Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué s’être fait harceler par ses supérieurs - à l'arbitrage de grief, elle a ajouté que le harcèlement l'avait poussée à prendre sa retraite plus tôt que prévu et que, par conséquent, on avait mis fin à son emploi - le licenciement n'était pas soulevé dans le grief original - aucune mesure disciplinaire n'avait été imposée à la fonctionnaire s’estimant lésée - l'arbitre de grief a déterminé qu'elle n'avait pas compétence pour trancher le grief. Grief rejeté pour défaut de compétence.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-04-01
  • Dossier:  566-02-4802
  • Référence:  2011 CRTFP 39

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JANE SYMES

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Symes c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même

Pour l'employeur:
Jeff Laviolette, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 8, 10 et 28 février 2011.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1  La fonctionnaire s’estimant lésée, Jane Symes (la « fonctionnaire ») est une gestionnaire des ressources humaines, classifiée PE-04, au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur ») à Halifax, en Nouvelle-Écosse, qui est actuellement en affectation. Le poste qu’elle occupe n’est pas représenté par un agent négociateur, et elle n’est pas visée par une convention collective.

2 Le 16 juillet 2010, la fonctionnaire a déposé un grief dans lequel elle allègue qu’elle a été victime de harcèlement et d’un traitement injuste à la suite d’une réunion de gestion du rendement. Ce grief est ainsi formulé :

[Traduction]

J’allègue avoir été victime d’un traitement inapproprié de la part de la direction, dont les bases étaient une discussion entreprise par mon gestionnaire […] le 23 avril 2010. Il est ressorti de ladite discussion et du suivi écrit de celle-ci qu’une entente de gestion du rendement a été établie sans indications précédentes de quelque changement que ce soit relativement à mon rendement au travail. En raison de cet événement choquant et de la grave humiliation que j’ai subie, je me suis absentée de mon lieu de travail pour congé de maladie depuis l’incident.

3 La fonctionnaire allègue en outre dans son grief que l’employeur n’a pas fait d’enquête adéquate sur une plainte de harcèlement qu’elle avait déposée avant de la rejeter et que le traitement inapproprié ou injuste que l’employeur lui a fait subir et son défaut d’effectuer une enquête adéquate constitue du harcèlement.

4 L’employeur a instruit le grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs et l’a rejeté le 30 septembre 2010. 

5 Le 22 octobre 2010, la fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). En réponse à une demande du greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), la fonctionnaire a clarifié la nature de l’allégation de la mesure disciplinaire. Elle a déclaré que la sanction disciplinaire qui fait l’objet du renvoi à l’arbitrage est son [traduction] « […] départ anticipé de la fonction publique qui lui a causé des pertes financières considérables ». Pour expliquer la mesure disciplinaire qui a mené à la sanction, elle a formulé la déclaration suivante :

[Traduction]

Il n’y a pas eu de mesure disciplinaire manifeste comme telle; toutefois, après mon retour au travail à la suite d’une absence de six semaines […] j’ai été soumise à une situation de gestion du rendement sans raison ni discussion, qui, en apparence, repose seulement sur une justification fausse de la part de mon directeur, qui semble obtenir l’appui manifeste au niveau du SMA. Bien que j’aie fourni une justification écrite qui va à l’encontre de ce que mon directeur affirme, on ne m’a posé absolument aucune question. Cette situation m’a amenée à m’absenter de mon travail, à déposer une [plainte de] harcèlement contre mon directeur, puis à déposer un grief au troisième palier. J’ai donc quitté mon poste d’attache à titre de gestionnaire des RH et j’ai obtenu une affectation qui prévoit une date de retraite obligatoire. Tant le harcèlement que [le] grief ont [été jugés] non fondés.

[…]

Objection à la compétence

6 Le 2 décembre 2010, l’employeur s’est opposé en faisant valoir qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour trancher le grief parce qu’il porte sur la gestion du rendement et sur le harcèlement personnel, deux questions qui ne sont pas arbitrables. De plus, à titre de fonctionnaire non représentée, la fonctionnaire n’est pas visée par une convention collective et peut renvoyer le grief à l’arbitrage seulement en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, qui exige que le grief se rapporte à une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. L’employeur a relevé la déclaration de la fonctionnaire selon laquelle il n’y a pas vraiment eu de mesure disciplinaire, même si le renvoi à l’arbitrage mentionnait que le grief avait trait à un licenciement découlant d’une retraite forcée. L’employeur a également fait valoir que la fonctionnaire tentait de modifier la nature de son grief pour le rendre arbitrable, ce qui n’est pas autorisé. L’employeur a demandé que le grief soit rejeté sans audience.

7 Le 18 janvier 2011, les parties ont été informées de ma décision selon laquelle l’objection à la compétence pouvait être tranchée sur la base des arguments écrits et des documents déjà déposés au dossier.

8 Les arguments écrits de l’employeur reformulaient et exposaient de manière plus exhaustive les motifs donnés dans son objection à ma compétence. Plus particulièrement, ils indiquaient que bien que la fonctionnaire a allégué qu’elle avait été contrainte de prendre sa retraite, ce qui lui a causé des pertes financières considérables, elle a également reconnu qu’il n’y a pas eu de mesure disciplinaire comme telle. L’employeur a fait valoir qu’aucune mesure n’avait été prise pour réprimander, rétrograder ou licencier la fonctionnaire. Compte tenu de ce fait, un arbitre de grief n’a pas compétence pour instruire le grief en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

9 L’employeur a fait valoir que le grief initial n’avait pas soulevé la question du licenciement. Par conséquent, la fonctionnaire tentait de modifier la nature du grief. En invoquant Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), l’employeur a soutenu que le défaut de soulever la question au cours de la procédure de règlement des griefs empêchait la fonctionnaire de renvoyer cette question à l’arbitrage.

10 L’employeur a également fait valoir que la gestion du rendement et le harcèlement personnel ne représentent pas des questions arbitrables pour la fonctionnaire. Elle est une employée non représentée et ne peut renvoyer à l’arbitrage des griefs sur les conditions d’emploi. L’employeur m’a également renvoyé aux cas suivants : Lee c. Administrateur général (Agence canadienne d’inspection des aliments),2008 CRTFP 5; Veilleux c. Conseil du Trésor (Commission de la fonction publique),dossier de la CRTFP 166-02-11370 (19820729); Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 177; Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874.

11 La fonctionnaire a énoncé des arguments détaillés sur le fond de son grief, mais a également fait valoir que le fait d’imposer à une employée qui a eu des évaluations de rendement exemplaires un processus de gestion du rendement sans justification est nettement disciplinaire. Elle a fait valoir que le processus de gestion du rendement a entraîné son licenciement de la fonction publique, ce qui lui a occasionné une sanction pécuniaire.

Motifs

12 Le grief renvoyé à l’arbitrage par la fonctionnaire est long. Il allègue un traitement inapproprié, le processus de gestion du rendement et le défaut de l’employeur de régler adéquatement la plainte de harcèlement de la fonctionnaire. Il expose clairement les circonstances qui ont mené aux sentiments de choc et d’humiliation de la fonctionnaire et sa frustration qu’une décision ait été rendue relativement à sa plainte de harcèlement sans que quiconque lui ait parlé à ce sujet. Cependant, il n’est aucunement allégué dans le grief qu’il a été mis fin à l’emploi de la fonctionnaire pour quelque motif que ce soit, et encore moins pour des motifs disciplinaires.

13 La réponse de l’employeur au grief, qui a été déposé et instruit seulement au troisième palier, se limite clairement à ce qu’il croyait être les motifs du grief, à savoir un traitement inadéquat, la gestion du rendement et son défaut de régler adéquatement la plainte de harcèlement de la fonctionnaire. Il n’est pas suggéré que la fonctionnaire a soulevé des allégations de mesure disciplinaire ou de licenciement à l’audition du grief et que l’employeur croyait que la mesure disciplinaire ou le licenciement constituait une question en litige. De fait, la seule mention du licenciement de la fonctionnaire dans la réponse de l’employeur au grief était la formulation de bons vœux en vue de la retraite prévue de la fonctionnaire en avril 2011 après plus de 35 ans de service.

14 La fonctionnaire a reconnu franchement qu’il n’y avait pas de mesure disciplinaire lorsqu’elle a été interrogée à cet effet par le greffe de la CRTFP. En outre, les documents au dossier indiquent clairement que la fonctionnaire occupait encore son poste le 28 février 2011. La cessation d’emploi alléguée est sa retraite, qui devrait entrer en vigueur le 15 avril 2011. Il n’est donc pas étonnant qu’il n’y ait pas eu de mention de la cessation d’emploi dans le grief.

15 En vertu de la LRTFP, la fonctionnaire peut renvoyer un grief à l’arbitrage seulement s’il lui est possible de se prévaloir de l’une des dispositions du paragraphe 209(1), qui prévoit notamment ce qui suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son endroit, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire; […]

[…]

16 La fonctionnaire est une employée non représentée. Elle n’est pas visée par une convention collective ou une décision arbitrale. Compte tenu de ces faits, elle pouvait renvoyer le grief à l’arbitrage uniquement en se fondant sur l’une des dispositions de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

17 Je crois que l’allégation de mesure disciplinaire faite par la fonctionnaire, qui a mené à son licenciement, a découlé seulement du renvoi du grief à l’arbitrage. Elle n’a pas formulé une telle allégation dans le grief lui-même ou au cours de la procédure de règlement du grief. Selon moi, la nature essentielle du grief tel qu’il a été présenté à l’employeur diffère considérablement, quant au fond, de la question soumise par la fonctionnaire à l’arbitrage. La règle établie par la Cour d’appel fédérale dans Burchill est claire. Les fonctionnaires s’estimant lésés ne peuvent soumettre une question à l’arbitrage qui n’a pas été soulevée pendant la procédure de règlement de grief. Comme la fonctionnaire n’a pas soulevé la question d’un licenciement pour motif disciplinaire dans son grief, elle ne peut pas faire valoir un tel licenciement en arbitrage pour faire en sorte que son grief relève de la compétence de la CRTFP.

18 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

19 L’objection relative à la compétence est accueillie.

20 Le grief est rejeté.

Le 1er avril 2011.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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