Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a publié un article publicitaire dans un journal national, dans le but de dénoncer un processus de dotation qu'il considérait injuste - ses critiques portaient sur le fait qu’à son avis, le principe du mérite n'était pas appliqué - l'arbitre de grief a jugé les critiques non fondées - le fonctionnaire s’estimant lésé disposait d'autres moyens pour contester les décisions qui le concernaient - la mesure disciplinaire était proportionnelle à l'inconduite. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-04-04
  • Dossier:  566-02-974
  • Référence:  2011 CRTFP 40

Devant un arbitre de grief


ENTRE

COLIN MACLEAN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

employeur

Répertorié
MacLean c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Paul Love, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Debra Seaboyer, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Pierre Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
du 26 au 29 janvier 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I.Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé, Colin MacLean (le « fonctionnaire »), présente un grief concernant une suspension de cinq jours de son poste de commis, classifié CR-04, au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (l’« employeur »). Il a été suspendu parce qu’il a fait paraître un article publicitaire dans le National Post du 19 janvier 2006.

2 Les employés de l’employeur ont porté l’article publicitaire à l’attention de Terrance P. Tétreault, directeur régional, Gestion des locaux et du portefeuille, région du Pacifique. M. Tétreault a suspendu le fonctionnaire pour une durée de cinq jours par lettre datée du 15 mars 2006 (pièce 1, onglet 3). Dans cette lettre, M. Tétreault affirme notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente porte sur l’article publicitaire que vous avez publié dans le National Post du 19 janvier 2006, dans lequel vous critiquez l’employeur, ce ministère, et certains de ses employés.

Dans cet article publicitaire, vous avez critiqué bon nombre des organismes de l’employeur et vous avez ciblé un certain nombre de personnes de ce ministère de manière désobligeante. Plus précisément, vous avez affirmé ou laissé entendre que l’ancien ministre Goodale, votre directeur régional et votre ancien gestionnaire régional étaient coupables d’abus de pouvoir dans le contexte d’un concours d’attribution d’un poste de gestionnaire immobilier. Je mentionne que vous aviez déjà obtenu des réponses complètes à ces questions de la part du ministre ou de son personnel délégué et dans le cadre de la procédure de règlement de grief et des recours que vous avez poursuivi auprès de la Commission de la fonction publique.

Malheureusement, vous ne semblez pas capable d’accepter les conclusions de ces divers examens. J’estime qu’en diffusant vos allégations, vous agissez de façon irresponsable et inadéquate. En outre, votre geste a provoqué beaucoup de tension et de perturbations dans votre milieu de travail.

[…]

3 Le fonctionnaire demande l’annulation de sa suspension, le remboursement du salaire et des avantages sociaux perdus, le tout rétroactivement à la date de sa suspension, ainsi que le retrait de son dossier de tous les documents touchant sa suspension et la destruction de ceux-ci.

4 Ma compétence à statuer sur la présente affaire ne pose pas problème aux parties.

II. Résumé de la preuve

5 J’ai entendu les témoignages de M. Tétreault et du fonctionnaire. Chaque partie a déposé un certain nombre de pièces.

6 M. Tétreault a témoigné qu’à l’époque pertinente, il était chargé de superviser la majeure partie du portefeuille immobilier du gouvernement fédéral. Il supervisait 70 employés. Le fonctionnaire travaillait au sein de l’unité de M. Tétreault comme commis et ne relevait pas directement de lui, mais plutôt d’un superviseur de niveau intermédiaire.

7 L’employeur a suspendu le fonctionnaire parce qu’il avait publié un article publicitaire (pièce E-2), qui portait sur un conflit qu’il avait avec son employeur relativement à son travail. L’article a été publié au cours de la campagne électorale fédérale de 2005-2006, quatre jours avant les élections. L’article publicitaire était long, mais il importe de se pencher sur le texte complet, car c’est sur celui-ci que se fonde la mesure disciplinaire prise par l’employeur. En outre, l’article publicitaire exposait brièvement la vision du fonctionnaire, sa perception des faits et ses arguments visant à justifier sa publication. Il est ainsi rédigé :

[Traduction]

Lettre ouverte à John Reynolds – Le principe du mérite est mort

Monsieur Reynolds,

Je vous remercie de l’aide précieuse que vous m’avez donné au cours des dernières années. Vous m’avez représenté sans relâche au cours de mon combat historique d’une durée de huit ans contre l’abus de pouvoir du ministre de Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada, au cours duquel la Commission de la déontologie, le président du Conseil du Trésor et la vérificatrice générale ont failli à la tâche. Votre engagement reposait sur les conclusions de « très bons » avocats du service de recherche de votre parti. Les lois, les politiques et les codes constituaient une norme d’emploi équitable dans la fonction publique fédérale fondée sur le principe du mérite. Toutefois, cela ne se reflète pas dans la pratique et dans les faits. Le Sondage de 2002 auprès des fonctionnaires fédéraux indique qu’une proportion stupéfiante de 28 % des répondants NE CROIENT PAS que dans leur « unité de travail, le processus de sélection des personnes pour combler un poste est équitable ».

La simplicité de cette seule affaire, la preuve accablante et la quête de justice démontrent que le principe du mérite ne bénéficie d’AUCUN soutien structurel ou politique, que le principe du mérite est consigné sur papier seulement, et que le principe du mérite est mort. C’est la preuve tangible que la direction abuse du processus de dotation par concours, et ce, en toute impunité et sans avoir à affronter de conséquences. Le système de recours n’appuie ni l’engagement ni le principe qui suivent :

1.) L’engagement de la Commission de la fonction publique selon lequel [traduction] « le recrutement et le perfectionnement professionnel s’inscrivent dans un processus transparent qui repose sur le principe du mérite ».

2.) Le principe du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique du Conseil du Trésor, selon lequel « Le principe du mérite est à la base des décisions de nominations dans la fonction publique. » Cette affaire défend la cause des nombreux fonctionnaires fédéraux qui ont été lésés.

Au début de 1997, j’ai postulé à un concours de gestionnaire immobilier à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. L’énoncé de qualités comprenait l’admissibilité obligatoire au titre d’administrateur de biens immobiliers (ABI) accordé par le Building Owner’s and Managers Institute (BOMI) (le seul titre applicable). Le BOMI accorde le titre d’ABI au candidat qui a (1) complété ses cours obligatoires et (2) qui a acquis trois ans d’expérience en gestion immobilière. Le BOMI accepte l’expérience d’un candidat de bonne foi sur réception d’une formule de vérification des critères autorisés d’ABI vérifiée par l’employeur. Aucune description de travail ni autre preuve d’expérience n’est nécessaire. Le gestionnaire régional qui dirige le concours avait dit que moi-même et un candidat ayant moins d’ancienneté étions considérés pour le « dernier poste »; c’est le candidat ayant le moins d’ancienneté qui l’a obtenu. J’ai reçu mon titre d’ABI en 1992. J’avais fait toutes les études et acquis toute l’expérience en gestion de biens immobiliers nécessaires. La personne nommée a obtenu son titre en 1996, mais n’était pas qualifiée parce qu’elle manquait d’expérience. Nous avons tous deux obtenu une note de réussite au concours.

Les documents acheminés au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada, M. Goodale, qui ont été passés en revue par vos avocats du service de recherche, révèlent que la personne nommée possédait seulement huit mois et demi d’expérience en gestion de biens immobiliers et neuf ans d’expérience comme inspecteur des services d’immeubles (concierge), ce qui laissait croire que la personne nommée possédait presque 10 ans d’expérience, alors qu’il possédait moins de un an d’expérience. Le directeur général régional a étudié le dossier professionnel de la personne nommée et son expérience de travail, et il a répondu [traduction] « je suis convaincu que (la personne nommée) possède clairement ce titre (d’ABI) ». C’est devenu l’énoncé définitif du Ministère avec la réponse de la Commission de la fonction publique ci-après. Contrairement aux arguments du gestionnaire régional et du directeur général régional et à la réponse que le ministre Goodale vous a faite, selon laquelle « du point de vue du Ministère, nous sommes à l’aise avec le fait que le BOMI a dûment considéré toutes les qualifications (de la personne nommée), et non seulement une description de travail, et l’a jugé qualifié pour obtenir une certification », le BOMI a établi que la description de travail de l’inspecteur des services d’immeubles (que le BOMI a reçu de moi, et non du ministère) ne satisfait PAS à l’exigence d’expérience d’ABI selon les règles du BOMI. (Le BOMI a mené ultérieurement une enquête à ma demande.) Les inspecteurs des services d’immeubles ont inspecté les immeubles afin d’en vérifier la propreté et ont formulé des recommandations au gestionnaire immobilier. Toute autre mesure relevait du gestionnaire immobilier. À titre de gestionnaire immobilier, j’ai recruté et congédié des entrepreneurs en nettoyage. La responsabilité d’un concierge serait peut-être confondue avec celle d’un gestionnaire immobilier dans le secteur public, mais pas dans le secteur privé.

L’enquête de la Direction générale des recours de la Commission de la fonction publique (CFP) était convaincue que la personne nommée satisfaisait aux exigences d’accréditation professionnelle de l’ABI du BOMI lorsqu’elle a reçu une copie de son certificat délivré par le BOMI. Le certificat est entré en vigueur en octobre 1996. L’agente des enquêtes a conclu [traduction] « Je ne peux remettre en question le jugement du BOMI ou substituer mon jugement à celui du BOMI pour ce qui est de l’attribution de l’accréditation professionnelle d’ABI à la personne nommée, car cette question ne relève manifestement pas de ma compétence. Par conséquent, je dois accepter le bien-fondé de l’accréditation professionnelle et l’évaluation du ministère selon laquelle la personne nommée est celle qui est la plus apte. » Ainsi, sans égard à l’existence de preuves d’une erreur, la CFP ne fera pas enquête sur le titre d’ABI d’une personne nommée! C’est une faille que tous les gestionnaires peuvent exploiter! Si l’agent des enquêtes n’a pas compétence, alors qui possède cette compétence? La réponse est manifeste. La compétence a été accordée par défaut à la direction quand l’agente des enquêtes a refusé de faire preuve de discernement malgré la présentation d’une preuve claire de l’erreur de la direction. La direction est donc devenue elle-même responsable, et n’avait par conséquent pas de comptes à rendre à l’égard de l’application du principe du mérite. Il s’agit d’un déni de justice! Qu’en est-il de la « séparation des pouvoirs »? La Direction des enquêtes n’a-t-elle pas compétence pour veiller à l’application de son propre mandat? La décision pas défaut de l’agente des enquêtes en faveur de la direction donne lieu à une parodie de justice. Il s’agit d’un tribunal factice. C’est un simulacre d’enquête. Le Ministère se défend férocement en faisant valoir la décision de l’agente des enquêtes et un examen minutieux, transparent et marqué au coin de l’éthique. Où est l’enquête sur l’erreur?

Le refus du ministère de faire enquête sur la base des qualifications de l’ABI au titre de l’expérience de la personne nommée est analogue au cas de l’infâme société minière BRE-X, qui avait publié de faux comptes-rendus d’une découverte massive d’or et qui, lorsque cette découverte a été contestée, s’est défendue en s’appuyant sur ses fausses publications. Ce n’est pas correct! Dans un concours ultérieur, le même gestionnaire régional établit MAINTENANT qu’un collègue de longue date de la personne nommée ne remplissait PAS la même exigence d’expérience d’ABI avec un an d’expérience de gestionnaire immobilier et une longue expérience de 17 ans à titre inspecteur des services d’immeubles. Il s’agit d’un élément de comparaison direct. Par conséquent, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a reconnu que l’expérience d’inspecteur des services d’immeubles ne permet pas d’obtenir le titre d’ABI du BOMI. Si le collègue avait interjeté appel, le gestionnaire régional aurait été contraint de faire valoir des arguments « contre » l’expérience d’inspecteur des services d’immeubles, au même titre qu’il avait précédemment fait valoir des arguments « en faveur » de l’expérience d’inspecteur des services d’immeubles pour le compte de la personne nommée. Le gestionnaire régional a accordé de la valeur à la « même » expérience dans le sens contraire. En quoi cela respecte-t-il le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique du Conseil du Trésor?

Ce cas est également validé comme suit :

  1. Harris & Company, avocats, a donné un avis juridique selon lequel [traduction] « Sur la seule base de la description de travail que vous avez fourni au BOMI, il semble qu’ils n’auraient pas accordé le statut d’ABI à quelqu’un possédant de l’expérience seulement à titre d’inspecteur des services d’immeubles. »

  2. Les évaluations ordonnées dans mon appel accueilli ont été passées en revue par un expert indépendant qualifié qui a conclu sous condition qu’elles étaient définitivement biaisées en faveur de la personne nommée et contre moi.

  3. Les gestionnaires immobiliers préparent habituellement des budgets annuels pour chaque immeuble qui fait partie de leur portefeuille. Un budget pourrait comporter plus de 100 entrées, sans qu’il soit tenu compte des projets et des réparations. Les responsabilités des inspecteurs des services d’immeubles (conciergerie) sont reconnues par seulement trois ou quatre entrées soumises à chaque budget.

  4. Les documents d’appel révèlent que la direction a soumis de des renseignements au comité d’appel une fois l’audition de l’appel TERMINÉE! Mon représentant et moi-même n’avons pas eu l’occasion de répondre.

  5. Plusieurs mois après le concours de juin 1997, le gestionnaire régional a reconnu avoir lu mon excellente évaluation de rendement. Il s’est ensuite interrogé sur le motif pour lequel je n’avais pas accepté l’indication de la direction selon laquelle je devrais trouver une carrière autre que celle de gestionnaire de biens immobiliers. Pourquoi le devrais-je? Mon dossier était excellent!

  6. Au cours des années précédentes, la personne nommée m’avait dit ne pas avoir d’objectifs véritables. Un jour, quelqu’un lui a offert un poste comme nettoyeur et il l’a accepté. Des années plus tard, quelqu’un lui a offert un poste d’inspecteur des services d’immeubles, et il l’a accepté. La preuve révèle que le gestionnaire régional avait prévu les possibilités d’emploi à venir (avant le concours de 1997), et que le choix de « ma candidature » pour le poste aurait pu affecter les débouchés éventuels de la personne nommée, mais non l’inverse (évidemment, parce que j’étais plus qualifié). Ainsi, lorsque le gestionnaire régional a offert à la personne nommée un poste de gestionnaire immobilier, il l’a accepté, même s’il n’était pas qualifié. QUI a vérifié la formule de vérification des critères relatifs à l’expérience d’ABI de la personne nommée? Je ne peux le découvrir.

  7. En 1980, j’ai quitté un excellent emploi dans le secteur automobile pour devenir gestionnaire. Au fil des ans, j’ai réalisé ce qui suit :

    1. Un diplôme en commerce d’une durée de trois ans.

    2. Un baccalauréat en arts (économie).

    3. Une certification en gestion de biens immobiliers de Travaux publics (répartie sur plusieurs années dont un cours suivi pendant ma lune de miel).

    4. Titre d’ABI du BOMI avec études et expérience nécessaires.

    5. Mon dossier de gestionnaire immobilier chez Travaux publics était impeccable. J’avais de nombreuses lettres de recommandation, dont celle de mon gestionnaire.

    6. Ma dernière évaluation de rendement évaluait mon rendement comme gestionnaire immobilier. Les commentaires de mon agent de révision étaient « Excellente appréciation. Merci beaucoup de la qualité de votre travail. »

Lors d’un concours plus récent pour un poste de gestionnaire des immeubles et des installations (le poste de gestionnaire immobilier renommé), le nouveau gestionnaire régional a modifié sans explication l’exigence de la politique. L’admissibilité à un titre n’était pas demandée même si elle était « obligatoire ». Les exigences applicables à l’expérience étaient limitées à « au cours des trois dernières années » plutôt qu’à une « absence » de restriction. Elles m’excluaient! L’exigence relative à l’expérience récente est devenue un minimum de six mois plutôt que trois ans, et un minimum de quatre cours plutôt que l’ensemble des huit! Cela signifiait que les candidats les plus jeunes pouvaient gagner un concours et devenir responsables de millions de dollars de biens fédéraux, en ne possédant pratiquement pas d’expérience! Et s’il y avait un incendie, un tremblement de terre ou une catastrophe environnementale? J’ai été exclu parce que mon expérience était « trop ancienne » (parce que la direction avait volé ma carrière). Avant le concours, j’ai demandé une des plusieurs affectations par intérim, mais j’ai essuyé un refus pour les mêmes raisons. À quel candidat non qualifié la direction voulait-elle accorder une promotion cette fois?

Au cours des 10 dernières années, mon propre gestionnaire régional (et non le gestionnaire immobilier) m’a refusé toutes les possibilités d’avancement au sein de l’organisation. Celles-ci comprenaient des affectations par intérim et de la formation à l’interne (sauf en lien direct avec mes fonctions). Dans l’ensemble du pays, les emplois qui faisaient partie de notre unité de travail étaient reclassifiés. L’emploi de mon gestionnaire et ceux de mes collègues ont été reclassifiés à la hausse. Mon poste est le seul que le gestionnaire régional a refusé de reclassifier! Il y a 10 ans, lorsque j’ai été affecté à cette unité de travail, ce gestionnaire régional m’avait refusé l’autorisation de suivre le dernier cours dont j’avais besoin pour obtenir ma certification de gestionnaire immobilier, même si j’avais obtenu l’autorisation des mois auparavant et qu’il s’agissait d’un cours de deux jours devant débuter quelques jours plus tard. Mon gestionnaire régional (qui a pris sa retraite récemment) et des collègues font des voyages à l’étranger, alors que je suis serré financièrement en raison de mon salaire.

De quelle façon les décisions se succèdent-elles? La décision du 16 janvier 1998 rendue par le comité d’appel accueillait mon appel et ordonnait une évaluation. Après plusieurs tentatives d’obtenir l’évaluation, mon représentant a cessé d’essayer. Il a affirmé qu’il en avait assez de remporter des appels, pour voir ensuite la direction ignorer l’ordonnance. Le 29 juillet 1998, l’évaluation est finalement devenue disponible. Dans l’intervalle, la direction a tout simplement renommé la personne nommée. J’ai tout de suite demandé à mon délégué syndical de contester les évaluations en mon nom. La preuve révèle que j’ai demandé à mon délégué syndical de se charger de l’affaire pendant cinq mois, sans succès, avant de prendre charge de mon propre dossier. Des mois plus tard, une enquête syndicale m’a accusé d’avoir tardé à déposer un grief. Je n’ai pas tardé. Je crois fermement que le syndicat n’a pas fait enquête sur la base du titre d’ABI de la personne nommée, comme je l’avais demandé, ni sur la base d’une application abusive par la direction du principe du mérite. Le sous-ministre adjoint et le sous-ministre ont renvoyé le dossier au directeur général régional. L’agent de l’intégrité n’a été d’aucune aide. La Direction des enquêtes sur la fraude de TPSGC a dit qu’elle n’avait pas compétence. Le président du Conseil du Trésor a acheminé le dossier à la Commission de la fonction publique. La vérificatrice générale a cité les études existantes, mais ne pouvait pas se pencher sur des dossiers individuels. Ensemble, nous avons prouvé que le principe du mérite n’est nulle part appliqué aux niveaux de recours suivants : le gestionnaire régional, le gestionnaire des relations humaines, les représentants syndicaux (délégué syndical, le v.-p. GEU, le président de l’AFPC), le directeur général régional, le sous-ministre adjoint, le sous-ministre, le ministre, la Commission de la fonction publique, l’agent d’intégrité de la FP, la Direction des enquêtes et de la sensibilisation à la fraude de TPSGC, et le président du Conseil du Trésor (première fois).

M. Reynold, vous prenez votre retraite et vous avez fermé votre dossier au sujet de mon cas valide. Un politicien honorable nous manquera beaucoup. Le cabinet de M. Harper m’a renvoyé mes documents après plusieurs mois. Son cabinet a rejeté mon dossier sans précédent en « m’encourageant » à assurer un suivi auprès de la commission fédérale des normes du travail à Vancouver, qui, bien sûr, n’a pas compétence, et m’a souhaité bonne chance. La simplicité de ce dossier, de même que la preuve écrasante, prouvent que l’intégrité de l’engagement public de M. Harper à l’égard du principe du mérite n’est pas supérieure à la loi, aux politiques, aux codes et aux institutions conçus pour appliquer le principe du mérite. La politique basée sur une occasion de filmage pour bulletin télévisé, les affiches mises sur les murs de bureaux qui illustrent le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique du Conseil du Trésor et les cours de formation à l’éthique ministérielle constituent seulement de la poudre aux yeux. Le principe du mérite ne reçoit pas de soutien de la classe politique. La preuve tangible dans cette affaire montre que pour tous les fonctionnaires fédéraux, le principe du mérite est mort.

L’ouvrage de Frema Engel, intitulé Taming the Beast, Getting Violence Out of the Workplace, illustre les traumatismes subis en milieu de travail. Outre une perte annuelle de 30 000 $, sans parler de la pension et des avantages sociaux, mon épouse et moi avons subi un gros préjudice. Nous représentons seulement une histoire parmi un ensemble important de scandales impliquant la dotation au niveau fédéral. M. Reynolds, sur la base de ce dossier exhaustif que vous avez poussé avec insistance, je demande : (1) réparation à la suite des erreurs de la direction qui m’ont causé des dommages, (2) une enquête publique sur le processus de dotation fédérale et sur un régime de recours inoffensif, et (3) une enquête sur la formule de vérification des critères d’expérience de l’ABI exigée par le BOMI avant d’accorder le titre d’ABI à la personne nommée pour déterminer si la direction était complice de toutes les erreurs sur lesquelles elle s’est fondée. Le principe du mérite est mort.

Sincèrement,

Colin F. MacLean, B.A., ABI, CTM  EthicsFirst@look.ca

(Cette lettre a été rendue possible grâce à la contribution financière d’amis.)

8 À titre d’information, durant la période pertinente, le gouvernement fédéral était aux prises avec le « scandale des commandites », plus précisément avec la « Commission d’enquête Gomery ». M. Tétreault a déclaré que le moral de l’employeur était bas et qu’il était scruté de près par rapport à la question du comportement éthique.

9 M. Tétreault a déclaré qu’il était ébranlé et déçu qu’un fonctionnaire choisisse de publier un tel article publicitaire. Il n’avait jamais rien vu de tel au cours de ses 35 années au sein de la fonction publique fédérale. Il a affirmé qu’à son avis, l’article publicitaire était extrêmement injuste pour un certain nombre de personnes, pour le gouvernement fédéral et pour la fonction publique. Il a déclaré qu’un certain nombre de choses [traduction] « lui ont été exposées brutalement », notamment les allégations selon lesquelles un ministre était corrompu ou incompétent et selon lesquelles le processus de dotation était corrompu ou frauduleux. En outre, il était préoccupé par l’obsession et l’amertume apparentes du fonctionnaire à l’égard d’un concours qui a eu lieu quelque 8 à 10 ans plus tôt et qui avait été examiné par des organismes d’appel. Il a dit qu’après avoir examiné l’article publicitaire plus minutieusement, il a commencé à s’inquiéter de la mention de violence en milieu de travail et des graves allégations formulées contre les politiciens, les gestionnaires et les employés impliqués dans le processus de dotation. Il lui semblait inhabituel ou bizarre que quelqu’un veuille publier un tel article publicitaire dans le National Post, surtout que le coût de la publication d’un tel article doit être assez élevé, au point qu’il doit en coûter une bonne part du salaire annuel d’un employé.

10 À la suite de la publication de l’article publicitaire, M. Tétreault a rencontré le directeur régional des ressources humaines et un agent principal des relations de travail. Après la réunion, M. Tétreault a décidé de soumettre la question au niveau du directeur général régional en raison de sa gravité.

11 Une réunion a été organisée avec le fonctionnaire et un représentant de son agent négociateur. M. Tétreault et le représentant de l’agent négociateur s’inquiétaient des déclarations faites par le fonctionnaire à la réunion. M. Tétreault a imposé un congé administratif au fonctionnaire et a demandé à Santé Canada de lui faire passer une évaluation. Après cette évaluation, le fonctionnaire est retourné au travail.

12 Selon M. Tétreault, les déclarations faites dans l’article publicitaire ont nui à l’employeur. Il a dit que l’article publicitaire constituait une attaque. De plus, le choix du moment de la publication, soit la période où le ministre de l’époque, le très honorable Ralph Goodale (le « ministre ») a été accusé d’abus de pouvoir, ne constituait pas un exemple de comportement politiquement neutre tel qu’il est exigé dans le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique (le « Code »). Le Code énonce notamment ce qui suit :

[…]

Valeurs professionnelles : Servir avec compétence, excellence, efficience, objectivité et impartialité.

Il incombe aux fonctionnaires de respecter les lois du Canada et de préserver la tradition de neutralité politique de la fonction publique.

[…]

Valeurs liées à l’éthique : Agir en tout temps de manière à conserver la confiance du public.

Les fonctionnaires doivent exercer leurs fonctions officielles et organiser leurs affaires personnelles de façon à préserver et à accroître la confiance du public à l’égard de l’intégrité, de l’objectivité et de l’impartialité du gouvernement.

[…]

13 M. Tétreault a déclaré que le Code constituait une condition d’emploi et que les fonctionnaires ont été formés dans ce contexte.

14 En ce qui concerne la sanction infligée au fonctionnaire, M. Tétreault a témoigné qu’il croyait qu’une suspension de cinq jours indiquerait à M. MacLean et aux autres fonctionnaires que l’inconduite était grave. Il estimait qu’une suspension de un ou deux jours n’enverrait pas un message suffisamment vigoureux. Certains employés ont dit à M. Tétreault qu’ils vivaient de l’angoisse.

15 Au cours de son interrogatoire principal, le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait jamais vu le Code. Il a affirmé qu’il avait peut-être suivi une formation sur l’éthique, les valeurs et les responsabilités, mais qu’il ne s’en souvenait pas. En contre-interrogatoire, il a reconnu avoir reçu le Code au cours d’une séance de formation tenue le 10 novembre 2005. L’employeur a démontré que le fonctionnaire avait signé un serment d’allégeance lorsqu’il est entré en fonction dans un poste doté pour une période déterminée au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a dit que lorsqu’il a commencé à travailler chez l’employeur, on ne lui avait jamais demandé de signer un serment. Lors d’un réinterrogatoire, il a déclaré qu’il estimait que le serment donné au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ne s’appliquait pas à lui chez l’employeur.

16  En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s’est fait demander s’il croyait qu’il avait une obligation de loyauté envers l’employeur. Il a répondu qu’il avait une obligation de « loyauté considérable, selon la situation ». L’employeur a également démontré que le fonctionnaire avait suivi une formation en éthique le 18 février 2004 (pièce E-4) et le 10 novembre 2005 (pièce E-5). Le fonctionnaire a reconnu en contre-interrogatoire que l’éthique revêtait de l’importance pour l’employeur et pour lui; il estimait qu’il avait agi dans le respect de l’éthique en tout temps, qu’il avait épuisé tous les mécanismes internes et qu’il lui restait seulement les médias comme recours.

17 Le fonctionnaire a témoigné au sujet de ses antécédents professionnels et de la véracité des déclarations contenues dans l’article publicitaire. Son témoignage oral était essentiellement cohérent avec le texte de l’article publicitaire. Il travaille actuellement comme commis chargé des paiements en remplacement d’impôts à la Section de gestion des locaux et du portefeuille de l’employeur. Il a commencé chez l’employeur en juin 1986 comme étudiant et comme commis à la gestion des biens immobiliers. Son poste est devenu un poste pour une période indéterminée en 1989. Dans le cadre de ses fonctions, il a accepté des nominations intérimaires, notamment comme stagiaire en gestion immobilière. Il a déclaré avoir eu 17 affectations intérimaires comme gestionnaire immobilier. Jusqu’à l’incident en litige dans la présente affaire, il possédait des antécédents professionnels sans tache et avait obtenu de bonnes évaluations de rendement (pièce G-2). Ses qualifications comprennent un titre d’administrateur de biens immobiliers (ABI) (pièce G-24) décerné en mai 1992 par le Building Owners and Managers Institute (BOMI).

18 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait écrit l’article publicitaire sous forme de lettre ouverte parce qu’il estimait que sa situation témoignait de la nécessité, pour chaque fonctionnaire, d’être certain que les concours sont justes et parce qu’il a été victime d’une injustice pour toutes les mauvaises raisons. Il considérait son cas comme une épreuve déterminante de l’exemple parfait de ce qui clochait dans le processus de dotation du gouvernement fédéral. Il a déclaré que la Commission de la fonction publique (CFP) n’avait pas compétence pour faire enquête et que son histoire était suffisamment importante pour qu’il la fasse connaître publiquement.

19 Le fonctionnaire a témoigné qu’à la suite de la publication de l’article publicitaire, personne ne lui a demandé de se rétracter. Il n’était pas au travail le jour de la publication de l’article. Il a témoigné que, lorsqu’il est arrivé au bureau après la publication de l’article publicitaire, de cinq à sept collègues l’ont félicité pour un travail bien fait et l’ont remercié d’avoir fait ce qu’ils ne pouvaient pas faire. Personne n’a exprimé de crainte ni de préoccupation au sujet de ses commentaires sur la violence en milieu de travail formulés dans son article publicitaire. Il a témoigné qu’il avait formulé ces commentaires dans son article publicitaire alors que sa femme lisait un ouvrage sur la violence en milieu de travail. Il croyait avoir vécu un traumatisme et de la violence en milieu de travail compte tenu de la façon dont l’employeur l’avait traité.

20 Le fonctionnaire a exposé en détails les événements énoncés dans l’article publicitaire. Il a expliqué qu’il avait répondu à un courriel daté du 2 avril 1997 qui invitait les gens à postuler pour une affectation d’un an comme gestionnaire immobilier (pièce G-3). Le fonctionnaire a témoigné que le gestionnaire occupant le poste a dû considérer les postes libres prévus. Il a soumis son curriculum vitæ accompagné d’une lettre d’accompagnement (pièce G-4); un candidat autre que le fonctionnaire a été nommé. La CFP a avisé le fonctionnaire qu’il pouvait interjeter appel de la décision de l’employeur (pièce G-8). La période d’appel s’étalait du 11 au 27 juillet 1997.

21 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait interjeté appel de la nomination du candidat retenu et que le Comité d’appel de la CFP (le « Comité d’appel ») avait rendu une décision accueillant son appel le 16 janvier 1998 (pièce G-5). Les motifs de l’appel, énoncés à la page 2 de la décision, étaient les suivants :

[Traduction]

[…]

Par l’intermédiaire de son représentant, l’appelant a fait valoir que le ministère avait commis une erreur dans l’évaluation du facteur de ses qualités personnelles. Rien ne prouvait qu’une vérification du mérite relatif ait été effectuée par le Ministère. [Le gestionnaire] avait rempli un document d’évaluation pour [le candidat retenu], mais ne l’avait pas fait pour l’appelant.

[…]

Deuxièmement, le représentant de l’appelant soutenait que le ministère avait fait erreur en concluant que le fait que l’appelant avait déjà eu des nominations intérimaires importantes auparavant empêchait de prendre en compte sa candidature pour le poste en question.

[…]

22 La décision du Comité d’appel exigeait que l’employeur révise le processus de sélection et réévalue les qualifications du fonctionnaire et du candidat retenu. L’employeur a notamment fait valoir devant le Comité d’appel que le fonctionnaire avait obtenu de nombreuses nominations intérimaires et que le candidat retenu devrait obtenir davantage de nominations intérimaires. Il a aussi soutenu que le fait d’accueillir la candidature du fonctionnaire pouvait avoir des répercussions sur les possibilités éventuelles du candidat retenu. Le Comité d’appel a jugé ce raisonnement inapproprié, sauf dans le cas où l’employeur aurait pleinement et adéquatement évalué le mérite relatif de chacun des candidats et déterminé qu’ils étaient également qualifiés. Le Comité d’appel a également conclu que [traduction] « […] aucune preuve n’établissait que le ministère n’avait pas les meilleures intentions dans cette affaire ni qu’il n’entendait pas agir équitablement à l’égard des parties ». Selon le fonctionnaire, le Comité d’appel a déterminé que l’employeur n’aurait pas dû tenir compte du nombre de nominations intérimaires qu’il avait déjà obtenu lorsqu’il a pris en compte la répartition équitable des nominations intérimaires. Le fonctionnaire avait également fourni un imprimé de sa formation (pièce G-26) et de son certificat d’ABI (pièce G-24).

23 L’employeur a évalué de nouveau les candidats. Le fonctionnaire a témoigné que le candidat retenu avait été nommé à un poste de gestionnaire immobilier par intérim et que la réévaluation avait eu lieu le 16 janvier 1998. La CFP a informé le fonctionnaire qu’il pouvait interjeter appel de la décision de nommer le candidat retenu à un poste intérimaire de gestionnaire immobilier (pièce G-9). La période d’appel s’étendait du 27 février au 12 mars 1998. Le fonctionnaire n’a jamais interjeté appel de la décision de réévaluation (pièce G-15).

24 Le fonctionnaire a dit qu’il avait été informé des évaluations le 29 juin 1998. Il a déclaré que son représentant de l’agent négociateur avait demandé une copie de la réévaluation; après avoir essayé d’obtenir une copie de la réévaluation pendant plus d’un mois, le représentant a abandonné. Le fonctionnaire a également dit que le représentant de l’agent négociateur avait indiqué qu’il en avait assez de gagner des appels pour voir ensuite l’employeur faire fi de l’ordonnance qui en résultait. Le représentant de l’agent négociateur n’a pas été convoqué comme témoin à l’audience.

25 Le fonctionnaire a produit l’évaluation que l’employeur a faite de lui (pièce G-6) et les notes qu’il avait prises au sujet de l’évaluation du candidat retenu (pièce G-7). Son évaluation révélait que dans le cadre du concours, il avait obtenu 13 points sur le maximum de 20 points dans la catégorie des connaissances, 14 points sur 20 points pour les capacités et 44 points sur 65 pour les qualités personnelles. Il avait réussi dans chaque catégorie. Le candidat retenu avait obtenu 14 points pour les connaissances, 14 points pour les capacités et 48 points pour les qualités personnelles. Les renseignements sur le candidat retenu révélaient qu’il avait obtenu les qualifications pour l’ABI et qu’il avait accumulé 9 ans d’expérience en services d’immeubles et 1,5 an comme gestionnaire immobilier par intérim. Le fonctionnaire croit que le candidat retenu avait seulement 8,5 mois d’expérience et que les renseignements concernant son expérience fournis dans le cadre du concours étaient incorrects.

26 Le fonctionnaire a dit que lors de la lecture des évaluations, il savait qu’elles étaient fausses quant au fond, biaisées et trafiquées. Il a obtenu un avis à cet effet d’une personne possédant un doctorat en linguistique et a cherché à produire l’avis en preuve. Il croyait que cette personne était un expert (la personne n’a pas été convoquée comme témoin). Après avoir entendu les arguments sur la recevabilité d’un avis, j’ai statué que l’avis écrit n’était pas recevable sans rendre le témoin disponible en vue d’un contre-interrogatoire par l’employeur. Le fonctionnaire n’a pas convoqué le témoin.

27 Le fonctionnaire a également tenté de soumettre un avis juridique selon lequel une personne possédant l’expérience du candidat retenu n’aurait pas dû se faire accorder un certificat d’ABI. Après avoir entendu les arguments, j’ai statué que l’avis n’était pas recevable.

28 En 1999, le fonctionnaire a posé sa candidature à un concours pour un poste d’agent du rendement des biens. Sa candidature n’a pas été retenue. Un certain nombre d’autres personnes ont été retenues. Les personnes retenues ne comprenaient pas le candidat retenu au concours de 1997 pour le poste de gestionnaire immobilier par intérim, mais, au sein du jury de sélection, il y avait le même représentant de l’employeur que celui qui avait évalué la demande du fonctionnaire dans des concours antérieurs dans lesquels il n’avait pas été retenu. Le fonctionnaire a interjeté appel devant la CFP, en faisant valoir que le jury de sélection avait commis une erreur en déterminant qu’il ne satisfaisait pas à la norme minimale de la qualification des connaissances. Dans une décision datée du 25 février 1999 (pièce G-19), le Comité d’appel a statué que le jury de sélection avait bien évalué la réponse du fonctionnaire et n’a pas conclu qu’il avait été mal évalué.

29 Il semble que, au moins en date du 11 mars 1999, le fonctionnaire avait soulevé la question de l’admissibilité à un certificat de compétence du candidat retenu dans un grief. Je n’ai pas cette formule de grief. Bonnie MacKenzie, directrice générale régionale de l’employeur, a envoyé un courriel au fonctionnaire le 1er avril 1999 (pièce G-13), dans lequel elle fait mention de réunions tenues le 10 mars et d’un courriel daté du 11 mars 1999. Mme MacKenzie a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

D’après les renseignements que j’ai reçus, qui comprenaient à la fois un examen de son dossier professionnel et de son expérience de travail, je suis convaincu que [le candidat retenu] satisfait clairement à cette exigence. Je vous remercie d’avoir soulevé cette préoccupation, et j’estime maintenant que ce dossier est clos.

[…]

30 Mme MacKenzie a apparemment assuré le suivi des questions de qualifications une fois que le candidat retenu a été nommé au poste de gestionnaire immobilier par intérim. Le fonctionnaire a demandé d’être nommé à la place du candidat retenu. Mme Mackenzie a donné la réponse suivante au troisième palier de la procédure de règlement de grief dans une lettre datée du 12 mars 1999 (pièce G-14) :

[Traduction]

[…]

Premièrement, le concours d’ARB ne comportait pas d’exigence de certificat de compétence, ce qui fait que peu importe l’issue du point un qui précède, elle n’a pas d’incidence sur le concours d’ARB. Deuxièmement, vous n’avez pas démontré au jury de sélection que vous possédiez les connaissances nécessaires. On vous a donné l’occasion d’interjeter appel de ce résultat. Vous avez exercé votre droit d’appel et un tiers a déterminé qu’il n’existait pas de preuve voulant que le jury de sélection ait commis une erreur dans son évaluation.

Chaque processus de sélection est complètement indépendant et ne constitue ni le reflet d’un rendement antérieur dans le cadre d’un processus ni une illustration d’un rendement futur. Les résultats se fondent sur le rendement du candidat à un moment donné; par conséquent, seuls les résultats du processus de sélection actuel sont pertinents.

[…]

31 L’employeur a produit un document de clarification en ce qui concerne les exigences d’un poste de gestionnaire immobilier le 22 juin 1993 (pièce G-10). Le document prévoyait notamment qu’en date du 1er avril 1994, tous les candidats à des postes de gestionnaire immobilier devaient être admissibles à un titre professionnel en gestion immobilière reconnu par le ministère (à savoir, administrateur de biens immobiliers (« ABI »), administrateur immobilier accrédité (« AIA ») ou gestionnaire immoblier accrédité (« GIA »).

32 Bizarrement, le fonctionnaire a obtenu le titre d’ABI en bénéficiant d’une clause de droits acquis sans posséder l’expérience nécessaire. Ce n’était pas requis lorsqu’il a demandé le titre. Ironiquement, une des plaintes du fonctionnaire était que le candidat retenu ne méritait pas le titre parce qu’il ne possédait pas l’expérience exigée pour le titre.

33 Le fonctionnaire s’est interrogé sur la question de savoir comment le candidat retenu avait pu obtenir un titre d’ABI. Il a fourni des documents et un témoignage pour appuyer sa théorie, notamment :

  • Un imprimé du site Web du BOMI indiquant qu’un titre d’ABI nécessite trois années d’expérience vérifiable en gestion immobilière (pièce G-21).

  • Un « formulaire de vérification de l’expérience » vierge (pièce G-22) qui requiert la signature du candidat et de l’employeur qui fournit la vérification.

  • Une lettre du BOMI datée du 21 juillet 1999 (pièce G-23) indiquant qu’un titre d’ABI nécessite trois années d’expérience vérifiable en gestion immobilière.

  • Un imprimé des affectations du candidat retenu jusqu’au 7 août 1997 (pièce G-25) qui, au dire du fonctionnaire, indique que le candidat retenu avait accumulé 8,5 mois d’expérience de gestionnaire immobilier avant le 1er juin 1997 et 10 mois d’expérience après le 1er juin 1997.

  • Un imprimé de l’historique de la formation d’employé du candidat retenu (pièce G-26).

  • Une certification de la description de poste pour le poste d’inspecteur des services d’immeubles (pièce G-30).

  • Une lettre du BOMI datée du 14 avril 1999 qui énonce les définitions d’un gestionnaire d’immeubles et d’un gestionnaire immobilier (pièce G-28).

  • Une note de service (pièce G-31) et une lettre du BOMI (pièce G-29) indiquant que le poste d’inspecteur des services d’immeubles ne satisferait pas à l’exigence en matière d’expérience pour l’ABI (pièce G-31).

  • Un document intitulé « Classification opérationnelle des comptes pour les coûts de F & E des immeubles » (pièce G-18) indiquant qu’un inspecteur du nettoyage est chargé de seulement une partie des tâches d’un gestionnaire immobilier.

  • Une lettre de refus datée du 26 juin 2001 envoyée à un autre candidat dans le cadre d’un autre processus de sélection pour un poste de gestionnaire des immeubles et des installations qui n’avait pas été retenu parce qu’il n’avait pas de titre professionnel reconnu par le ministère dans le domaine de la gestion immobilière, tel qu’un titre professionnel d’ABI (pièce G-17).

34 Le ou vers le 12 août 1999, le fonctionnaire s’est plaint au BOMI. Il affirmait que le BOMI avait enfreint ses propres politiques en accordant un ABI au candidat retenu (pièce G-32). Le fonctionnaire a demandé que le BOMI fasse enquête et qu’il révoque sur-le-champ le certificat d’ABI du candidat retenu. Il a présenté des documents qui, à son avis, révélaient que le candidat retenu possédait seulement 8,5 mois d’expérience comme gestionnaire immobilier en date du 1er juin 1997 et qu’il avait obtenu le titre d’ABI en octobre 1996.

35 Il a reçu un accusé de réception de sa plainte d’Amy McMonigle, directrice des opérations du BOMI, en date du 16 septembre 1999 (pièce G-33), qui mentionnait notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le BOMI fait enquête sur cette affaire et a demandé d’autres documents aux parties en cause. Je tiens à vous certifier que le BOMI prend cette question très au sérieux et continuera à le faire tant que la question n’aura pas été réglée. Toutefois, d’un point de vue politique, le BOMI ne discute pas de questions concernant les étudiants et (ou) les diplômés des programmes d’obtention de titre du BOMI sans avoir obtenu l’autorisation écrite de l’étudiant ou du diplômé. Par conséquent, il ne nous est pas loisible de vous répondre au sujet de détails particuliers de la plainte.

36 Le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait pas reçu de mise à jour du BOMI au sujet du statut de son enquête. En contre-interrogatoire, il a reconnu que pour autant qu’il le sache, le candidat retenu devait encore posséder le titre d’ABI, car il travaillait encore comme gestionnaire immobilier (maintenant qualifié de gestionnaire des biens).

37 L’une des préoccupations du fonctionnaire était que les candidats des États-Unis au titre d’ABI doivent présenter un relevé de leur expérience, dont la véracité est attestée et qui est certifiée par un superviseur. Cette exigence n’existe pas dans le cas des candidats canadiens. Le fonctionnaire a qualifié cette situation de faille. Il a déclaré que le gestionnaire et le candidat retenu dans cette affaire doivent être responsables des documents présentés au BOMI.

38 L’autre faille qui n’a pas été mentionnée par le fonctionnaire réside dans la nature de la formule de vérification de l’expérience (pièce G-22). Elle dresse la liste de 24 tâches différentes qui sont exécutées et un candidat doit démontrer qu’il a accompli 15 d’entre elles. La formule indique que le BOMI se réserve le droit de vérifier tous les renseignements fournis dans la formule. Toutefois, la formule elle-même n’exige pas que le candidat ou un employeur fasse valoir que l’expérience a été obtenue au cours d’une période de trois ans. Elle n’exige pas que soit précisée la période au cours de laquelle l’expérience a été acquise.

39 Le motif pour lequel le BOMI accorde une certification au candidat retenu ou la façon dont il le fait n’est que pure spéculation. Le BOMI n’a jamais fourni de documents au fonctionnaire, et celui-ci n’aurait apparemment pas pris de mesures juridiques pour obliger le candidat retenu ou le BOMI à fournir des renseignements. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait fourni une description de travail (pièce G-30) et l’expérience du candidat retenu au BOMI. Il a été informé dans une lettre que lui a fait parvenir Lorna McCormick, directrice exécutive du BOMI, en date du 20 avril 1999 (pièce G-29), que la description de travail de l’inspecteur des services d’immeubles ne correspondait pas à la définition de la fonction de gestion immobilière du BOMI et donc qu’elle ne remplissait pas la condition d’obtention du titre d’ABI. Il a été avisé dans une note de service établie en date du 12 mai 1999 (pièce G-31) que l’expérience ne satisferait pas aux exigences d’obtention du titre.

40 Le fonctionnaire s’est plaint à la CFP de la nomination du candidat retenu le ou vers le 28 mai 1999, en faisant valoir que le candidat retenu ne possédait pas le titre d’ABI qui était exigé. Pour l’essentiel, le fonctionnaire faisait valoir dans sa plainte que le candidat retenu avait acquis 8,5 mois d’expérience comme gestionnaire immobilier et que ses 9 ans d’expérience comme inspecteur des services d’immeubles ne comptaient pas pour obtenir le titre d’ABI, d’après les critères du BOMI.

41 Le 6 août 1999, Lisa Imbesi, agente d’enquêtes et de conciliation de la Direction générale des recours de la CFP, a publié un rapport qui concluait que les allégations du fonctionnaire n’étaient pas fondées et qu’elles ne justifiaient aucune autre intervention de la part de la Direction des enquêtes, de la médiation et de la conciliation (pièce G-16).

42 Le ou vers le 22 juillet 1999, d’après le rapport de Mme Imbesi, celle-ci a conseillé ce qui suit au fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

J’ai étudié tous les documents versés au dossier et j’ai noté que nous recevons maintenant une copie du certificat de la personne nommée délivré par le Building Owners and Managers Institute International, dans lequel la personne nommée s’est vue attribuer le titre d’administrateur de biens immobiliers, en vigueur à partir d’octobre 1996.

Cette enquête avait pour but de déterminer si la personne nommée répondait à l’exigence du certificat de compétence. Compte tenu des renseignements qui précèdent selon lesquels la personne nommée satisfait à l’exigence du certificat de compétence, pour que le dossier demeure actif, il vous incombe de me fournir des éléments de preuve à l’effet contraire. Sachez que ces renseignements doivent m’être soumis par écrit d’ici le 4 août 1999.

[…]

43 À la page 5 de son rapport, Mme Imbesi a conclu ce qui suit :

[Traduction]

Tout d’abord, il convient de préciser que mon rôle dans cette affaire consiste à faire enquête sur la plainte en ce qui concerne l’allégation selon laquelle un candidat retenu dans le cadre d’un concours tenu récemment a été nommé sans avoir satisfait à l’exigence de certificat de compétence applicable au poste. Je dois m’assurer, dans cette affaire, que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a été respectée en ce sens que la sélection de la personne nommée doit respecter le principe du mérite.

Le plaignant, dans ses arguments, a fourni de nombreux documents pour étayer son argumentation selon laquelle la personne nommée [nom supprimé pour des motifs de protection de la vie privée] n’aurait pas dû être admissible à obtenir le certificat de compétence d’ABI d’après les normes publiées par le BOMI. Le plaignant a également présenté un argument selon lequel la Commission de la fonction publique devrait intervenir à cet égard. Malgré les arguments présentés, aucun élément de preuve n’indiquait que le certificat n’était pas valide. De plus, aucun élément de preuve n’a été présenté pour indiquer que le certificat a été délivré par des moyens frauduleux ou de mauvaise foi. Je ne peux pas remettre en question le jugement du BOMI ni substituer mon jugement à celui du BOMI en ce qui touche la délivrance du certificat de compétence d’ABI à la personne nommée, car cette question excède clairement ma compétence. Par conséquent, je dois accepter le certificat de compétence sur le fond et l’évaluation du ministère selon laquelle la personne nommée est la plus apte.

D’après les renseignements dont je dispose, selon lesquels il a été établi que le certificat de compétence de l’ABI de la personne nommée avait été délivré par le BOMI en octobre 1996, je ne peux conclure que l’allégation formulée dans cette affaire est fondée. La personne nommée a satisfait à l’exigence applicable au certificat de compétence pour le poste. En conséquence, aucune autre intervention de cette direction n’est justifiée.

44 Il n’existe pas de lien apparent entre Mme Imbesi et le candidat retenu ou le superviseur impliqué dans le concours en litige. Le fonctionnaire ne lui a pas demandé de déterminer s’il y avait eu du favoritisme. En outre, il n’a pas soumis de preuve au sujet d’une fausse demande de certificat à laquelle le candidat retenu et le superviseur auraient participé. Il a formulé ces allégations à l’audience. Il est clair qu’il n’a pas formulé ces allégations à la CFP au moment de l’enquête.

45 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré qu’il n’était pas heureux des résultats de l’enquête, mais qu’il n’avait pas demandé de contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

46 Le fonctionnaire n’a pas convoqué de témoin du BOMI et n’a pas produit de documents présentés par le candidat retenu pour obtenir son certificat d’ABI. Le fonctionnaire n’a fourni aucune preuve de l’issue de l’enquête du BOMI. Il n’a pas demandé de documents au BOMI par voies légales. Selon les affirmations du fonctionnaire, il n’a pas demandé les documents parce que le BOMI se trouve aux États-Unis, et qu’il n’aurait pas eu les moyens financiers de contraindre légalement cet organisme à produire des documents.

47 Le fonctionnaire a posé sa candidature dans le cadre d’un processus de sélection pour un poste de gestionnaire des immeubles et des installations en 2001. Le 26 juin 2001, il a été informé que le jury de sélection avait établi qu’il ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité du certificat de compétence et de l’expérience (pièce G-17). Il ne s’est prévalu d’aucun recours.

48 Le fonctionnaire a demandé la participation de son député, John Reynolds, dans une lettre datée du 9 juillet 2002 (pièce G-12). Il a exposé ses griefs et a noté ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La véritable question est que la direction a sciemment et intentionnellement aidé un candidat non qualifié, (nom omis) en ce sens qu’il ne possédait pas l’expérience nécessaire, à obtenir un titre obligatoire (ou l’admissibilité à celui-ci), soit l’ABI, d’un organisme privé, soit le BOMI, à se préparer aux prochains concours dans lesquels la direction souhaitait voir cette personne réussir.

[…]

49 À ce moment-là, M. Reynolds était également le leader de l’opposition à la Chambre. Le 21 octobre 2002, M. Reynolds a écrit une lettre au ministre (pièce G-11), dans laquelle il acheminait les documents de plainte du fonctionnaire. La lettre indiquait que M. Reynolds ne pouvait pas aider le fonctionnaire et que le fonctionnaire lui avait demandé d’acheminer la plainte à M. Goodale.

50 Le 24 avril 2003, M. Goodale a répondu par lettre à M. Reynolds (pièce G-27). La lettre mentionnait que les renseignements présentés avaient été soumis à l’employeur « plusieurs fois ». M. Goodale a notamment écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Au cœur de la question se trouve l’affirmation de M. MacLean selon laquelle un autre candidat à un concours n’a pas rempli l’exigence du certificat de compétence pour le poste annoncé, même si le candidat avait un certificat du Building Owners and Managers Institute (BOMI). Le certificat complété par cet organisme professionnel est en litige. M. MacLean conteste la validité du certificat ce qui fait qu’il devrait présenter son dossier au BOMI à des fins de révision. Du point de vue du ministère, nous sommes à l’aise avec le fait que le BOMI a considéré à juste titre toutes les qualifications de [nom supprimé], et non seulement une description de travail, et qu’il l’a jugé qualifié pour obtenir un certificat.

[…]

51 Le fonctionnaire a soumis une lettre de Johanne Massicotte, avocate principale du commissaire aux élections fédérales, en date du 4 août 2006 (pièce G-35), dans laquelle elle se disait d’avis que [traduction] « [b]ien que l’article publicitaire ait été publié pendant la période électorale, son contenu ne constitue pas de la publicité électorale en vertu de la Loi électorale du Canada. Par conséquent, le commissaire fermera son dossier dans cette affaire. »

52 Encore une fois, le fonctionnaire a soulevé la question de la nomination du candidat retenu auprès du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux d’alors, au moyen d’une lettre écrite par John Weston, le 6 mars 2006. Il a reçu la réponse suivante de l’honorable Michael M. Fortier, C.P. Le 12 juillet 2006, le ministre d’alors lui a répondu ce qui suit par lettre (pièce G-36) :

[Traduction]

[…]

En ce qui concerne la validité du titre d’administrateur de biens immobiliers (ABI) d’un autre employé, vous avez soulevé la question auprès du Building Owners and Managers Institute (BOMI). Même si vous n’êtres pas satisfait de la décision du BOMI de maintenir ou d’annuler le titre d’ABI de [nom supprimé] après son examen de votre plainte, mon ministère ne peut remettre en question la décision d’un organisme professionnel.

Vous avez participé à plusieurs processus de sélection ministériels et, comme vous le savez, il existe des voies de recours appropriées pour les questions de dotation à la Commission de la fonction publique (CFP), voies dont vous vous êtes prévalu. Le pouvoir de régler ce genre de plainte appartient carrément à la CFP, et les ministères doivent se conformer à sa décision, étant donné qu’ils ne possèdent pas de pouvoir de révision sur la Commission.

[…]

53 Le fonctionnaire a fait valoir, à la fois dans son article publicitaire et dans son témoignage de vive voix, qu’en date du 11 mars 2003, les exigences de l’employeur concernant le poste de gestionnaire des immeubles et des installations de 2001 avaient changé; dorénavant, on exige de l’expérience récente acquise au cours des trois dernières années et moins de cours (pièce G-20). Le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait pas été retenu dans un concours en mars 2003, parce qu’il n’avait pas acquis l’expérience au cours des trois années précisées.

54 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu avoir signé un serment d’allégeance le 5 juin 1985 (pièce E-3) lorsqu’il a commencé à travailler au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. On ne lui a pas demandé de prêter de nouveau serment lorsqu’il est entré en fonction chez l’employeur. Après s’être fait montrer les feuilles d’inscription aux cours Introduction à l’éthique, donné le 18 février 2004 (pièce E-4), et Sensibilisation à l’éthique, donné le 11 octobre 2005 (pièce E-5), et sur lesquelles est inscrit son nom, il a reconnu avoir assisté à ces cours. Il a également admis avoir suivi des cours de formation (pièce E-6).

55 En contre-interrogatoire, l’employeur a contesté l’affirmation du fonctionnaire voulant qu’il ait épuisé toutes les options raisonnables avant la publication de l’article publicitaire. Le fonctionnaire a reconnu qu’il n’avait pas interjeté appel de la nomination du candidat retenu au poste de gestionnaire immobilier par intérim en 1998 après que la CFP ait ordonné une réévaluation de ses qualifications. Il a dit que rendu là, son cheminement de carrière avait été détruit, que le candidat retenu avait continué à obtenir des nominations intérimaires, et qu’il n’était pas certain que l’employeur reviendrait sur sa position en ce qui concerne le candidat retenu. Il n’a pas demandé de contrôle judiciaire de la décision du Comité d’appel de la CFP sur le concours d’agent du rendement des biens. Je constate que ce poste équivaut à un poste de gestionnaire immobilier, le titre du poste ayant changé. Le fonctionnaire a reconnu qu’il n’a pas allégué qu’il existait un parti pris contre lui dans ses appels initiaux. Quand l’employeur a modifié les exigences du poste en litige, il n’a pas contesté le rejet par l’employeur de sa candidature, parce qu’il ne voulait pas être considéré comme un paria chez l’employeur étant donné qu’il n’existait pas de possibilité de révision réussie. Le fonctionnaire a reconnu qu’il n’avait jamais approché M. Tétreault au sujet de son incapacité à établir sa carrière comme gestionnaire immobilier. Bien qu’il ait déposé un grief sur la nomination du candidat retenu et sur le défaut de l’employeur de faire enquête, il n’a pas étudié la possibilité de déposer une plainte devant la Commission des relations de travail de la fonction publique (la « CRTFP »). Il n’a jamais consulté un avocat pour déterminer les prochaines étapes à suivre dans le but de régler ses problèmes.

56 L’employeur a contesté l’affirmation du fonctionnaire selon laquelle d’autres postes avaient été reclassifiés, mais pas le sien. Le fonctionnaire a reconnu ne pas avoir déposé de grief, même s’il estimait que l’absence de reclassification de son poste avait été une erreur. Il a indiqué qu’il ignorait qu’il pouvait déposer un grief. Il n’a pas discuté de cette situation avec son agent négociateur.

57 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu ne pas avoir fait valoir le favoritisme comme motif de son premier appel devant la CFP parce qu’il n’avait pas pu vérifier qu’il s’agissait d’un facteur et qu’aucun élément de preuve n’établissait que c’était le cas. Toutefois, il croit maintenant que le favoritisme a été un facteur.

58 En contre-interrogatoire, l’employeur a contesté l’affirmation du fonctionnaire selon laquelle l’employeur l’avait privé de possibilités de formation. Le fonctionnaire a reconnu que les cours qui lui ont été refusés par l’employeur s’appliquaient à son cheminement professionnel de gestionnaire immobilier et non aux fonctions de son poste de commis chargé du paiement versé en remplacement d’impôts. Le fonctionnaire a témoigné que l’employeur l’avait autorisé à suivre des cours de formation, mais non la formation qui lui permettrait de quitter son poste ou d’œuvrer en gestion immobilière. Le fonctionnaire a déclaré que son salaire le limitait dans ses moyens de payer lui-même ses cours.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

59 L’employeur a soutenu que la majeure partie de la preuve présentée par le fonctionnaire constituerait un cas très intéressant pour le Tribunal de la dotation de la fonction publique, car le fonctionnaire a produit des éléments de preuve sur des processus de dotation qu’il jugeait insatisfaisants. L’arbitre de grief devrait déterminer si l’employeur avait un motif valable de prendre une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire et si la mesure disciplinaire infligée était anormalement sévère dans les circonstances.

60 L’employeur a soutenu qu’il avait un motif valable de prendre une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire. L’employeur a conclu que le fonctionnaire s’était rendu coupable d’inconduite en publiant l’article publicitaire, ce qui constituait une violation de son obligation de loyauté envers l’employeur.

61 En l’espèce, il est nécessaire de mettre en équilibre le droit du fonctionnaire à la liberté d’expression et son obligation de loyauté envers l’employeur. Un fonctionnaire œuvrant dans la fonction publique doit se montrer vigilant pour ne pas promouvoir ses intérêts personnels au détriment des intérêts commerciaux légitimes de l’employeur.

62 Le fonctionnaire n’a pas fait la preuve d’un acte répréhensible de la part de l’employeur; il a seulement fait valoir sa propre théorie. L’employeur a dit que l’agent négociateur du fonctionnaire avait tenté de prouver que le fonctionnaire croyait que les affirmations contenues dans son article publicitaire étaient véridiques. Dans une affaire de cette nature, le fonctionnaire doit établir non pas qu’il croyait que ses affirmations étaient véridiques, mais bien que dans les faits, elles l’étaient.

63 Le fonctionnaire a fourni des détails de son cas dans l’article publicitaire. Toutefois, une partie de l’article publicitaire constituait une attaque personnelle à l’égard de personnes et d’organismes, comme des ministres et des organismes fédéraux, non étayée par des preuves.

64 En outre, l’article publicitaire s’en prend au principe du mérite. Le fonctionnaire fait valoir certains renseignements sur son propre cas. La preuve n’appuie pas son attaque du principe du mérite pour l’ensemble de la fonction publique.

65 La question en litige réside dans l’équilibre juridique approprié tel qu’il est décrit à la page 2 de Fraser c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique), [1985] 2 R.C.S. 455 : « Le point central de ce litige consiste à établir un équilibre entre le droit de l’individu de s’exprimer librement et son devoir, en tant que fonctionnaire, de remplir ses fonctions adéquatement. »

66 L’employeur a souligné que les devoirs de loyauté et de restriction du sens critique à l’égard de l’employeur constituent des valeurs importantes dans la fonction publique fédérale, tel qu’il est exposé dans Fraser aux pages 18-20 :

La fonction publique fédérale au Canada fait partie de l’exécutif du gouvernement. À ce titre, sa tâche fondamentale est d’administrer et d’appliquer les politiques. Pour bien accomplir sa tâche, la fonction publique doit employer des personnes qui présentent certaines caractéristiques importantes parmi lesquelles les connaissances, l’équité et l’intégrité.

Comme l’arbitre de grief l’a indiqué, il existe une autre caractéristique qui est la loyauté. En règle générale, les fonctionnaires fédéraux doivent être loyaux envers leur employeur, le gouvernement du Canada. Ils doivent être loyaux envers le gouvernement du Canada et non envers le parti politique au pouvoir. Un fonctionnaire n’est pas tenu de voter pour le parti au pouvoir. Il n’est pas non plus tenu d’endosser publiquement ses politiques. En fait, dans certaines circonstances, un fonctionnaire peut activement et publiquement exprimer son opposition à l’égard des politiques d’un gouvernement. Ce serait le cas si, par exemple, le gouvernement accomplissait des actes illégaux ou si ses politiques mettaient en danger la vie, la santé ou la sécurité des fonctionnaires ou d’autres personnes, ou si les critiques du fonctionnaire n’avaient aucun effet sur son aptitude à accomplir d’une manière efficace ses fonctions ni sur la façon dont le public perçoit cette aptitude. Toutefois, ayant énoncé ces qualités (et il peut y en avoir d’autres), je suis d’avis qu’un fonctionnaire ne doit pas, comme l’a fait l’appelant en l’espèce, attaquer de manière soutenue et très visible des politiques importantes du gouvernement. Selon moi, en se conduisant de cette manière, l'appelant a manifesté envers le gouvernement un manque de loyauté incompatible avec ses fonctions en tant qu'employé du gouvernement.

Comme l’a souligné l’arbitre de grief, il existe un motif important à l’appui de cette règle générale de loyauté, savoir l’intérêt du public vis-à-vis de l’impartialité réelle et apparente de la fonction publique. […]

[…]

[…] La tradition met l’accent sur les caractéristiques d’impartialité, de neutralité, d’équité et d’intégrité. Une personne qui entre dans la fonction publique ou qui y est déjà employée doit savoir, ou du moins est présumée savoir, que l’emploi dans la fonction publique comporte l’acceptation de certaines restrictions. L'une des plus importantes de ces restrictions est de faire preuve de prudence lorsqu'il s'agit de critiquer le gouvernement.

67 L’avocat de l’employeur a soutenu qu’il importe de tenir compte des faits et d’invoquer Haydon c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CF 749, et Brown and Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au paragraphe 7:3330. Il importe de prendre en compte le contenu de la critique, le degré de confidentialité des renseignements ainsi que son caractère délicat, la façon dont la critique a été rendue publique, la question de savoir si les affirmations étaient véridiques ou fausses, la mesure dans laquelle il a été porté atteinte à la réputation de l’employeur, l’impact sur la capacité de l’employeur d’exercer ses activités, et l’intérêt public à faire connaître les renseignements. Au paragraphe 49 de Haydon, la Cour a écrit ce qui suit :

Compte tenu des remarques qui précèdent, les facteurs suivants sont pertinents lorsqu’il s’agit de déterminer si un fonctionnaire qui fait en public des critiques manque à son obligation de loyauté envers l’employeur : le niveau du poste occupé par l’employé au sein de la hiérarchie gouvernementale; la nature et le contenu de l’expression; la visibilité de l’expression; le caractère délicat de la question; l’exactitude de la déclaration; les démarches que l’employé fait pour connaître les faits avant de prendre la parole; les efforts que l’employé fait pour informer l’employeur de ses préoccupations; la mesure dans laquelle la réputation de l’employeur est ternie et les incidences sur la capacité de l’employeur d’exercer ses activités.

68 Le fonctionnaire s’est présenté comme un gestionnaire immobilier qui possède une certaine expérience et qui est en mesure de recruter et de congédier des entrepreneurs indépendants et de prendre des mesures disciplinaires à leur égard. Son poste différait d’un poste en supervision de la maintenance. Il ne s’agissait pas d’un poste de niveau peu élevé. En fait, le fonctionnaire travaillait comme commis de niveau CR-04.

69 Le fonctionnaire s’est présenté comme une personne importante qui s’occupait de biens publics coûteux et qui devait être sans reproche.

70 Le fonctionnaire a publié un article publicitaire. Il avait d’autres recours, dont la Cour fédérale, chercher à obtenir réparation devant la CFP et déposer des griefs. En outre, il aurait pu discuter de sa plainte avec M. Tétreault.

71 Le langage utilisé par le fonctionnaire dans l’article publicitaire était inacceptable. Il a parlé d’abus de pouvoir de la part du ministre, ce qui constituait une critique sévère formulée sans preuve.

72 Le fonctionnaire a mentionné dans l’article publicitaire que le commissaire à l’éthique, le président du Conseil du Trésor et la vérificatrice générale ont failli à la tâche dans son dossier. Aucune preuve n’appuie cette affirmation, outre le fait que les personnes nommées étaient apparemment en désaccord avec le fonctionnaire.

73 Le fonctionnaire a déclaré dans l’article publicitaire que la direction avait abusé du processus de dotation par concours. Aucun élément de preuve n’a été fourni. Le Comité d’appel a décidé qu’il n’y avait aucune preuve à réfuter. Le fonctionnaire était en désaccord avec cette décision, mais il n’en a pas demandé le contrôle judiciaire.

74 Dans l’article publicitaire, le fonctionnaire a déclaré qu’il n’était pas heureux des certificats accordés par le BOMI à un autre fonctionnaire. Cela n’a rien à voir avec l’employeur. L’employeur a fait observer que le BOMI avait apparemment fait enquête et avait conclu que rien ne clochait du point de vue l’attribution du certificat accordé.

75 Le fonctionnaire a décrit les gestes de l’employeur comme un déni de justice, une parodie et un simulacre de justice, mais il n’a pas démontré que quelque illégalité que ce soit avait été commise ni qu’il y avait eu abus de pouvoir.

76 Ce n’est pas un cas dans lequel la liberté d’expression l’emporte sur l’obligation d’agir de bonne foi ou de faire preuve de fidélité. Il n’est pas ici question de vie, de sécurité ou d’illégalité. Il s’agit simplement d’un cas de vengeance ou d’une attaque agressive envers l’employeur. Le fonctionnaire n’a pas établi que son article publicitaire comptait parmi les exceptions énoncées dans Fraser.

77 Le fonctionnaire a adopté une conduite à visibilité élevée. Il a acheté une page complète dans un journal national, ce qui prouve que sa conduite était intentionnelle.

78 Le fonctionnaire a attaqué des institutions ou des dirigeants du gouvernement fédéral dans un journal, et ce, sans preuve.

79 Le fonctionnaire n’a pas vérifié les faits avant de publier l’article publicitaire. Il s’est montré sélectif et s’est servi de renseignements fragmentaires.

80 Le fonctionnaire n’a pas soulevé son problème auprès de M. Tétreault avant la publication.

81 L’article publicitaire constituait une attaque de la réputation du gouvernement fédéral. Il a nui à sa capacité d’exercer ses activités.

82 L’employeur a invoqué Stewart c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRFTP 168-2-108 (19760826). Bien qu’une personne puisse attirer l’attention sur des questions de conditions d’emploi, une personne se rend coupable d’inconduite grave si elle attaque publiquement un ministre. C’est une violation de l’obligation de loyauté que de faire des commentaires publics qui attribuent des motivations douteuses à un ministre et à son ministère; voir Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CF 958, qui maintient la décision 2003 CRTFP 115. La proposition du fonctionnaire selon laquelle le principe du mérite est mort équivaut à un coup de théâtre. Il semble que le fonctionnaire était intéressé à critiquer et à attaquer des gens parce qu’il estimait qu’il avait subi une injustice. Toutefois, il a eu recours à une méthode inadéquate et inconvenante.

83 La formulation de remarques qui minent la confiance du public à l’égard des institutions publique est inopportune, car celles-ci portent atteinte à la réputation de l’employeur; voir Simard c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2002 CRTFP 52. Comme dans Simard, le fonctionnaire ne peut être décrit comme un dénonciateur, parce qu’il a écrit au sujet de son propre cas et non au sujet d’une question d’intérêt public; voir Stenhouse c. Procureur général du Canada, 2004 CF 375.

84 Un arbitre de grief peut conclure que la nature, le fond, la forme et la visibilité des affirmations auront des effets négatifs sur la réputation d’un employeur; voir Labadie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 85, au paragraphe 221, et Procureur général du Canada c. Tobin, 2008 CF 740, au paragraphe 50.

85 Compte tenu de la sanction infligée par l’employeur, il importe de mentionner que le quantum applicable à la mesure disciplinaire à infliger ne constitue pas une science exacte. D’après la jurisprudence, les suspensions varient entre 5 et 10 jours pour des circonstances similaires. L’employeur a tenu compte de la nature de l’infraction et du poste du fonctionnaire au sein de la fonction publique. Il a décidé qu’une semaine sans rémunération constituait une sanction sévère. L’employeur croyait qu’il importait d’envoyer un message clair. Bien qu’un arbitre de grief ait compétence pour modifier la sanction, il convient de noter que l’arbitre de grief devrait alléger la sanction seulement si elle est nettement déraisonnable ou erronée; voir Hogarth c. Conseil du Trésor (Approvisionnement et Services), dossier de la CRTFP 166-02-15583 (19870331).

B. Pour le fonctionnaire

86  En réplique à l’argument de l’employeur, le fonctionnaire a déclaré que son objectif n’était pas de faire ressortir qu’absolument personne a été nommé suivant le principe du mérite, mais plutôt que le principe du mérite a été appliqué de manière incohérente et qu’il ne lui a pas été appliqué.

87 Le fonctionnaire a déclaré que, même s’il n’était pas heureux des décisions, les demandes de contrôles judiciaires par la Cour fédérale sont effectuées seulement dans des circonstances particulières. C’est un processus fastidieux et coûteux, et il faut satisfaire au critère limité de contrôle que représente la décision manifestement déraisonnable.

88 Bien que le fonctionnaire ait gagné sa bataille avec la CFP sur papier et que l’employeur a refait l’évaluation, cette victoire n’a pas eu l’effet escompté pour le fonctionnaire. Un processus d’appel est problématique si l’employeur peut simplement le répéter et obtenir le résultat qu’il désire.

89 Le fonctionnaire a soutenu qu’il ne demande pas à l’arbitre de grief de déterminer si les mesures de dotation ont été prises de manière adéquate. Toutefois, le fonctionnaire affirme que pour déterminer si l’employeur aurait dû prendre une mesure disciplinaire à son égard, il importe de prendre en compte la véracité des affirmations contenues dans l’article publicitaire. Il a fait ce qu’aurait fait une personne raisonnable pour attirer l’attention sur son témoignage.

90 Les motifs invoqués par l’employeur en ce qui concerne les mesures disciplinaires à l’égard du fonctionnaire sont énoncés dans la lettre annonçant la mesure disciplinaire (pièce E-2, onglet 3). L’employeur n’a pas prouvé que le fonctionnaire a posé les gestes énoncés dans cette lettre.

91 Le fonctionnaire a déclaré que l’article publicitaire critiquait l’employeur et certaines personnes.

92 Le fonctionnaire a consacré 10 ans à tenter de redresser la situation. Il a exprimé sa frustration à l’égard des mécanismes de dotation dans son article publicitaire. Il croit vraiment les faits qu’il a allégué. Il est allé plus loin dans son témoignage que dans son article publicitaire, car il croit que le gestionnaire a abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de sélection à titre de président du jury de sélection et qu’il a permis au candidat retenu de faire progresser sa carrière au détriment de celle du fonctionnaire. Il a allégué que cette conduite était frauduleuse.

93 Le fonctionnaire a eu recours à l’expression « abus de pouvoir ». Le ministre avait le pouvoir de prendre des mesures et de mener une enquête et il ne l’a pas fait. Mme MacKenzie et le ministre ont simplement approuvé machinalement la position de l’employeur et n’ont pas étudié impartialement les allégations du fonctionnaire contre le gestionnaire. L’employeur n’a pas contesté de façon significative les éléments essentiels de l’affaire. Le fonctionnaire a publié son article publicitaire en raison de ces éléments essentiels.

94 Le fonctionnaire n’a pas agi de manière insouciante; il a agi raisonnablement. Il a utilisé des titres de poste plutôt que les noms des personnes qu’il croyait responsables.

95 Le fonctionnaire a donné suite à ce qu’il croyait être son droit à la liberté d’expression en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982 (la « Charte »). Dans la hiérarchie des lois, la Charte se trouve tout en haut.

96 L’article publicitaire n’a pas eu d’incidence sur la capacité du fonctionnaire à travailler avec l’employeur.

97 En outre, rien ne prouve que la réputation de l’employeur ait été entachée. Le fonctionnaire espérait susciter un débat public enflammé, ce qui ne s’est pas produit. Bien que quatre ou cinq fonctionnaires se soient plaints à M. Tétreault au sujet de l’article publicitaire, il n’a pas suscité de commentaires du public.

98 Il est clair que personne n’a demandé au fonctionnaire de se rétracter. Le fonctionnaire a formulé ses critiques avec délicatesse et n’a nommé personne. Les entités ou les personnes publiques n’ont pas droit au même degré de confidentialité que les entités privées ou les particuliers.

99 Le fonctionnaire a pris toutes les mesures raisonnables pour épuiser les mécanismes internes avant de communiquer publiquement ses préoccupations à l’aide de l’article publicitaire. Son argumentation principale s’articulait autour du titre d’ABI. Il a procédé de façon logique et ordonnée, ce qui représente l’élément clé de ses allégations.

100  Par exemple, le fonctionnaire a établi les exigences d’obtention du titre d’ABI, qui sont énoncées dans une note de service (pièce G-10). Il apparaît clairement que le candidat retenu dans le cadre du concours n’avait pas les qualifications requises compte tenu des exigences.

101 Le fonctionnaire ignorait que les qualifications du candidat retenu étaient en cause jusqu’à ce que l’employeur fournisse une preuve pertinente au cours du premier appel.

102 Une lettre du BOMI indiquait clairement que le candidat retenu ne répondait pas aux critères relatifs à l’expérience. Une formule était la seule source à cet égard. Le candidat retenu a présenté la formule, qui a été signée par le gestionnaire. Il aurait dû y avoir une enquête. Toutefois, l’employeur a maintenu sa décision.

103 Compte tenu de l’ensemble des éléments, il est clair que même lorsque le fonctionnaire avait recueilli et présenté les renseignements sur des actes répréhensibles graves, il n’a pu convaincre personne chez l’employeur à prendre sa plainte au sérieux. C’est la raison pour laquelle il a rendu son dossier public.

104 L’équité justifie que l’on interdise à un fonctionnaire de rendre son dossier public et Il faut se demander si le gouvernement fédéral a eu une occasion de régler le problème. Le fonctionnaire a relevé une action fautive dans les processus de sélection et a donné au gouvernement fédéral l’occasion de la régler. Il était donc justifié de rendre son dossier public.

105 Si l’arbitre de grief conclut à une inconduite du fonctionnaire justifiant une mesure disciplinaire, le fonctionnaire fait valoir que, dans les circonstances, la mesure disciplinaire était excessive. Le fonctionnaire a soutenu qu’il n’avait nommé personne et qu’il y avait un déséquilibre de pouvoir important entre lui et un système qui mettait en péril une enquête sur sa plainte. Rien ne prouve que la conduite du fonctionnaire ait nui à sa capacité de faire son travail, qui consiste à accepter des paiements.

106 Le fonctionnaire a invoqué Chopra, Labadie, Haydon et Gendron c. Conseil du Trésor (Ministère du Patrimoine canadien), 2006 CRTFP 27. Le fonctionnaire a invoqué plus particulièrement les analyses faites dans Gendron de l’obligation de loyauté au paragraphe 127 et de la neutralité du fonctionnaire aux paragraphes 133 à 137.

107 Le fonctionnaire a demandé que le grief soit accueilli et que l’arbitre de grief demeure saisi de la mise en œuvre de sa décision.

108 Rien ne prouve que l’article publicitaire a eu des répercussions défavorables sur la réputation commerciale de l’employeur. Le fonctionnaire n’a pas reçu de commentaires négatifs de quiconque. Personne ne lui a demandé de retirer l’article publicitaire. Aucune preuve n’a établi que son article publicitaire avait affecté le degré d’examen de l’employeur pendant l’enquête Gomery. Ce n’est qu’un cas d’employeur qui réagit aux critiques d’un fonctionnaire.

IV. Motifs

109 À mon avis, je dois examiner les questions suivantes :

  1. Le fonctionnaire a-t-il commis une inconduite?

  2. L’inconduite du fonctionnaire mérite-t-elle une mesure disciplinaire?

  3. La suspension de cinq jours était-elle anormalement élevée dans les circonstances? Dans l’affirmative, quelle est la mesure disciplinaire appropriée?

110 J’ai examiné les questions l’une après l’autre.

A. Le fonctionnaire a-t-il commis une inconduite?

111 Je suis convaincu que le fonctionnaire a suivi une formation sur le Code et qu’il était lié par celui-ci. Il est tenu de respecter ses conditions, qu’il vaut la peine de répéter :

[…]

Valeurs professionnelles : Servir avec compétence, excellence, efficience, objectivité et impartialité.

Il incombe aux fonctionnaires de respecter les lois du Canada et de préserver la tradition de neutralité politique de la fonction publique.

[…]

Valeurs liées à l’éthique : Agir en tout temps de manière à conserver la confiance du public.

Les fonctionnaires doivent exercer leurs fonctions officielles et organiser leurs affaires personnelles de façon à préserver et à accroître la confiance du public à l’égard de l’intégrité, de l’objectivité et de l’impartialité du gouvernement.

[…]

112 Pour déterminer si le fonctionnaire s’est livré à de l’inconduite, il importe de tenir compte de la liberté d’expression et de l’obligation de loyauté du fonctionnaire à l’égard de l’employeur. Bien que l’employeur ait droit à un fonctionnaire loyal, il ne s’agit pas d’un droit absolu. La liberté d’expression n’est pas un droit absolu. Au paragraphe 45 de Haydon, la Cour fédérale énonce comme suit la nature du problème :

[45] Ceci dit, il faut établir l'équilibre entre la liberté d'expression de l'employé et le désir du gouvernement de maintenir une fonction publique impartiale et efficace. L'obligation de loyauté existant en common law est suffisamment précise pour constituer une limite prescrite « par une règle de droit », en vertu de l'article premier de la Charte. L'obligation de loyauté qui incombe aux fonctionnaires vise à promouvoir une fonction publique impartiale et efficace, ce qui est essentiel au fonctionnement d'une société démocratique; il s'agit donc d'un objectif pressant et important. Toutefois, l'obligation de loyauté n'exige pas un silence absolu de la part des fonctionnaires; elle englobe des exceptions ou des réserves lorsque, par exemple, le gouvernement accomplit des actes illégaux ou lorsque les politiques du gouvernement mettent en danger la vie, la santé ou la sécurité du fonctionnaire ou d'autres personnes, ou lorsque les critiques formulées par le fonctionnaire n'ont eu aucun effet sur son aptitude à accomplir d'une manière efficace ses fonctions ni sur la façon dont le public perçoit cette aptitude. Les exceptions à l'obligation de loyauté sont établies afin d'englober des questions d'intérêt public et de faire en sorte que l'obligation de loyauté porte le moins possible atteinte à la liberté d'expression, afin d'atteindre l'objectif d'une fonction publique impartiale et efficace []

113 Il est clair que les faits doivent être analysés au cas par cas pour déterminer si l’obligation de loyauté a été violée, car la liberté d’expression est également en litige.

114 Il ne s’agit pas d’un cas de dénonciation. Cette affaire porte plutôt sur la façon dont le fonctionnaire a été traité dans un processus de sélection. Elle ne comporte pas d’éléments d’urgence, comme la présence d’actes illégaux ou un danger pour la vie, la santé ou la sécurité, tel qu’il est énoncé à la page 19 de Fraser dans les termes suivants :

[…]

[] En fait, dans certaines circonstances, un fonctionnaire peut activement et publiquement exprimer son opposition à l’égard des politiques d’un gouvernement. Ce serait le cas si, par exemple, le gouvernement accomplissait des actes illégaux ou si ses politiques mettaient en danger la vie, la santé ou la sécurité des fonctionnaires ou d’autres personnes, ou si les critiques du fonctionnaire n’avaient aucun effet sur son aptitude à accomplir d’une manière efficace ses fonctions ni sur la façon dont le public perçoit cette aptitude. Toutefois, ayant énoncé ces qualités (et il peut y en avoir d’autres), je suis d’avis qu’un fonctionnaire ne doit pas, comme l’a fait l’appelant en l’espèce, attaquer de manière soutenue et très visible des politiques importantes du gouvernement. []

[…]

115 Bien que le fonctionnaire ait fourni une copie de Gendron, son argument fondé sur la Charte n’a pas été exposé de façon détaillée dans le cadre de cette audience. Dans Gendron, une fonctionnaire du ministère du Patrimoine a été congédiée parce qu’elle a refusé de démissionner d’un poste bénévole de présidente d’un organisme faisant la promotion de la souveraineté du Québec. L’organisme avait un objectif très différent de celui de l’employeur de Mme Gendron, qui visait à promouvoir l’unité canadienne. Dans Gendron, l’on a fait valoir qu’il n’existait pas de motif pour congédier la fonctionnaire et que la sanction était excessive dans les circonstances. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a appliqué le critère de Oakes et a conclu qu’un congédiement constituait une mesure extrême et qu’il ne permettait pas à la fonctionnaire d’exercer son droit à la liberté d’expression.

116 Dans Gendron, il a été jugé que l’obligation de loyauté constituait une limite raisonnable des droits fondamentaux des fonctionnaires, dans les termes suivants :

[…]

142. Sous réserve des exceptions à l’obligation de loyauté soulevées dans l’arrêt Fraser, la liberté d’expression ne peut être restreinte que dans la mesure nécessaire à la poursuite de l’objectif d’une fonction publique impartiale et efficace. Néanmoins, la restriction doit être minimale de façon à ce que l’atteinte au droit ne dépasse pas ce qui est nécessaire.

143. Le devoir de loyauté a récemment été discuté par cette Commission dans les décisions Haydon c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2002 CRTFP 10 et Chopra c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2003 CRTFP 115. La Cour fédérale dans la décision Haydon c. Canada (Conseil du Trésor), [2001] 2 C.F. 82 (1re inst.), a confirmé à la page 110, ce qui suit :

[…] L’obligation de loyauté en common law, telle qu’elle est énoncée dans l’arrêt Fraser, respecte suffisamment la liberté d’expression qui est garantie par la Charte et donc qu’elle constitue une limite raisonnable au sens de l’article premier de la Charte.

[…]

117 Contrairement à Gendron, ce grief porte sur un article publicitaire qui attaquait directement des personnes, dont le ministre, et qui suggérait que le ministre avait abusé de son pouvoir. L’article publicitaire soutenait également que le commissaire à l’éthique, le président du Conseil du Trésor et la vérificatrice générale avaient failli à la tâche en ce qui a trait aux questions soulevées par le fonctionnaire. Il porte également une attaque non fondée au principe du mérite. Au vu de Fraser et Stewart, il apparaît que l’allégation non fondée d’acte répréhensible de la part d’un ministre constitue une inconduite grave qui prend la forme de la violation de l’obligation de loyauté.

118 Dans Haydon, au paragraphe 49, la Cour fédérale énonce les facteurs qui permettent de façon pertinente de déterminer si un fonctionnaire qui critique publiquement son employeur enfreint une obligation de loyauté. Ces facteurs peuvent être paraphrasés comme suit :

  • le niveau du poste occupé par l’employé au sein de la hiérarchie gouvernementale;

  • la nature et le contenu de l’expression;

  • la visibilité de l’expression;

  • le caractère délicat de la question;

  • l’exactitude de la déclaration;

  • les démarches effectuées par l’employé pour connaître les faits avant de prendre la parole;

  • les efforts fournis par l’employé pour informer l’employeur de ses préoccupations;

  • la mesure dans laquelle la réputation de l’employeur est ternie;

  • les incidences sur la capacité de l’employeur d’exercer ses activités.

119 Je me pencherai maintenant sur certains des facteurs énumérés ci-dessus.

1. Le niveau du poste occupé par le fonctionnaire

120 Je constate que l’article publicitaire semble affirmer que le fonctionnaire était un gestionnaire immobilier, alors que dans les faits il était un commis chargé d’accepter les paiements; il occupe toujours ce poste à l’heure actuelle. Il mentionne son titre professionnel d’ABI sous sa signature dans l’article publicitaire, ce qui laisse croire aux lecteurs qu’il occupait un poste de responsabilité. Le fonctionnaire a déclaré que son poste hiérarchiquement peu élevé dans la fonction publique réduisait l’impact de ses propos. Par conséquent, il avait le droit de tenir de tels propos. Le cœur de son article publicitaire est qu’en raison d’une action fautive et du défaut d’application du principe du mérite, il n’a pas pu obtenir un poste plus élevé dans la fonction publique. Même s’il n’occupait pas un poste de direction chez l’employeur, le fonctionnaire a allégué qu’on lui avait refusé des occasions d’avancement au sein de la direction sur la base du mérite. Par conséquent, la nature de son poste est cruciale pour la nature de l’article publicitaire.

121 Bien que la nature de ses affirmations n’affecte généralement pas ses fonctions, qui consistaient à accepter des paiements, elles avaient des répercussions sur les personnes en milieu de travail. L’employeur a consacré du temps à faire enquête et à démêler cet écheveau. Après avoir publié son article publicitaire, le fonctionnaire a pris un congé en attendant l’évaluation de Santé Canada qui a été demandé à la suite de la conduite du fonctionnaire au cours d’une réunion tenue après la publication de l’article publicitaire.

2. La nature et la visibilité de l’article publicitaire

122  La nature de ce différend réside dans la non-acceptation du fonctionnaire des décisions de recrutement prises par l’employeur. Ces décisions lui étaient défavorables, et il les juge injustes et dommageables à sa carrière. Les décisions étaient régies par le principe du mérite et elles étaient soustraites à la politique brouillonne. Le fonctionnaire a tenté de politiser le processus de nomination en demandant un redressement par la voie politique plutôt que de se prévaloir à juste titre des mécanismes de recours dont il disposait. L’article publicitaire impute des motifs à des personnes ou à des institutions. Certaines de ces personnes ne possédaient pas de pouvoir d’étudier son problème, et d’autres n’avaient aucune implication directe avec lui. En outre, l’article publicitaire constitue une attaque gratuite à l’égard des fonctionnaires.

123 L’article publicitaire prend la forme d’une lettre adressée à un député retraité et a été publié quelques jours avant un scrutin. Le fonctionnaire devait savoir que ce député ne pouvait pas l’aider. Ce facteur m’amène à conclure que l’article publicitaire constituait une attaque plutôt qu’une demande d’aide du fonctionnaire, qui avait épuisé toutes les options raisonnables. J’accepte que l’article publicitaire ne constituait pas de la publicité électorale, tel qu’il a été mentionné dans la pièce G-35, mais cela ne répond pas à la question de savoir pourquoi l’article publicitaire a été publié au moment où il l’a été.

124 Le National Post a beaucoup de visibilité. La nature et le contenu des propos exprimés par le fonctionnaire dans son article publicitaire sont une source de préoccupation, peu importe son poste dans la fonction publique.

3. Le caractère délicat des questions soulevées

125 L’article publicitaire soulève des questions délicates d’abus de pouvoir, de manqué d’intégrité et de fraude. Par exemple, il mentionne l’affaire « Bre-X », affaire bien connue en matière de fraude. L’autre élément délicat, c’est que l’article publicitaire a été publié pendant que l’employeur faisait l’objet d’un examen dans le cadre de l’enquête Gomery et durant les derniers jours d’une campagne électorale fédérale. Ses allégations sont très graves et délicates.

126 Dans Hayden, la Cour fédérale affirme que c’est à l’employé qu’il incombe de prouver la véracité de ses communications. Le fonctionnaire a fait valoir que le ministre avait abusé de son pouvoir et que le commissaire à l’éthique, le président du Conseil du Trésor et la vérificatrice générale avaient failli à la tâche dans son dossier. Il a allégué que le candidat retenu et le gestionnaire avaient commis une fraude. Il a également allégué qu’il y avait eu une fraude systémique ou un abus du processus de nomination de la part de l’employeur en écrivant que le principe du mérite était mort.

127 J’accepte que le fonctionnaire soit sincère en ce qui concerne ses allégations. Je pense qu’il croit sincèrement qu’il aurait dû être nommé au poste de gestionnaire immobilier parce qu’il était plus qualifié que le candidat retenu. J’accepte qu’il soit sincèrement convaincu que le candidat retenu n’était pas qualifié et que le BOMI n’aurait pas dû reconnaître ses qualifications.

128 Il croit fermement que le candidat retenu a commis une fraude en obtenant son titre d’ABI et que le superviseur a pris part à la fraude. Le fonctionnaire est allé plus loin que de simplement souligner au public qu’il n’avait pas été retenu. Il a allégué que l’employeur connaissait ou a ignoré volontairement l’existence d’une fraude, car il n’a pas fait enquête. Il a laissé entendre que l’employeur avait des motifs inappropriés. Il a prétendu qu’il était ciblé et que l’employeur avait pris des mesures pour faire nommer, de façon essentiellement frauduleuse, quelqu’un d’autre que lui au poste.

129 Cependant, le fait de croire sincèrement quelque chose ne constitue pas une preuve des faits. Le fonctionnaire a formulé des allégations graves dans l’article publicitaire, et celles-ci doivent être étayées par des preuves. C’est au fonctionnaire qu’il incombe de prouver la fraude. Bien que la norme de preuve soit la prépondérance des probabilités, des allégations graves nécessitent une preuve forte. Il n’y a pas de preuve forte de la véracité substantielle des allégations. Je constate qu’il n’a convoqué comme témoins aucune des personnes qui, selon ses dires, auraient agi frauduleusement. L’employeur n’a pas à s’acquitter de ce fardeau. Il n’a pas pu produire de preuve forte selon laquelle le candidat retenu ou le gestionnaire a commis une fraude. Par exemple, il n’a pas présenté d’énoncé de qualités, ce qu’a fait le candidat retenu pour obtenir son titre d’ABI. En outre, on ne peut pas déduire, à partir du témoignage de vive voix ou des pièces, que le fonctionnaire a prouvé que la nomination du candidat retenu a été obtenue par des moyens frauduleux. Enfin, la question de la fraude ou du favoritisme n’a été soulevée dans aucun recours. Au mieux, le fonctionnaire a formulé un doute quant aux motifs pour lesquels le BOMI a accordé le titre d’ABI.

130 Aucun élément de preuve d’un problème systémique — c’est-à-dire un problème qui va au-delà de la situation personnelle du fonctionnaire — affectant l’ensemble des fonctionnaires n’a été produit. Même si le fonctionnaire a raison d’affirmer qu’il n’a pas été bien traité dans le cadre du processus de sélection, il ne faut pas en conclure pour autant que le principe du mérite est mort. Une telle rhétorique a tendance à discréditer la fonction publique et constitue une attaque.

131 Il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle un fonctionnaire a manifestement critiqué une politique du gouvernement fédéral, comme dans Fraser, Chopra ou Labadie. Le fonctionnaire a soulevé un problème concernant ses conditions d’emploi dans la fonction publique fédérale — en particulier la façon dont il a été traité dans un concours basé sur le mérite. Le fait de porter les faits d’un différend lié à l’emploi à l’attention du public ne constitue pas une violation de bonne foi. En tant que tel, je ne vois rien de mal à ce que le fonctionnaire mentionne au public qu’il n’a pas été le candidat retenu. Toutefois, il convient de noter que la question de savoir si un candidat a été retenu ou non dans un processus de sélection de la fonction publique présente peu d’intérêt pour le public. Ce sont les allégations d’abus de pouvoir, de manque d’intégrité, de fraude et de mort du principe du mérite qui suscitent de l’intérêt, des sentiments ou une situation délicate.

132 Toutefois, il est clair que des employés peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pour leurs propos sur les conditions d’emploi et la façon dont ils les tiennent. Par exemple, dans Simard, l’employeur a suspendu le fonctionnaire pendant 10 jours parce qu’il a qualifié son lieu de travail de [traduction] « trou de rat ». Tel qu’il est indiqué au paragraphe 39 de Stenhouse, la défense de dénonciation et le droit à la liberté d’expression doivent être utilisés de manière responsable et n’autorise[nt] pas « un employé mécontent à violer son obligation de loyauté en common law ou son serment du secret. »

4. Les efforts faits par le fonctionnaire pour informer l’employeur de ses préoccupations

133 Selon moi, il est raisonnable qu’un fonctionnaire qui cherche à critiquer publiquement un ministre épuise toutes les possibilités raisonnables et que lescritiques soient tempérées et étayées par la preuve. Toutefois, il se pourrait que cette critique ne puisse être justifiable à moins qu’elle compte parmi les exceptions énoncées dans Fraser. Le fonctionnaire a déclaré à plusieurs reprises qu’il avait épuisé toutes les avenues. Il est clair qu’il a fait de nombreuses démarches pour impliquer d’autres personnes, comme son député, le leader de l’opposition à la Chambre, le chef de l’opposition, la vérificatrice générale et l’agent de l’intégrité.

134 L’affirmation du fonctionnaire selon laquelle il avait épuisé toutes les avenues est inexacte. Cette affirmation amènerait toute personne raisonnable à conclure qu’il y avait quelque chose qui clochait au niveau des institutions fédérales en général et du ministre en particulier. Un lecteur aurait pu tirer une conclusion très différente si le fonctionnaire avait divulgué toute la vérité au sujet des voies de recours qu’il n’a pas exploré. Il n’avait pas épuisé toutes les voies qui auraient pu avoir une incidence importante sur l’issue de ses griefs. Je constate en particulier qu’il n’a pas poursuivi d’appels, de griefs ou des demandes de contrôle judiciaire. Il avait accès à ces procédures. Plus particulièrement, dans les multiples appels qu’il a interjetés, il n’a jamais soutenu que le favoritisme avait constitué un motif pour lequel il n’a pas été nommé. Il n’a jamais formellement fait valoir l’obtention frauduleuse de qualifications comme motif d’examen. Il n’a pas demandé de révision de son grief portant sur la nomination du candidat retenu en Cour fédérale ou devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Il n’a pas demandé de révision par la Cour fédérale du rapport de la CFP.

135 La publication de l’article publicitaire, sans preuve étayant les affirmations qui s’y trouvent, est une violation de l’obligation de bonne foi du fonctionnaire envers l’employeur. Plus particulièrement, je conclus qu’il met trop de personnes en cause dans ses allégations d’actes répréhensibles et qu’il n’a pas produit d’éléments de preuve étayant son allégation d’actes répréhensibles. Selon moi, il aurait dû épuiser comme il se doit tous les recours internes qui étaient à sa disposition. Le fait de ne pas interjeter appel d’une décision en matière de recrutement, puis d’affirmer que le système est corrompu et que le ministre a abusé de son pouvoir, tend à saper la confiance du public envers l’administration fédérale en tant qu’employeur.

5. Les incidences sur la capacité de l’employeur d’exercer ses activités

136 Rien ne prouve que les affirmations du fonctionnaire ont eu beaucoup d’incidence sur les activités de l’employeur. Il semble que le fonctionnaire ne soit pas parvenu à stimuler l’appui du public à son cas. M. Tétreault a prétendu que certains employés étaient fâchés. Toutefois, la question a nécessité des ressources en raison de la convocation de réunions. Par conséquent, on peut déduire que les affirmations ont eu un certain effet, ce qui est suffisant pour conclure que la capacité de l’employeur d’exercer ses activités a été entravée.

6. La réputation de l’employeur quant à l’exercice de ses activités

137 À mon avis, le fait que le fonctionnaire a publié son article publicitaire soulève un problème de perception du public quant à sa capacité de l’employeur d’exercer ses fonctions, étant donné que les fonctionnaires ne sont pas censés critiquer publiquement un ministre ou attaquer les motifs de personnes ou d’organismes publics. Compte tenu de la nature, du fond, de la forme et de la visibilité des affirmations contenues dans l’article publicitaire, je conclus qu’il y a eu des dommages à la réputation de l’employeur et du ministre.

138 Contrairement à Gendron, Fraser et Haydon, le présent grief porte sur un article publicitaire qui attaquait directement des personnes, dont le ministre, et qui affirmait que le ministre avait abusé de son pouvoir. L’article publicitaire mentionnait également que le commissaire à l’éthique, le président du Conseil du Trésor et la vérificatrice générale avaient failli à la tâche dans le dossier du fonctionnaire. Il porte également une attaque non fondée au principe du mérite. Au vu de Fraser et Stewart, il apparaît que l’allégation non fondée d’acte répréhensible de la part d’un ministre constitue une inconduite grave qui prend la forme de la violation de l’obligation de loyauté.

139 Je ne suis pas convaincu que la publication de l’article publicitaire est un droit protégé à la liberté d’expression prévu par la Charte. Je suis convaincu que le fait d’exiger d’un employé qu’il n’allègue pas qu’il y a eu abus de pouvoir, que le principe du mérite est mort dans le contexte des processus de sélection et que le commissaire à l’éthique, le président du Conseil du Trésor et la vérificatrice générale ont failli à la tâche, et ce sans fondement factuel dont la preuve peut être établie selon la prépondérance des probabilités, constitue une limite raisonnable au droit à la liberté d’expression. Le fonctionnaire a placé son intérêt personnel dans la poursuite de son différend au-dessus de l’intérêt public. Par conséquent, je conclus que l’employeur a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le fonctionnaire a commis une inconduite. À mon avis, le fait que le fonctionnaire n’a pas causé beaucoup de dommage constitue seulement un facteur, et non le seul facteur. J’estime que le caractère délicat des questions soulevées, la visibilité de la démarche et la fausseté des allégations ont davantage d’importance.

B. L’inconduite du fonctionnaire mérite-t-elle une mesure disciplinaire?

140 L’article publicitaire d’une page complète est paru en page 2 d’un journal national et attaquait des personnes et des institutions publiques. Je suis d’avis que de la façon dont il était rédigé, il avait tendance à attirer une attention non désirée, non justifiée et injuste vers certaines personnes. Plus particulièrement, le fonctionnaire a allégué que le ministre avait abusé de son pouvoir et que le commissaire à l’éthique, le président du Conseil du Trésor et la vérificatrice générale avaient failli à la tâche en ce qui concerne son dossier. Le fonctionnaire a allégué que le principe du mérite était mort. Sans utiliser le mot « fraude », le fonctionnaire a laissé entendre que la nomination du candidat retenu et le défaut de l’employeur de faire enquête étaient frauduleux. Il fait valoir que le principe du mérite n’a pas été maintenu, mais il n’a pas pris de mesures raisonnables. Par exemple, il n’a pas interjeté appel des résultats du processus de sélection. Selon moi, sa conduite méritait une mesure disciplinaire. Bien que les gestes posés par le fonctionnaire étaient inhabituels et sans précédent, il s’agissait d’une attaque délibérée et injustifiée. Je constate que la conduite du fonctionnaire n’était pas conforme à ce que l’on attendrait ordinairement de fonctionnaires. Le commentaire de M. Tétreault selon lequel il était stupéfait par la publication de l’article publicitaire est bien fondé. Je note les commentaires suivants au paragraphe 43 de Fraser sur la notion de restriction :

À mon avis, il existe au Canada une tradition semblable en ce qui a trait à notre fonction publique. La tradition met l’accent sur les caractéristiques d’impartialité, de neutralité, d’équité et d’intégrité. Une personne qui entre dans la fonction publique ou une qui y est déjà employée doit savoir, ou du moins est présumée savoir, que l’emploi dans la fonction publique comporte l’acceptation de certaines restrictions. L’une des plus importantes de ces restrictions est de faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit de critiquer le gouvernement.

141 Des affaires comme Chopra (voir le paragraphe 44 de cette décision) précisent que même si un employé épuise tous les recours internes avant de rendre son cas public, certaines communications pourraient quand même enfreindre l’obligation de loyauté, si elles attribuent des motifs inappropriés à un ministre et à son ministère.

142 À mon avis, l’employeur a fait la preuve de motifs justifiant une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire pour inconduite.

C. La suspension de cinq jours était-elle anormalement élevée dans les circonstances? Dans l’affirmative, quelle est la mesure disciplinaire appropriée?

143 Les seuls facteurs atténuants dans cette affaire sont le bon dossier professionnel du fonctionnaire et ses longs états de service, qui sont importants. Le fonctionnaire n’était pas un nouvel employé; il travaillait depuis de nombreuses années à la fonction publique. Ses commentaire n’étaient pas improvisés ni formulés dans le feu de l’action. La conduite du fonctionnaire était préméditée parce qu’il a rédigé l’article publicitaire, consulté un avocat spécialisé dans le domaine des médias qui lui a suggéré de l’atténuer et qui a pris les dispositions pour sa publication. Ses gestes étaient délibérés. Il a eu des occasions de se désister. Je constate qu’Élections Canada n’a pas estimé que l’article publicitaire enfreignait la Loi électorale du Canada, L.C. 2000, chapitre 9. Selon moi, le choix du moment de la publication constitue également une preuve de préméditation car la publication s’est produite au moment où le fonctionnaire espérait qu’elle aurait le plus d’impact. On aurait été en droit de s’attendre à une conduite plus prudente et réservée de la part du fonctionnaire, compte tenu de ses longs états de service dans la fonction publique.

144 Dans Gendron, l’arbitre de grief a appliqué une analyse fondée sur la Charte pour déterminer si la mesure disciplinaire infligée dans cette affaire était excessive parce que l’employeur a appliqué la sanction ultime qu’est le congédiement dans un cas qui touche la liberté d’expression. Dans Gendron, le congédiement ne constituait pas une solution assez nuancée de l’employeur dans un cas où une fonctionnaire a été congédiée pour avoir exercer des libertés protégées par la Charte. D’autres solutions moins draconiennes auraient éliminé le conflit entre Mme Gendron et son employeur.

145 Dans Labadie, la CRTFP a confirmé un congédiement. Dans cette affaire, le fonctionnaire a écrit au sujet de l’employeur. En l’espèce, il y a un certain degré de préméditation, étant donné que la rédaction de l’article publicitaire implique la rédaction d’une lettre et sa présentation à un avocat spécialisé dans le domaine des médias à des fins d’examen avant qu’il soit soumis au journal avec le paiement. L’article publicitaire mentionnait qu’un ministre avait abusé de son pouvoir dans le contexte de l’enquête Gomery en cours et pendant une campagne électorale, ce qui peut être considéré comme un geste délibéré.

146 Le fonctionnaire a eu recours à une tribune très visible pour formuler des affirmations critiques et non étayées au sujet du ministre et d’autres personnes. La suspension du fonctionnaire par l’employeur représentait une solution nuancée, qui tenait compte de la situation du fonctionnaire et des circonstances de l’inconduite. Dans des cas comme celui-là, il importe également de prendre en compte l’élément dissuasif, tant pour le fonctionnaire que pour les autres personnes aux vues similaires. Une approche équilibrée ou une solution mesurée de la part de l’employeur dissuaderait le fonctionnaire et les autres personnes ayant la même vision de prendre part à des activités similaires. L’imposition d’une mesure disciplinaire ne représente pas une science exacte. La mesure disciplinaire infligée ne semble pas avoir été excessive ou déraisonnable compte tenu des circonstances de l’espèce.

147 Pour tous les motifs qui précèdent, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

148 Le grief est rejeté.

Le 4 avril 2011

Traduction de la CRTFP

Paul Love,
arbitre de grief

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