Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu deux jours pour avoir utilisé des congés de maladie de manière abusive - en 2000 et en 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé a souffert d’une dépression, dont il s’est rétabli - il a prétendu avoir eu une rechute en 2005 lors de sa séparation d’avec sa conjointe de fait - il avait alors décidé de prendre quelques jours de congé de maladie et en avait avisé l’officier en charge du peloton - des collègues l’avaient ensuite convaincu de les accompagner à une partie de hockey - le fonctionnaire s’estimant lésé a admis qu’il avait consommé de l’alcool durant la partie et qu’il n’était pas en état de se présenter au travail le lendemain - la demande de congés de maladie du fonctionnaire s’estimant lésé a été approuvée, puis annulée après que la direction eut fait enquête - la Commission a rendu une ordonnance de divulgation préalable des dossiers médicaux du fonctionnaire s’estimant lésé au défendeur avant la tenue de l’audience - le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué que ces dossiers médicaux n’existaient pas, or, durant le contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il avait consulté son médecin durant la période visée par l’ordonnance, mais qu’il n’avait pas obtenu les documents que l’ordonnance lui enjoignait de produire - le défendeur n’a pas demandé le report de l’audience, mais il a plaidé que l’arbitre de grief devrait tirer une inférence négative du refus du fonctionnaire s’estimant lésé de se conformer à l’ordonnance et l’arbitre de grief lui a donné raison - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur pouvait annuler les congés de maladie accordés au fonctionnaire s’estimant lésé s’il [traduction] << était informé du contraire >> et que les événements avaient suscité des questions quant aux droits de congés du fonctionnaire s’estimant lésé - aucune preuve médicale n’a été produite relativement à l’état de santé du fonctionnaire s’estimant lésé au moment en question - l’arbitre de grief a conclu que même si le fonctionnaire s’estimant lésé présentait probablement des symptômes, ceux-ci n’étaient pas suffisamment alarmants pour nécessiter des soins médicaux - il a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait utilisé des congés de maladie de manière abusive et que la sanction imposée était justifiée. Grief rejeté.
Contenu de la décision
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique
- Date: 2011-01-24
- Dossier: 566-02-2332
- Référence: 2011 CRTFP 4
Devant un arbitre de grief
ENTRE
JEFF SCHWARTZENBERGER
fonctionnaire s'estimant lésé
et
ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Défense nationale)
défendeur
Répertorié
Schwartzenberger c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)
Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage
MOTIFS DE DÉCISION
les 28 et 29 septembre 2010.
(Traduction de la CRTFP)
Grief individuel renvoyé à l'arbitrage
1 Le présent grief porte sur la question de savoir si le ministère de la Défense nationale (le « défendeur ») avait un motif valable pour imposer une suspension de deux jours à Jeff Schwartzenberger, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), pour utilisation abusive d’un congé de maladie.
Résumé de l’argumentation
2 Le défendeur fait valoir que le fonctionnaire a pris un congé de maladie en novembre 2005 pour assister à une partie de hockey. Lorsque le défendeur l’a interrogé à ce sujet la première fois, le fonctionnaire a répondu qu’il n’était pas en mesure de se présenter au travail parce qu’il avait consommé trop d’alcool le soir précédent, alors qu’il était à une partie de hockey. Durant une enquête subséquente menée en 2006, le fonctionnaire a invoqué un problème de santé et a affirmé son droit de prendre un congé de maladie. Le fonctionnaire s’est vu imposer une suspension d’un jour en avril 2006 pour avoir enfreint le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique lorsqu’il a demandé à un collègue de [traduction] « sortir dehors ». Le défendeur estime qu’une suspension de deux jours constitue une mesure disciplinaire qui convient en réponse à ce deuxième incident.
3 Au nom du fonctionnaire, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur »), avance que ce dernier souffrait d’une maladie légitime qui justifiait la prise d’un congé de maladie à la date mentionnée ci-dessus. Le problème de santé dont est atteint le fonctionnaire date depuis longtemps et, selon celui-ci, le défendeur aurait dû le savoir et en tenir compte. Un important aspect de ce problème de santé est que le fonctionnaire peut anticiper quand les symptômes se manifesteront et c’est ce qu’il a fait dans la situation examinée ici. C’est un fait accepté que le fonctionnaire a assisté à une partie de hockey le soir qui précédait le jour où il a pris un congé de maladie, mais il s’agissait d’une activité qui n’affectait pas son problème de santé. Le redressement demandé par le fonctionnaire est l’annulation de la suspension de deux jours et son indemnisation intégrale.
Contexte
4 Le défendeur administre un certain nombre de bases au Canada, dont la Base des Forces canadiennes (BFC) Esquimalt, en Colombie-Britannique. La BFC Esquimalt inclut plusieurs opérations navales et un service d’incendie composé d’employés civils. On y trouve quatre détachements de pompiers comprenant une centaine d’employés au total. Le fonctionnaire est pompier à la base depuis mai 1986. Il a également occupé plusieurs postes auxquels il a été élu auprès de l’agent négociateur et il est actuellement premier vice-président de sa section locale.
5 En 2001, le fonctionnaire a éprouvé quelques difficultés dans ses rapports avec ses collègues, et son officier de peloton a recommandé qu’il fasse l’objet d’une évaluation de son aptitude au travail. Il a été évalué par le Dr Phillip Prendergast qui, à l’époque, était un médecin du travail à Santé Canada. Lors de son témoignage, le Dr Prendergast a déclaré qu’il avait effectué cette première évaluation en janvier 2001 et que le diagnostic était que le fonctionnaire souffrait d’une légère dépression. Le fonctionnaire n’a pas quitté le travail pendant une période prolongée, mais il a utilisé ses congés de maladie pour s’absenter pendant de courtes périodes en raison de ce problème de santé. Le Dr Prendergast a souligné, lors de son témoignage, que [traduction] « […] la seule conséquence au travail consistait en des difficultés dans les relations interpersonnelles […] » entre le fonctionnaire et les autres employés.
6 Dans une lettre subséquente datée du 5 avril 2001, le Dr Prendergast a noté que le fonctionnaire faisait face à certaines mesures disciplinaires à ce moment-là. Il a déclaré qu’à son avis, [traduction] « […] des actes clairement dus à de la négligence commis par M. Schwartzenberger devraient faire l’objet des mesures disciplinaires appropriées […] » pour ajouter ensuite : [traduction] « Je pense aussi qu’il faudrait faire preuve d’une certaine indulgence à son égard pour les incidents moins graves qui sont peut-être attribuables à son problème de santé. » Le Dr Prendergast a résumé la situation comme suit :
[Traduction]
J’estime que, du point de vue médical, M. Schwartzenberger est en mesure de remplir les fonctions de son poste. Il continuera à avoir des difficultés interpersonnelles à cause de son problème de santé, mais cela s’améliorera au fil du temps. Un médecin de famille s’occupe maintenant de son cas, et il suit un traitement en réponse à son problème de santé. Je suis confiant que sa situation est maintenant bien contrôlée et j’ai l’intention de surveiller son état au cours des quelques prochains mois.
7 Le 24 octobre 2001, le Dr Prendergast a écrit au défendeur pour l’informer que le fonctionnaire [traduction] « se portait assez bien médicalement parlant » et que [traduction] « […] les problèmes au travail s’étaient raisonnablement bien réglés […] ». Ainsi, il a ajouté que le fonctionnaire [traduction] « est apte à travailler du point de vue médical » et que le fonctionnaire possède les [traduction] « […] connaissances et outils nécessaires pour avoir de sains rapports avec ses collègues ». Le Dr Prendergast a témoigné qu’à l’époque, le fonctionnaire faisait appel à son propre médecin, qui lui donnait des ordonnances pour un antidépresseur à faible dose. Le fonctionnaire a arrêté de prendre ce médicament en août 2001, l’a repris pendant un autre mois et puis a cessé de nouveau en octobre 2001. À ce moment-là, il pouvait [traduction] « voler de ses propres ailes ». Le Dr Prendergast a également précisé qu’il ne se rappelait pas avoir dit au fonctionnaire de décider de son propre chef quand se présenter au travail compte tenu de son problème de santé.
8 Le fonctionnaire a témoigné qu’après 2001, de temps à autre, il pouvait sentir que son problème [traduction] « commençait à se manifester ». Cela dépendait de la gravité de son humeur : [traduction] « parfois, c’est juste de la mauvaise humeur mais à d’autres moments, il est certain que c’est pire ». Le fonctionnaire a indiqué qu’il s’était absenté du travail de temps en temps, entre 2001 et 2005, à cause de son problème sans toutefois préciser de dates; il n’y a aucune preuve médicale en rapport avec ces absences.
La décision du défendeur de discipliner le fonctionnaire s’estimant lésé
9 Les événements à l’origine des mesures disciplinaires prises à l’encontre du fonctionnaire dans cette affaire remontent à la fin de 2005.
10 En novembre 2005, le fonctionnaire et sa conjointe de fait étaient en train de se séparer. D’après le témoignage donné par le fonctionnaire, son problème de santé antérieur était un facteur dans la séparation. Il a affirmé qu’à cette époque, il [traduction] « n’était pas vraiment heureux et [il] était réellement déprimé ». Il n’est pas allé voir son médecin parce que [traduction] « l’un des problèmes que j’ai consiste en une tendance à ne pas réfléchir ». Cette affirmation n’est pas entièrement claire, mais je l’interprète comme voulant dire que la perception qu’a le fonctionnaire de son problème est qu’il agit sans réfléchir aux conséquences de ses gestes.
11 Le fonctionnaire a témoigné que le samedi 12 novembre 2005, il a parlé à son officier de peloton, Gino Chicorelli, qui était également membre de l’agent négociateur. Le fonctionnaire a souligné que la conversation avait eu lieu cinq ans auparavant et qu’il ne se souvenait pas [traduction] « de l’essentiel des propos échangés », mais qu’il « ne se sentait pas très bien ». Le fonctionnaire avait révélé son problème de santé à M. Chicorelli, de sorte que celui-ci savait quel était le contexte des commentaires faits par lui. D’après le fonctionnaire, il aurait dit à M. Chicorelli : [traduction] « Ce serait mieux pour moi de ne pas me trouver au travail au cours des quatre prochains quarts. » Son raisonnement était que son problème de santé avait, par le passé, causé des conflits avec ses collègues et que ce serait mieux s’il évitait d’être au travail.
12 À l’époque, des collègues du fonctionnaire organisaient un voyage à Vancouver pour assister à une partie de hockey. La partie devait avoir lieu le dimanche 13 novembre 2005, probablement le soir. Pour assister à la partie, le groupe devait voyager à bord d’un autobus nolisé pour se rendre à Vancouver (depuis Victoria) et revenir; les membres du groupe passaient la nuit dans un hôtel de Vancouver le 13 novembre 2005.
13 Mark Crisp, un pompier à la BFC Esquimalt et collègue du fonctionnaire, a témoigné que c’était principalement lui qui avait organisé le voyage pour assister à la partie de hockey. Environ 35 billets ont été vendus, la majorité à des pompiers. M. Crisp a témoigné que tous les billets avaient été vendus au début d’octobre, mais l’une des personnes qui devait être du voyage est tombée malade et a annulé. M. Crisp savait que le fonctionnaire était en congé de maladie et avait une idée générale de ce dont il souffrait. Comme M. Crisp et d’autres témoins appelés par l’agent négociateur l’ont expliqué, le sentiment parmi les collègues du fonctionnaire était que le voyage à la partie de hockey avec des amis et collègues lui ferait du bien.
14 M. Crisp a communiqué avec le fonctionnaire et lui a offert le billet de la personne qui s’était décommandée. Initialement, le fonctionnaire a refusé le billet. Toutefois, d’autres personnes ont communiqué avec lui, y compris M. Chicorelli, et en fin de compte, le fonctionnaire a décidé de les accompagner à la partie de hockey. M. Crisp a témoigné que le fonctionnaire avait obtenu son billet le jour avant la partie, c’est-à-dire le samedi 12 novembre 2005. Tout le monde était d’accord pour dire que le voyage avait été un succès et, d’après M. Crisp, une [traduction] « quantité normale » d’alcool avait été consommée. Le fonctionnaire a indiqué qu’il avait bu quatre ou cinq bouteilles de bière, mais il ne pouvait affirmer avec certitude la quantité exacte. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait fini par décider d’aller à la partie parce que ses amis et collègues insistaient : [traduction] « En fait, ils m’ont dit que je devais y aller. » Normalement, il est [traduction] « assez sociable », mais il était silencieux durant le trajet. Toutefois, il se sentait mieux du fait que ses amis et collègues l’avaient inclus à l’activité.
15 Le dimanche 13 novembre 2005, le jour de la partie de hockey et le jour où le groupe a quitté Victoria, le fonctionnaire a appelé au travail pour dire qu’il prenait un congé de maladie. Il devait travailler les 14, 15, 16 et 17 novembre 2005. Il a expliqué, lors de son témoignage, qu’il l’avait fait parce qu’il pouvait sentir que son problème de santé [traduction] « commençait à se manifester ». Il [traduction] « tend à devenir agressif » à cause de son problème et [traduction] « le service d’incendie n’est pas l’endroit pour ça parce que cela cause des problèmes dans la structure hiérarchique ». D’après le [traduction] « registre des employés malades », le fonctionnaire avait appelé à 9 h 35 le 13 novembre 2005 et l’agent de quart en avait été informé. Essentiellement, les pompiers prennent des congés de maladie selon le régime de l’honneur, même si le défendeur a le droit, en vertu de la convention collective, de demander un certificat médical. Selon la preuve, les employés appellent généralement eux-mêmes et disent à la personne qui gère le registre des employés malades quand ils seront malades. Ils le font généralement le jour même, mais si l’on examine la pratique, il semble que cela peut se faire la veille. La preuve n’indique pas clairement si le fonctionnaire a informé le défendeur le 13 novembre qu’il serait absent pendant quatre jours ou juste un jour; dans le registre des employés malades, seulement un quart est marqué ainsi.
16 Lorsque le fonctionnaire est revenu de la partie de hockey le lundi 14 novembre 2005, il [traduction] « se sentait mieux » et a décidé qu’il pouvait retourner au travail le lendemain, soit le 15 novembre 2005. Tôt le matin du 15 novembre, le fonctionnaire a appelé au travail pour indiquer qu’il viendrait travailler cette journée-là. Il a témoigné qu’il avait été assigné à un endroit différent du lieu habituel, soit à Rocky Point. Il a indiqué qu’on lui avait confié [traduction] « officieusement » des tâches légères à cause de son problème de santé, ce qui signifiait qu’il pouvait prendre des arrangements informels avec l’officier dont il relevait pour que de telles tâches lui soient attribuées. M. Chicorelli a témoigné qu’il n’y a aucune possibilité d’accomplir des tâches légères à Rocky Point.
17 Le 16 novembre 2005, le fonctionnaire était en congé annuel. Il était en congé de maladie le 17 novembre 2005. Les prochains quarts rotatifs qui lui étaient attribués étaient les 24, 25, 26 et 27 novembre 2005. Durant ces quarts, il a été malade le 24 novembre, a travaillé à Rocky Point les 25 et 26 novembre et était en congé de maladie le 27 novembre 2005. Avant le 14 novembre 2005, le nombre de quarts rotatifs attribués était de six quarts durant la période allant du 4 au 9 novembre 2005, et le fonctionnaire a travaillé tous ces quarts.
18 Le 7 décembre 2005, le fonctionnaire a rempli une « Demande de congé et rapport d’absence » pour enregistrer son congé de maladie. Il a précisé qu’il était en congé de maladie pendant 10 heures le 14 novembre 2005 et il a signé une déclaration formulée comme suit : [traduction] « Je déclare sur mon honneur avoir été incapable, par suite de maladie ou de blessure, de remplir les fonctions de mon poste durant toute la période d’absence pour laquelle j’ai demandé un congé. » Le 11 décembre 2005, M. Chicorelli a approuvé le congé en signant le formulaire.
19 Richard Mutas était chef du service d’incendie à la BFC Esquimalt en 2005. Il a témoigné que quelques mois après novembre 2005, au printemps de 2006, il a pris connaissance du fait qu’il y avait eu des discussions et des préoccupations, chez l’agent négociateur, à propos de certains membres qui prenaient des congés de maladie non justifiés. Le fonctionnaire a été identifié comme l’une de ces personnes, parmi d’autres. M. Chicorelli, le président de la section locale à l’époque et un témoin appelé par l’agent négociateur dans le cadre du présent arbitrage, s’en est quelque peu offusqué. Durant son témoignage, il a reconnu qu’il y avait eu [traduction] « quelques commentaires » qui circulaient chez l’agent négociateur, mais que « personne n’avait pris de congé de maladie qu’il n’aurait pas dû prendre ».
20 M. Mutas, en sa qualité de chef du service d’incendie, a demandé à rencontrer le fonctionnaire. Il s’agissait d’une rencontre pour [traduction] « tirer les choses au clair », selon M. Mutas, et il n’y avait aucune intention de discipliner le fonctionnaire. La réunion était strictement entre le fonctionnaire et M. Mutas. D’après M. Mutas, il aurait dit au fonctionnaire qu’il avait entendu que celui-ci était allé à une partie de hockey et qu’il y avait quelques préoccupations chez l’agent négociateur entourant l’utilisation abusive de congés de maladie. M. Mutas a aussi signalé au fonctionnaire qu’il (le fonctionnaire) avait pris un congé de maladie au lendemain de la partie de hockey. Toujours d’après M. Mutas, en réponse à cette affirmation, le fonctionnaire a admis qu’il s’était rendu à la partie de hockey, qu’il avait bu et qu’il n’était pas dans un état qui lui permettait de se rendre au travail, à cause de sa consommation d’alcool, pour reprendre les propos de M. Mutas. Ce dernier a également précisé que le fonctionnaire n’avait mentionné aucune raison médicale justifiant le congé de maladie. La rencontre était assez courte et M. Mutas a informé le fonctionnaire qu’il estimait que le fait d’avoir pris un congé de maladie était peu approprié. Il n’a pas été question de discipline. Après la réunion, le fonctionnaire s’est rendu à la salle de garde où l’on conserve le registre servant à enregistrer les employés qui appellent pour se porter malades. M. Mutas a suivi le fonctionnaire et a pris le registre pour le protéger.
21 D’après le témoignage du fonctionnaire, M. Mutas et lui n’ont pas parlé de son congé de maladie durant la rencontre. Ils ont seulement parlé de la partie de hockey, mais le fonctionnaire ne pouvait se souvenir s’il avait dit à M. Mutas qu’il avait consommé de l’alcool durant la partie. Le fonctionnaire a confirmé que M. Mutas l’avait suivi après la réunion et qu’il avait pris le registre des employés malades.
22 Après l’entrevue avec le fonctionnaire, M. Mutas a ouvert une enquête qu’il a confiée à Steve Mullen, chef adjoint du service d’incendie. Le fonctionnaire en a été informé officiellement dans une note de service datée du 24 mars 2006 qui lui a été envoyée par M. Mullen. La note de service signalait ce qui suit au fonctionnaire : [traduction] « […] il est allégué que vous avez fait preuve d’inconduite, en prenant un congé de maladie non justifié ». Dans le cadre de l’enquête, une réunion s’est tenue le 4 avril 2006; le fonctionnaire, M. Mullen, M. Chicorelli (au nom du syndicat et pour représenter le fonctionnaire) et Judith Murty, une agente des Ressources humaines, ont assisté à cette réunion.
23 Ce qui s’est produit lors de la réunion du 4 avril 2006 ne fait pas l’unanimité. Le défendeur a présenté des notes qui apparemment avaient été prises par Mme Murty, mais elle n’a pas témoigné lors de l’audience. En outre, la portion des notes ayant trait à cette réunion ne rapporte pas mot pour mot ce qui s’est dit à la réunion et les notes incluent un certain nombre de questions qui ne faisaient pas partie de la réunion du 4 avril 2006.
24 D’après le témoignage de M. Mullen, le fonctionnaire était, durant la réunion, [traduction] « évasif » et [traduction] « peu communicatif » en ce qui concernait des aspects comme la question de savoir s’il s’était rendu à la partie de hockey et comment il s’y était rendu. Selon M. Mullen, le fonctionnaire [traduction] « se livrait à un manège » parce qu’il a refusé à plusieurs reprises de répondre à des questions directes pour finalement admettre qu’il avait assisté à la partie de hockey et qu’il avait pris l’autobus avec les autres employés pour s’y rendre. M. Mullen a témoigné qu’il pensait que le fonctionnaire n’était pas honnête, parce qu’il avait demandé un congé de maladie pour assister une partie de hockey. M. Mullen savait, du fait qu’il s’était entretenu avec M. Mutas, que le fonctionnaire avait dit initialement que la raison pour laquelle il était absent du travail le 14 novembre 2005 était qu’il avait trop bu. Cependant, lors de l’entrevue du 4 avril 2006, le fonctionnaire a dit à M. Mullen qu’il avait un problème de santé sous-jacent et que c’était la raison pour laquelle il avait pris un congé de maladie le 13 novembre 2005. Selon M. Mullen, [traduction] « dès le départ, il y avait une contradiction ». L’inquiétude de M. Mullen était que le changement dans la raison donnée par le fonctionnaire pour justifier son absence [traduction] « était une excuse trop commode et toute faite » et soulevait la question de savoir si c’était le problème de santé ou la consommation d’alcool durant la partie de hockey qui était à l’origine de l’absence du fonctionnaire au travail.
25 Pour ce qui est du problème de santé, d’après M. Mullen, le fonctionnaire a déclaré à la réunion qu’il pouvait sentir la manifestation des symptômes. De plus, le fonctionnaire a affirmé que, d’après les conseils fournis par son médecin et les propres recherches qu’il avait effectuées, c’était mieux de rester à la maison plutôt que de créer des problèmes avec d’autres personnes au travail. Toutefois, M. Mullen a témoigné qu’il savait que le fonctionnaire avait une blessure à une côte puisqu’il avait présenté une demande d’indemnisation auprès de la CAT et que le problème de santé antérieur mentionné pouvait désigner un certain nombre de problèmes, y compris sa blessure à la côte. Selon M. Mullen, le fonctionnaire n’avait pas fait allusion à son problème de santé décrit dans la lettre de 2001 du Dr Prendergast.
26 Durant son témoignage, le fonctionnaire a indiqué qu’il avait déjà dit au chef du service d’incendie, M. Mutas, qu’il s’était rendu à une partie de hockey. Dans son esprit, la question qui était sur le tapis lors de la réunion du 4 avril 2006 était comment il pouvait se rendre à une partie de hockey et ne pas travailler le lendemain. Il a témoigné également qu’il avait fait les affirmations suivantes à M. Mullen : [traduction] « Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles on peut s’absenter du travail, y compris une jambe cassée et une cuite la veille au soir. [M. Mullen] m’a demandé comment on peut être en congé un jour et non pas le suivant et j’ai répondu qu’il y avait de nombreuses raisons. »
27 Le 24 avril 2006, M. Mullen a rédigé une note d’information destinée à P. C. Leblanc, le commandant de la BFC Esquimalt. Entre autres choses, la note incluait ce qui suit :
[Traduction]
Dès la toute première question qu’on lui a posée, M. Schwartzenberger était évasif en affirmant qu’il ne pouvait pas se souvenir de plusieurs détails entourant ses actions en rapport avec cet incident. Après avoir été interrogé à plusieurs reprises, il a admis qu’il avait assisté à la partie et qu’il avait bu trop d’alcool et qu’à cause de cela, il avait pris un congé de maladie le 14 novembre 2006. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il avait appelé pour se porter malade près de 24 heures avant son quart prévu, il a répondu que c’était à cause d’un problème de santé. À ce moment-là, j’ai assuré à M. Schwartzenberger que je ne lui demandais pas de divulguer des renseignements médicaux confidentiels et il m’a répondu qu’il comprenait. Toutefois, il a déclaré que l’un des symptômes de son problème de santé est qu’il peut en sentir et anticiper la manifestation. Il a indiqué que son médecin lui avait conseillé et qu’il avait découvert en faisant ses propres recherches que lorsqu’il sentait que le problème apparaissait, il ne devait pas s’isoler et devait éviter l’automédication (la consommation d’alcool). En fait, il doit faire un effort pour sortir et fréquenter d’autres personnes et avoir des échanges avec elles. La raison qu’il a donnée pour justifier sa décision de se porter malade presque 24 heures avant son quart était qu’il anticipait qu’il serait malade à cause du symptôme qu’il ressentait et qu’il ne serait pas apte au travail. Il a fait allusion à divers problèmes disciplinaires antérieurs et conflits de personnalité avec différents collègues, qu’il attribue à son problème de santé. Ainsi, il a décidé que ce serait dans son intérêt d’éviter de se présenter au travail jusqu’à la disparation des symptômes.
À mesure qu’avançait l’entrevue, il a réfuté sa propre explication fragile décrite ci-dessus, en admettant qu’il avait bu trop d’alcool le soir du 13 novembre 2006 et qu’il n’était pas en état de se présenter au travail le 14 novembre 2006.
À titre de post-scriptum, j’aimerais ajouter que M. Schwartzenberger, après avoir reçu la lettre qui l’informait de son inconduite alléguée, a demandé et a obtenu la permission d’examiner son dossier personnel à la fois à la Division des ressources humaines et au Service d’incendie. Il cherchait une lettre du Dr Prendergast qui confirmerait son allégation que les symptômes de son problème de santé décrits ci-dessus étaient crédibles et reposaient sur un diagnostic médical. M. Schwartzenberger n’a trouvé aucune lettre! Juste avant la fin de l’entrevue, M. Schwartzenberger a fait une déclaration provocante en affirmant qu’à cause de ce « problème de santé », je pouvais m’attendre à ce qu’il prenne de nombreux autres congés de maladie à l’avenir.
CONCLUSION
Si je me fie aux résultats de mon enquête, je conclus que M. Schwartzenberger a pris un congé de maladie inapproprié. De plus, durant l’enquête, il était évasif et à certains moments rebelle.
M. Mullen a recommandé que le fonctionnaire soit [traduction] « [...] discipliné proportionnellement à l’utilisation abusive qu’il avait fait du congé et aux gestes qu’il avait posés pour tromper la direction du service d’incendie », entre autres choses.
28 Le 7 juin 2006, M. Leblanc a écrit au fonctionnaire pour l’informer qu’il ferait l’objet d’une suspension sans solde pendant deux quarts pour avoir pris un congé de maladie injustifiée. Dans la lettre, il notait que le fonctionnaire avait expliqué à M. Mullen qu’il souffrait d’un problème de santé mais que [traduction] « [v]otre dossier personnel ne renferme aucune preuve du problème de santé que vous avez décrit ».
29 M. Leblanc a également témoigné durant la présente procédure d’arbitrage. Il a décrit comme suit les facteurs à l’origine de sa décision de discipliner le fonctionnaire en le suspendant pendant deux quarts : la mesure disciplinaire prise antérieurement à l’encontre du fonctionnaire ayant consisté à le suspendre pendant une journée en 2006, les conseils qu’il a reçus d’un employé aux Ressources humaines ainsi que la recommandation faite par M. Mullen à l’issue de son enquête. En ce qui concerne le problème sous-jacent dont souffrait le fonctionnaire, M. Leblanc a indiqué, dans son témoignage, qu’il n’avait connaissance d’aucun problème de santé particulier dont était atteint le fonctionnaire et que, par exemple, il a seulement vu la lettre datée du 5 avril 2001 du Dr Prendergast le jour avant l’audition de la preuve présentée par le fonctionnaire (c.-à-d. le 27 septembre 2010).
30 Le fonctionnaire a déposé un grief contestant la mesure disciplinaire annoncée dans la lettre de M. Leblanc. D’après le grief, le moment où les enquêtes avaient été effectuées de même que les constatations de ces enquêtes présentaient des problèmes, et la mesure disciplinaire était punitive. La mesure corrective demandée était que le congé de maladie du 14 novembre 2005 soit accordé et que [traduction] « toutes les mesures punitives » soient annulées. Au cours de l’audition de ce grief, l’agent négociateur a également cherché à obtenir une ordonnance d’indemnisation intégrale du fonctionnaire.
31 Le 27 septembre 2006, M. Leblanc a écrit au Dr Prendergast pour lui demander s’il pensait que sa recommandation antérieure selon laquelle il fallait faire preuve d’indulgence face à l’inconduite du fonctionnaire tenait toujours. Cette action semble avoir été motivée par la procédure de règlement du grief, et M. Leblanc a reconnu, durant le contre-interrogatoire, qu’il ne l’avait pas fait dans le cadre de sa décision originale. Il a ajouté qu’il était libre de changer d’avis si les renseignements fournis par le Dr Prendergast favorisaient la prise d’une décision différente.
32 Le Dr Prendergast a effectué une deuxième évaluation de l’aptitude au travail du fonctionnaire le 4 octobre 2006 et a dressé un rapport daté du 13 octobre 2006. Je reproduis ici la totalité de ce rapport, à l’exception du premier paragraphe :
[Traduction]
[…]
On m’a demandé d’avoir un entretien avec M. Schwartzenberger au sujet de sa présumée utilisation abusive d’un congé de maladie en novembre de l’année dernière, lorsqu’il s’est rendu à une partie de hockey à Vancouver. Il ne m’appartient pas d’établir si le congé de maladie a été utilisé à bon ou à mauvais escient; il s’agit là d’une tâche de gestion; cependant, il est important pour moi de déterminer le contexte qu’a créé tout problème de santé dont M. Schwartzenberger souffrait peut-être à l’époque.
Durant mon échange avec M. Schwartzenberger, j’ai appris qu’il venait de traverser une période difficile avec sa conjointe de fait, avant sa présence à une partie de hockey. Il est raisonnable de penser qu’à ce moment-là, il y avait une recrudescence d’un problème de santé préexistant, qui avait été diagnostiqué au moment de l’évaluation antérieure de son aptitude au travail en janvier 2001. Ce problème avait été bien géré au cours des quelques dernières années. Je ne pense pas que la flambée était tellement grave, mais M. Schwartzenberger sentait que cela justifiait la prise d’un congé de maladie et il m’a dit qu’il avait informé son sous-chef au service d’incendie de la possibilité qu’il s’absente du travail, au moment où il devait recommencer à travailler des quarts de jour.
Le problème de santé dont souffrait M. Schwartzenberger a empiré au cours des mois qui ont suivi et il attribue cela à plusieurs confrontations qu’il a eues avec ses gestionnaires au travail. Par conséquent, récemment, il a demandé de l’aide à son médecin et il suit un traitement en réponse à son problème. Depuis le début de ce traitement, il a commencé à se sentir mieux et je ne vois aucune raison pour laquelle il ne devrait pas être en mesure de travailler dans son poste d’attache, une fois que sa blessure à la côte sera suffisamment guérie.
Dans votre lettre de renvoi, vous mentionnez mes recommandations antérieures selon lesquelles il fallait faire preuve d’indulgence dans les rapports avec cet employé lorsqu’il y a des incidents d’inconduite. En examinant ma lettre datée du 5 avril 2001, je constate que j’ai fait une telle recommandation, mais je pense que je parlais de questions à caractère interpersonnel et non pas strictement de questions administratives comme l’utilisation de congés de maladie.
Pour conclure, je tiens à affirmer que mes recommandations ne devraient pas être interprétées comme autorisant M. Schwartzenberger à éviter toute responsabilité pour ses actes. Mon objectif dans la présente lettre a été de définir toute limite actuelle concernant l’aptitude au travail de M. Schwartzenberger et de fournir un contexte pour la situation dans laquelle M. Schwartzenberger se trouvait lorsqu’il aurait pris un congé de maladie non justifié. Il appartient maintenant à la direction d’établir la pertinence des gestes qu’il a posés à ce moment-là. Je me ferais un plaisir de fournir d’autres renseignements ou conseils dans le cadre de vos efforts à cet égard.
33 Le 10 novembre 2006, M. Leblanc a écrit au fonctionnaire pour l’informer que la sanction avait été réduite à une [traduction] « […] amende équivalente à la paye de deux quarts ». Les raisons à l’origine de cette réduction étaient dues à la procédure de règlement du grief et sont par conséquent confidentielles. En ce qui touche la deuxième évaluation d’aptitude au travail effectuée en octobre 2006, M. Leblanc a fait la déclaration suivante : [traduction] « À mon avis, alors que votre problème de santé peut vous causer des difficultés de temps en temps, il ne s’agit pas d’une justification raisonnable pour prendre des congés de maladie à votre propre discrétion. » Durant son témoignage, M. Leblanc a confirmé que rien dans la lettre du 13 octobre 2006 du Dr Prendergast n’avait modifié la teneur de la décision originale de discipliner le fonctionnaire.
Communication des dossiers médicaux avant l’audience
34 Le défendeur a demandé la communication, avant la tenue de la présente audience, des dossiers médicaux du fonctionnaire. Cette demande a été examinée lors d’une conférence téléphonique qui a eu lieu le 20 septembre 2010. Le fonctionnaire et l’agent négociateur s’opposaient à la demande pour des raisons de protection des renseignements personnels.
35 J’ai conclu que le fonctionnaire invoquait son problème de santé pour justifier son absence du travail le 14 novembre 2005. Tout dossier médical ayant un lien avec les événements à ce moment-là était pertinent, et le défendeur avait le droit d’examiner les dossiers, sous réserve de l’application de quelques strictes restrictions en réponse aux préoccupations concernant la nécessité de protéger les renseignements personnels.
36 Le 22 septembre 2010, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a émis une ordonnance de communication du dossier médical du fonctionnaire, qui était formulée comme suit :
[Traduction]
À la suite de la téléconférence préparatoire à l’audience du 20 septembre 2010, dans le contexte de l’affaire susmentionnée, l’arbitre de grief Steeves a examiné la demande présentée par le défendeur en vue de l’obtention des documents médicaux ayant trait au problème de santé du fonctionnaire, portant sur la période d’octobre, de novembre et de décembre 2005.
Le contexte de cette demande est l’allégation de l’employeur que le fonctionnaire aurait pris un congé de maladie injustifié le 14 novembre 2005. L’agent négociateur et le fonctionnaire se sont opposés à cette communication à cause du caractère privé des renseignements médicaux du fonctionnaire.
Conformément à l’alinéa 226(1)e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, par les présentes, j’ordonne ce qui suit :
1. Toute personne ou organisation qui détient des dossiers médicaux (y compris des notes rédigées dans le cabinet d’un médecin) concernant M. Jeff Schwartzenberger (le « fonctionnaire ») doit les transmettre immédiatement au fonctionnaire et à son agent négociateur, pour la période allant du 1er octobre au 31 décembre 2005.
2. L’agent négociateur est tenu de fournir des copies de ces dossiers à l’avocat de l’employeur dès que possible, en tenant compte du fait que l’audience se tiendra du 28 au 30 septembre 2010 et de la nécessité pour l’employeur de pouvoir préparer son argumentation.
3. Avant de prendre possession des dossiers en question, l’employeur et le syndicat devront mettre en place des procédures pour protéger la confidentialité des renseignements. Ces mesures incluront des restrictions quant aux personnes qui ont accès aux renseignements, à l’endroit où ceux-ci sont conservés, aux photocopies, à la distribution, à la conservation et à la destruction et à l’entreposage. Il faut être particulièrement vigilant en ce qui concerne les renseignements qui n’ont clairement aucun lien avec le grief.
4. Les dossiers communiqués serviront strictement aux fins de la présente procédure d’arbitrage, des appels connexes ou des procédures de contrôle judiciaire subséquentes.
De plus, l’arbitre de grief Steeves ordonne également, conformément à l’article 226 de la LRTFP, que le défendeur et l’agent négociateur échangent, dès que cela est pratique, les documents et les autres renseignements qui sont susceptibles d’être pertinents dans cette affaire.
37 Au début de l’audience, le 28 septembre 2010, les représentants du défendeur et de l’agent négociateur m’ont informé qu’il n’y avait aucun dossier médical établi par le médecin du fonctionnaire qui était pertinent dans le cadre de la présente procédure. Par conséquent, il n’y avait aucun document du médecin personnel du fonctionnaire et ce médecin n’a pas été appelé en tant que témoin.
38 Cependant, durant le contre-interrogatoire du fonctionnaire, l’avocat du défendeur l’a interrogé sur le fait qu’il n’était pas allé voir son médecin au début de novembre 2005. Le fonctionnaire a confirmé qu’il n’avait pas visité son médecin à ce moment-là, mais qu’il était allé le voir à la fin de novembre ou au début de décembre 2005. L’avocat du défendeur a remis en question cette affirmation puisqu’aucun dossier médical n’avait été communiqué aux termes de l’ordonnance délivrée avant l’audience. Le fonctionnaire a répondu qu’il [traduction] « n’avait pas obtenu les documents » de son médecin parce qu’il « faut de trois à quatre semaines pour obtenir un rendez-vous ». Le fonctionnaire a ajouté qu’il n’avait pas informé le médecin qu’une ordonnance avait été émise exigeant la communication des dossiers médicaux.
39 Ce renseignement a interrompu la présentation de la preuve. Lors d’une discussion avec les deux représentants, j’ai suggéré au défendeur que j’accorderais un ajournement pour lui permettre d’obtenir les dossiers médicaux ou pour confirmer qu’il n’y avait pas de tels documents. Après y avoir réfléchi, le défendeur a décidé de ne pas demander un ajournement. Au lieu de cela, il a indiqué durant l’argumentation que je devrais tirer une conclusion négative de l’omission du fonctionnaire d’obtenir ses dossiers médicaux, comme l’exigeait l’ordonnance délivrée avant l’audience.
Motifs
40 Tel qu’il est mentionné ci-dessus, la question est de savoir si le défendeur avait une raison valable d’imposer une suspension de deux jours au fonctionnaire pour avoir pris un congé de maladie inapproprié. Essentiellement, il s’agit d’une question factuelle c’est-à-dire d’établir si le fonctionnaire était malade durant la période du 13 au 15 novembre 2005. Comme le concède le défendeur, si le fonctionnaire était réellement malade durant cette période, il faut accueillir le grief.
41 Je commencerai par examiner un argument du fonctionnaire et de l’agent négociateur au sujet du formulaire « Demande de congé et rapport d’absence » que le fonctionnaire a rempli le 7 décembre 2005 et que M. Chicorelli, son officier de peloton, a approuvé le 11 décembre 2005. En signant ce formulaire, le fonctionnaire déclarait qu’il était incapable d’accomplir ses fonctions le 14 novembre 2005 à cause de sa maladie. D’après l’agent négociateur, l’existence de ce formulaire répond entièrement aux préoccupations du défendeur entourant la prise du congé de maladie par le fonctionnaire. La raison en est la clause 36.03 de la convention collective conclue entre les parties (qui a expiré le 4 août 2007) et je reproduis ici cette disposition ainsi que la clause 36.02 :
36.02 L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie lorsqu’il ou elle est incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :
a) qu’il ou elle puisse convaincre l’Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine,
et
b) qu’il ou elle ait les crédits de congé de maladie nécessaires.
36.03 À moins d’indication contraire de la part de l’Employeur, une déclaration signée par l’employé-e indiquant que, par suite de maladie ou de blessure, il ou elle a été incapable d’exercer ses fonctions, est considérée, une fois remise à l’Employeur, comme satisfaisant aux exigences de l’alinéa 36.02a).
42 L’agent négociateur fait valoir que la version remplie par le fonctionnaire du formulaire « Demande de congé et rapport d’absence » est une [traduction} « déclaration » faisant état de la maladie comme l’exige la clause 36.03 de la convention collective. Une fois que ce document a été rempli, le droit du fonctionnaire a été établi et on ne peut révoquer ce droit. De plus, s’il y a un quelconque doute à ce sujet, le formulaire avait été approuvé par l’officier de peloton du fonctionnaire, M. Chicorelli, et personne n’a interrogé M. Chicorelli à propos du congé pris par le fonctionnaire. L’argument avancé par l’agent négociateur reposait sur les décisions suivantes : Pinard c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17528 (19890405); Kuderian c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-18982 (19900122); Elliott c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-23225 (19930525). Par exemple, dans Kuderian,l’arbitre de grief a examiné une disposition essentiellement identique à la clause 36.03 examinée en l’espèce. À la page 6, l’arbitre de grief notait que, même s’il avait « des doutes au sujet de la nature de la maladie que le fonctionnaire aurait eue » :
[…] c’est le sens évident de la clause précitée qu’il faut retenir. Il s’agit là d’un principe bien établi en matière d’interprétation de conventions collectives et je me dois de le respecter. L’interprétation que je donne à cette clause est la suivante : l’employeur n’a pas le droit de contester la prétention d’un fonctionnaire à un congé de maladie une fois que celui-ci a signé la déclaration exigée par la clause […]
[…]
Il est évident que la demande de congé de maladie repose sur l’intégrité du fonctionnaire. De plus, l’employeur n’a d’autre choix que d’accepter la demande si celle-ci satisfait aux exigences de la clause […]
[…]
43 À mon avis, cet argument pose deux problèmes. Premièrement, en l’espèce, le grief ne repose pas sur l’application ou l’interprétation de la clause 36.03 de la convention collective. En utilisant cet argument à cette étape, comme cela s’est fait, on modifiait la teneur du grief sans que le défendeur ait la possibilité de soumettre des éléments de preuve en contrepartie.
44 Deuxièmement, et c’est le plus important, j’ai lu les décisions citées par l’agent négociateur. Je suis d’accord avec la proposition générale que la pertinence du congé de maladie dépend de l’intégrité de l’employé qui présente la demande et, dans la plupart des cas, le défendeur n’a pas le droit de contester l’affirmation de l’employé qu’il était malade ou blessé une fois qu’il a signé le formulaire « Demande de congé et rapport d’absence ». Cependant, la clause 36.03 de la convention collective précise aussi que cette règle s’applique « à moins d’indication contraire de la part de l’Employeur » à l’employé que le congé ne satisfait pas aux exigences de la convention collective. L’une de ces exigences est que l’employé doit convaincre le défendeur de son état de santé de la manière et au moment définis par le défendeur. Cela signifie que le défendeur a le droit d’informer un employé que la raison qu’il a fournie pour justifier son congé de maladie présente des problèmes. Un résultat possible d’un tel échange est que le défendeur peut décider que les exigences de la clause 36.02 n’ont pas été satisfaites par l’employé qui a fait la déclaration. Il s’ensuit que je ne suis pas d’accord avec l’agent négociateur et le fonctionnaire que, dans chaque situation, tout ce qu’exige la convention collective pour établir le droit à un congé de maladie est que l’employé remplisse simplement le formulaire approprié.
45 Je ne partage pas non plus l’avis de l’agent négociateur et du fonctionnaire selon lequel la signature d’un superviseur qui approuve le congé constitue toujours une preuve définitive et concluante du droit au congé de maladie lorsque des événements subséquents soulèvent des doutes au sujet du congé. L’approbation du formulaire est basée sur les renseignements disponibles au moment de l’approbation, et des renseignements obtenus par la suite peuvent soulever des questions légitimes concernant le congé. Autrement dit, un employé peut recevoir une « indication contraire » concernant des problèmes liés au congé même après que celui-ci a été approuvé et a été pris. En réalité, cette analyse et cette conclusion sont confirmées dans Kuderian; la citation tirée du paragraphe 42 reproduite ci-dessus se termine par l’affirmation « à moins qu’il ne puisse prouver qu’elle [la déclaration] est frauduleuse ». Il s’agit de l’approche logique, qui est également conforme à la convention collective, car ce serait très inhabituel d’être obligé d’accepter sans pouvoir vérifier l’affirmation d’un employé qui dit avoir droit à un congé de maladie même lorsque cette affirmation est fausse.
46 En l’espèce, le défendeur conteste le fondement de la demande de congé de maladie du fonctionnaire en novembre 2005. Il a le droit de faire cette contestation en vertu de la clause 36.03 de la convention collective.
47 Je me pencherai maintenant sur la preuve médicale étant donné que le fonctionnaire maintient qu’il était malade le 14 novembre 2005.
48 Il y a peu de doute que le fonctionnaire souffrait d’une légère dépression en 2001. Le Dr Prendergast l’explique dans sa lettre du 5 avril 2001. Le Dr Prendergast a confirmé le problème de santé et a fourni d’autres détails à ce sujet lors de son témoignage. Dans sa lettre, il suggérait que l’on fasse preuve d’une certaine [traduction] « indulgence » à l’égard du fonctionnaire en ce qui concernait [traduction] « […] des incidents qui sont peut-être attribuables au problème de santé dont il souffre » et qui, sinon, pourraient faire l’objet de mesures disciplinaires. Plus particulièrement, la préoccupation concernait les interactions du fonctionnaire avec ses collègues et comment elles pouvaient nuire [traduction] « au moral et à la cohésion de l’équipe ». Dans la même lettre, le Dr Prendergast notait qu’il y avait eu une [traduction] « légère amélioration de son problème de santé », que le fonctionnaire consultait son propre médecin et qu’il était « confiant que sa situation est maintenant bien contrôlée ». L’intention était de surveiller son état [traduction] « au cours des prochains mois ».
49 Le Dr Prendergast a écrit une deuxième lettre datée du 24 octobre 2001, dans laquelle il déclarait la chose suivante : [traduction] « J’estime que le temps est venu de mettre fin à mon suivi de M. Schwartzenberger », parce que le fonctionnaire [traduction] « […] se porte assez bien médicalement parlant et que […] les problèmes au travail ont été relativement bien réglés » et qu’[traduction] « [i]l est apte à travailler, d’un point de vue médical ». En outre, toujours d’après lui, le fonctionnaire [traduction] « […] possède maintenant les connaissances et les outils nécessaires pour l’aider à avoir des rapports sains avec les collègues ». J’en conclus que le fonctionnaire souffrait de problèmes de santé minimaux, voire inexistants, en octobre 2001. Comme le Dr Prendergast l’a expliqué lors de son témoignage, le fonctionnaire était prêt à [traduction] « voler de ses propres ailes ».
50 Il est significatif qu’il n’y a aucune autre preuve médicale avant la deuxième évaluation de l’aptitude au travail effectuée par le Dr Prendergast en octobre 2006 (décrite plus loin), ce qui constituait un laps de temps considérable depuis le 14 novembre 2005. Il n’y a donc aucune preuve médicale qui a été fournie par le médecin personnel du fonctionnaire au sujet de son état de santé d’octobre 2001 à novembre 2005. Le fonctionnaire a témoigné qu’il était absent du travail pendant [traduction] « quelques jours » durant cette période, mais ces jours n’ont pas été spécifiés, et une fois de plus, il n’y a aucune preuve que le fonctionnaire aurait suivi un traitement médical à cette époque.
51 Globalement, je conclus qu’il n’y a aucune preuve médicale du tout au sujet du problème de santé dont souffrait le fonctionnaire avant le 14 novembre 2005 (et après 2001). Pour en arriver à cette conclusion, je me base sur la preuve fournie par le fonctionnaire lui-même. Il a témoigné qu’il avait rendu visite à son médecin à la fin de novembre ou au début de décembre 2005, après s’être absenté du travail pour cause de maladie. Je conclus que je peux tirer une certaine conclusion négative de ce témoignage parce que le fonctionnaire était tenu de prouver qu’il avait suivi un traitement médical ou avait effectué des visites à un médecin entre le 1er octobre et le 31 décembre 2005 en vertu d’une ordonnance émise par la présente commission, conformément au paragraphe 226(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Il a omis de fournir cette preuve, et je rends que son témoignage concernant des visites qu’il aurait effectuées à son médecin à la fin de novembre ou au début de décembre 2005 n’est pas digne de foi.
52 Quoi qu’il en soit, le témoignage du fonctionnaire à ce sujet est qu’il a rendu visite à son médecin à une occasion et il donne cela comme raison pour expliquer le fait qu’il a pris un congé de maladie. Toutefois, il est vague quant à la date et la raison des visites et quant aux conseils médicaux qu’il a peut-être obtenus à ce moment-là. Finalement, le fait que le fonctionnaire a rendu visite à son médecin après avoir pris un congé de maladie le 14 novembre 2005 affaiblit davantage la valeur de cet élément de preuve. Si l’on suppose qu’il a rendu visite à son médecin à la fin novembre ou au début décembre, on peut déduire qu’il n’y avait aucun besoin pressant pour lui de se faire examiner par un médecin le ou vers le 14 novembre 2005.
53 Je tourne maintenant mon attention vers la seconde évaluation de l’aptitude au travail du fonctionnaire. Il s’agit du rapport dressé par le Dr Prendergast le 13 octobre 2006, presque un an après le congé de maladie pris par le fonctionnaire le 14 novembre 2005. En ce qui concerne la date de l’évaluation, le fonctionnaire et l’agent négociateur font valoir qu’un certain nombre de retards inacceptables sont survenus dans le cadre de l’enquête portant sur la situation du fonctionnaire et dans le cadre du deuxième renvoi au Dr Prendergast. La preuve est que le défendeur a pris connaissance, au printemps 2006, des allégations concernant des employés qui prenaient des congés de maladie injustifiés. Le défendeur avait le droit d’enquêter sur les allégations et, en fait, avait l’obligation de le faire, ce qu’il a fait dans un laps de temps raisonnable après en avoir été informé. La réunion aux fins d’enquête s’est tenue le 4 avril 2006, le rapport de M. Mullen a été présenté le 24 avril 2006 et la mesure disciplinaire a été imposée au fonctionnaire le 7 juin 2006. Il m’est impossible de trouver un retard inutile dans cette chronologie des événements.
54 Le fonctionnaire et l’agent négociateur se plaignent aussi du fait que le fonctionnaire n’avait pas fait l’objet d’une évaluation d’aptitude au travail en novembre 2005. Cela aurait été préférable pour des raisons évidentes. Toutefois, les renseignements dont disposait le défendeur en novembre 2005 au sujet des antécédents médicaux du fonctionnaire étaient tout au plus minimes. Il est vrai que, comme l’indiquaient les documents du défendeur, le fonctionnaire parlait d’un problème de santé antérieur et disait qu’il se rendait compte quand ce problème commençait à se manifester. Cependant, il avait une certaine obligation de fournir des détails à propos de ses antécédents. Plus particulièrement, il disposait d’une copie de la lettre du 5 avril 2001 du Dr Prendergast et, pour des raisons qui n’ont pas été expliquées, il a décidé de ne pas en fournir une copie au défendeur ni même de l’informer des renseignements qu’elle contenait. Il y avait du vrai dans le témoignage de M. Mullen en ce sens que la mention, par le fonctionnaire, d’un problème de santé antérieur aurait pu être une allusion à n’importe quel problème passé, y compris celui à l’origine d’une demande antérieure d’indemnisation auprès de la CAT présentée à la suite d’une blessure physique.
55 La réponse fournie par le fonctionnaire et l’agent négociateur était que les antécédents médicaux étaient bien connus de la direction, qui avait comme obligation primaire d’y réagir. Or, la preuve montre le contraire. À cause des mesures prises pour protéger les renseignements personnels, la direction n’était pas au courant des antécédents médicaux du fonctionnaire. Certains gestionnaires en ont seulement pris connaissance lors de l’audience décrite ici. Le fonctionnaire et l’agent négociateur se demandaient aussi pourquoi la lettre du 5 avril 2001 du Dr Prendergast ne se trouvait pas dans le dossier personnel du fonctionnaire. Or, la preuve incluait quelques hypothèses à ce sujet, lesquelles ont été répétées durant l’argumentation. Il se peut que la lettre d’avril 2001 n’ait pas été versée au dossier par inadvertance ou qu’elle n’y ait pas été incluse délibérément pour des raisons de protection des renseignements personnels. Globalement parlant, la preuve n’explique pas pourquoi la lettre ne se trouvait pas dans le dossier du fonctionnaire et je ne peux pas conclure que cet aspect a un lien direct avec les questions examinées dans le cadre de ce grief.
56 Je me tourne maintenant vers la teneur de la deuxième évaluation d’aptitude au travail effectuée en 2006; il est quelque peu surprenant qu’aussi bien le défendeur que le fonctionnaire (par l’intermédiaire de son agent négociateur) invoquent ce rapport pour appuyer leurs positions respectives. Le défendeur fait valoir qu’il n’y avait aucun nouvel élément dans le rapport l’obligeant à modifier sa décision de discipliner le fonctionnaire; le rapport confirmait essentiellement sa décision. Il s’agissait de la preuve fournie par M. Leblanc, le commandant de la base. D’un autre côté, le fonctionnaire et l’agent négociateur se basent sur la déclaration suivante du Dr Prendergast :
[…] [i]l est raisonnable de penser qu’à ce moment là [au moment de la partie de hockey en novembre 2005], il y avait une recrudescence [chez le fonctionnaire] d’un problème de santé préexistant, qui avait été diagnostiqué au moment de l’évaluation antérieure de son aptitude au travail en janvier 2001.
57 Pour sa part, le Dr Prendergast a expliqué lors de son témoignage que, généralement, il est appelé à évaluer objectivement les problèmes médicaux des employés mais qu’il doit [traduction] « soigneusement faire la part des choses » et éviter de prendre la défense soit du défendeur, soit de l’employé.
58 J’ai soigneusement passé en revue l’évaluation d’octobre 2006 du Dr Prendergast, et j’abonde dans son sens qu’il a réussi à établir cet équilibre sans pencher d’un côté ou de l’autre. Cependant, mon rôle est de décider si le fonctionnaire était malade le 14 novembre 2005 en tenant compte de tous les éléments de preuve, y compris la preuve d’expert fournie par le Dr Prendergast. Je ne suis pas lié par les opinions du Dr Prendergast, mais je suis obligé de les prendre en considération en même temps que tous les autres éléments de preuve.
59 À mon avis, le fait que le Dr Prendergast a témoigné que son opinion émise en 2006 reposait « strictement » sur des renseignements fournis par le fonctionnaire au moment de l’évaluation en octobre 2006 a une certaine signification. Ce que je veux dire c’est qu’il n’était pas possible, à cause du temps qui s’était écoulé, de savoir quel était l’état médical du fonctionnaire en novembre 2005. Il est vrai que le défendeur aurait pu consulter le Dr Prendergast plus tôt. Mais, comme je l’ai noté ci-dessus, le défendeur disposait de données minimales au sujet des antécédents médicaux du fonctionnaire, qui n’était pas très communicatif à ce sujet. En outre, le fonctionnaire aurait pu consulter son médecin à l’époque. Il a témoigné qu’il l’avait fait après la période pertinente ici mais, tel qu’il a été noté ci-dessus, j’ai conclu que les éléments de preuve fournis par lui sur ce point n’étaient pas dignes de foi. Le Dr Prendergast, durant son témoignage, savait que le fonctionnaire n’avait pas visité son médecin durant la période pertinente. Il a conclu que tout problème dont pouvait souffrir le fonctionnaire n’était pas grave. De plus, il appartenait au fonctionnaire de fournir, lors de l’audition de son grief, sa propre preuve d’expert obtenue de son médecin pour montrer quel était son état durant la période pertinente. Il ne l’a pas fait.
60 Je ne puis accorder beaucoup de poids à l’avis émis par le Dr Prendergast en 2006 quant à l’état du fonctionnaire en novembre 2005. Manifestement, le fonctionnaire avait et a toujours une façon particulière de décrire ses antécédents et le rôle qu’ils ont joué durant l’événement qui est survenu à la mi-novembre 2005. Le Dr Prendergast s’est fondé sur cette description pour dresser son rapport daté du 13 octobre 2006. Fait intéressant, le Dr Prendergast a également déclaré, [traduction] « je ne pense pas que la flambée était tellement grave » et que le fonctionnaire [traduction] « sentait que cela justifiait la prise d’un congé de maladie ». De nouveau, l’opinion repose sur la perception du fonctionnaire de la situation et de ce qu’il considérait comme justifié, plutôt que sur des constatations médicales.
61 Je note aussi les commentaires faits par le Dr Prendergast en avril 2001 qu’il fallait faire preuve d’une certaine « indulgence » à l’égard du fonctionnaire pour ce qui était de ses rapports avec les employés et la possibilité que ces situations puissent donner lieu à la prise de mesures disciplinaires. Dans son rapport d’octobre 2006 et, lors de son témoignage, le Dr Prendergast s’est appliqué à faire la distinction entre une utilisation abusive des congés de maladie et [traduction] « les conflits interpersonnels » ou relations entre les employés. Par cela, il voulait dire que le fonctionnaire était [traduction] « responsable » de toute utilisation abusive de congés de maladie et que son problème de santé ne devait pas servir à [traduction] « excuser son comportement ». Le problème de santé dont souffrait le fonctionnaire nuisait à ses rapports avec ses collègues et [traduction] « ne devrait pas se traduire par un assouplissement des règles dans le lieu de travail ». De plus, le médecin a déclaré qu’il appartenait à la direction de surveiller l’utilisation des congés de maladie et qu’il ne s’agissait pas de son rôle à lui. Dans une autre partie de son témoignage, le Dr Prendergast a déclaré que [traduction] « le problème de santé n’était pas à l’origine du comportement [du fonctionnaire] » et, à un autre moment, il a déclaré que [traduction] « à la suite de ce qui lui était arrivé [en novembre 2005], cela pouvait se traduire par la prise d’un congé légitime ». J’attribue la nature contradictoire de ces affirmations aux tentatives faites par le Dr Prendergast pour maintenir un juste équilibre et sa crédibilité à la fois vis-à-vis du défendeur et vis-à-vis des employés. J’accorde la préférence à la première affirmation qui, d’après moi, décrit plus exactement la situation du fonctionnaire en novembre 2005.
62 Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je conclus que ce qui suit est une description exacte de ce qui s’est produit à la mi-novembre 2005, d’un point de vue médical. Le fonctionnaire était angoissé à la suite de la séparation d’avec sa conjointe de fait, et on peut le comprendre. Il se peut que certains des symptômes de son problème de santé de 2001 aient resurgi, mais ils n’étaient pas assez graves pour justifier une intervention médicale. En général, il n’est pas nécessaire de faire intervenir un médecin pour justifier la prise d’un congé de maladie, le critère étant de savoir si l’employé peut ou non accomplir ses fonctions. Cependant, en l’espèce, le défendeur était préoccupé par l’utilisation abusive de congés de maladie et avait le droit d’enquêter en réponse à cette inquiétude. De son côté, le fonctionnaire avait le droit de s’absenter et avait, à vrai dire, une certaine obligation de justifier son absence en fournissant une quelconque explication légitime.
63 Une façon de satisfaire à cette obligation est de fournir des renseignements médicaux (une autre façon, décrite ci-dessous, est de fournir des renseignements non médicaux). Le fonctionnaire accepte cela et a tenté d’expliquer qu’il avait visité son médecin, mais cette visite a eu lieu après la date à laquelle il avait pris le congé de maladie et il a omis de fournir des renseignements médicaux, même si la Commission lui avait ordonné de le faire. Finalement, comme le Dr Prendergast l’a très clairement souligné, le problème de santé dont souffre le fonctionnaire ne justifie aucune indulgence quand il s’agit de l’utilisation abusive de congés de maladie. En résumé, on ne dispose d’aucune preuve médicale datant de l’époque où il souffrait de ce problème et, par conséquent, on peut affirmer que la preuve concernant l’existence d’un problème de santé invalidant à la mi-novembre est maigre tout au plus.
64 Je me pencherai maintenant sur la preuve fournie pour expliquer les raisons de l’absence du fonctionnaire de son travail le 14 novembre 2005. Tel qu’il est noté ci-dessus, le fonctionnaire a déclaré qu’il était malade cette journée-là, tandis que le défendeur pense qu’il a pris un congé pour assister à une partie de hockey à Vancouver.
65 M. Mutas, qui était chef du service d’incendie à l’époque, a témoigné que le fonctionnaire lui avait dit qu’il n’était pas en état de se présenter au travail parce qu’il avait bu le soir d’avant lors de la partie de hockey. Cette déclaration faite par le fonctionnaire était essentiellement spontanée, quoique irréfléchie. Durant son témoignage, le fonctionnaire a affirmé qu’il ne pouvait se rappeler s’il avait fait cette affirmation. Je statue qu’il l’a faite. J’accepte aussi l’élément de preuve fourni par M. Mutas selon lequel le fonctionnaire n’avait parlé d’aucun problème de santé lors de leur rencontre.
66 Puis, il y a la réunion tenue aux fins de l’enquête le 4 avril 2006 et dirigée par M. Mullen. Le défendeur a insisté pour que j’examine les notes de cette réunion prises par Mme Murty. Toutefois, celle-ci n’a pas témoigné et ses notes ne reprennent pas mot pour mot les discussions qui ont eu lieu durant la réunion. Il semble qu’il s’agisse de ses notes de travail, et il est difficile de savoir exactement ce qui s’est produit en les lisant. De plus, les notes incluent un certain nombre d’autres affirmations qui n’ont clairement aucun lien avec la réunion. Pour ces raisons, je rends que les notes ne constituent pas un compte rendu digne de foi de la réunion et je refuse de les utiliser. Au lieu de cela, je me suis fondé sur la preuve fournie à l’audience. La preuve suggère que lors de la réunion qui s’est tenue aux fins d’enquête le 4 avril 2006, le fonctionnaire était plus difficile qu’il l’avait été pendant la réunion avec M. Mutas. J’accepte la preuve fournie par M. Mullen que le fonctionnaire était évasif au début de la réunion. Il a fini par admettre qu’il s’était rendu à la partie de hockey. Le fonctionnaire a aussi essayé de revenir sur l’admission qu’il avait faite antérieurement à M. Mutas selon laquelle il avait été incapable de travailler parce qu’il avait trop bu la veille au soir, lors de la partie de hockey.
67 Je décide sur ce point que le fonctionnaire comprenait que la déclaration qu’il avait faite à M. Mutas concernant sa consommation excessive d’alcool avait créé un problème pour lui et que son objectif lors de la réunion d’avril 2006 avec M. Mullen était d’être moins coopératif et d’essayer d’éliminer ce problème en fournissant une autre explication pour son absence. L’autre explication était qu’il avait en fait été malade à cause de son problème de santé antérieur. Je n’accepte pas cette explication. Elle est contraire à la déclaration que le fonctionnaire avait faite à M. Mutas et, en réalité, le fonctionnaire n’a fait part d’aucun problème de santé à M. Mutas. De plus, il y a un manque de preuves médicales appuyant l’idée d’une incapacité médicale à la mi-novembre 2005. À mon avis, la situation était telle que le fonctionnaire l’avait décrite à M. Mutas, à savoir qu’il avait trop bu le soir précédant son quart de travail du 14 novembre 2005 et qu’il n’était pas en mesure de travailler cette journée-là. Je note que le fonctionnaire a appelé le 13 novembre 2005 pour indiquer qu’il se porterait malade le lendemain, le 14 novembre 2005. Par conséquent, je conclus que le fonctionnaire avait pris un congé de maladie pour assister à la partie de hockey et qu’après cela, il avait consommé trop d’alcool. Pour des raisons manifestes, il ne pouvait en informer M. Mutas et apparemment, il croyait qu’une explication mentionnant sa consommation d’alcool suffirait. Mais cela n’était pas le cas.
68 Une dernière question est la suspension de deux jours imposée au fonctionnaire pour l’utilisation abusive d’un congé de maladie. L’agent négociateur fait valoir que lorsqu’on décide qu’il y a eu utilisation abusive d’un congé de maladie, une sanction moins grave s’impose. Le fonctionnaire avait fait l’objet d’une suspension d’un jour en 2006 pour avoir enfreint le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique. Apparemment, il avait eu un échange avec un collègue, durant lequel il avait demandé à ce dernier de [traduction] « sortir dehors ». Je reconnais que l’incident à l’origine de la mesure disciplinaire antérieure pourrait être perçu comme étant de nature différente que l’incident faisant l’objet du grief examiné ici. Toutefois, l’utilisation abusive de congés de maladie est en soi une grave infraction liée à l’emploi qui parfois est décrite comme du « vol de temps ». Je note également que le fonctionnaire n’a donné aucun signe de remords. Au lieu de cela, il a été évasif durant l’enquête. À la lumière de ces événements et la suspension d’un jour imposée tout juste après la réunion du 4 avril 2006 tenue aux fins d’enquête et dirigée par M. Mullen, je statue qu’une suspension de deux jours représente une sanction appropriée dans les circonstances.
Résumé et conclusion
69 Généralement, un employé n’a pas besoin d’obtenir une justification médicale lorsqu’il prend un congé de maladie. Ce que la convention collective exige est une déclaration de l’employé selon laquelle il ou elle est incapable d’accomplir ses fonctions. Cependant, si un employé reçoit une « indication contraire » de la part du défendeur, celui-ci peut ouvrir une enquête pour établir si l’on a satisfait aux exigences de la disposition portant sur le congé de maladie (clause 36.02). L’une de ces exigences est que l’employé doit convaincre le défendeur de son état, de la façon et au moment déterminés par ce dernier. À cette fin, un employé peut, comme c’était le cas ici, recourir à une preuve médicale pour justifier l’absence.
70 Je statue que le fonctionnaire a pris un congé de maladie injustifié pour assister à une partie de hockey en novembre 2005. Il était sincère à ce sujet lors de sa rencontre avec M. Mutas en ce sens qu’il a admis qu’il avait trop bu lors de la partie et qu’il ne pouvait donc pas travailler. En réalité, il s’était porté malade avant de commencer à consommer de l’alcool. Quoi qu’il en soit, j’accorde généralement la préférence à la déclaration qu’a faite le fonctionnaire à M. Mutas comme fournissant une description exacte de ce qui s’est produit.
71 Par la suite, le fonctionnaire a tenté d’échapper à la responsabilité de ses actes en invoquant un problème de santé qui remontait à 2001. Il n’y a aucune preuve médicale ou autre que ce problème avait causé une quelconque difficulté d’octobre 2001 à novembre 2005. En fait, la seule preuve médicale date d’octobre 2006. Même si ce rapport appuie dans une certaine mesure l’assertion du fonctionnaire qu’il souffrait d’un problème de santé invalidant, je rends que ces renseignements étaient basés strictement sur les affirmations faites par le fonctionnaire au médecin qui l’a rédigé.
72 Le fonctionnaire avait la possibilité de présenter des preuves médicales concernant son problème de santé tout au long de l’enquête menée par le défendeur, mais il a décidé de ne pas le faire. De même, il a décidé de ne pas fournir une preuve médicale d’expert en faisant appel à son médecin lors de l’audience. En réalité, une ordonnance de la Commission exigeait qu’il fournisse certains documents obtenus de son médecin, mais il ne l’a pas fait.
73 Finalement, à la lumière des circonstances entourant le grief et compte tenu de la mesure disciplinaire imposée en juin 2006 se présentant sous la forme d’une suspension d’un jour, une suspension de deux jours constitue une sanction appropriée.
74 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :
Ordonnance
75 Le grief est rejeté.
Le 24 janvier 2011.
Traduction de la CRTFP
John Steeves,
arbitre de grief