Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé à l’arbitrage un grief contestant son renvoi en cours de stage - l’employeur a soutenu qu’aux termes de l’article 208 de la LRTFP, l’employé ne pouvait présenter un grief, puisque la Loi sur l’Agence du revenu du Canada prévoyait un autre recours - l’employeur a également soutenu que le renvoi n’était pas de nature disciplinaire, de sorte qu’un arbitre de grief ne pouvait avoir compétence sur le grief en vertu de l’article 209 - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que le renvoi était de nature disciplinaire et a donc déclaré qu’il n’avait pas compétence pour entendre le grief - il ne s’est pas prononcé sur la question de savoir s’il existait un autre recours ou redressement qui empêcherait le dépôt d’un grief aux termes de l’article 208. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-01-25
  • Dossier:  566-34-4599
  • Référence:  2011 CRTFP 5

Devant un arbitre de grief


ENTRE

NIZAR HAJJAGE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Hajjage c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Sylvie Désilets, Agence du revenu du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 19 novembre 2010 et les 4 et 10 janvier 2011.

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1  Nizar Hajjage, le fonctionnaire s’estimant lésé, a été embauché le 3 décembre 2007 par l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur ») comme agent de contacts de recouvrement à Montréal, Québec. M. Hajjage a été embauché comme employé temporaire pour une période égale ou supérieure à trois mois. Lors de l’embauche, l’employeur a informé M. Hajjage qu’il serait assujetti à une période de stage de 12 mois. Le 14 janvier 2008, l’employeur a avisé M. Hajjage qu’il était renvoyé à compter du 25 janvier 2008 parce qu’il n’avait pu atteindre les objectifs de rendement du poste qu’il occupait.

2 Le 24 janvier 2008, M. Hajjage a déposé un grief pour contester son renvoi. L’essence du grief se lit comme suit :

[…]

Je suis lésé en regard de la lettre de renvoi du 14 janvier 2008 et conteste mon renvoi. Je trouve que c’est une mise à pied injustifiée.

[…]

Dans son grief, M. Hajjage demande d’être réintégré dans le poste qu’il occupait et il demande qu’un plan de redressement juste et équitable soit mis en place.

3 Le grief a été rejeté à tous les paliers de la procédure interne de règlement des griefs. L’employeur a rejeté le grief à chaque palier parce qu’il existait un recours administratif de réparation sous le régime de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada dans les cas de renvoi en cours de stage. L’employeur a réitéré cette position dans les arguments qu’il a soumis le 19 novembre 2010.

4 Dans le formulaire de renvoi à l’arbitrage soumis à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), M. Hajjage a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Dans ses arguments soumis le 19 novembre 2010, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief car celui-ci vise un renvoi en cours de stage et non pas une mesure disciplinaire. Il a ajouté que l’Agence du revenu du Canada ne fait pas partie de l’administration publique centrale.

5 M. Hajjage a répondu le jour même aux arguments du 19 novembre 2010 soumis par l’employeur. Il a affirmé que l’employeur savait qu’il contestait la « décision disciplinaire de l’employeur ». Il a appuyé sa prétention sur deux courriels envoyés les 15 février et 12 mars 2010 à Lyson Paquette, agente de relations de travail du Syndicat des employé-e-s de l’Impôt. M. Hajjage a joint ces deux courriels à la réponse qu’il a soumise le 19 novembre 2010. J’ai lu attentivement les deux courriels en question et ils ne contiennent aucune mention voulant que la décision de l’employeur soit de nature disciplinaire. M. Hajjage y affirme plutôt que l’employeur a agi de mauvaise foi et que sa décision est un subterfuge et un camouflage.

6 Le 21 décembre 2010, à la suite de mes directives, les Opérations du greffe de la Commission ont demandé à M. Hajjage de fournir les informations et arguments qu’il avait en réponse à l’objection de l’employeur sur la compétence d’un arbitre de grief pour entendre son grief et, plus particulièrement, en quoi sa fin d’emploi et son grief étaient de nature disciplinaire. Les Opérations du greffe de la Commission ont informé M. Hajjage qu’il était possible que l’arbitre de grief décide de l’objection de l’employeur en fonction des documents et des informations au dossier incluant les informations supplémentaires qui lui étaient demandées.

7  Le 4 janvier 2011, M. Hajjage a répondu que l’employeur n’aurait pas dû soulever l’argument de la compétence de l’arbitre de grief parce que les contestations de décisions de fin d’emploi relèvent de l’arbitre de grief nommé par la Commission. M. Hajjage a réitéré le fait que son courriel du 15 février 2010 adressé à Mme Paquette fait référence à plusieurs reprises aux tactiques de subterfuge et de camouflage utilisées par l’employeur. M Hajjage a aussi allégué que l’employeur ne respectait pas la convention collective et la Loi sur l’accès à l’information. Je ne commenterai pas ces deux derniers points. Le grief ne vise aucunement l’application ou l’interprétation de la convention collective et il n’est pas appuyé par l’agent négociateur. Il ne vise pas non plus la Loi sur l’accès à l’information sur laquelle je n’ai d’ailleurs pas compétence.

8 Le 5 janvier 2011, à la suite de mes directives, les Opérations du greffe de la Commission ont de nouveau demandé à M. Hajjage de fournir toutes les informations qu’il avait pour appuyer sa prétention voulant que la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi était une décision disciplinaire déguisée.  

9 Dans sa réponse du 7 janvier 2011, M. Hajjage réitère que son renvoi en cours de stage est un subterfuge et un camouflage, et que l’employeur a agi de façon irrationnelle à son égard. Il appuie cette allégation sur le fait que l’employeur a mis fin à son contrat seulement un mois après son embauche sans lui donner de motif plausible relié à l’emploi. Il ajouté que l’employeur a allégué qu’il ne satisfaisait pas aux critères de rendement mais une telle conclusion n’est pas raisonnable après seulement un mois d’emploi. M. Hajjage allègue aussi que l’employeur a refusé de lui fournir l’information qu’il demandait à l’égard de son renvoi, ce qui prouve sa mauvaise foi. Selon M. Hajjage, une autre preuve du camouflage ou du subterfuge de l’employeur est le fait que ce dernier lui bloque l’accès à d’autres postes dans la fonction publique. M. Hajjage allègue aussi que l’employeur a exercé une mauvaise influence sur l’agent négociateur en le convaincant de se ranger de son côté. Enfin, M. Hajjage a joint à sa réponse un document dans lequel il commente les interactions qu’il a eues entre le 5 décembre 2007 et le 7 janvier 2008 avec des représentants de l’employeur au sujet de sa formation en emploi et de son rendement au travail. Rien dans ce document ne renvoie directement ou indirectement à des mesures disciplinaires.

10 En appui à ses arguments, M. Hajjage m’a renvoyé aux décisions suivantes : Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.); Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2009 CRTFP 175; Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33; Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33; Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529; Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Services correctionnels),2004 CRTFP 109.

Motifs

11 Le paragraphe 209(1) de la Loi qui se lit comme suit précise le type de griefs qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

12 Puisque l’Agence du revenu du Canada ne fait pas partie de l’administration publique centrale et que M. Hajjage n’est pas un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3) de la Loi, je n’ai compétence pour entendre le grief de M. Hajjage que si son grief porte sur l’interprétation ou l’application de la convention collective ou sur une mesure disciplinaire tel que stipulé aux alinéas 209(1)a) et b) de la Loi. Parce que M. Hajjage n’est pas représenté par son agent négociateur, le grief ne peut porter sur l’application ou l’interprétation de la convention collective. Reste à établir, comme le prétend M. Hajjage, si le grief porte sur une mesure disciplinaire.

13 Le grief ne mentionne aucunement que le renvoi en cours de stage est une mesure disciplinaire directe ou déguisée. À ma demande, les Opérations du greffe de la Commission, à ma demande ont écrit à deux reprises à M. Hajjage pour obtenir plus d’informations de sa part sur sa prétention que le renvoi était disciplinaire et que, par le fait même, son grief portait sur une mesure disciplinaire. En réponse à ces demandes d’information, M. Hajjage a soumis de la documentation, mais celle-ci n’appuie pas l’argument des mesures disciplinaires. Certes, M. Hajjage allègue que l’employeur a agi de mauvaise foi, que son congédiement est un camouflage et un subterfuge, que la décision de le renvoyer est irrationnelle, qu’il n’était pas raisonnable de conclure qu’il ne satisfaisait pas aux exigences du poste après seulement un mois d’emploi ou que l’employeur a exercé une mauvaise influence sur l’agent négociateur. Là n’est pas la question. La question est plutôt d’établir si la décision de l’employeur de renvoyer M. Hajjage est disciplinaire. Or, M. Hajjage ne m’a rien soumis pour appuyer la thèse disciplinaire.

14  Compte tenu que rien dans ce qui m’a été soumis n’appuie l’allégation que le renvoi de M. Hajjage est de nature disciplinaire, je conclus qu’il ne s’agit pas d’un grief disciplinaire. M. Hajjage admet qu’il a été renvoyé avant la fin de la période de stage. Je n’ai donc pas la compétence selon la Loi d’entendre ce grief qui conteste la décision non-disciplinaire de l’employeur de renvoyer M. Hajjage.

15 L’employeur a aussi soumis que M. Hajjage ne pouvait déposer de grief sur la base qu’il existait un recours administratif de réparation sous le régime de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada dans les cas de renvoi en cours de stage. Compte tenu que j’ai déjà établi que je n’avais pas la compétence pour entendre le grief, je ne me prononcerai pas sur cette objection.

16 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

17 Je déclare que je n’ai pas la compétence pour entendre le présent grief.

18 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 25 janvier 2011.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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