Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

En juin 2010, la plaignante a déposé une plainte contre le Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC) alléguant qu’en septembre 2008, elle avait déposé un grief de harcèlement contre la direction et qu’elle l’avait remis à un représentant syndical, qui ne l’a jamais communiqué à la direction - la plainte a été déposée en vertu des alinéas 190a) à g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la << Loi>>) - on a demandé à la plaignante de fournir des détails sur le lien entre sa plainte et les alinéas mentionnés ci-dessus, et sur le non-respect du délai - la plaignante a répondu qu’en ce qui concernait la question du non-respect du délai, elle n’avait reçu aucune nouvelle de son syndicat avant mai2010, lorsqu’il l’a informée que son grief de 2008 n’avait pas été soumis à la direction, mais sa réponse ne précisait pas comment sa plainte était reliée aux alinéas de la Loi cités par elle - la plainte a été rejetée en ce qui concernait l’application des alinéas 190a) et e) de la Loi - le SEIC a ensuite demandé que la plainte soit rejetée pour le motif qu’elle était hors délai et ne démontrait pas une apparence de violation suffisante de la Loi - aussi bien la plaignante que le défendeur ont présenté des arguments écrits, mais ceux du défendeur ont été soumis en retard - le commissaire a statué que, peu importe qu’il accepte ou non les arguments présentés en retard par le défendeur, sa conclusion quant à la nécessité d’une audience demeurait inchangée - il ne pouvait pas se prononcer sur la question du non-respect du délai en se fondant strictement sur les arguments présentés et a rendu que si l’on se basait sur la plainte et les arguments déposés par la plaignante, il y avait un cas raisonnablement défendable de violation de l’article 187 de la Loi. Tenue d’une audience ordonnée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-01-31
  • Dossier:  561-02-475
  • Référence:  2011 CRTFP 7

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

CHERINE RUSSELL

plaignante

et

SYNDICAT DE L’EMPLOI ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

Répertorié
Russell c. Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, commissaire

Pour la plaignante:
Elle-même

Pour le défendeur:
Jerry Kovacs, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 12 juillet, 10 août et 1er octobre 2010, et les 11 et 12 janvier 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 4 juin 2010, Cherine Russell (la « plaignante ») a déposé une plainte contre le Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada (SEIC ou le « défendeur ») en vertu des alinéas 190(1)a), b), c), d), e) et g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi »). Sa plainte se lisait comme suit :

[Traduction]

En septembre 2008, un grief a été déposé contre la direction pour harcèlement. Le grief a été transmis à Val Fargey pour qu'elle le soumette, mais elle ne l'a jamais fait.

La plaignante n'a pas mentionné la mesure corrective qu'elle souhaitait se voir accorder par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »).

2 Le défendeur soutient que la plainte n'a pas été déposée dans le délai prévu et qu'elle ne contient aucun argument défendable pour établir qu'il y a eu violation de la Loi. Il demande à la Commission de rejeter la plainte sans exiger d'arguments de sa part.

3 La présente décision porte sur les objections soulevées par le défendeur et vise à déterminer si d'autres procédures sont requises.

II. Résumé de la preuve et de l’argumentation

4 Les Services du greffe de la Commission (les « Services du greffe ») ont demandé à la plaignante de fournir des détails montrant [traduction] « […] comment [sa] plainte renvoie aux alinéas 1a) à e) […] » de la Loi. La plaignante a répondu par courriel le 12 juillet 2010 et par la poste le 19 juillet 2010 – elle a soumis les copies de plusieurs courriels, mais sans fournir une déclaration écrite expliquant leur signification ou leur importance.

5 À ma demande, les Services du greffe ont fait parvenir la lettre suivante à la plaignante, le 23 juillet 2010 :

[Traduction]

[…]

Nous accusons réception de votre plainte datée du 4 juin 2010 concernant l'affaire susmentionnée, dans laquelle le Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada est désigné comme défendeur.

Le commissaire chargé de l'examen de votre dossier nous a demandé de vous informer de ce qui suit :

Étant donné que la plaignante n'a fourni aucun renseignement, comme le lui avait demandé les Services du greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, indiquant comment la situation reprochée renvoie aux alinéas 190(1)a) à e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ( la « Loi »), la plainte est rejetée en ce qui a trait à ces alinéas.

En ce qui concerne l'alinéa 190(1)g) de la Loi, la plaignante est priée de fournir d'ici le 6 août 2010 une déclaration indiquant de façon plus détaillée la nature de la pratique de travail déloyale alléguée, de sorte que le commissaire puisse conclure que la plainte a été déposée comme il se doit aux termes de l'alinéa 190(1)g). La déclaration doit également établir comment la plainte respecte le délai prévu au paragraphe (2), qui se lit comme suit :

190. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

Le commissaire se fondera sur la déclaration devant être fournie par la plaignante pour décider si la plainte doit être rejetée sans la présentation d'autres arguments, ou s'il faut lui donner suite selon les procédures normales de la Commission. Si le commissaire conclut qu'il faut donner suite à la plainte, les Services du greffe de la Commission demanderont au défendeur d'indiquer sa position concernant la plainte. Le commissaire déterminera ensuite s'il convient de tenir une audience.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

6 J'énonce dans la section suivante les motifs pour lesquels j'ai rejeté la plainte relativement aux alinéas 190(1)a) à e)de la Loi.

7 Le 28 juillet 2010, lors d'une conversation téléphonique avec les Services du greffe (laquelle est résumée dans les notes prises par l'agent du greffe), la plaignante a indiqué qu'elle disposait d'autres documents consistant en des correspondances électroniques avec le défendeur, et qu'elle avait engagé un avocat. Elle a également mentionné qu'elle avait déjà fourni des renseignements à la Commission et que, en ce qui concerne la question du respect du délai, [traduction] « […] son syndicat n'a pas communiqué par écrit avec elle avant mai 2010 et lui a fait savoir à ce moment que son grief n'avait pas été déposé ».

8 L'avocat de la plaignante a écrit à la Commission le 28 juillet 2010 pour demander une copie de la plainte, une copie de la lettre de la Commission datée du 23 juillet 2010, ainsi qu'une prorogation de délai [traduction] « […] pour être en mesure de fournir une réponse relativement aux alinéas 190(1)a) à e) avant que la plainte soit rejetée en ce qui concerne ces alinéas ».

9 Toujours à ma demande, les Services du greffe ont fait savoir à l'avocat de la plaignante que je n'accorderais pas de prorogation de délai au sujet des alinéas 190(1)a) à e)de la Loi, parce que j'avais déjà rendu une décision les concernant. J'ai toutefois accordé une prorogation jusqu'au 13 août 2010 pour permettre à l'avocat de la plaignante de répondre aux questions qu'a soumises la Commission dans sa lettre du 23 juillet 2010 relativement à l'alinéa 190(1)g) et au sujet du respect du délai. La Commission n'avait pas encore reçu de réponse de la part de l'avocat de la plaignante le 13 août 2010.

10 Le 10 août 2010, Jerry Kovacs, un représentant de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, a écrit à la Commission au nom du défendeur pour lui demander de rejeter la plainte sans exiger la présentation d'une réplique de la part du défendeur, parce qu'il y a eu non-respect du délai et que la plainte ne montre pas qu'il y a eu violation de la Loi à première vue.

11 Agissant à ma demande, les Services du greffe ont laissé des messages vocaux à l'avocat de la plaignante ou à son adjoint, les 24 et 27 août 2010, pour savoir si l'avocat allait déposer des arguments tardifs. La Commission n'a reçu de réponse ni de l'avocat ni de son adjoint.

12 Le 13 septembre 2010, les Services du greffe ont téléphoné une fois de plus au bureau de l'avocat de la plaignante. L'agent du greffe a téléphoné à un nouveau numéro de téléphone et a laissé un autre message vocal dans lequel il demandait à l'avocat de la plaignante s'il allait déposer des arguments écrits. La Commission n'a reçu aucune réponse à ce message.

13 Le 21 septembre 2010, l'agent du greffe a fait parvenir à l'avocat de la plaignante une lettre, accompagnée d'une copie pour la plaignante, lui indiquant que la Commission n'avait pas reçu de réponse à ses demandes répétées visant à savoir s'il allait donner suite à la lettre de la Commission datée du 23 juillet 2010. La lettre faisait savoir à l'avocat de la plaignante que la Commission entendait aller de l'avant et trancher la plainte en se fondant sur les documents au dossier.

14 Le 24 septembre 2010, la plaignante a envoyé aux Services du greffe un courriel dans lequel elle mentionnait avoir tenté en vain de communiquer avec son avocat, qui aurait quitté le cabinet pour lequel il travaillait sans prendre de dispositions pour qu'elle continue d'être représentée. Elle a demandé une autre prorogation pour [traduction] « […] tirer les choses au clair […] » et savoir qui la représenterait. Le défendeur ne s'y est pas opposé, tout en précisant qu'il espérait que la Commission refuserait d'entendre toute autre demande de prorogation. Les Services du greffe ont communiqué aux parties ma décision d'accorder la prorogation et, à ma demande, ont répété à la plaignante les questions auxquelles elle était tenue de répondre.

15 La plaignante a soumis ce qui suit, le 1er octobre 2010 :

[Traduction]

[…]

Un grief a été déposé en septembre 2008 et transmis à Val Fargey, présidente régionale du syndicat. En octobre 2008, je suis partie en congé d'invalidité de longue durée. En octobre 2009, j'ai rencontré le président de la section locale, Travis Lahnaloop, ainsi que mon gestionnaire et mon directeur. Mon gestionnaire ne savait pas que j'avais déposé un grief contre lui. M. Lahnaloop m'a dit de discuter de la question avec Lorraine Diapper. Je lui ai parlé au téléphone et lui ai expliqué la situation. Elle m'a demandé de mettre cela par écrit dans un courriel. Je n'ai pas eu de ses nouvelles avant janvier 2010. Elle m'a envoyé un courriel dans lequel elle demandait si l'affaire avait été résolue. Je lui ai envoyé un autre courriel pour l'informer que personne n'avait communiqué avec moi. Je lui ai demandé si mon grief avait été déposé. Elle m'a répondu qu'il ne l'avait pas été. Je lui ai demandé quelle serait la prochaine étape. Elle m'a dit de communiquer avec Steve McCuais. J'ai envoyé quelques courriels à ce dernier, mais il ne m'a pas répondu. Je lui ai téléphoné, et il m'a expliqué qu'il ne voulait pas laisser de piste sur papier. Il m'a dit que mon grief pouvait toujours être entendu. J'ai déposé une plainte auprès de la Commission en avril avant de m'entretenir avec M. McCuais, parce qu'il n'avait pas répondu à mes courriels. Cependant, en mai 2010, j'ai reçu une copie conforme d'un courriel envoyé de M. Lahnaloop à M. McCuais, dans lequel on confirmait que mon grief ne serait pas entendu. À ce moment, j'ai retenu les services d'un avocat. J'ai alors soumis ma plainte de nouveau.

Bref, c'est à la fin janvier ou au début février qu'on m'a dit pour la première fois que mon grief n'était pas soumis. La plainte a été déposée une première fois par télécopieur le 5 avril. En mai, Steve McCuais m'a informée que mon grief serait entendu, ce qui était faux. En mai 2010, j'ai reçu pour la première fois une confirmation écrite non seulement que mon grief n'avait pas été déposé, mais aussi qu'ils ne pouvaient rien faire pour m'aider.

J'aimerais également faire savoir à la Commission que j'ai informé les membres du syndicat concernés par ce grief que j'avais souffert de troubles mentaux et que, pendant que j'étais en congé d'invalidité de longue durée, j'ai envoyé plusieurs courriels aux représentants syndicaux pour connaître l'état de la situation relativement à mon grief et leur indiquer que j'étais disponible. Je leur ai fait savoir très clairement qu'il serait nuisible pour ma santé que la question soit réglée avant mon retour au travail.

[…]

La plaignante n'a pas précisé si elle avait reçu l'aide d'un avocat relativement à ses arguments et n'a rien dit qui indiquait qu'elle serait représentée par un avocat à l'avenir.

16 Le 15 octobre 2010, la Commission a demandé au défendeur de répliquer aux arguments de la plaignante au plus tard le 1er novembre 2010. Le 27 octobre et le 12 novembre 2010, la Commission a consenti aux deux demandes successives du défendeur visant à proroger le délai pour la soumission de sa réplique. Le 29 novembre 2010, le défendeur a sollicité une prorogation de délai pour la troisième fois, en demandant à la Commission de fixer au 10 janvier 2011 la nouvelle date d'échéance. La Commission a accepté la demande, mais a précisé dans sa lettre datée du 29 novembre 2010 [traduction] « […] qu'aucune autre demande de prorogation de délai ne serait prise en compte ».

17 Dans une lettre datée du 29 novembre 2010, la Commission a aussi demandé des précisions à la plaignante après avoir examiné ses arguments du 1er octobre 2010. La lettre se lisait comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Dans son courriel daté du 1er octobre 2010, la plaignante mentionne ce qui suit :

J'ai déposé une plainte auprès de la Commission en avril avant de m'entretenir avec M. McCuais, parce qu'il n'avait pas répondu à mes courriels. Cependant, en mai 2010, j'ai reçu une copie conforme d'un courriel envoyé de M. Lahnaloop à M. McCuais, dans lequel on confirmait que mon grief ne serait pas entendu. À ce moment, j'ai retenu les services d'un avocat. J'ai alors soumis ma plainte de nouveau.

Bref, c'est à la fin janvier ou au début février qu'on m'a dit pour la première fois que mon grief n'était pas soumis. La plainte a été déposée une première fois par télécopieur le 5 avril.

La plaignante a indiqué qu'elle avait déposé sa plainte auprès de la Commission en avril, plus précisément le 5 avril. Cependant, après avoir cherché dans les dossiers de la Commission, nous n'avons aucune trace d'une plainte déposée par la plaignante à cette date. La plaignante est donc priée de fournir des précisions concernant cette première plainte (par exemple, la méthode de transmission, la date de l'envoi, le destinataire, etc.) d'ici le 13 décembre 2010.

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

18 La plaignante a ensuite informé les Services du greffe qu'elle avait envoyé par la poste une copie de la confirmation de la transmission par télécopieur de la première plainte, ainsi que sa plainte soumise en juin. Les Services du greffe ont procédé à une recherche exhaustive dans leurs documents électroniques et papier et n'ont rien trouvé concernant une télécopie qu'aurait transmise la plaignante le 5 avril 2010 ou vers cette date. Les Services du greffe ont alors demandé à la plaignante de fournir une copie de la feuille de transmission par télécopieur. La plaignante a répondu comme suit, par courriel, le 14 décembre 2010 :

[Traduction]

Je la cherche mais je ne la trouve pas. J'ai quitté le travail vers le 8 juin et n'y suis pas retournée avant le 10 septembre pour faire le ménage de mon bureau. Pendant mon absence, vous m’avez appelée pour me demander d'envoyer par la poste la copie originale de ma plainte. J'ai dit à la dame au téléphone que je voulais changer la date de la plainte d'avril à mai. Elle m'a répondu que je pouvais le faire, à condition que je transmette la plainte par télécopieur d'abord, puis que je l'envoie par la poste. Une collègue s'est chargée de cette tâche pour moi étant donné que je ne pouvais pas entrer dans l'édifice. Ma collègue a cherché dans son bureau et est convaincue d'avoir envoyé par la poste la télécopie ainsi que l'original aux fins de preuve. Elle a numérisé les documents pour moi; or, j'examine ces documents, et il semble qu'elle n'ait pas numérisé l'accusé de réception de la télécopie. Je travaille de la maison maintenant et j'ai regardé partout. La collègue à qui j'ai demandé de transmettre les documents par télécopie et par la poste est une amie en qui j'ai confiance, et je sais qu'elle n'aurait rien jeté. Tout ce que je peux faire pour l'instant, c'est de recommencer mes recherches. Je suis certaine que ce document n'a pas été jeté.

Dans un deuxième courriel envoyé à la même date, la plaignante a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…] J'ai aussi remarqué que j'ai mélangé les dates sur ma copie de la plainte. Ce n'est pas le 4 juillet 2010; c'est le 7 avril 2010. J'ai confondu le jour et le mois […]

19 Le 10 janvier 2011, date limite définitive pour la présentation des arguments du défendeur, ce dernier a écrit à la Commission pour demander une quatrième prorogation de délai. Le représentant du défendeur a déclaré qu'il demandait une prorogation [traduction] « […] en raison de [sa] non-disponibilité durant les récentes fêtes de fin d'année ainsi que d'un congé à venir ». Le 11 janvier 2011, la Commission a rejeté la demande pour les raisons énoncées aux paragraphes 31 à 34.

20 Après avoir été informé que la Commission avait rejeté sa demande – et la journée même où il a reçu l'avis –, le défendeur a transmis les arguments suivants à la Commission, par courriel, et a demandé à la Commission et à la plaignante d'accepter ce dépôt tardif :

[Traduction]

L'AFPC, sa composante le SEIC et ses représentants affirment qu'ils ont fourni et continuent de fournir à la plaignante une représentation diligente, juste et de bonne foi concernant son différend avec son employeur (le Conseil du Trésor et son ministère, Service Canada). Elle a été représentée de façon régulière et diligente par les représentants syndicaux Cathie Herman, Colleen Fagon, Val Fargey et Travis Lahnalampi.

Ces représentants syndicaux ont déployé des efforts constants et concrets pour représenter la plaignante relativement à la plainte qu'elle a déposée en raison du harcèlement exercé (par deux gestionnaires [deux personnes nommées]) et, plus tard, après la période mentionnée dans la plainte, relativement aux questions d'invalidité et de mesures d'adaptation.

Les défendeurs affirment que la plainte – même en tenant compte des détails additionnels fournis par courriel – ne montre pas qu'il y a violation de la Loi à première vue et ne demande aucun redressement précis. Les défendeurs demandent à la Commission de rejeter la plainte sans tenir d'audience.

La plaignante semble mettre l'accent sur le fait que les défendeurs auraient omis de déposer un grief en septembre 2008. Une telle assertion n'est pas conforme aux faits.

Les défendeurs ont commencé à aider la plaignante il y a plus de cinq ans concernant des allégations de harcèlement au travail. La représentante syndicale Val Fargey a aidé la plaignante vers 2005, lorsque Mme Russell (la plaignante) l'a informée qu'elle estimait avoir été traitée de façon injuste par un gestionnaire, [personne X]. Le traitement injuste découlait notamment d'une attribution des tâches non équitable dans le groupe dans lequel travaillait la plaignante. En outre, la représentante des défendeurs, Mme Fargey, a aussi aidé la plaignante à faire en sorte que soient prises les mesures d'adaptation nécessaires relativement à son invalidité. Mme Fargey a négocié avec les gestionnaires pour veiller à ce que le lieu de travail de la plaignante soit déplacé d'un endroit sans fenêtre à un autre avec fenêtre, afin que soient prises les mesures d'adaptation concernant son invalidité.

Peu de temps après, vers 2005-2006, la plaignante est devenue invalide et s'est absentée du travail en raison d'un congé d'invalidité de longue durée. Lorsque la plaignante est retournée au travail, après une absence d'environ six ou huit mois, le gestionnaire qui lui avait causé des problèmes (celui ayant fait l'objet des allégations de harcèlement personnel pour lesquelles le syndicat avait fourni une aide) avait quitté le lieu de travail.

Vers 2006-2008, d'autres changements importants sont survenus : le lieu de travail de la plaignante a été déplacé à un autre endroit et, à un certain moment, la plaignante est de nouveau devenue invalide et s'est une fois de plus absentée du travail en raison d'un congé d'invalidité de longue durée. La représentante syndicale Cathie Herman a assuré une représentation diligente, de bonne foi et efficace concernant le retour au travail de la plaignante et la prise des mesures d'adaptation nécessaires relatives à son invalidité (telles qu'un lieu de travail approprié et une lampe thérapeutique).

Vers 2008, la plaignante a informé des représentants syndicaux qu'elle faisait l'objet de harcèlement de la part de gestionnaires [deux personnes nommées]. La plaignante a rencontré les représentantes syndicales Val Fargey, Colleen Fagon et Cathie Herman. La plaignante a fourni une formule de grief alléguant du harcèlement personnel de la part de ces gestionnaires. (À ce moment, les allégations de harcèlement personnel n'étaient aucunement liées à la question de l'invalidité. L'invalidité et les mesures d'adaptation constituaient un problème distinct; ce n'est que dans les détails ajoutés dans ses courriels que la plaignante a établi un lien entre les deux questions.)

La plaignante a expressément mentionné qu'elle disposait de renseignements additionnels (en faisant allusion à des documents) et qu'elle souhaitait les transmettre aux représentants syndicaux afin que ceux-ci les « aient en main au moment de déposer le grief », et elle a clairement indiqué qu'elle comprenait que d'autres renseignements seraient fournis avant qu'elle présente son grief de harcèlement personnel contre l'employeur.

Ces renseignements supplémentaires n'ont jamais été fournis. Les représentants syndicaux ont néanmoins continué de rencontrer l'employeur pour en arriver à un règlement du cas de harcèlement personnel. Plus particulièrement, Val Fargey a rencontré le directeur [une personne nommée] de l'employeur et a communiqué avec lui afin d'examiner les questions de base relatives à l'attribution des tâches et au type de supervision injuste effectuée par les gestionnaires [deux personnes nommées]. [Le directeur nommé] a entrepris une enquête, et les représentantes syndicales Cathie Herman et Colleen Fagon ont pris l'affaire en main pour le syndicat à ce stade.

À peu près au même moment, la plaignante, encore une fois, est devenue invalide et s'est absentée du travail en raison d'un congé d'invalidité de longue durée. Les représentants syndicaux, dont Val Fargey et le nouveau président de la section locale, Travis Lahnalampi, ont continué de représenter la plaignante. Lors de son retour au travail, la plaignante a de nouveau indiqué qu'elle faisait l'objet de harcèlement de la part des mêmes gestionnaires. Le syndicat a continué de la représenter pour ce qui était de trouver une solution au problème, ainsi qu'en ce qui concernait la prise de mesures d'adaptation relatives à son invalidité. Le syndicat est déterminé à continuer de l'aider relativement à ces questions et à tout autre problème lié au lieu de travail.

En toute déférence, nous estimons que la plainte ne montre pas qu'il y a eu violation de l'article 190 à première vue et qu'elle devrait être rejetée sans la tenue d'une audience. Rien ne prouve que le syndicat ou ses représentants ont agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou discriminatoire.

La norme qui s'applique à un syndicat relativement au devoir de représentation juste a été établie par la Cour suprême dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon [1984] 1 R.C.S. 509; voir également Dumont et al. c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2008 CRTFP 70. Essentiellement, la plaignante doit démontrer que le syndicat, en la représentant, a exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi, qu'il a agi de façon discriminatoire ou qu'il a fait preuve d'hostilité à son endroit, ou qu'il a traité de façon arbitraire ses problèmes relatifs au lieu de travail. Le syndicat ne doit pas faire preuve d'une négligence grave, mais il a quand même droit à l'erreur.

Les défendeurs font valoir respectueusement que la plainte ne présente aucun fait permettant de soutenir une allégation de représentation inéquitable.

[Le passage souligné l’est dans l’original]

21 Avant que la Commission ait l'occasion de communiquer avec la plaignante pour connaître son avis sur la question consistant à savoir si la Commission devait accepter les arguments tardifs du défendeur et pour obtenir ses commentaires sur la teneur des arguments, elle a soumis la déclaration suivante, par courriel :

[Traduction]

[…]

[La réplique du défendeur] a été soumise après la date limite du 10 janvier 2011 et ne devrait pas être prise en compte. Cependant, j'aimerais apporter certaines précisions, parce que M. Kovacs a été mal renseigné relativement à certaines questions.

En ce qui concerne le fait que Val Fargy m'aurait représentée relativement à un « traitement injuste » de la part de [personne X], cela n'est JAMAIS arrivé. J'éprouvais de l'affection pour [personne X]. Je n'ai jamais eu à me plaindre d'elle. Je n’avais jamais eu une meilleure gestionnaire. Les problèmes ont commencé quand [personne X] a quitté son poste et a été remplacée par [personne Y]. Juste avant le départ de [personne X], on m'a diagnostiqué une tumeur au cerveau. [Personne X] était au courant, les deux autres superviseurs aussi [deux personnes nommées]. J'ai commencé à m'absenter fréquemment du travail en raison de graves maux de tête, de migraines et de rendez-vous chez le médecin. Mes crédits de congés de maladie se sont épuisés et, afin de pouvoir prendre un jour de congé complet, j'ai demandé à mon gestionnaire de prendre 2 heures de congé annuel (5,5 heures de congé de maladie et 2 heures de congé annuel). Il a refusé. Val Fargey m'a conseillé de déposer un grief, et elle a traité celui-ci.

C'est à ce moment que la situation est allée de mal en pis.

[Personne Y] mettait en doute le bien-fondé de mes absences. J'ai dû fournir plusieurs notes du médecin. [Les deux superviseurs] ont décidé de me placer près d'une fenêtre parce que, de toute évidence, je souffrais de dépression. Le syndicat n'a joué aucun rôle dans le fait qu'on me place près d'une fenêtre.

Il y a eu des rencontres avec le gestionnaire et des activités au bureau pendant un certain temps, et on m'a dit que je ne pouvais pas garder mon lieu de travail situé près de la fenêtre. À ce moment, le seul bureau doté d'une fenêtre était celui de Glen Erin, et j'ai opté pour une lampe au lieu de changer de lieu de travail. Je suis alors partie en congé de maladie pour un mois. [Personne Y] ne voulait pas me laisser revenir au travail sans une évaluation de Santé Canada. Cela a duré cinq autres mois. J'ai été en congé durant six mois – il ne s'agissait pas d'un congé d'invalidité. J'ai été en congé d'invalidité une seule fois.

Lorsque je suis revenue de ce congé qui a duré quelques mois, je souffrais de stress et j'ai commencé à prendre des congés à même mes crédits de congés annuels et de congés pour obligations familiales. J'ai été convoquée à une réunion parce que le gestionnaire était préoccupé par mes absences. Le syndicat m'a accompagnée à cette réunion et a CONVENU qu'il s'agissait de harcèlement. J'ai informé Cathie Herman que je voulais déposer un grief sur le champ. Elle m'a dit qu'elle serait en congé et a demandé à Colleen Fagon de s'occuper du dépôt du grief. Celle-ci ne l'a pas fait. Val m'a conseillé de demander mon dossier « ATIF ». J'ai suivi son conseil, puis nous nous sommes rencontrées en septembre et avons déposé le grief. J'ai douté des renseignements qu'on m'avait fournis parce que [nom] était maintenant ma superviseure, et je savais que je ne pouvais pas lui faire entièrement confiance (elle et moi avions eu des problèmes dans le passé). J'ai fait savoir à Val qu'il y avait d'autres documents à venir. Val m'a dit qu'une réunion avec le directeur [nom] devait avoir lieu le jeudi suivant. Je lui ai dit que j'apporterais le reste du dossier « ATIF ». La réunion a été annulée. J'ai parlé avec Cathie Herman, qui a dit que Val n'avait pas besoin des autres renseignements que j'avais reçus relativement à mon dossier « ATIF ». À ce moment, j'ai tenu pour acquis que le grief avait été déposé étant donné qu'une réunion avec [le directeur] avait été prévue.

Je suis partie en congé d'invalidité de longue durée en novembre 2008 et j'ai repris le travail en octobre 2009. À mon retour, il y avait des problèmes concernant les mesures d'adaptation, et Travis (le président de la section locale) était chargé de les régler. À ce moment, durant une réunion avec mon gestionnaire et le directeur, le gestionnaire a dit qu'il n'avait jamais entendu parler d'un grief qui aurait été déposé contre lui. Pendant mon congé d'invalidité de longue durée, j'ai envoyé plusieurs courriels aux membres du syndicat pour qu'ils m'informent de l'état de la situation concernant mon grief, car il était nuisible à mon bien-être que cette question soit résolue avant mon retour au travail. Cela n'a pas été fait.

En mars 2010, Travis et moi avons rencontré deux gestionnaires. Travis a été témoin de l'intimidation et des menaces dont je faisais l'objet. J'ai quitté le travail en juin et je n'ai pas remis les pieds au bureau de Courtney Park. Travis était présent lorsque j'ai rencontré le directeur en juillet pour discuter des mesures d'adaptation me permettant de travailler à mon domicile, et ces mesures m'ont été accordées.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

22 Après avoir reçu copie du courriel de la plaignante, le défendeur a immédiatement répondu qu'il regrettait les commentaires erronés au sujet de la personne X et a demandé à la Commission de faire abstraction de ces parties des arguments. (J'ai rayé le nom de la personne X des arguments des deux parties. J'ai également retiré le nom des personnes qui ne semblaient pas être des représentants du défendeur et qui ne jouent pas un rôle important dans ma décision pour le moment.)

III. Motifs

A. Rejet de la plainte en ce qui a trait aux alinéas 190(1)a) à e) de la Loi

23 La lettre envoyée à la plaignante le 23 juillet 2010 précisait que j'avais rejeté la plainte en ce qui a trait aux alinéas 190(1)a) à e) de la Loi.

24 Chacun des alinéas 190(1)a) à e) renvoie à des interdictions qui sont énoncées ailleurs dans la Loi. Les plaintes déposées en vertu de l'alinéa 190(1)a) allèguent que l'employeur a contrevenu à l'article 56, qui se lit comme suit :

56. Après notification d’une demande d’accréditation faite en conformité avec la présente partie, l’employeur ne peut modifier les conditions d’emploi applicables aux fonctionnaires de l’unité de négociation proposée et pouvant figurer dans une convention collective, sauf si les modifications se font conformément à une convention collective ou sont approuvées par la Commission. Cette interdiction s’applique, selon le cas :

a) jusqu’au retrait de la demande par l’organisation syndicale ou au rejet de celle-ci par la Commission;

b) jusqu’à l’expiration du délai de trente jours suivant la date d’accréditation de l’organisation syndicale.

25 Les plaintes déposées en vertu de l’alinéa 190(1)b) de la Loi allèguent que l’employeur ou l'agent négociateur a contrevenu à l’article 106, qui se lit comme suit :

106. Une fois l’avis de négociation collective donné, l’agent négociateur et l’employeur doivent sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai éventuellement convenu par les parties :

a) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;

b) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective.

26 Les plaintes déposées en vertu de l’alinéa 190(1)c) de la Loi allèguent que l’employeur, un agent négociateur ou un fonctionnaire a contrevenu à l’article 107, qui se lit comme suit :

107. Une fois l’avis de négociation collective donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve de l’article 132, les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition ou :

a) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à l’arbitrage, jusqu’à ce que la décision arbitrale soit rendue;

b) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation, jusqu’à ce qu’une grève puisse être déclarée ou autorisée, le cas échéant, sans qu’il y ait contravention au paragraphe 194(1).

27 Les plaintes déposées en vertu de l’alinéa 190(1)d) de la Loi allèguent que l’employeur, un agent négociateur ou un administrateur général a contrevenu au paragraphe 110(3), qui se lit comme suit :

110. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’employeur, l’agent négociateur d’une unité de négociation et l’administrateur général responsable d’un ministère figurant à l’annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques ou d’un autre secteur de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe IV de cette loi peuvent décider conjointement d’entamer des négociations collectives sur toutes conditions d’emploi de tout fonctionnaire de l’unité de négociation employé au sein du ministère ou de l’autre secteur.

[…]

(3) Les parties qui ont décidé d’entamer des négociations collectives au titre du paragraphe (1) doivent sans retard :

a) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;

b) faire tout effort raisonnable pour s’entendre sur les conditions d’emploi en cause.

28 Les plaintes déposées en vertu de l’alinéa 190(1)e) de la Loi allèguent que l’employeur ou une organisation syndicale a contrevenu aux articles 117 ou 157, qui se lisent comme suit :

117. Sous réserve de l’affectation par le Parlement, ou sous son autorité, des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, les parties à une convention collective commencent à appliquer celle-ci :

a) au cours du délai éventuellement prévu à cette fin dans la convention;

b) en l’absence de délai de mise en application, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la signature de la convention ou dans le délai plus long dont peuvent convenir les parties ou que fixe la Commission sur demande de l’une ou l’autre des parties.

[…]

157. Sous réserve de l’affectation, par le Parlement ou sous son autorité, des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, les parties commencent à appliquer les conditions d’emploi sur lesquelles statue la décision arbitrale dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date à compter de laquelle la décision arbitrale lie les parties ou dans le délai plus long dont celles-ci peuvent convenir ou que la Commission peut, sur demande de l’une d’elles, accorder.

29 Il ressort de mon examen des détails relatifs à la plainte et des courriels subséquemment fournis à la Commission par la plaignante que ceux-ci ne révèlent aucun élément renvoyant à l'un ou l'autre des articles de la Loi dont on peut alléguer, dans une plainte, qu'ils ont été violés aux termes des alinéas 190(1)a) à e). Un agent négociateur ne peut être désigné comme défendeur en vertu de l'alinéa 190(1)a). Les alinéas 190(1)b) à d) ont trait au processus de négociation collective. L'alinéa 190(1)e) porte sur la mise en œuvre d'une convention collective.

30 Étant donné l'absence d'argument défendable concernant une violation des alinéas 190(1)a) à e) de la Loi, je rejette la plainte relativement à ceux-ci sans exiger la présentation d’arguments supplémentaires.

B. Quatrième demande de prorogation de délai par le défendeur

31 Le représentant du défendeur a mentionné qu'il demandait une quatrième prorogation de délai pour ce qui était de répliquer à la plainte [traduction] « […] en raison de [sa] non-disponibilité durant les récentes fêtes de fin d'année ainsi que d'un congé à venir ».

32 Lorsque la Commission a accepté la troisième demande de prorogation de délai du défendeur, le 29 novembre 2010, elle a clairement indiqué qu'elle refuserait d'examiner une autre demande de prorogation. La date limite définitive du 10 janvier 2011 fixée par la Commission était tout à fait conforme à la demande du défendeur. La Commission était en droit de s'attendre à ce que le défendeur tienne compte du fait que les fêtes de fin d'année auraient lieu avant la date d'échéance qui avait été établie pour fournir sa réplique. Par conséquent, je ne peux admettre que les [traduction] « récentes fêtes de fin d'année » constituent une raison valide du non-respect de la date limite du 10 janvier 2011. J'ai également conclu qu'un [traduction] « congé à venir » non précisé ne représentait pas un motif valable pour que la Commission prenne la décision exceptionnelle de changer pour une quatrième fois une date limite qu'elle a clairement qualifiée de définitive dans sa lettre datée du 29 novembre 2010.

33 Le défendeur savait depuis le 15 octobre 2010 qu'il avait l'obligation de répliquer aux arguments de la plaignante. J'ai noté tout particulièrement que le représentant du défendeur avait lui-même demandé à la Commission de voir à ce que soient respectées les échéances, dans une lettre datée du 24 septembre 2010 dans laquelle il commentait une demande de prorogation présentée par la plaignante :

[Traduction]

[…]

[…] le défendeur estime (i) que toute prorogation accordée devrait être assujettie à une date limite précise et (ii) que, compte tenu des précédentes prorogations et occasions de présenter des arguments, toute prorogation accordée devrait être la dernière, après quoi la Commission devrait trancher la plainte en se fondant sur les documents au dossier.

[…]

Il appert clairement que chaque partie doit se plier aux dates limites qui ont été fixées.

34 Comme je l'ai indiqué précédemment, j'ai refusé la quatrième demande de prorogation de délai.

C. La Commission doit-elle accepter les arguments tardifs du défendeur?

35 En principe, j'adhère en bonne partie à la position de la plaignante selon laquelle la Commission ne devrait pas tenir compte des arguments tardifs du défendeur. Cependant, en pratique, la question de la prise en compte des arguments tardifs du défendeur ne revêt pas une grande importance. Il ressort de la décision qui suit qu'il est nécessaire de tenir une audience tant sur la question de la recevabilité que sur celle du bien-fondé de la plainte. Je peux rendre une décision de deux façons : à partir de l'examen des arguments de la plaignante uniquement, ou en tenant compte de la réplique tardive du défendeur.

36 Pour ce motif, je n'ai pas besoin de décider officiellement s'il convient de tenir compte des arguments déposés par le défendeur le 11 janvier 2011.

D. Respect du délai de présentation de la plainte

37 La Loi établit comme suit l'échéance pour le dépôt d'une plainte en vertu de l'article 190 :

190. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

La jurisprudence de la Commission indique clairement que les commissaires n'ont pas le pouvoir discrétionnaire de modifier l'échéance de 90 jours pour le dépôt d'une plainte.

38 Dans une certaine mesure, l'analyse de la recevabilité de la plainte est rendue plus complexe par le fait que la plaignante allègue l'avoir déposée une première fois au début d'avril 2010. Les Services du greffe n'ont trouvé aucune preuve électronique ou matérielle du dépôt d'une plainte ayant précédé la réception de la formule 16 de la plaignante, le 4 juin 2010. Bien qu'on ne puisse écarter en toute certitude la possibilité que la Commission ait reçu une plainte en avril 2010 et qu'elle l'ait perdue, j'estime que cela est peu probable. Cette opinion est renforcée par le fait que la plaignante n'a pas été en mesure de fournir une preuve du dépôt d'une plainte en avril, ainsi que par son deuxième courriel daté du 10 décembre 2010, dans lequel elle affirme ce qui suit : [traduction] « […] j'ai mélangé les dates sur ma copie de la plainte. Ce n'est pas le 4 juillet 2010, c'est le 7 avril 2010. J'ai confondu le jour et le mois […] ». Selon moi, la déclaration de la plaignante ne clarifie en rien la situation et, malheureusement, laisse supposer qu'elle a pu [traduction] « mélanger » les dates dans d'autres parties de ses arguments.

39 Lorsque la plaignante a déposé sa formule 16, le 4 juin 2010, elle a indiqué que c'était en mai 2010 qu'elle avait pris connaissance [traduction] « […] de l'action, de l'omission ou de la situation […] » ayant donné lieu à sa plainte. Or, on ne sait trop comment elle aurait pu, comme elle le prétend, avoir soumis sa plainte pour la première fois le 7 avril 2010, soit avant que survienne l'événement déclencheur présumé, en mai 2010. En outre, durant sa conversation téléphonique avec l'agent du greffe de la Commission, le 28 juillet 2010, la plaignante a mentionné que [traduction] « […] son syndicat n'a pas communiqué par écrit avec elle avant mai 2010 et lui a fait savoir à ce moment que son grief n'avait pas été déposé ». Ce compte rendu tend à confirmer la date mentionnée dans la formule 16 qu'elle a présentée le 4 juin 2010.

40 Selon la plaignante, c'est en mai 2010 que Steve McCuais, un autre représentant du SEIC, a confirmé que son grief [traduction] « […] ne serait pas entendu » et que le syndicat [traduction] « […] ne pouvait rien faire pour l'aider ». En supposant une fois encore que le compte rendu de la plaignante soit exact, sa plainte pourrait être recevable si je convenais du fait qu'il était approprié qu'elle attende de recevoir la confirmation de M. McCuais avant de déposer sa formule 16. Malheureusement, en l'absence d'une preuve plus détaillée, il est difficile d'évaluer cette proposition. En outre, la plaignante a déclaré dans ses arguments du 1er octobre 2010 que Lorraine Diapper, qui est manifestement une représentante du SEIC, l'a informée en janvier 2010 que son grief n'avait pas été déposé, ce qui ajoute à l'incertitude. Si cette affirmation est vraie, on pourrait faire valoir que la plaignante avais pris connaissance, ou aurait pu avoir connaissance, en janvier 2010, [traduction] « […] de l'action, de l'omission ou de la situation […] » ayant donné lieu à sa plainte.

41 À mon avis, ni les arguments tardifs du défendeur ni la réplique de la plaignante n'aident à trancher la question du respect du délai pour la présentation de la plainte.

42 Tout compte fait, il semble que je ne sois pas en mesure de déterminer avec certitude la situation qui a donné lieu à la plainte à partir des arguments présentés jusqu'ici. La question de la date à laquelle la plaignante a déposé sa plainte auprès de la Commission ne peut non plus être tranchée avec certitude. Par conséquent, en l'absence d'éléments de preuve ou d'arguments supplémentaires, je ne rendrai pas de décision sur l'objection du défendeur concernant le non-respect du délai de présentation de la plainte.

43 Je ne tranche pas la question du respect du délai de présentation, mais, ce faisant, je tiens à préciser qu'il est toujours possible qu'un élément de preuve indique une date autre que celle de l'échange qu'a eu la plaignante avec M. McCuais, en mai 2010, ou autre que celle de la conversation qu'elle a eue en janvier 2010 avec Mme Diapper, qui permettrait de déterminer de façon appropriée le délai dans lequel la plaignante aurait dû présenter sa formule 16.

44 Je conclus qu'il est nécessaire de tenir une audience pour examiner la question du non-respect du délai de présentation de la plainte.

E. Alinéa 190(1)g) de la Loi – objection du défendeur

45 Le défendeur s'est opposé à la plainte au motif que la plaignante [traduction] « […] ne démontre pas qu'il y a violation de la Loi à première vue […] ».

46 Une plainte déposée en vertu de l'alinéa 190(1)g) de la Loi doit alléguer une pratique de travail déloyale au sens de l'article 185, qui se lit comme suit :

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

47 Parmi les dispositions de la Loi mentionnées à l'article 185, celle à laquelle renvoie la plainte est vraisemblablement l'article 187. Celui-ci stipule qu'une organisation syndicale a un devoir de représentation équitable et se lit comme suit :

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

48 Une plainte présentée en vertu de l'article 190 de la Loi n'a pas à inclure tous les détails de l'affaire lorsqu'elle est déposée auprès de la Commission, comme l'indique clairement la section 4 de la formule 16 (Plainte visée à l'article 190 de la Loi), qui demande que l'on rédige un « [c]ourt exposé de chaque action, omission ou situation reprochée […] ». Néanmoins, on s'attend à ce que la formule 16 fournisse suffisamment de renseignements relatifs à la plainte, ou bien à ce que les précisions qu'on demande par la suite révèlent ce sur quoi porte essentiellement la plainte, de sorte que la Commission puisse être convaincue 1) que la plainte a été déposée comme il se doit en vertu de l'alinéa spécifié de l'article 190(1), et 2) qu'il y a, ou qu'il pourrait y avoir, des arguments valables au soutien d’une violation de la disposition de la Loi à laquelle renvoie l'alinéa. Du point de vue de l’équité procédurale, il est également essentiel de fournir suffisamment de renseignements afin de permettre au défendeur désigné de comprendre les éléments fondamentaux de l'affaire contre laquelle il doit se défendre.

49 J'ai examiné très soigneusement tous les documents déposés par la plaignante, et plus particulièrement son argumentation datée du 1er octobre 2010. Bien que l'importance de certains éléments de la documentation soit difficile à évaluer, la plaignante a fourni un compte rendu factuel de base, quoique limité, des événements qui se seraient produits. Si l'on tient pour acquis, pour l'instant, que les faits relatés sont vrais, la plaignante aurait vraisemblablement déposé un grief contre son gestionnaire, avec l'aide de la représentante syndicale Val Fargey, en septembre 2008. L'expression « déposer un grief » laisse habituellement supposer qu'il y a eu présentation d'un grief au palier approprié de la procédure de règlement des griefs. Dans le cas qui nous occupe, je déduis du compte rendu de la plaignante que, selon toute probabilité, celle-ci a transmis à sa représentante les renseignements à propos de la situation qu'elle souhaitait contester, en s'attendant à ce que la représentante « dépose » le grief. À plusieurs reprises durant son absence subséquente, alors qu'elle était en congé d'invalidité de longue durée, elle a essayé de connaître l'état de la situation concernant son grief de septembre 2008 en communiquant avec des représentants du SEIC. À son retour au travail, en octobre 2009, elle a constaté que son employeur n'avait pas eu connaissance du grief. Sur les conseils du président de la section locale, elle a alors communiqué avec Mme Diapper, pour déterminer ce qui s'était produit, et elle a appris, au cours d'une conversation avec Mme Diapper en janvier 2010, qu'aucun grief n'avait été déposé. Elle a communiqué avec un autre représentant, M. McCuais, en vue de déterminer les mesures qui pouvaient être prises, et celui-ci lui aurait confirmé en mai 2010 que son grief [traduction] « […] ne serait pas entendu » et que [traduction] « […] le SEIC ne pouvait rien faire pour l'aider ».

50 À partir des faits allégués, je conclus qu'il y a à tout le moins des arguments valables pour établir que les représentants du défendeur ont pu omettre de donner suite à la demande qu'a présentée la plaignante, en septembre 2008, de déposer un grief en son nom contre son gestionnaire, et qu'ils ont pu omettre à plusieurs reprises de lui répondre lorsqu'elle a tenté de savoir quel était l'état de la situation. Dans ce contexte au moins, il est permis de penser que les représentants syndicaux ont agi de façon arbitraire ou de mauvaise foi et qu'il y a eu par conséquent violation de l'article 187 de la Loi. D'après les arguments de la plaignante, on peut également se demander si le comportement qu'a eu M. McCuais en tant que représentant a respecté la norme établie à l'article 187, lorsqu'il a censément dit à la plaignante, en mai 2010, que le syndicat ne pouvait rien faire pour l'aider.

51 J’en serais arrivé à cette conclusion même si j'avais tenu compte des arguments tardifs du défendeur. Ces arguments semblent contenir certaines déclarations relatives aux faits – ou à tout le moins certaines interprétations des faits – qui, si elles étaient exactes, pourraient faire en sorte que les actions des représentants du défendeur soient perçues sous un angle différent et plus favorable. Plus particulièrement, l'omission alléguée de la plaignante de respecter son engagement de fournir des renseignements additionnels relatifs à son grief pourrait expliquer pourquoi les représentants syndicaux n'ont pas déposé son grief en septembre 2008 ou après, comme la plaignante le souhaitait ou l'anticipait. Les autres activités de représentation qu'aurait exécutées le défendeur pourraient fournir un contexte utile pour comprendre l'approche qu'il a adoptée à l'égard du dossier de la plaignante.

52 Cependant, comme c'est le cas pour la question du respect du délai de présentation de la plainte, je ne suis pas en mesure, après tout, de décider du bien-fondé de la plainte en l'absence d'éléments de preuve ou d'arguments supplémentaires. Étant donné que j'estime que la plaignante a satisfait à l'exigence minimale consistant à présenter des arguments défendables pour établir qu'il y a eu violation de l'article 187 de la Loi, l'affaire fera l'objet d'une audience. Par conséquent, je rejette l'objection soulevée par le défendeur selon laquelle la plaignante n'a pas été en mesure de présenter des arguments défendables pour établir qu'il y a eu violation de la Loi.

53 Enfin, je prends note de la déclaration qu'a faite le défendeur dans ses arguments tardifs selon laquelle la plaignante [traduction] « […] ne demande aucun redressement précis ». À l'audience, je m'attendrai à ce que la plaignante précise davantage la mesure corrective qu'elle souhaite se voir accorder par la Commission si elle parvient à prouver qu'il y a eu violation de la Loi.

54 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

55 Les Services du greffe, en consultation avec les parties, fixeront une date d'audience pour entendre la preuve et les arguments relatifs au non-respect du délai de présentation de la plainte et au bien-fondé de la plainte.

Le 31 janvier 2011.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
commissaire

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