et de rétablir sa rémunération au 20 octobre 2008.

Lettre de Judy Campbell à Stuart King, datée du 20 octobre 2008, concernant l’enquête disciplinaire et la suspension sans traitement (copie jointe).

19. Dans la même lettre, la directrice Judy Campbell a informé le fonctionnaire que le rapport d’enquête serait expurgé, en conformité avec la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et qu’une copie expurgée lui serait remise. Elle a également expliqué que, lorsque le fonctionnaire aurait pris connaissance de la copie expurgée, une audience disciplinaire aurait lieu.

Lettre de Judy Campbell à Stuart King, datée du 20 octobre 2008, concernant l’enquête disciplinaire et la suspension sans traitement (copie jointe).

[…]

24. Les 23 et 24 février 2009 une audience disciplinaire a eu lieu. Le fonctionnaire a reçu des conseils de la directrice Judy Campbell, mais n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Le 16 mars 2009, la directrice Judy Campbell a écrit une lettre au fonctionnaire confirmant que le processus disciplinaire était terminé et qu’elle avait déterminé qu’aucune sanction disciplinaire n’était nécessaire.

Note de service de Judy Campbell à Stuart King, datée du 16 mars 2009, concernant l’enquête disciplinaire (copie jointe).

21 Le fonctionnaire a exposé sa version de la chronologie des événements comme suit :

[Traduction]

[…]

12. Le 8 septembre 2008, le fonctionnaire a été suspendu indéfiniment sans traitement en attendant le résultat d’une enquête disciplinaire.

[…]

13. Le 11 septembre 2008, le fonctionnaire a déposé le grief :

[…]

14. Le 22 septembre 2008, l’enquêteur a informé le fonctionnaire qu’une audience disciplinaire se tiendrait le 25 septembre 2008.

[…]

15. Le 22 septembre 2008, l’employeur a également avisé le fonctionnaire que les enquêteurs n’avaient pas été en mesure de terminer l’enquête dans le délai prévu. L’employeur a expliqué qu’une prolongation avait été accordée, jusqu’au 8 octobre 2008.

[…]

16. Le 10 octobre 2008, l’employeur a avisé le fonctionnaire qu’il n’avait toujours pas reçu le rapport officiel d’enquête.

[…]

17. Le 20 octobre 2008, la suspension sans traitement a été annulée.

[…]

Le 30 octobre 2008, les congés non rémunérés du fonctionnaire ont été changés à des congés rémunérés. Il a été remboursé en conséquence.

[…]

[…] Mme Sandy Rowe (conseillère en ressources humaines de l’EP/CRT) a envoyé un courriel à Mme Corinne Blanchette (conseillère syndicale de UCCO-SACC-CSN pour la région du Pacifique), le 10 décembre 2008, l’avisant que la directrice refusait d’accorder les intérêts demandés, compte tenu qu’un arbitre de grief aurait le pouvoir de le faire, en vertu de la clause 20.25 de la convention collective et de l’alinéa 226(1)i) de la LRTFP […]

[…]

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

22 Un arbitre de grief a la compétence s’il a la conviction, selon la prépondérance des probabilités, qu’une mesure disciplinaire a été prise et qu’elle a entraîné un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire.

23 La suspension du fonctionnaire sans traitement en attendant l’issue d’une enquête de recherche des faits était une décision administrative et non pas une mesure disciplinaire.

24 Une décision de suspendre sans traitement ne suppose pas, en soi, une intention de discipliner; voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e éd, paragr. 7:4210. La Cour fédérale a récemment confirmé ce principe dans Canada (procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, paragraphes 20 à 22 et 33, et dans Canada (procureur général) c. Basra, 2008 CF 606 (décision modifiée dans Basra c. Canada (procureur général), 2010 CAF 24). Ces décisions faisant autorité indiquent qu’il doit exister une intention d’imposer une mesure disciplinaire, plus particulièrement, une intention de corriger ce que l’employeur a conclu comme constituant un comportement fautif. Une suspension disciplinaire est une réponse de l’employeur, lorsque celui-ci a conclu que la conduite d’un employé justifie une sanction, sans toutefois aller jusqu’au licenciement. Elle est définie et ne dépend pas d’une autre décision. Quant aux suspensions administratives, elles sont indéfinies du fait qu’elles s’appliquent en attendant l’issue d’une enquête et de la décision en découlant relativement à l’imposition ou non d’une mesure disciplinaire.

25 La jurisprudence est claire. Le simple fait qu’un employeur décide de suspendre un employé sans traitement pour une période indéfinie en attendant l’issue d’une enquête ne prouve pas, en soi, que la mesure est disciplinaire; voir Clark v. New Brunswick (Department of Natural Resources and Energy), [1995] N.B.L.A.A. No 15 (QL)(McAllister).

26 Le défendeur mentionne une lettre adressée plus tôt au greffe de la Commission, dans laquelle le fonctionnaire a prétendu que la décision de la Cour d’appel fédérale dans Basra et la décision de la Cour suprême du Canada dans Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’Assurance sur la Vie., 2004 CSC 55, étayaient sa position relative à la compétence. Il n’a été conclu ni dans Basra, ni dans Cabiakman qu’une suspension sans traitement en attendant l’issue d’une enquête disciplinaire constitue, en soi, une mesure disciplinaire au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Basra a rejeté l’appel et a simplement modifié la décision de la Cour fédérale pour d’autres motifs. Le défendeur soutient que les motifs de la Cour fédérale dans Basra concernant la démarche à adopter pour déterminer s’il s’agit d’une suspension administrative correspondent en fait à la position relative à une mesure disciplinaire. 

27 La lettre datée du 20 octobre 2008, dans laquelle la directrice Campbell annule la suspension administrative sans traitement démontre clairement qu’elle n’avait pas l’intention d’imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire lorsqu’elle a décidé de le suspendre sans traitement en attendant l’issue d’une enquête. Elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’ai eu l’occasion de revoir mes motifs pour vous suspendre sans traitement et je suis convaincue qu’il n’y a plus un risque grave ou immédiat pour le personnel, les détenus, le public ou la réputation du SCC. Par conséquent, j’annule votre suspension sans traitement et je vous autorise à reprendre vos fonctions normales à compter d’aujourd’hui.

[…]

28 Ceci étant, la directrice Campbell a jugé que les conclusions de fait du rapport d’enquête justifiaient la tenue d’une audience disciplinaire et potentiellement d’une mesure disciplinaire. La procédure suivie par le défendeur démontre clairement qu’il n’avait pas l’intention de corriger ou de punir un comportement fautif, le 8 septembre 2008. Il n’avait pas été établi qu’il y avait eu un comportement fautif. C’est seulement une fois que les faits ont été établis dans le rapport d’enquête que le défendeur s’est demandé si une mesure disciplinaire était justifiée.

29 Le défendeur demande à l’arbitre de grief d’accueillir son objection et de rejeter le grief sans tenir d’audience.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

30 La déclaration du défendeur selon laquelle il a suspendu le fonctionnaire sans traitement en attendant l’issue d’une enquête de recherche des faits est incorrecte. Les documents du défendeur énoncent clairement qu’il a suspendu le fonctionnaire en attendant l’issue  d’une « enquête disciplinaire ». Les enquêtes de recherche des faits ne sont pas prévues dans la convention collective du groupe des agents correctionnels conclue entre le Conseil du Trésor et UCCO-SACC-CSN (la « convention collective »). En renvoyant au processus de recherche des faits, le défendeur tente de déguiser sa mesure disciplinaire.

31 La jurisprudence citée par le défendeur ne s’applique pas. Basra (2008 CF 606) a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale, qui a renvoyé l’affaire à l’arbitre de grief initial. Dans Clark, le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu sans traitement à la suite d’une enquête dans le cadre de laquelle des accusations criminelles ont été déposées subséquemment.

32 Dans une lettre datée du 10 décembre 2008 que Sandy Rowe (conseillère en ressources humaines de l’EP/CRT) a adressée à Corinne Blanchette (conseillère syndicale du UCCO-SACC-CSN pour la région du Pacifique), renvoyant à la clause 20.25 de la convention collective et à l’alinéa 226(1)i) de la Loi, le défendeur a reconnu à première vue qu’un arbitre de grief avait la compétence nécessaire pour statuer sur l’affaire en l’espèce.

33 Même s’il soutenait que la jurisprudence du défendeur, notamment les décisions Basra, ne s’appliquait pas, le fonctionnaire m’a renvoyé à Basra comme suit dans ses arguments :

[Traduction]

[…]

20. […] [L]a jurisprudence est claire. Dans Basra c. Canada (procureur général) 2010 FAC 24, la Cour d’appel fédérale (CAF) a conclu que l’arbitre de grief officiel n’a pas erré en : a) évaluant et confirmant sa compétence; b) en posant la question de l’intention du SCC au moment de rendre sa décision; c) en établissant une distinction entre le caractère disciplinaire et administratif pour un motif valable. La CAF a conclu que l’arbitre de grief a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte d’une preuve qualifiée de ouï-dire. La CAF a conclu qu’il aurait dû déterminer si la preuve était crédible ou non. L’affaire a été renvoyée à l’arbitre de grief. Cependant, la majorité de ses conclusions et arguments antérieurs sont maintenus.

21. Dans Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada) 2007 CRTFP 70, l’arbitre de grief Love a déclaré ce qui suit :

Paragr. 99 : « Je souligne qu’on peut lire à l’alinéa 209(1)b) de la Loi l’expression « mesure disciplinaire » et non « décision disciplinaire ». Le mot « mesure » a un sens plus large que le mot « décision », puisqu’il peut englober la décision du SCC de nommer des enquêteurs et de suspendre indéfiniment le fonctionnaire dans le contexte de son enquête. Le SCC a suspendu indéfiniment M. Basra en se basant sur l’allégation qu’il avait très mal agi, ce sur quoi il a décidé qu’il devait faire enquête. De toute évidence, la décision de le suspendre s’inscrivait dans un processus disciplinaire, même si le SCC n’a pas encore convoqué M. Basra à une entrevue disciplinaire ni abouti à une conclusion définitive sur une mesure disciplinaire. Les documents du défendeur prouvent qu’un enquêteur a été nommé pour mener une enquête disciplinaire (pièce E-8);

Paragr. 100 : « Qui plus est, une suspension indéfinie empêche l’employé de travailler; c’est une interruption de son droit au travail. En l’espèce, l’arrêt de travail et le traitement qu’il a perdu sont des pénalités; ce sont des mesures disciplinaires qui découlent directement de la décision du SCC d’ordonner la tenue d’une enquête et de suspendre M. Basra sans traitement : Massip c. Canada (1985), 61 N.R. 114 (C.A.F.); Lavigne c. Conseil du Trésor (Travaux publics), dossiers de la CRTFP 166-02-16452 à 16454, 16623, 16624 et 16650 (19881014); et Côté c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-9811 à 9813 et 10178 (19831017);

Paragr. 101 : « Pour les motifs qui précèdent, j’estime avoir compétence pour examiner cette suspension indéfinie en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi […];

Paragr. 102 : « Les employés ont le droit de travailler. C’est un droit auquel on ne devrait pas porter atteinte à la légère, et c’est au défendeur de démontrer que le maintien d’une suspension sans traitement est justifié. Le SCC n’a pas licencié M. Basra, mais il l’empêche de gagner sa vie […];

[…]

34 La décision Cabiakman de la Cour suprême a établi qu’une suspension doit être imposée en respectant les conditions suivantes : l’employeur doit agir de bonne foi et de manière équitable; la suspension doit être de courte durée; la suspension doit en principe être avec traitement, sauf dans des circonstances exceptionnelles; l’employeur ne peut pas se soustraire unilatéralement de son obligation de payer le salaire de l’employé. La Cour suprême a conclu en soulignant le fait qu’un employé à qui une suspension sans traitement a été imposée est en droit de croire que cette mesure constitue un licenciement déguisé et donc une mesure disciplinaire.

35 Dans Larson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 9, l’arbitre de grief a établi le critère suivant (au paragraphe 161) pour déterminer si une suspension sans traitement serait indiquée : la présence du fonctionnaire pose-t-elle un risque raisonnablement sérieux et immédiat aux intérêts légitimes de l’employeur? Il incombe à l’employeur de prouver qu’il existe un risque et de démontrer qu’il a pris des mesures raisonnables pour déterminer si le risque que représente le maintien en poste pourrait être atténué par une supervision plus serrée ou une mutation dans un autre poste.

36 D’après les documents présentés par les parties, il est absolument impossible de conclure que la suspension indéfinie sans traitement du fonctionnaire était une mesure administrative. Le défendeur a utilisé les mots « suspension sans traitement » et « enquête disciplinaire ». Il avait la possibilité de tenir une enquête administrative. Une mesure administrative aurait été de suspendre le travailleur avec traitement ou de le réaffecter à d’autres fonctions — le protocole qui devrait être suivi en vertu de l’appendice G de la convention collective. Une enquête ne devient pas une mesure administrative simplement parce qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise au terme de l’enquête.

37 Le fonctionnaire n’avait aucune idée de la durée de sa suspension sans traitement, lorsque le défendeur l’a avisé de sa décision, le 8 septembre 2008. L’intention du défendeur était évidemment de lui imposer une mesure disciplinaire. La décision de le suspendre faisait partie du processus disciplinaire, même si le défendeur n’en était pas arrivé à une conclusion à ce moment. Le défendeur a retardé le processus d’enquête, et il a fallu près de deux mois avant que la suspension sans traitement soit annulée. Le fonctionnaire a clairement été puni avant que soit connue l’issue de l’enquête.

38 La retenue du salaire est à première vue punitive parce qu’elle prive l’employé du salaire auquel il a droit. Une suspension empêche un employé de travailler. L’arrêt de travail et le traitement qu’il a perdu sont des sanctions; voir Massip c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 12 (C.A.) (QL). Il s’agit de mesures disciplinaires qui découlent directement de la décision d’un employeur d’ordonner la tenue d’une enquête et d’imposer une suspension sans traitement.

39 En résumé, une suspension indéfinie sans traitement en attendant l’issue d’une enquête disciplinaire constitue une mesure disciplinaire donnant lieu à une sanction pécuniaire, ce qui relève de la compétence d’un arbitre de grief aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Un débat pour déterminer si une mesure administrative constitue une mesure disciplinaire déguisée n’est pas justifié en l’espèce, parce qu’il est évident, d’après les documents présentés, que la suspension était une mesure disciplinaire.

40 Le fonctionnaire a invoqué plusieurs cas ayant trait à la compétence d’un arbitre de grief d’ordonner le paiement d’intérêts dans des cas de nature disciplinaire. Il est prématuré d’évaluer cette jurisprudence compte tenu que la présente décision se limite à la question préliminaire de la compétence, comme indiqué dans mes directives aux parties.

C. Réfutation du défendeur

41 D’une part, le fonctionnaire a demandé à la Commission de faire abstraction des faits présentés par le défendeur comme étant du ouï-dire. D’autre part, le fonctionnaire a produit lui-même une preuve par ouï-dire et a reconnu que la Cour d’appel fédérale a confirmé dans Basra le principe selon lequel une preuve par ouï-dire est admissible si elle est fiable et pertinente.

42 Le fonctionnaire demande à l’arbitre de grief de décider s’il a compétence aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sans fournir le contexte factuel essentiel du cas. En ce qui concerne la jurisprudence, le défendeur ne voit pas comment l’arbitre de grief peut déterminer si sa décision était de nature disciplinaire sans avoir examiné les circonstances entourant la décision de suspendre le fonctionnaire sans traitement. Le fonctionnaire aurait dû exposer les faits selon son point de vue, s’il les contestait. Sa position va à l’encontre de l’objectif de plaider la question par la voie d’arguments écrits.

43 L’affirmation du fonctionnaire selon laquelle le défendeur tente de déguiser une mesure disciplinaire en utilisant le terme « enquête de recherche des faits » dans ses arguments écrits n’est pas fondée. Le fonctionnaire prétend que le renvoi dans les documents du défendeur à sa suspension « en attendant l’issue d’une enquête disciplinaire » démontre que la suspension sans traitement était de nature disciplinaire. Selon lui, seule une suspension avec traitement pourrait être considérée comme une mesure administrative. Il fonde sa position sur l’appendice G de la convention collective, intitulé « Retrait des fonctions en attendant le résultat d’enquêtes disciplinaires relatives à des incidents impliquant des détenus ou détenues ». Cependant, l’appendice G ne concerne que la situation où un employé est impliqué dans un incident mettant en cause un détenu. Bien que le fonctionnaire considère une suspension avec traitement ou une réaffectation aux termes de l’appendice G comme étant une mesure administrative, les parties renvoient toujours à une enquête comme étant « disciplinaire ». Bref, l’argument du fonctionnaire selon lequel le libellé utilisé dans les documents du défendeur constitue la preuve d’une mesure disciplinaire est un faux-fuyant et n’aide pas l’arbitre de grief.

44 Le fonctionnaire prétend qu’une suspension sans traitement en attendant l’issue d’une enquête est toujours de nature disciplinaire, quelles que soient les circonstances, et il cite la décision de l’arbitre de grief dans Basra à l’appui. Ce faisant, il comprend ou qualifie incorrectement cette décision, ainsi que l’état actuel de la jurisprudence en matière de droit du travail.

45 Dans Basra, l’arbitre de grief a jugé que la suspension sans traitement était initialement une mesure administrative, mais qu’elle est devenue disciplinaire après un mois. La Cour fédérale a conclu que l’arbitre de grief a erré en ne tenant pas compte de l’intention de l’employeur au moment de suspendre l’employé, à savoir si elle était de le punir, comme le dicte la jurisprudence. Elle a également conclu que l’arbitre de grief a omis d’examiner la preuve par ouï-dire et de déterminer le poids qu’il devrait lui accorder. Par conséquent, la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a renvoyé l’affaire à l’arbitre de grief pour qu’il rende une nouvelle décision.

46 La Cour d’appel fédérale a maintenu la décision de la Cour d’appel, mais a modifié son ordonnance. Elle a déclaré qu’un arbitre de grief doit examiner l’intention de l’employeur afin de déterminer si une mesure était disciplinaire. Cependant, elle a conclu que l’arbitre de grief avait de fait analysé l’intention de l’employeur et avait déterminé que la suspension sans traitement était devenue disciplinaire après 30 jours.

47 Ce qui ressort de tous les cas Basra et de la jurisprudence soumises par le défendeur est qu’un arbitre de grief doit évaluer l’intention de l’employeur au moment où il décide de suspendre un employé sans traitement. Même si dans Basra, la Cour  d’appel fédérale a suggéré que la retenue du salaire constituait à première vue une preuve de nature disciplinaire, elle a décidé de ne pas se prononcer sur cette question et a maintenu la décision de la Cour fédérale sur l’intention derrière la mesure disciplinaire, tel qu’il est établi dans la jurisprudence actuelle.

48 Pour qu’un grief puisse être renvoyé à l’arbitrage en application de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, il doit y avoir une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Le fait que le fonctionnaire puisse avoir subi une perte financière, ce que nie le défendeur, n’établit pas la compétence de l’arbitre de grief. La perte financière ne suffit pas. Il faut une sanction; voir l’interprétation de « sanction pécuniaire » dans Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112.

49 De plus, pour qu’un arbitre de grief ait compétence, il doit y avoir une mesure disciplinaire. Il n’est pas suffisant, comme le soutient le fonctionnaire, que la décision s’intègre dans un « processus disciplinaire ». Il faut prouver que la décision de suspendre sans traitement en attendant l’issue d’une enquête constituait une mesure disciplinaire.

50 L’affirmation du fonctionnaire selon laquelle le défendeur [traduction] « […] a reconnu à première vue la compétence de l’arbitre de grief […] », dans un courriel de Mme Rowe, est fausse. Mme Rowe a simplement reconnu que l’alinéa 226(1)i) de la Loi donne à un arbitre de grief le pouvoir d’accorder des intérêts dans des cas particuliers. Cette reconnaissance ne peut pas être assimilée à une concession qu’un arbitre de grief a compétence en l’espèce. Par ailleurs, le courriel de Mme Rowe s’inscrivait dans le cadre de discussions confidentielles entre les parties en vue de conclure un règlement et n’aurait pas dû être communiqué par le fonctionnaire.

51 En conclusion, la décision du défendeur de suspendre le fonctionnaire sans traitement en attendant l’issue d’une enquête n’était pas une mesure disciplinaire, comme le démontre les documents soumis par les deux parties et le fait que le défendeur a rétabli le fonctionnaire dans son poste et lui a entièrement remboursé son salaire et ses avantages sociaux, au terme de l’enquête disciplinaire. Si le défendeur avait eu l’intention de punir le fonctionnaire, lorsqu’il a décidé de le suspendre sans traitement en attendant l’issue de l’enquête, il l’aurait simplement rétabli dans son poste sans lui rembourser son salaire et ses avantages sociaux. En l’espèce, il n’y a pas eu de mesure disciplinaire, ni de sanction pécuniaire. Dans de telles circonstances, le recours ouvert au fonctionnaire était la contestation de la décision du défendeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, par voie de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale — non pas le renvoi à l’arbitrage.

IV. Motifs

52 La question de fond en litige en l’espèce est la réclamation par le fonctionnaire d’intérêts sur le salaire et les heures supplémentaires non payés pendant sa suspension sans traitement (mais ayant été remboursés par la suite). Le montant allégué des intérêts payables n’a pas été produit en preuve, mais j’ai eu l’impression au cours de mes discussions avec les parties lors de la conférence préparatoire à l’audience qu’il ne s’agissait pas d’un montant important. Apparemment, le litige sous-jacent entre les parties concerne un principe — à savoir si le défendeur devrait être tenu de payer des intérêts lorsqu’il restitue rétroactivement le salaire et la rémunération des heures supplémentaires pour une période de suspension sans traitement.

53 Je peux examiner la question seulement si je suis saisi correctement du grief en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, qui est libellé comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

54 Le défendeur s’oppose à ma compétence au motif qu’il n’y a aucun fondement pour qualifier de disciplinaire sa décision de suspendre le fonctionnaire sans traitement. Par conséquent, l’objet de l’affaire ne s’inscrit pas dans le champ d’application de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Le fonctionnaire n’est pas d’accord et soutient que la décision du défendeur de le suspendre sans traitement était punitive, dès le début, et disciplinaire de par sa nature même.

55 Avant d’évaluer l’argumentation présentée par les parties, je me tourne vers les arguments du fonctionnaire à propos de la preuve. Le fonctionnaire soutient que certains faits allégués par le défendeur [traduction] « ne sont pas corroborés. En donnant à cette expression son sens normal, je comprends que le fonctionnaire prétend que les faits proposés par le défendeur dans ses arguments n’étaient pas étayés par une autre source ou qu’aucune autre preuve produite ne tendait à confirmer ces faits. Cependant, le fonctionnaire semble également indiquer que la preuve est entachée de ouï-dire. Il affirme que, sauf dans le cadre d’une audience, les faits prétendument non corroborés ne devraient pas être examinés.

56 L’exposé de position du fonctionnaire à l’égard des faits allégués par le défendeur est plutôt confus. Le fonctionnaire n’a jamais déclaré directement que ces faits étaient incorrects ou n’avaient pas été prouvés, seulement qu’ils n’étaient pas corroborés. Dans le contexte d’une procédure basée sur des arguments écrits, il m’est difficile de comprendre pourquoi ou comment une exigence de corroborer s’applique. Je ne comprends pas non plus à quoi rime, dans ce contexte, la déduction que la preuve comporte du ouï-dire. La nature de la procédure basée sur des arguments écrits repose sur la prétention par l’une ou les deux parties que des faits sont véridiques et la production de leurs arguments en présumant leur véracité. Les deux parties sont libres de contester les faits proposés par l’autre. Le décideur doit déterminer si les arguments écrits lui permettent de trancher les questions. Si des faits pertinents sont en litige, la tenue d’une audience pourrait être nécessaire pour permettre au décideur de se prononcer sur la preuve. À l’audience, la corroboration, ou l’absence de corroboration, peut être prise en considération au moment d’apprécier les faits. Les allégations selon lesquelles la preuve constitue du ouï-dire peuvent aussi jouer un rôle,  en exigeant du décideur qu’il se prononce sur l’admissibilité de la preuve ou sur le poids à lui accorder, ou les deux.

57 J’ai examiné minutieusement les arguments écrits des parties et j’ai conclu qu’ils me permettaient d’évaluer l’objection du défendeur concernant ma compétence et de statuer sur la question. Les commentaires du fonctionnaire indiquent que certains faits allégués sont en litige bien qu’il n’ait pas, selon moi, fourni suffisamment de détails pour établir l’incidence des faits prétendument non corroborés sur la question centrale de la compétence. Ma lecture des arguments m’a plutôt convaincu que, dans le cadre des éléments non contestés de la chronologie des mesures prises par le défendeur, il existe un fondement suffisant pour me permettre de statuer sur la compétence sans tenir d’audience. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de mener une enquête plus poussée sur les autres faits pouvant être en litige.

58 À mon avis, les suspensions sans traitement présentées comme étant de nature  administrative par un employeur posent un important défi. Le retrait d’un employé du lieu de travail et l’interruption de son salaire et de ses avantages sociaux suscitent normalement la crainte qu’il y ait eu mesure disciplinaire. Certains observateurs prétendent — non sans raison, selon moi — que la suspension d’un employé avec traitement est une mesure qui apparaît plus nettement comme non disciplinaire et de nature administrative.

59 Sans égard à ce point de vue, mes motifs en l’espèce sont guidés par les directives ayant été données aux arbitres de grief en vertu de la Loi ou de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, par les cours supérieures. Je note, tout particulièrement, la décision de la Cour fédérale dans Frazee, avec renvoi à Brown et Beatty, dans les termes suivants :

[…]

[19]  La question de savoir si une conduite de l’employeur constitue une mesure disciplinaire a fait l’objet de nombreuses décisions arbitrales et judiciaires desquelles ont émergé plusieurs principes établis. Le paragraphe 7:4210 de la 4e édition de l’ouvrage Canadian Labour Arbitration, de Brown et Beatty, présente un résumé utile de la jurisprudence sur le sujet :

[…]

[Traduction] Afin de déterminer si un employé a fait ou non l’objet d’une mesure disciplinaire, les arbitres examinent à la fois l’objet et l’effet de la mesure prise par l’employeur. La caractéristique essentielle de la mesure disciplinaire est une intention de corriger la mauvaise conduite d’un employé en le punissant d’une certaine façon. Une confirmation de l’employeur déclarant qu’il n’avait pas l’intention d’imposer une mesure disciplinaire suffit souvent, mais pas toujours, à régler la question. 

Lorsque la conduite d’un employé est non coupable et/ou que l’objectif de l’employeur n’est pas de punir, toute mesure qui est prise sera généralement qualifiée de non disciplinaire. S’appuyant sur cette définition, des arbitres ont déterminé que les suspensions qui exigent qu’un employé reste hors du travail en raison d’un problème de santé ou en attendant le règlement d’accusations criminelles ne sont pas des sanctions disciplinaires. […]

[20] La jurisprudence confirme que toute mesure prise par l’employeur qui a un effet préjudiciable sur l’employé n’est pas nécessairement une mesure disciplinaire. Même si un employé se sent lésé par des décisions qui ont une incidence négative sur ses conditions d’emploi, la grande majorité des adaptations faites en milieu de travail sont de nature purement administrative et ne se veulent pas une forme de sanction. […]

[21] La jurisprudence indique que la question n’est pas de savoir si la mesure prise par l’employeur est mal fondée ou mal exécutée mais plutôt si elle constitue une mesure disciplinaire visant la suspension. De la même façon, les sentiments d’un employé qui estime avoir été traité injustement n’ont pas pour effet de convertir une mesure administrative en mesure disciplinaire. […]

[22] Il ne faut pas s’étonner que l’un des principaux facteurs permettant de déterminer si un employé a fait l’objet d’une mesure disciplinaire concerne l’intention de l’employeur. Il convient de se demander si l’employeur avait l’intention d’imposer une mesure disciplinaire et si la contestation de sa décision pouvait servir de fondement à une mesure disciplinaire ultérieure. […]

[…]

[J’omets les notes en bas de page]

60 Dans Basra (2008 CF 606), la Cour fédérale a renvoyé à Frazee et l’a appliqué pour attaquer la décision de l’arbitre de grief parce qu’il a omis d’évaluer convenablement l’intention de l’employeur au moment d’imposer une suspension sans traitement. Au paragraphe 19, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

[19] Dans cette affaire, l’arbitre de grief a conclu que l’existence d’une enquête disciplinaire, ainsi que la suspension sans traitement du demandeur, suffisait à lui donner compétence pour instruire la cause aux termes de l’alinéa 209 (1)b) de la LRTFP. Toutefois, l’arbitre ne s’est pas demandé, comme le lui dicte de le faire la jurisprudence, si l’employeur avait l’intention de punir le demandeur en le suspendant. Il semble plutôt que l’arbitre de grief ait simplement conclu que la suspension était devenue disciplinaire implicitement à cause de la longue durée de l’enquête. Par conséquent, je conclus qu’il s’agit d’une erreur grave, car l’arbitre de grief a appliqué le mauvais critère, ce qui, en soi, justifie l’intervention de cette cour […]

61 La Cour d’appel fédérale a statué dans Basra (2010 FAC 24) que la Cour fédérale avait erré en tirant cette conclusion. Cependant, en annulant la décision de la Cour fédérale à cet égard expressément, la Cour d’appel fédérale n’a pas bousculé l’exigence en vertu de laquelle les arbitres de grief doivent tenir compte de l’intention de l’employeur au moment d’évaluer la nature disciplinaire d’une décision. Les paragraphes pertinents de 2010 CAF 24 se lisent comme suit :

[…]

[14] La Cour a indiqué durant l’audience que le fait que la suspension était sans traitement aurait pu être suffisant en soi pour permettre de conclure que la mesure était de nature disciplinaire. En effet, l’interruption du traitement est à première vue punitive puisqu’elle prive l’employé du salaire auquel il a autrement droit (comparer à Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’assurance sur la vie, [2004] 3 R.C.S. 195, aux par. 68 et 69). Il ne suffit pas d’affirmer, comme l’indique l’intimé, que si l’enquête avait disculpé l’appelant, il aurait eu droit à son traitement complet rétroactivement (par. 65 du mémoire de l’intimé). Il n’en demeure pas moins que lorsqu’il était suspendu, l’appelant était privé de son salaire.

[15] En réponse à cette affirmation, l’avocat de l’intimé a demandé qu’on lui permette de présenter d’autres observations sur cette question. Dans une lettre datée du 23 décembre 2009, il a indiqué que l’interruption du traitement est un aspect obligatoire de toute suspension selon la politique du SCC établie depuis bien longtemps (on fait référence au Guide d’application : Sanctions disciplinaires et rétrogradation ou licenciement non disciplinaires du SCC). Comme l’aspect « sans traitement » de la suspension est obligatoire, l’avocat a soutenu qu’elle ne peut être perçue comme l’expression d’une intention punitive de la part de l’employeur (observation du 23 décembre, p. 2).

[16] L’avocat de l’appelant a vigoureusement contesté cette assertion. Il prétend que le SCC est autorisé à suspendre ses employés avec ou sans traitement et qu’il l’a fait par le passé (observation du 5 janvier 2010).

[17] Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur cette question parce qu’une lecture attentive des motifs démontre clairement que l’arbitre a effectivement tenu compte de l’intention de l’employeur lorsqu’il a rendu sa décision.

[18] À cet égard, l’arbitre a conclu que la mesure était de nature administrative pendant les trente premiers jours et est devenue disciplinaire par la suite. En établissant cette distinction, l’arbitre était d’avis que l’employeur n’avait pas l’intention de punir durant la période de trente jours initiale, mais qu’il s’est ravisé lorsqu’il a autorisé que la suspension dure indéfiniment, en attendant l’issue de la poursuite (par. 99 et 100 des motifs). Les motifs ne peuvent être interprétés autrement puisque l’arbitre n’aurait pu établir la distinction sur un autre fondement.

[19] Par conséquent, on ne peut affirmer que l’arbitre n’a pas tenu compte de l’intention de l’employeur lorsqu’il a rendu sa décision et que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur en rendant une décision différente.

[…]

62 Le point essentiel que je retiens de Frazee et des décisions Basra est que je dois examiner les circonstances du présent cas en fonction de la preuve révélatrice de l’intention du défendeur au moment de la suspension du fonctionnaire sans traitement et par la suite. Si je suis convaincu que le défendeur a démontré que, selon la prépondérance des probabilités, l’intention sous-tendant sa décision « administrative » n’était pas disciplinaire au moment où la décision a été prise et qu’elle est demeurée non disciplinaire pendant la suspension en découlant, je dois donc refuser d’exercer ma compétence. À l’inverse, si le défendeur ne s’est pas acquitté de son fardeau, alors je dois conclure que sa décision était disciplinaire dans son essence, peu importe la description qu’en fait le défendeur, et que, par conséquent, j’ai la compétence nécessaire pour examiner le grief aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

63 Cabiakman, citée par le fonctionnaire, ne me détourne pas de ce point de vue. La décision rendue par la Cour suprême dans Cabiakman concernait un contrat d’emploi individuel régi par le Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64. Dans ce contexte, la Cour s’est demandé « […] si l’employeur a le pouvoir unilatéral de suspendre les effets du contrat individuel de travail pour des motifs administratifs […] » (paragraphe 46). Elle a statué comme suit :

[…]

61. L’employeur peut toujours renoncer à son droit de recevoir la prestation du salarié mais il ne peut se soustraire à son obligation de payer le salaire lorsque le salarié demeure disponible pour accomplir un travail dont l’exécution lui est refusée. En choisissant de ne pas mettre un terme au contrat de travail avec les compensations afférentes, fixées selon les principes applicables, l’employeur demeure en principe tenu de respecter ses propres obligations réciproques même s’il n’exige pas la prestation de travail de l’employé.

[…]

Comme l’a mentionné le fonctionnaire, la Cour a énoncé les circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’exigence de continuer de verser les paiements en conformité avec le contrat d’emploi peut être écartée (paragraphe 62).

64 Outre le régime législatif clairement différent dans lequel la Cour suprême a examiné les suspensions administratives dans Cabiakman, son analyse ne tient pas compte directement des circonstances dans lesquelles une décision administrative devient disciplinaire. Elle pose une question tout autre que celle à laquelle les cours ont répondu dans Frazee et dans les cas Basra. Je crois donc qu’il est possible et nécessaire d’établir une distinction en ce qui a trait à Cabiakman.

65 Massip, invoquée par le fonctionnaire, ne s’applique pas. Elle porte sans équivoque sur un licenciement disciplinaire décrit comme tel par l’employeur. Aucune prétention n’a été faite dans ce cas voulant que la mesure prise par l’employeur était administrative.

66 En ce qui concerne Larson, également invoquée par le fonctionnaire, la question centrale adressée à l’arbitre de grief n’est pas soulevée en l’espèce. Le grief qui nous occupe prétend que le défendeur doit des intérêts au-delà de la restitution du salaire et des avantages sociaux, pour la période de la suspension sans traitement. Dans Larson, la question était de savoir si l’employeur avait démontré qu’il était fondé d’imposer une suspension sans traitement, en premier lieu. La décision de l’arbitre de grief dans Larson a attribué un tout autre fardeau à l’employeur que celui qui s’applique à la présente question de compétence — le fardeau de prouver le risque de conserver un employé qui a été accusé d’une infraction criminelle en milieu de travail et de démontrer qu’il a pris les mesures raisonnables pour déterminer si ce risque pouvait être atténué.

67 N’ayant rien trouvé dans la jurisprudence invoquée dans les arguments du fonctionnaire qui a préséance sur le principe directeur énoncé dans Frazee et les décisions Basra, je m’en remets aux faits — plus particulièrement, au sous-ensemble des faits que le fonctionnaire ne contestent pas. Le fait le plus révélateur se trouve, selon moi, dans la lettre de la directrice Campbell adressée au fonctionnaire, le 20 octobre 2008. Dans sa lettre, la directrice déclare que le rapport d’enquête qu’elle a reçu dissipe la préoccupation qu’elle avait au sujet de la présence du fonctionnaire au lieu de travail et du [traduction] « […] risque grave ou immédiat pour le personnel, les détenus, le public ou la réputation du SCC ». Cette préoccupation étant écartée, la directrice a autorisé le retour au travail du fonctionnaire et a annulé sa suspension sans traitement. Par ailleurs, la lettre de la directrice Campbell précise clairement que le processus disciplinaire n’est pas terminé. Les faits révèlent que la possibilité qu’une mesure disciplinaire soit imposée a été maintenue jusqu’au 16 mars 2009, au moment où la directrice a avisé le fonctionnaire que le processus était terminé (à la suite de l’audience disciplinaire des 23 et 24 février 2009) et qu’elle avait décidé de ne pas imposer de mesure disciplinaire. Dans ces circonstances particulières, je crois que le défendeur a bien démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’intention première de la directrice, en suspendant le fonctionnaire en premier lieu, n’était pas de lui imposer une sanction disciplinaire, mais plutôt de gérer le risque qui, croyait-elle, pourrait exister si le fonctionnaire demeurait dans le milieu de travail, compte tenu de la situation dont elle avait connaissance. Lorsqu’elle a jugé que le risque n’existait plus, elle a mis un terme à la suspension. Si la directrice Campbell avait maintenu la suspension sans traitement du fonctionnaire après le 20 octobre 2008, malgré sa conclusion que le risque n’existait plus, en se basant sur les observations des enquêteurs, il serait possible de percevoir la situation autrement.

68 À mon humble avis, il importe peu, dans les circonstances en l’espèce, que l’enquête lancée par le défendeur, en septembre 2008, s’appelle à juste titre un processus de « recherche des faits » ou un processus « disciplinaire ». L’étiquette que le défendeur a utilisé alors ou qu’il utilise maintenant ne détermine pas de manière définitive la nature de la décision qu’il a prise. Les faits uniques me permettent plutôt d’accepter que la décision de la directrice Campbell de suspendre le fonctionnaire n’avait pas un caractère essentiellement disciplinaire lorsqu’elle a été prise initialement et qu’elle est demeurée non disciplinaire jusqu’à l’annulation de la suspension par la lettre du 20 octobre 2008.

69 Je note que le fonctionnaire a renvoyé plusieurs fois dans ses arguments aux dispositions de la convention collective. Je n’ai pas tenu compte de ces renvois. Le grief en l’espèce a été renvoyé à l’arbitrage en tant qu’affaire fondée sur l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Par conséquent, aucune question relative au respect des exigences prétendues d’une convention collective ne m’a été soumise. Par ailleurs, comme l’a affirmé le défendeur dans sa réfutation, il est loin d’être évident que les parties avaient l’intention que l’appendice G de la convention collective s’applique aux circonstances semblables à celles en l’espèce.

70 À la lumière de l’analyse qui précède, je conclus que le défendeur a justifié son objection à ma compétence à examiner le grief. Comme le grief ne porte pas sur une mesure disciplinaire au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, je n’ai aucun fondement légal pour me prononcer sur la demande d’intérêts du fonctionnaire.

71 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

72 Le grief est rejeté.

Le 13 avril 2011.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
arbitre de grief

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