Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait violé la convention collective - le fonctionnaire occupait un poste classifié CX-2 à titre intérimaire lorsqu’il a pris un congé parental - il allègue que l’employeur ne lui a pas versé des prestations parentales majorées en fonction de l’augmentation d’échelon qui a eu lieu pendant son congé - l’employeur prétend qu’il a versé les prestations majorées - l’arbitre de grief a conclu qu’effectivement les prestations avaient été majorées en fonction du salaire intérimaire augmenté d’un échelon - au cours du congé parental, l’employeur a mis fin à la nomination intérimaire - à son retour, le fonctionnaire a encore une fois été nommé à un poste à titre intérimaire, mais le calcul de son salaire s’est fait en fonction de son poste d’attache, plutôt qu’en tenant compte du fait qu’il avait déjà occupé le poste classifié CX-2 à titre intérimaire - l’arbitre de grief a statué que le fonctionnaire n’avait pas droit à la prorogation de son statut intérimaire pendant le congé parental - l’employeur avait le droit de mettre fin à la nomination intérimaire pendant un tel congé - par conséquent, le nouveau calcul salarial était correct. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-07-27
  • Dossier:  566-02-2235 et 2236
  • Référence:  2011 CRTFP 96

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CHRISTIAN DAUPHINAIS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Dauphinais c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Ariane Pelletier, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada, CSN

Pour l'employeur:
Anne-Marie Duquette, avocate

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés les 2, 15 et 23 juin 2011.

I. Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

1 Les 27 et 30 avril 2007, le fonctionnaire s’estimant lésé, Christian Dauphinais, a déposé deux griefs alléguant que Service Correctionnel Canada (l’« employeur ») n’avait pas respecté les clauses 30.07h) et 30.07i) de la convention collective entre l’Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada, CSN et l’employeur, expirant le 31 mai 2010 (la « convention collective »). Au moment de déposer ses griefs, le poste d’attache de M. Dauphinais était classifié au groupe et niveau CX-01. Il occupait alors, par intérim, un poste classifié au groupe et niveau CX-02.

2 M. Dauphinais a été embauché le 5 juillet 2002 par l’employeur dans un poste de groupe et niveau CX-01. Le 15 novembre 2002, M. Dauphinais a été nommé intérimaire dans un poste de groupe et niveau CX-02. À l’exception d’une période de six mois en 2006-2007, il a été intérimaire dans un poste de groupe et niveau CX-02 jusqu’à sa nomination comme CX-02 sur une base indéterminée en avril 2009. Les parties ont soumis des documents attestant les dates de nominations intérimaires suivantes pour M. Dauphinais : du 28 avril au 30 septembre 2006, du 3 avril au 1er octobre 2007, du 2 octobre 2007 au 1er février 2008, et du 2 février au 30 juin 2008. Aucun document n’a été soumis pour des dates antérieures à avril 2006 ou ultérieures à juin 2008.

3 Le 22 avril 2005, M. Dauphinais a fait une première demande de congé parental alors qu’il occupait de façon intérimaire un poste de groupe et niveau CX-02. Le congé parental d’une durée de 35 semaines a commencé le 19 juillet 2005 et s’est terminé le 19 mars 2006. Le 15 novembre 2005, le salaire qu’aurait reçu M. Dauphinais s’il avait été au travail a été ajusté à la hausse, soit d’un échelon dans l’échelle de salaire CX-02 et ses prestations parentales ont été haussées proportionnellement. L’employeur a admis avoir renouvelé et prolongé la nomination intérimaire de M. Dauphinais pendant son congé parental.

4 Le 26 mai 2006, M. Dauphinais a fait une deuxième demande de congé parental alors qu’il occupait toujours de façon intérimaire un poste de groupe et niveau CX-02. Le congé parental d’une durée de 37 semaines a commencé le 18 juillet 2006 et s’est terminé le 2 avril 2007. Le 26 juin 2006, la convention collective est entrée en vigueur. Elle prévoyait un remaniement des échelons de salaire. Le salaire annuel de M. Dauphinais a alors été ajusté en conséquence. M. Dauphinais prétend que, le 15 novembre 2006, son salaire aurait du être haussé d’un échelon dans l’échelle de salaire CX-02 et que ses prestations parentales auraient du être ajustées proportionnellement, ce qui selon lui n’a pas été fait. Les documents soumis démontrent que sa nomination intérimaire se terminait le 30 septembre 2006 et qu’elle n’a été reconduite que le 3 avril 2007. D’autres documents soumis attestent du salaire et des indemnités reçues par M. Dauphinais lors de son deuxième congé parental.

5 Le 3 avril 2007, lorsque M. Dauphinais est revenu de son congé parental, l’employeur a établi son salaire à l’échelon de salaire CX-02 qu’il lui aurait payé s’il en avait été à sa première journée de travail dans le poste de CX-02. M. Dauphinais n’est pas d’accord avec cette décision. L’employeur justifie cette décision par le fait que la nomination intérimaire a pris fin au cours du congé parental. À ce sujet, l’employeur écrit ce qui suit dans sa réponse au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs :

[…]

Le paragraphe 49.07 de votre convention collective stipule que, lorsqu’un employé est tenu de remplir les fonctions d’un niveau supérieur, celui-ci touche une rémunération d’intérim à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions, comme s’il avait été nommé à ce niveau supérieur.

Selon les informations recueillies, il y a eu bris de service entre les deux périodes d’intérim que vous avec effectuées, puisque la gestion a mis fin à votre affectation intérimaire pour la durée de votre congé parental. Compte tenu du bris de service dans la nomination intérimaire CX-02 lors de votre congé parental, le salaire pour la nouvelle nomination intérimaire en date du 3 avril 2007 devait être recalculée; vous ne pouviez plus bénéficier de l’augmentation d’échelon puisque vous effectuiez une nouvelle période d’intérim.

[…]

6 Dans son grief du 27 avril 2007, M. Dauphinais allègue que l’employeur lui a injustement refusé l’augmentation d’échelon de novembre 2006. Dans son grief du 30 avril 2007, il allègue qu’il n’y a pas lieu « d’avoir de coupure d’échelon » du poste de CX-02 intérimaire car lors de son départ en congé parental, il occupait un poste de groupe et niveau CX-02 et lors de son retour de congé, il occupait encore un poste de CX-02. Dans les deux griefs, il renvoie aux clauses 30.07h) et i) de la convention collective. M. Dauphinais réclame de l’employeur le paiement rétroactif des différences de salaire en question.

7 Ces deux griefs impliquent entre autres l’interprétation des dispositions suivantes de la convention collective :

30.07 Indemnité parentale

a) L'employé qui se voit accorder un congé parental non payé reçoit une indemnité parentale conformément aux modalités du Régime de prestations supplémentaires de chômage (RPSC) décrit aux alinéas c) à i), […]

[…]

f) Le taux de rémunération hebdomadaire mentionné à l'alinéa c) est :

(i) dans le cas de l'employé à temps plein, son taux de rémunération hebdomadaire le jour qui précède immédiatement le début du congé de maternité ou du congé parental non payé;

[…]

g) Le taux de rémunération hebdomadaire mentionné à l'alinéa f) est le taux auquel l'employé a droit pour le niveau du poste d'attache auquel il est nommé.

h) Nonobstant l'alinéa g) et sous réserve du sous-alinéa f)(ii), dans le cas de l'employé qui est en affectation intérimaire depuis au moins quatre (4) mois le jour qui précède immédiatement le début du congé parental non payé, le taux hebdomadaire est le taux qu'il touchait ce jour-là.

i) Si l'employé devient admissible à une augmentation d'échelon de rémunération ou à un rajustement de traitement pendant qu'il touche des prestations parentales, ces prestations seront rajustées en conséquence.

[…]

**APPENDICE « A »

I.  Augmentation d'échelon (applicable à tous les employé-e-s)

a) À chaque période de douze (12) mois, l'employé-e progresse à l'échelon supérieur le jour anniversaire de sa date d'entrée en service.

b) Pour les besoins administratifs de l'augmentation d'échelon décrite dans la remarque Ia), la date d'augmentation d'échelon d'un-e employé-e nommé le 20 mars 1980 ou depuis cette date à un poste de l'unité de négociation à la suite d'une promotion, d'une rétrogradation ou d'une embauche de l'extérieur de la fonction publique sera la date d'anniversaire de sa nomination. La date d'anniversaire pour l'employé-e qui a été nommé à un poste de l'unité de négociation avant le 20 mars 1980 sera la date à laquelle l'employé-e a touché sa dernière augmentation d'échelon.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour M. Dauphinais

8 M. Dauphinais allègue que son salaire aurait du être augmenté d’un échelon le 15 novembre 2006 alors qu’il était en congé parental, qu’il n’y a pas eu de bris de service de sa nomination au groupe et niveau CX-02 en 2006-2007, et qu’il aurait dû recevoir toutes les augmentations d’échelon subséquentes.

9  Lors du premier congé parental, le 15 novembre, à la date anniversaire de la nomination intérimaire de M. Dauphinais, l’employeur a augmenté son salaire d’un échelon dans l’échelle CX-02. À son retour de congé, il a continué sa progression dans l’échelle CX-02. Lors du deuxième congé parental, l’employeur a refusé de lui accorder une augmentation d’échelon le 15 novembre même si M. Dauphinais était en situation de nomination intérimaire lors de son départ en congé. Pourtant, la convention collective est claire à l’effet que la progression dans l’échelle de salaire se fait à la date anniversaire de la nomination, c’est-à-dire le 15 novembre. L’employeur n’avait donc aucune raison de ne pas accorder une augmentation d’échelon à M. Dauphinais le 15 novembre 2006.    

10 L’employeur tente indirectement de faire ce qu’il ne peut pas faire directement en prétendant qu’il y a eu un bris de service lors de la nomination intérimaire de M. Dauphinais. En fait, l’employeur a unilatéralement imposé un bris de service uniquement parce que M. Dauphinais était en congé parental. Il n’y a eu aucun bris de service réel et l’employeur a décrété ce faux bris de service afin de contrevenir aux dispositions de la convention collective. Même si Monsieur Dauphinais n’a pas effectué les tâches de son emploi, il n’y a eu aucune interruption du lien contractuel entre lui et l’employeur. Il est d’ailleurs important de rappeler que M. Dauphinais a été intérimaire de façon continue entre 2002 et 2009. Le fait de conclure qu’il y a eu bris de service mènerait à l’impossibilité pour un agent correctionnel d’exercer pleinement un droit qui est prévu à la convention collective.

B. Pour l’employeur

11 Le 1er mai 2006, l’employeur a offert à M. Dauphinais une nomination intérimaire du 28 avril au 30 septembre 2006. Cette nomination a pris fin le 1er octobre 2006 et une nouvelle nomination intérimaire a été faite le 3 avril 2007 au retour de congé parental de M. Dauphinais. La nomination qui se terminait le 30 septembre 2006 n’a donc pas été prolongée.

12 Conformément à la convention collective, l’employeur a calculé l’indemnité versée à M. Dauphinais sur la base de son salaire intérimaire au niveau CX-02 pour toute la durée de son congé, même si la nomination comme CX-02 se terminait le 30 septembre 2006. Lors de son retour de congé, l’employeur a effectivement rémunéré M. Dauphinais à un échelon inférieur à celui de l’échelle de salaire CX-02 qu’il recevait avant son départ de congé, car il y avait eu un bris de service.

13 L’employeur soumet par contre que M. Dauphinais a bénéficié par erreur d’une augmentation d’échelon le 15 novembre 2006, même s’il n’y avait pas droit, car la nomination intérimaire se terminait le 30 septembre 2006.

14  Les dispositions de l’article 30 de la convention collective n’ont aucune application pour la détermination du salaire applicable au retour du congé et, sur cette seule base, le deuxième grief qui a été déposé le 30 avril 2007 devrait être rejeté.

15 De façon subsidiaire, l’employeur a soumis que la convention collective a été correctement appliquée pour calculer le salaire de M. Dauphinais à son retour de congé parental le 3 avril 2007. L’employeur n’a pas prolongé la nomination intérimaire de M. Dauphinais qui se terminait le 30 septembre 2006, car ce dernier, étant en congé, n’était pas disponible pour offrir une prestation de travail. L’employeur avait le droit de prendre cette décision. Pour des fins salariales, à compter du 1er octobre 2006, M. Dauphinais était de retour à un poste de CX-01. Il était donc normal que, lors de sa nouvelle nomination le 3 avril 2007, l’employeur détermine son niveau de rémunération en tenant compte qu’il était alors un employé de groupe et niveau CX-01.

III. Motifs

16 Dans le grief déposé le 27 avril 2007, M. Dauphinais réclame une augmentation d’échelon applicable le 15 novembre 2006 et un ajustement des prestations qui lui ont été versées. L’employeur a déclaré que M. Dauphinais avait bénéficié de cette augmentation d’échelon mais qu’il n’y avait pas droit car la nomination intérimaire se terminait le 30 septembre 2006. Dans sa réplique aux arguments de l’employeur, M. Dauphinais n’a pas contredit qu’il avait reçu cette augmentation d’échelon. Qui plus est, j’ai vérifié soigneusement les documents soumis par les parties et je constate que les indemnités parentales de M. Dauphinais ont été ajustées à la hausse à compter de la période de paye qui inclut le 15 novembre 2006 et que la révision à la hausse a été maintenue pour toute la durée du congé parental.

17 Je rejette donc le grief déposé le 27 avril 2007 car, contrairement à ce que prétend M. Dauphinais, l’employeur a bel et bien tenu compte d’une augmentation d’échelon le 15 novembre 2006 dans le calcul de l’indemnité parentale versée. L’employeur n’a donc pas à rembourser M. Dauphinais comme le prétend ce dernier.

18 Dans son grief déposé le 30 avril 2007, M. Dauphinais a demandé que l’employeur le rémunère à l’échelon de l’échelle de salaire CX-02 où il se serait trouvé n’eut été du congé parental, plutôt qu’à un échelon inférieur de cette échelle de salaire. L’employeur a soulevé que la détermination du salaire de M. Dauphinais ne relevait pas des dispositions de l’article 30 de la convention collective. Même si l’employeur a raison sur ce point, cela n’a pas d’importance car le grief de M. Dauphinais est clair et sans équivoque : il conteste le niveau de salaire qui lui a été payé à son retour de congé le 3 avril 2007. Je dois examiner la question sur le fond et déterminer si la décision de l’employeur de rémunérer M. Dauphinais à ce niveau respecte la convention collective.

19 Les documents soumis démontrent que l’employeur n’a pas prolongé la nomination intérimaire de M. Dauphinais qui venait à échéance le 30 septembre 2006. Peu importe le montant des indemnités parentales qui lui furent versées, M. Dauphinais était en congé d’un poste de CX-02 entre le 18 juillet 2006 et le 30 septembre 2006, et en congé d’un poste de CX-01 entre le 1er octobre 2006 et le 2 avril 2007. À son retour de congé le 3 avril 2007, l’employeur l’a renommé à un poste de CX-02 et l’a intégré à l’échelon approprié de l’échelle de salaire CX-02. Dans les faits, il y a eu un bris de service de six mois dans la nomination intérimaire de M. Dauphinais. L’employeur a considéré qu’il était un CX-01 lorsqu’il l’a nommé à un poste intérimaire de groupe et niveau CX-02 le 3 avril 2007 et qu’il l’a intégré à l’échelle de salaire CX-02, ce qui était conforme à la réalité et respectait la convention collective.

20 L’employeur a basé sa décision sur le fait que M. Dauphinais n’exécutait pas les fonctions d’un poste de CX-02 en octobre 2006 car il était en congé. À cet égard, il est important d’examiner les dispositions suivantes de la convention collective :

[…]

49.02 L'employé-e a droit, pour la prestation de ses services :

a) à la rémunération indiquée à l'appendice « A » pour la classification du poste auquel il est nommé, si cette classification concorde avec celle qu'indique son certificat de nomination;

[…]

49.07 Lorsque l'employé-e est tenu par l'Employeur d'exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d'un-e employé-e d'un niveau de classification supérieur et qu'il exécute ces fonctions pendant au moins huit (8) heures de travail, il touche, pendant la période d'intérim, une rémunération d'intérim calculée à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions, comme s'il avait été nommé à ce niveau supérieur.

[…]

21 L’employeur n’a pas demandé à M. Dauphinais de faire, tel qu’il est prévu à la clause 49.07 de la convention collective, des tâches de CX-02 entre octobre 2006 et avril 2007. Il a donc considéré que son salaire devait être celui de la classification de son poste de CX-01 selon la clause 49.02 de la convention collective.

22 M. Dauphinais a rappelé que l’employeur avait pourtant prolongé sa nomination intérimaire lors de son premier congé parental. Cela ne lui donne pas droit pour autant au même traitement lors du deuxième congé. Sous réserve de la clause 49.07 de la convention collective, le droit de nommer un employé sur une base intérimaire appartient à l’employeur. Il l’a exercé différemment lors des deux congés parentaux de M. Dauphinais.

23 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

24 Les griefs sont rejetés.

Le 27 juillet 2011.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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