Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que les défendeurs, soit le propriétaire d’une compagnie menant des enquêtes et la compagnie elle-même, s’étaient livré à des pratiques déloyales - la plaignante a aussi demandé l’autorisation à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la <<Commission>>) d’intenter des poursuites - les défendeurs avaient reçu le mandat de mener une enquête indépendante sur une plainte de harcèlement déposée contre la plaignante par des membres de l’agent négociateur - la Commission a statué que les défendeurs n’avaient aucun pouvoir sur la plaignante et qu’il était donc impossible pour eux de s’être livré à des pratiques déloyales - la plainte a été rejetée - en conséquence, la demande d’autorisation d’intenter des poursuites a également été rejetée. Plainte et demande rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-04-26
  • Dossier:  561-02-421 et 597-02-08
  • Référence:  2011 CRTFP 56

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

IRENE J. BREMSAK

plaignante et demanderesse

et

NORTH SHORE INVESTIGATIONS ET RANDY MATTERN

défendeurs

Répertorié
Bremsak c. North Shore Investigations et Mattern

Affaires concernant une plainte visée à l’article 190 et une demande visant à obtenir le consentement de la Commission aux termes de l’article 205 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Paul Love, commissaire

Pour la plaignante et demanderesse:
John Lee

Pour les défendeurs:
Elliot Leven, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 3 et 13 novembre et le 15 décembre 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte et demande devant la Commission

1 Irene J. Bremsak (la « plaignante ») a demandé que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») rende des ordonnances contre North Shore Investigations (« NSI ») et Randy Mattern (les « défendeurs »). La plaignante a allégué dans sa plainte que les défendeurs se sont livrés à des pratiques déloyales selon l’article 188 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). En outre, la plaignante a présenté, aux termes de l’article 205 de la Loi, une demande de consentement par la Commission d’intenter des poursuites contre les défendeurs en vertu de l’article 200 et du paragraphe 202(1) de la Loi. En particulier, la plaignante a déclaré que les défendeurs avaient enfreint la Loi lorsqu’ils l’ont déclarée coupable de harcèlement. Les défendeurs, de leur côté, ont affirmé que la demande devrait être rejetée.

2 Les allégations de Mme Bremsak concernant des pratiques déloyales se lisent en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

La raison donnée par la plaignante pour justifier le dépôt de la demande auprès de la CRTFP est que M. Mattern et les North Shore Investigation Services ont enfreint l’article 188 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) lorsque ce premier a déclaré que la plaignante était coupable de harcèlement après qu’elle avait informé les défendeurs des ordonnances contenues dans les dossiers de la CRTFP 561-34-405 et 561-02-408.

[…]

3 Le représentant de Mme Bremsak, John Lee, a fourni plus de détails au sujet de la plainte dans un courriel qu’il a envoyé à la Commission le 13 novembre 2009 :

[Traduction]

[…]

Selon l’alinéa 188e), il est interdit aux autres personnes agissant pour le compte de l’organisation syndicaled’user de menaces ou de coercition à l’égard d’une personne ou de lui imposer une sanction, pécuniaire ou autre parce qu’elle a présenté une demande ou déposé une plainte auprès de la CRTFP.

M. Mattern et North Shore Investigation avaient intimidé la plaignante durant leur processus d’enquête et avaient participé à l’imposition d’une sanction à la plaignante. Les défendeurs étaient payés par l’IPFPC pour mener une enquête partiale. Les défendeurs avaient indiqué que la LRTFP et la décision rendue dans 2009 CRTFP 103 ne faisaient pas partie du mandat qui leur avait été confié par l’IPFPC et que, par conséquent, ces éléments ne seraient pas pris en compte. De plus, les défendeurs n’avaient pas tenu compte du fait dont ils avaient été informés que leur employeur (IPFPC) dirigeait en tout temps les gestes des personnes ayant déposé la plainte contre la plaignante qui faisait l’objet de l’enquête (voir le paragraphe 13 du document présenté par les défendeurs en rapport avec le dossier de la CRTFP 561-34-405, daté du 24 juillet 2009). Les défendeurs savaient pertinemment que la conclusion partiale à laquelle ils arriveraient inciterait leur employeur (IPFPC) à imposer une sanction à la plaignante.

[…]

4 Les défendeurs ont déclaré, dans des arguments écrits datés du 15 décembre 2009, que la plainte et la demande devraient être rejetées.

5 Dans un courriel daté du 1er décembre 2009, Isabelle Roy, avocate, Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), a demandé la possibilité de présenter des arguments, étant donné que l’IPFPC estimait que le résultat de la procédure aurait des conséquences pour lui : [traduction] « Mme Bremsak conteste les constatations des défendeurs. L’Institut s’est fondé sur ces constatations pour prendre des mesures disciplinaires. Ainsi, il nous semble qu’il existe la possibilité qu’une décision rendue par la CRTFP ait un impact sur l’Institut. »

6 Dans un courriel adressé à Lisa Woodstock de la Commission, et daté du 21 décembre 2009, Mme Bremsak s’est opposée à ce que l’IPFPC présente ainsi des arguments. Elle a indiqué que si l’IPFPC était autorisé à participer, elle [traduction] « […] aimerait se réserver le droit […] »d’ajouter 24 membres de l’IPFPC en tant que parties à sa plainte et à sa demande, y compris deux avocats agissant pour le compte de l’IPFPC.

7 J’ai été nommé par le président de la Commission pour entendre et trancher cette question à titre de banc de la Commission.

8 La plainte et la demande ont été décidées sur la base d’arguments écrits. À la lumière de mes conclusions, il n’était pas nécessaire pour moi de prendre connaissance des arguments de l’IPFPC puisqu’il n’est pas touché par cette décision. Je ne statue aucunement sur les allégations de harcèlement contenues dans les rapports établis par les défendeurs.

II. Contexte

9 La plaignante était une dirigeante élue de l’IPFPC. Elle a initialement déposé deux plaintes devant la Commission, lesquelles ont été tranchées dans 2009 CRTFP 103. Le contexte de ces plaintes est exposé comme suit au paragraphe 3 de cette décision:

[3] La première plainte a commencé par un courriel de la plaignante à propos de la controverse entourant une élection locale au sein de l’agent négociateur. La plaignante reprochait à une autre membre, qui avait été déclarée élue par souci d’assurer la représentation régionale, de ne pas s’être désistée, par « manque d’éthique » et de « sens moral ». La personne visée par ces commentaires a présenté une plainte à la présidente de l’agent négociateur, dans laquelle elle alléguait que la plaignante avait tenu des propos diffamatoires et malveillants à son égard. Le Comité exécutif de l’agent négociateur a accueilli la plainte et demandé par écrit à la plaignante, le 12 septembre 2007, de présenter des excuses. La plaignante ayant refusé, le Conseil d’administration de l’agent négociateur a décidé de le faire à sa place […]

10 La plaignante a déposé une plainte auprès de la Commission (dossier de la CRTFP 561-34-202), datée du 16 novembre 2007, alléguant que la demande d’excuses et les excuses que le Conseil d’administration de l’IPFPC avait présentées en son nom constituaient une mesure disciplinaire et une sanction qui étaient discriminatoires, en contravention de l’alinéa 188c) de la Loi.

11 Après le dépôt par Mme Bremsak de sa première plainte à la Commission, l’IPFPC a appliqué à la plaignante sa Politique relative aux membres et aux plaintes à des organismes extérieurs (la « Politique ») et le 9 avril 2008, l’a suspendue temporairement de quatre postes auxquels elle avait été élue ou nommée au sein de l’IPFPC. L’IPFPC a informé Mme Bremsak que les suspensions temporaires seraient levées après que les procédures externes auraient pris fin, quelle qu’en soit la raison.

12 Le 8 juillet 2008, la plaignante a déposé une seconde plainte auprès de la Commission (dossier de la CRTFP 561-34-339), datée du 11 avril 2008, dans laquelle elle alléguait que la Politique et l’application de celle-ci à son endroit par l’IPFPC étaient discriminatoires.

13 Dans les deux plaintes, la plaignante a allégué des violations de l’alinéa 188c) et du sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi par l’IPFPC. L’alinéa 188c) interdit à une organisation syndicale de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en appliquant d’une manière discriminatoire à ce dernier les normes de discipline de l’organisation syndicale. L’alinéa 188e) interdit d’user de menaces ou de coercition à l’égard d’une personne ou de lui imposer une sanction, pécuniaire ou autre, pour avoir présenté une demande sous le régime de la Loi.

14 La Commission a rendu une décision dans Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique, 2009 CRTFP 64, le 29 mai 2009. L’IPFPC avait suspendu temporairement un membre de l’exécutif qui avait déposé une plainte de pratique déloyale contre l’IPFPC auprès de la Commission. Dans cette affaire, la Commission a examiné une version de la Politique que l’IPFPC avait appliquée à Mme Bremsak. Le commissaire a accueilli la plainte concernant la politique dans ce cas mais n’a pas accordé le redressement demandé, qui était le rétablissement dans le poste de membre de l’exécutif.

15 Les plaintes originales déposées par Mme Bremsak ont été tranchées lors d’une audience qui s’est tenue du 27 au 31 octobre 2008 et du 5 au 7 mai 2009. Les parties ont soumis d’autres arguments écrits le 22 mai et les 1er, 17 et 25 juin 2009. Le Commissaire a rendu une décision le 26 août 2009 dans Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 103. La plaignante a eu gain de cause en partie en ce qui concernait le dossier de la CRTFP 561-34-339 et l’IPFPC a reçu l’ordre :

1) d’annuler l’application de sa Politique à la demanderesse;

2) de modifier sa Politique pour la rendre conforme à la Loi;

3) de rétablir la demanderesse dans son rôle de dirigeante élue de l’unité de négociation et d’aviser ses membres et ses dirigeants, de la manière décrite au paragraphe 131 de cette décision, que la demanderesse avait été réintégrée dans tous les postes auxquels elle avait été élue et nommée, sous réserve de l’application régulière des statuts de l’IPFPC.

16 Le commissaire a rejeté la plainte contenue dans le dossier de la CRTFP 561-34-202. La plaignante a demandé un réexamen de cette décision. J’ai rendu une décision dans Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 126, rejetant la demande de réexamen.

17 Les deux parties dans ce cas ont déposé des arguments écrits. J’exerce le pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 41 de la Loi pour trancher la présente affaire sans tenir d’audience en me fondant sur ces arguments. Je n’ai pas permis à l’IPFPC de présenter des arguments, puisque la présente décision porte sur un point restreint, soit la question de savoir si la plaignante peut déposer une plainte contre les défendeurs. Je ne me suis aucunement prononcé sur le processus d’enquête suivi, l’objet de l’enquête ou les conclusions auxquelles est arrivé l’enquêteur. Il semble que l’IPFPC ait utilisé le rapport de l’enquêteur ou se soit basé sur lui pour suspendre la plaignante et la priver de ses droits. Cela fait l’objet d’une autre plainte (dossier de la CRTFP 561-02-430), qui sera tranchée à une audience.

18 Je note que la plainte et la demande en l’espèce constituent 2 éléments parmi 17 déposés par la plaignante depuis l’audience qui a donné lieu à la décision 2009 CRTFP 103. La plaignante a allégué une omission continue de l’IPFPC de se conformer à cette décision. Un commissaire a rendu une ordonnance dans Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 159, en statuant que l’IPFPC n’avait pas respecté les paragraphes 143 et 145 de la décision 2009 CRTFP 103 et en décidant que l’ordonnance rendue dans 2009 CRTFP 103 devait être déposée à la Cour fédérale en vue de son application. Le commissaire a conclu que l’IPFPC s’était conformé au paragraphe 144 de la décision 2009 CRTFP 103. La plaignante a entamé une procédure à la Cour fédérale concernant l’application de l’ordonnance rendue dans la décision 2009 CRTFP 103.

III. Résumé de la plainte

19 Dans la présente décision, j’ai inclus une version abrégée de la plainte et de la demande, ainsi que les arguments nécessaires à l’appui de ma décision. Certains des documents déposés par la plaignante n’étaient pas pertinents ou utiles et sont longs.

20 J’ai trouvé utile le document présenté par le défendeur le 15 décembre 2009 pour établir les faits entourant l’enquête examinée ici. À ce document sont joints les renseignements au sujet de NSI (annexe « A »), le mandat de l’enquête (annexes « B » et « C ») et le rapport d’enquête et d’analyse daté du 14 octobre 2009 (annexe « E » ou « rapport Mattern »).

21 Quatre représentants de l’IPFPC — Siddiq Ansair, Geoff Kendell, Kathleen Kerr et Stephen Lee — ont déposé des plaintes de harcèlement auprès de l’IPFPC au sujet d’un courriel envoyé par Mme Bremsak le 22 mars 2009 et au sujet de la conduite de la plaignante et de son représentant, John Lee, le ou vers le 3 juin 2009, lors d’une réunion syndicale du chapitre de Vancouver et du chapitre de l’Agence du revenu du Canada de l’IPFPC. L’IPFPC a retenu les services de M. Mattern (l’« enquêteur ») le ou vers le 4 mai 2009 et de nouveau le 11 juin 2009, pour qu’il enquête sur les plaintes de harcèlement.

22 Le présumé harcèlement s’est produit lorsque la plaignante était suspendue de ses fonctions de membre de l’exécutif de l’IPFPC, conformément à la Politique. La Commission a rendu une décision concernant la Politique dans 2009 CRTFP 64 le 29 mai 2009, dans Veillette. À l’époque, la Commission n’avait pas encore émis de décision au sujet des plaintes de la fonctionnaire s’estimant lésée, ce qu’elle a fait dans 2009 CRTFP 103, le 26 août 2009. Une des doléances de la fonctionnaire s’estimant lésée à l’égard de l’IPFPC est qu’elle aurait dû être rétablie dans ses fonctions de membre de l’exécutif de l’IPFPC immédiatement après qu’une décision avait été prise dans Veillette.

23 L’IPFPC a une politique consistant à enquêter sur les plaintes de harcèlement. Cette politique n’a pas été fournie dans la présente procédure. Il n’est pas nécessaire pour moi de l’examiner de façon détaillée. J’accepte, aux fins de la présente décision, qu’il était du devoir de l’IPFPC d’enquêter sur les plaintes de harcèlement déposées par un membre à l’encontre d’un autre membre.

24 Le ou vers le 4 mai et le 11 juin 2009, l’IPFPC a retenu les services de NSI et de M. Mattern pour qu’ils ouvrent une enquête en leur confiant un mandat. Il est clair que le nom « NSI » est une marque de commerce utilisée par M. Mattern et qu’il ne s’agit pas d’une entreprise ou d’une personne ayant une identité juridique distincte de lui. Son objectif, tel qu’énoncé dans les deux mandats, était d’enquêter sur les infractions alléguées à la politique de lutte contre le harcèlement de l’IPFPC et de communiquer ses conclusions au secrétaire exécutif et au conseiller général de l’IPFPC. Le mandat précisait que l’enquêteur avait la discrétion de mener une enquête appropriée compte tenu des circonstances mais ne pouvait le faire d’une manière arbitraire ou discriminatoire ou en faisant preuve de mauvaise foi. En particulier, l’instruction suivante était fournie à l’enquêteur (annexe « B » du document déposé le 15 décembre 2009) : [traduction] « En outre, il est entendu que l’enquêteur enquêtera sur les faits entourant les plaintes et ne fera aucune recommandation. » Le mandat était limité à la tenue d’une enquête portant sur les faits et n’habilitait pas l’enquêteur à prendre une quelconque mesure à l’endroit de la plaignante.

25 Le rapport Mattern a confirmé qu’il y avait des preuves pour certains des incidents de harcèlement impliquant la plaignante et son représentant alors que pour d’autres, il n’y en avait pas. Le rapport ne contient aucune recommandation.

26 La plaignante a contesté les conclusions du rapport. Elle a également contesté la définition qu’avait donnée l’enquêteur à la notion de harcèlement. Elle n’a pas participé pleinement à l’enquête; son représentant a participé à certaines étapes.

27 L’information que j’ai devant moi, telle que décrite dans les arguments des défendeurs du 15 décembre 2009, montre que M. Mattern n’avait à aucun moment été un employé ou agent de l’IPFPC, qui avait retenu ses services pour qu’il mène une enquête. La plainte et les arguments de Mme Bremsak ne contredisent pas cette assertion.

28 Après avoir reçu le rapport Mattern, l’IPFPC a imposé à la plaignante une suspension l’interdisant de participer à ses affaires pendant cinq ans. La suspension a été contestée dans une autre plainte (dossier de la CRTFP 561-02-430). Mme Bremsak a également présenté, à la Commission, une demande d’autorisation d’intenter des poursuites contre certaines personnes en raison de présumées pratiques déloyales (dossier de la CRTFP 597-02-09), demande qui sera entendue à une audience. Je ne me prononce aucunement sur le processus décisionnel utilisé par l’IPFPC pour suspendre Mme Bremsak, puisqu’il sera examiné à une audience portant sur une autre demande.

29 La plaignante a également déposé une plainte de pratiques déloyales (dossier de la CRTFP 561-02-408) et a demandé l’autorisation d’intenter des poursuites contre M. Ansair, M. Kendell, Mme Kerr et Stephen Lee pour de présumées pratiques déloyales (dossier de la CRTFP 597-02-01), à la suite de la présentation, par ces personnes, de plaintes de harcèlement contre elle. Ces allégations seront examinées séparément à une autre audience.

IV.Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

30 Dans sa plainte, Mme Bremsak fournit un historique de ses doléances à l’égard de l’IPFPC. À tous les moments pertinents ayant un lien avec cette plainte, Mme Bremsak était suspendue de son poste de membre de l’exécutif de l’IPFPC en vertu de la Politique qui, selon la décision 2009 CRTFP 103, était invalide et avait été mal appliquée à elle.

31 La plaignante affirme qu’elle a rencontré l’enquêteur les 16 et 19 juin 2009 pour discuter de ses plaintes et qu’elle a fourni aux défendeurs les articles 188 à 202 de la Loi, la décision rendue dans Veillette et [traduction] « […] des définitions juridiques de harcèlement et d’avertissement ».

32 Il n’y a pas eu d’autres réunions entre l’enquêteur et la plaignante, ce qui, à ses dires, était dû au fait que l’IPFPC refusait de payer ses frais de voyage et dépenses pour qu’elle puisse participer à l’enquête.

33 Le 29 juin 2009, la plaignante a déposé une plainte contre le chapitre de Vancouver de l’IPFPC, dans laquelle elle alléguait que la présentation de plaintes de harcèlement le 8 avril 2009 constituait une pratique déloyale (dossier de la CRTFP 561-02-405) et demandait que la Commission consente à des poursuites contre les personnes ayant déposé les plaintes et s’étant livré à ses yeux à une pratique déloyale (dossier de la CRTFP 597-02-04).

34 Le 15 septembre 2009, les défendeurs ont soumis une ébauche du rapport d’enquête.

35 Mme Bremsak affirme qu’en menant une enquête et en communiquant le rapport, en sachant que la Commission avait déterminé que la Politique était invalide et avait été mal appliquée à elle, en concluant qu’il y avait eu harcèlement et en étant conscients des conséquences qui découleraient de cette constatation, les défendeurs ont enfreint l’article 188 de la Loi.

36 La plaignante remet en question le processus d’enquête des défendeurs et leurs constatations. La plaignante affirme que sa conduite ne constituait pas du harcèlement. Elle a simplement informé les personnes qui se sont plaintes en l’accusant de harcèlement des ordonnances rendues par la Commission en rapport avec Veillette, dans les décisions 2009 CRTFP 58 et 2009 CRTFP 64, et que ces personnes enfreignaient la Loi. La plaignante affirme qu’au moment pertinent, elle faisait l’objet d’une suspension illégale, qui était basée sur la Politique, et qu’elle aurait dû être rétablie dans ses fonctions après qu’une décision avait été rendue dans Veillette, qui portait sur une politique de nature similaire à la Politique appliquée par l’IPFPC pour la suspendre.

B. Pour M. Mattern

37 M. Mattern déclare qu’il n’est pas un dirigeant, un représentant ou une autre personne agissant pour le compte d’une organisation syndicale et que l’IPFPC avait simplement retenu ses services pour qu’il enquête sur les plaintes de harcèlement.

38 M. Mattern n’a pas le pouvoir d’imposer une sanction pécuniaire ou autre à un membre de l’IPFPC, ni a-t-il le pouvoir d’user de menaces ou de coercition à l’égard d’un membre.

39 M. Mattern n’avait aucun contrôle sur l’utilisation qu’on ferait de son rapport. L’IPFPC était libre de l’accepter ou de ne pas en tenir compte.

40 Lorsque M. Mattern a eu des échanges avec Mme Bremsak, il agissait de façon officielle et jouait un rôle restreint en tant qu’enquêteur externe auquel avait recours l’IPFPC.

41 La plainte devrait être rejetée comme frivole et vexatoire. Il serait manifestement déraisonnable pour la Commission de consentir à des poursuites en vertu de l’article 205 de la Loi. Voici ce qu’ont écrit les défendeurs :

[Traduction]

[…]

Il est maintenant évident que la demanderesse est une personne très chicaneuse et que même si son différend est essentiellement un différend avec l’IPFPC proprement dit, elle s’empresse de nommer des parties autres que l’IPFPC dans ses divers recours juridiques. Elle a nommé feu Mme Demers dans une affaire antérieure et elle a maintenant nommé M. Mattern et les NSIS dans cette plus récente affaire. En rejetant sommairement cette plainte et cette demande comme frivoles et vexatoires et en les qualifiant d’abus de procédure, la Commission enverra peut-être un message à la demanderesse que les genres de comportements qu’elle adopte ne sont pas acceptables.

[…]

42 Les défendeurs affirment que la plainte et la demande devraient être rejetées sans aucun témoignage à une audience de la part des parties.

43 Les défendeurs font valoir que même si la plaignante avait établi un cas prima facie, les redressements demandés ne sont pas appropriés. Je n’ai pas inclus ici toute l’argumentation sur ce point, puisque ce n’est pas nécessaire pour rendre une décision.

C. Réponse de la plaignante

44 La plaignante a déposé une réponse de 54 paragraphes le 7 janvier 2010. Dans sa réponse, elle fournit un historique de son différend avec l’IPFPC.

45 La plaignante décrit les aspects du processus d’enquête qu’elle remet en question et indique que les défendeurs avaient affirmé qu’ils ne tiendraient pas compte de la Loi ni des décisions de la Commission et qu’elles n’étaient pas pertinentes dans le cadre de l’enquête. Dans sa réponse, la plaignante énumère ses préoccupations entourant l’enquête. Durant l’enquête, une autre plainte de harcèlement a été ajoutée le 30 juin 2009 à propos d’un incident qui était survenu le 3 juin 2009. La plaignante affirme que son représentant a fourni à l’enquêteur des preuves que l’IPFPC avait dirigé et demandé la présentation des plaintes de harcèlement.

46 La plaignante affirme que l’IPFPC avait retenu les services des défendeurs, qu’ils étaient ses représentants et qu’ils agissaient pour son compte. Les constatations de l’enquête étaient illégitimes, et les défendeurs avaient pleinement connaissance des mesures prises et des conséquences juridiques, y compris de la possibilité que la plaignante soit suspendue ou licenciée. Elle affirme que l’IPFPC a inventé de toutes pièces les accusations de harcèlement afin d’éviter d’avoir à se conformer aux ordonnances de la Commission.

47 La plaignante affirme qu’il est nécessaire de tenir une audience pour entendre cette plainte, de sorte à satisfaire aux exigences de la justice naturelle.

V. Motifs

48 À mon avis, ce cas peut être tranché sur la foi d’arguments écrits et il n’est pas nécessaire de déterminer la validité des plaintes de harcèlement — c’est-à-dire ayant trait aux incidents allégués ayant fait l’objet de l’enquête décrite dans le rapport Mattern où aux incidents allégués par la plaignante. La plaignante a fait une allégation séparée que les plaintes de harcèlement (dossier de la CRTFP 561-02-405) et la suspension de cinq ans imposée par la suite par l’IPFPC (dossier de la CRTFP 561-02-430) constituaient des pratiques déloyales. Dans des demandes présentées à la Commission aux termes de l’article 205 de la Loi (dossiers de la CRTFP 597-02-04 et 597-02-09, respectivement), elle demande l’autorisation d’intenter des poursuites contre certaines personnes qu’elle accuse d’avoir contrevenu à la Loi. Les faits semblent contestés, et ces plaintes et demandes seront entendues à une audience.

49 Lorsqu’on examine la plainte de Mme Bremsak, il est important d’examiner le libellé de l’article 188 de la Loi, puisqu’il fournit une définition des pratiques déloyales par les organisations syndicales. L’article est formulé comme suit :

Pratiques déloyales par les organisations syndicales

188.   Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

a) sans consentement de l’employeur, de tenter, sur le lieu de travail d’un fonctionnaire et pendant les heures de travail de celui-ci, de l’amener à adhérer ou continuer d’adhérer, ou à s’abstenir ou cesser d’adhérer à une organisation syndicale;

b) d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale ou de le suspendre, ou de lui refuser l’adhésion, en appliquant d’une manière discriminatoire les règles de l’organisation syndicale relatives à l’adhésion;

c) de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en appliquant d’une manière discriminatoire les normes de discipline de l’organisation syndicale;

d) d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale, de le suspendre, de prendre contre lui des mesures disciplinaires ou de lui imposer une sanction quelconque parce qu’il a exercé un droit prévu par la présente partie ou la partie 2 ou qu’il a refusé d’accomplir un acte contraire à la présente partie;

e) de faire des distinctions illicites à l’égard d’une personne en matière d’adhésion à une organisation syndicale, d’user de menaces ou de coercition à son égard ou de lui imposer une sanction, pécuniaire ou autre, pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou la partie 2, ou pourrait le faire,

(ii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2

(iii) elle a exercé un droit prévu par la présente partie ou la partie 2.

50 M. Mattern était un enquêteur de l’extérieur dont les services ont été retenus par l’IPFPC afin qu’il enquête sur une plainte de harcèlement. Il a tiré certaines conclusions après avoir entendu le témoignage des parties. Durant l’exécution de cette tâche, il n’était pas un employé, dirigeant ou représentant de l’unité de négociation au sens de l’alinéa 188a) de la Loi. Il était une « autre personne agissant pour le compte » d’une organisation syndicale. Sa capacité était limitée; il était un tiers neutre venant de l’extérieur pour enquêter sur un différend.

51 Il est clair que M. Mattern ne disposait d’aucun pouvoir en vertu de l’alinéa 188b) de la Loi pour expulser ou suspendre Mme Bremsak. Il n’avait pas le pouvoir de la priver de son adhésion à l’IPFPC.

52 Il est clair qu’il n’avait aucun pouvoir aux termes des alinéas 188c) ou d) de la Loi de prendre des mesures disciplinaires ou d’imposer une sanction à Mme Bremsak.

53 Il n’avait pas le pouvoir de faire des distinctions illicites à l’égard de Mme Bremsak en vertu de l’alinéa 188e) de la Loi dans le contexte de sa relation avec l’IPFPC.

54 Pour tous ces motifs, je statue que Mme Bremsak n’a pas prouvé que les défendeurs ont enfreint l’article 188 de la Loi même prima facie. Je rejette la plainte déposée contre les défendeurs.

55 Du fait que la plaignante n’a pas prouvé qu’il y ait eu infraction de l’article 188 de la Loi, je rejette aussi sa demande présentée en vertu de l’article 205 dans laquelle elle cherchait à obtenir l’autorisation de la Commission d’intenter des poursuites pour des pratiques déloyales alléguées en vertu de l’article 188.

56 Les défendeurs ont allégué que la plainte et la demande sont frivoles et vexatoires et qu’elles constituent un abus de procédure. Il n’est pas nécessaire pour moi d’examiner si la plainte et la demande sont frivoles et vexatoires ou constituent un abus de procédure. La plaignante n’a simplement pas le droit d’entreprendre une procédure contre M. Mattern ou son entité non représentée, NSI, puisque leur rôle était limité et qu’ils n’avaient aucun pouvoir de prendre des décisions concernant le statut de Mme Bremsak et ne sont pas des personnes à l’égard desquelles un redressement peut être demandé en vertu de l’article 188 de la Loi.

57 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

58 La plainte contenue dans le dossier de la CRTFP 561-02-421 et la demande contenue dans le dossier de la CRTFPF 597-02-08 sont rejetées.

Le 26 avril 2011.

Traduction de la CRTFP

Paul Love,
commissaire

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