Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

La plainte porte sur un processus de nomination interne non annoncé visant à doter le poste d’officier de sécurité des explosifs au ministère de la Défense nationale, plus précisément au Dépôt des munitions des Forces canadienne, à Dundurn, en Saskatchewan (DMFC Dundurn). Selon le plaignant – un employé du ministère, affecté au DMFC Dundurn –, l’intimé aurait abusé de son pouvoir dans le choix d’un processus non annoncé et du fait de priver les employés de la possibilité de nomination. Il a soutenu d’autre part qu’il n’était pas possible d’acquérir la qualification essentielle nécessitant une formation pratique pour le poste, et que la nomination de la personne retenue n’était pas fondée sur le mérite. Décision Le Tribunal a jugé que l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir en optant pour un processus de nomination interne non annoncé. Le Tribunal estime que le pouvoir d’utiliser un processus non annoncé est conféré à l’intimé par l’article 33 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP). Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu, et l’article 77(1)b) de la LEFP stipule qu’une telle décision peut être contestée directement au motif qu’il y a eu abus de pouvoir. Le Tribunal a établi que l’intimé avait informé tous les employés du DMFC de son projet d’embauche pour le poste, notamment en offrant aux personnes intéressées la possibilité d’une nomination intérimaire. L’intimé a fait savoir que ces nominations intérimaires constitueraient un facteur clé dans le choix de la personne appelée à occuper le poste. Il a été démontré en preuve que l’intimé avait demandé directement au plaignant s’il voulait se proposer pour une nomination intérimaire mais celui-ci n’était pas intéressé. Par conséquent, son allégation selon laquelle l’intimé l’aurait privé de la possibilité d’une nomination intérimaire n’était pas fondée. Le Tribunal a fait remarquer que aucune disposition de la LEFP ni du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique n’établit un droit d’accès à un poste faisant l’objet d’un processus de nomination non annoncé. Le fait pour le plaignant de ne pas recevoir un préavis par rapport à une nomination non annoncée ne constitue pas une preuve d’abus de pouvoir. Pour ce qui concerne la qualification essentielle nécessitant une formation pratique, le Tribunal a jugé qu’en dépit du fait que les éléments de preuve aient fait ressortir que le cours de formation connexe n’était pas tout à fait au point et qu’en conséquence personne n’aurait pu acquérir ladite qualification au moment de la nomination, il n’a pas été démontré en preuve que celle-ci a été utilisée ou appliquée dans l’évaluation de la personne nommée ou de toute autre candidature prise en considération pour le poste. Il s’agissait simplement de l’un des quatre moyens possibles pour un candidat de démontrer qu’il possédait la qualification liée à la formation. S’agissant de la question du mérite, le Tribunal a jugé qu’il n’y avait aucune indication que l’intimé avait évalué la personne nommée par rapport à l’une des qualifications essentielles en matière de connaissances. Le Tribunal n’était pas convaincu par l’argument de l’intimé selon lequel il est possible de présumer qu’une personne possède ladite qualification liée aux connaissances si elle répond à la qualification liée à l’expérience. Il s’agissait de deux qualifications distinctes dans l’énoncé des critères de mérite; rien ne permet d’établir un lien entre elles et il n’a pas été démontré en preuve que l’expérience de la personne nommée a été analysée de façon à établir si elle possédait la qualification liée aux connaissances. Le défaut d’évaluer la qualification relative aux connaissances rendait impossible toute capacité de déterminer avec certitude si la nomination de la personne retenue était fondée sur le mérite, selon les exigences définies à l’article 30 de la LEFP. La nomination d’une personne qui ne satisfait pas aux critères de mérite essentiels constitue un abus de pouvoir. Plainte accueillie. Le Tribunal a ordonné à l’intimé de compléter l’évaluation de la personne nommée au regard de la qualification essentielle liée aux connaissances afin de déterminer si celle-ci possède les qualifications nécessaires pour être nommée au poste; de révoquer la nomination de la personne nommée s’il est établi que celle-ci ne possède pas ladite qualification essentielle; d’informer les parties du résultat des mesures correctives.

Contenu de la décision

Patton c. le sous-ministre de la Défense nationale

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2009-0463
Rendue à:
Ottawa, le 17 février 2011

TROY PATTON
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu des articles 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est accueillie
Décision rendue par:
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Patton c. le sous-ministre de la Défense nationale
Référence neutre:
2011 TDFP 0008

Motifs de décision


Introduction


1 La plainte porte sur un processus de nomination interne non annoncé visant à doter le poste d’officier de sécurité des explosifs (OSE), groupe et niveau GT-05, au ministère de la Défense nationale, plus précisément au Dépôt des munitions des Forces canadienne, à Dundurn, en Saskatchewan (DMFC Dundurn).

2 Le plaignant, Troy Patton, affirme que trois irrégularités ont entaché le processus de nomination et que celles‑ci constituent un abus de pouvoir. Il soutient d’abord que le choix d’un processus de nomination interne non annoncé n’était pas raisonnable et que les employés on été privés de la possibilité de nomination. Il maintient également qu’il n’était pas possible d’acquérir la qualification essentielle nécessitant une formation pratique pour l’obtention du titre de technicien civil en munitions 5 (TCM 5) [traduction]. Enfin, il affirme que la nomination de Glenn King n’était pas fondée sur le mérite.

3 Le sous‑ministre de la Défense nationale (l’intimé) nie tout abus de pouvoir dans le processus de nomination. Selon lui, le processus était exhaustif, transparent et juste.

Contexte


4 Bill Hildebrandt a occupé le poste d’OSE d’août 1997 jusqu’à son départ à la retraite en décembre 2008.

5 Le plaignant travaille en tant qu’employé civil au DMFC Dundurn depuis 2001. Le major M.‑Sophie Prevost (maintenant à la retraite) a été commandant du DMFC Dundurn de 2006 à 2009. C’est elle qui supervisait directement le poste d’OSE et qui était gestionnaire d’embauche au moment du lancement du processus visant à remplacer M. Hildebrandt.

Questions en litige


6 Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) doit déterminer ce qui suit :

  1. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé?
  2. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans l’établissement du critère de qualification lié à la formation?
  3. La nomination était-elle fondée sur le mérite?

7 Tel qu’il est expliqué ci‑après, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination ni dans l’établissement du critère de qualification lié à la formation, mais qu’un abus de pouvoir a été commis dans l’évaluation du mérite, de sorte qu’il est impossible de déterminer si la nomination était fondée sur le mérite.

Analyse


Question I :  Y a-t-il eu abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé?

8 Le major Prevost a déclaré qu’elle avait inscrit dans son plan de ressources humaines civiles pour le DMFC Dundurn qu’elle prévoyait doter le poste d’OSE au moyen d’un processus de nomination interne non annoncé, et c’est effectivement ce qu’elle a fait. Dans un courriel adressé à ses chefs de service le 20 décembre 2007, le major Prevost indiquait qu’en 2008, elle avait l’intention d’offrir des nominations intérimaires pour le poste d’OSE afin de permettre aux employés intéressés d’observer M. Hildebrandt dans son travail. Le major Prevost a précisé que la possibilité de nomination était offerte à tous les employés de groupe et niveau GT‑03 et GT‑04 afin de leur permettre de mieux connaître le poste et de déterminer s’ils possédaient les compétences nécessaires pour remplacer M. Hildebrandt lorsqu’il prendrait sa retraite.

9 Le major Prevost a déclaré que les employés ont été invités à manifester leur intérêt pour le poste. Le plan de ressources humaines a été communiqué à tous les employés à l’occasion d’une réunion générale. Selon le major Prevost, les employés savaient que l’embauche d’un OSE était prévue, qu’il était possible d’obtenir une nomination intérimaire au poste d’OSE et qu’une telle nomination constituerait un facteur clé dans le choix de la personne appelée à remplacer M. Hildebrandt.

10 M. Hildebrandt a affirmé qu’il était de notoriété publique au DMFC Dundurn que la possibilité de prise en considération de telle ou telle candidature pour le remplacer au poste d’OSE était offerte à quiconque manifestait son intérêt et possédait les qualifications nécessaires. Il a déclaré que l’on rappelait régulièrement aux employés qu’ils pouvaient obtenir une nomination intérimaire au poste d’OSE. Selon lui, les chefs de service le mentionnaient directement à leurs employés et en parlaient à l’occasion des réunions de personnel. Il a ajouté qu’il avait fait savoir à tous ses employés que des nominations intérimaires seraient accordées et qu’ils pouvaient se prévaloir de cette possibilité s’ils étaient intéressés. Aucune date limite n’avait été établie pour que les employés manifestent leur intérêt.

11 Au moment où les nominations intérimaires au poste d’OSE ont débuté, le plaignant était titularisé au groupe et niveau GT‑02, mais occupait de façon intérimaire un poste de GT‑03 dans le service de M. Hildebrandt. Ce dernier se rappelle précisément avoir parlé avec le plaignant de la possibilité de nomination intérimaire au poste d’OSE. M. Hildebrandt a affirmé avoir demandé directement au plaignant à plusieurs reprises s’il voulait se proposer, mais le plaignant lui aurait répété à chaque fois qu’il n’était pas intéressé.

12 Le plaignant a déclaré avoir appris qu’une personne occuperait le poste d’OSE de façon intérimaire lorsque, en décembre 2007, il a été prié de changer de bureau afin de laisser la place à cette personne. Il ne se rappelle aucun courriel ni appel d’intérêt dans lequel les personnes intéressées étaient invitées à se manifester. Le plaignant a également affirmé que, lorsque les nominations intérimaires ont débuté, il s’attendait à ce que quelqu’un lui demande s’il était intéressé. Il soutient que son but était d’aller le plus loin possible sur le plan professionnel. Il a ajouté qu’il présentait toujours sa candidature dans les processus de nomination annoncés et qu’il avait fait part de son désir d’avancement au commandant, le major Prevost, à l’automne 2007. Par conséquent, il pensait se voir demander s’il voulait profiter de cette possibilité.

13 Rien dans la preuve ne laisse croire qu’à partir de décembre 2007 le plaignant a jamais manifesté son intérêt pour une nomination intérimaire au poste d’OSE.

14 Le major Prevost a précisé que tous les chefs de service lui avaient confirmé avoir transmis à leur personnel la possibilité de nomination intérimaire au poste d’OSE. Toute personne intéressée devait se manifester auprès de son chef de service, qui communiquerait ensuite son nom au major Prevost. La personne en question aurait ensuite la possibilité d’occuper le poste de façon intérimaire.

15 En tout, quatre personnes ont manifesté leur intérêt et se sont vu offrir une nomination intérimaire au poste d’OSE avant le départ à la retraite de M. Hildebrandt. Le major Prevost n’a reçu aucune indication que le plaignant était intéressé. Elle a déclaré que si d’autres employés avaient fait part de leur intérêt par la suite, ils auraient également pu profiter de cette même possibilité.

16 Le major Prevost a précisé que l’évaluation des quatre personnes qui avaient occupé le poste d’OSE de façon intérimaire reposait sur plusieurs outils. Au terme de leur nomination intérimaire, ces personnes avaient reçu un rapport de rendement de la part de M. Hildebrandt. L’évaluation se fondait non seulement sur ce rapport, mais aussi sur la connaissance personnelle qu’avait le major Prevost de ces personnes, sur leur contribution durant les réunions de gestion hebdomadaires, sur la qualité des demandes et des rapports qu’elles avaient rédigés, sur les références fournies à leur sujet et sur les commentaires d’autres cadres dirigeants. Une fois l’évaluation terminée, il a été établi que deux personnes, dont M. King, étaient toujours intéressées par le poste et possédaient toutes les qualifications essentielles.

17 Lorsque la nomination au poste d’OSE a été effectuée, au milieu de 2009, le deuxième candidat qualifié s’était retiré du processus. Étant donné que M. King était le seul candidat qualifié toujours intéressé, c’est lui qui a été nommé.

18 La justification du processus de nomination non annoncé, rédigée par le major Prevost, a été soumise au Tribunal. Ce document décrit l’importance d’offrir une possibilité d’avancement aux employés du DMFC Dundurn et précise que tous les employés de groupe et niveau GT‑03 et GT‑04 ont été informés de la possibilité de prise en considération pour le poste.

19 Dans son témoignage, le major Prevost a déclaré qu’elle croyait que le DMFC Dundurn possédait les meilleures ressources pour doter le poste hautement spécialisé d’OSE. Selon elle, les qualifications et les connaissances techniques nécessaires ne pouvaient s’acquérir ailleurs que dans un dépôt de munitions.

20 Les pouvoirs accordés à l’intimé en vertu de l’article 33 de la LEFP lui permettent d’utiliser un processus non annoncé. Il est bien établi que la décision de recourir à un processus non annoncé ne constitue pas en soi un abus de pouvoir (voir la décision Clout c. le sous‑ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 0022, para. 32 et 34). Toutefois, le pouvoir discrétionnaire d’utiliser un processus de nomination non annoncé n’est pas absolu, et l’article 77(1)b) de la LEFP stipule qu’une telle décision peut être contestée directement au motif qu’il y a eu abus de pouvoir (voir, par exemple, la décision Kane c. le procureur général du Canada et la Commission de la fonction publique, 2011 CAF 19, para. 3).

21 Le plaignant soutient ne pas avoir eu accès à la possibilité de nomination. La position qu’il défend n’est pas claire. Si le plaignant laisse entendre qu’il avait droit à une prise en considération de sa candidature avec celle de M. King, il n’établit aucun fondement à sa position. L’article 48 de la LEFP prévoit la communication d’un avis et l’article 77, le droit de porter plainte. Toutefois, aucune disposition de la LEFP ni du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334, n’établit un droit d’accès à un poste faisant l’objet d’un processus de nomination non annoncé.

22 Si ce que le plaignant veut plutôt dire c’est qu’il n’a pas eu accès à la possibilité de nomination intérimaire, alors il n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour s’acquitter du fardeau de la preuve. Les éléments de preuve font ressortir clairement que l’intimé a cherché activement à connaître les personnes intéressées par une nomination intérimaire au poste d’OSE avant le départ à la retraite de M. Hildebrandt. Le plaignant reconnaît qu’il était au courant du fait que le poste d’OSE faisait l’objet de nominations intérimaires. M. Hildebrandt soutient avoir demandé plus d’une fois au plaignant si le poste l’intéressait, mais celui-ci a décliné l’offre. Les arguments de M. Hildebrandt n’ont pas été contestés. Le plaignant a laissé entendre qu’il aurait dû se voir offrir une nomination intérimaire étant donné que personne n’ignorait ses aspirations professionnelles élevées, mais il n’a pas été démontré en preuve que le plaignant a informé directement M. Hildebrandt ou qui que ce soit d’autre de son intérêt pour une nomination intérimaire au poste d’OSE.

23 Le Tribunal conclut qu’il est peu probable que le plaignant n’ait pas été informé de la possibilité de nomination intérimaire suite aux réunions générales, aux appels d’intérêt de la part de M. Hildebrandt, et à la nomination intérimaire évidente de plusieurs personnes au poste de ce dernier. Il n’était pas raisonnable de la part du plaignant de se fier au fait que ses aspirations professionnelles étaient connues pour ne pas manifester activement son intérêt à l’égard de cette possibilité en particulier. S’il voulait que sa candidature soit examinée, il devait manifester son intérêt comme les autres personnes l’ont fait. Tel qu’il a été établi plus haut, il n’a pas été démontré en preuve que le plaignant a proposé sa candidature.

24 Le plaignant avance également qu’il n’a pas été informé préalablement de la nomination de M. King. Dans la décision Clout, para. 38, le Tribunal a établi que le fait de ne pas être mis au courant à l’avance d’une nomination au terme d’un processus non annoncé ne constitue pas une preuve d’abus de pouvoir. C’est au moyen d’une annonce publique que l’on fait savoir qu’une nomination a été effectuée. En outre, le Tribunal estime que le fait que le plaignant ait été ou non au courant de la possibilité avant que la nomination ne soit effectuée ne constitue pas un élément important en l’espèce. Le plaignant était certainement au courant de la nomination lorsque celle‑ci a été effectuée, et il a été informé de son droit de recours. Par conséquent, le Tribunal conclut que le fait de ne pas avoir informé au préalable le plaignant de la nomination de M. King ne constitue pas un abus de pouvoir.

25 Outre ces arguments, le plaignant n’a présenté aucun fait pour étayer son allégation d’abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé. Dans la décision Tibbs c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, para. 55, le Tribunal a établi que les plaignants ont le fardeau de la preuve en ce qui a trait aux plaintes d’abus de pouvoir. Le Tribunal estime que le plaignant ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer que l’intimé avait abusé de son pouvoir en optant pour un processus de nomination interne non annoncé.

Question II :  Y a-t-il eu abus de pouvoir dans l’établissement du critère de qualification lié à la formation?

26 Dans l’énoncé des critères de mérite (ECM), le critère de qualification lié à la formation se lisait comme suit :

Formation : Formation institutionnelle dans les aspects techniques du stockage, de l’entretien, du transport, de l’inventaire et de destruction de munitions et d’explosifs en rapport avec le titre d’officier technicien des munitions, de technicien de munitions NQ7 ou de technicien civil en munitions 5 (TCM 5), ou équivalence acceptable.

[traduction]

27 Le plaignant a déploré que la qualification TCM 5, une qualification inaccessible, soit exigée. Toutes les parties ont reconnu que le programme de formation pour les TCM était en cours d’élaboration au moment du processus de nomination. Le major Prevost a indiqué que la qualification TCM figurait dans l’ECM seulement parce que des personnes de sa chaîne de commandement lui avaient demandé de l’inclure. Elle a reconnu que le fait de l’inclure posait problème parce que le programme de formation pour les TCM n’était pas terminé et qu’il n’y avait pas eu d’évaluation formelle des employés pour déterminer leur niveau à cet égard. Toutefois, le major Prevost a précisé que l’ECM prévoyait quatre autres façons pour un candidat de démontrer qu’il possédait les qualifications nécessaires sur le plan de la formation : (i) titre d’officier technicien des munitions; (ii) titre de technicien des munitions NQ7; (iii) titre de technicien civil en munitions 5 (TCM 5); ou (iv) équivalence acceptable. Une personne n’avait qu’à posséder l’une de ces qualifications pour répondre au critère lié à la formation. La qualification TCM n’a pas été utilisée dans l’évaluation de M. King ni de personne d’autre.

28 Le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir dans l’établissement du critère de qualification lié à la formation. Il est étonnant que la qualification TCM 5 ait été inscrite dans l’ECM alors qu’elle n’était pas encore définie et qu’elle était inaccessible. Toutefois, il n’a pas été démontré en preuve qu’elle a été utilisée ou appliquée. Il s’agissait pour un candidat de l’un des quatre moyens de démontrer qu’il possédait le critère de qualification lié à la formation; cette qualification n’a eu aucune application pratique dans le processus de nomination en cause.

Question III :  La nomination était-elle fondée sur le mérite?

29 Le plaignant a remarqué deux erreurs dans la transcription des critères de qualification de l’ECM sur le formulaire utilisé pour l’évaluation de M. King. En ce qui concerne le critère lié aux études, l’ECM indiquait : « Diplôme d’études secondaires conforme aux normes provinciales ou territoriales, ou équivalence approuvée par la CFP » [traduction], tandis que le formulaire prévoyait l’alternative suivante : « combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience » [traduction]. En ce qui concerne le critère lié à la formation, le plaignant a remarqué que le titre « officier technicien des munitions » qui figurait dans l’ECM n’apparaissait pas sur le formulaire.

30Le plaignant n’a pas contesté le fait que M. King répondait aux critères de qualification liés aux études et à la formation, tels qu’ils figuraient dans l’ECM.

31 Bien que le contenu du formulaire diffère du libellé de l’ECM, le Tribunal estime que rien ne donne à penser que ces différences ont eu une incidence sur l’évaluation du mérite ou ont entraîné une évaluation incorrecte des qualifications de M. King. Il ressort clairement du préambule de la LEFP et de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur était qu’il fallait plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir (voir la décision Tibbs, para. 65, et la décision Neil c. le sous‑ministre d’Environnement Canada, 2008 TDFP 0004, para. 50 et 51). Le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu d’intervenir en ce qui a trait à la transcription des critères de qualification liés à la formation et aux études.

32 Le plaignant a aussi souligné qu’il n’y avait aucune mention de l’évaluation de M. King au regard du critère de qualification essentielle suivant : « Connaissance des lois, des règlements et des décrets qui concernent le stockage et la manipulation des sources radioactives (CO7) » [traduction]. Selon lui, en l’absence de preuve démontrant que M. King possédait cette qualification, il ne pouvait être considéré comme qualifié pour une nomination fondée sur le mérite.

33 Le major Prevost a déclaré que très peu d’articles ont des sources radioactives. Elle a précisé que l’évaluation de M. King avait permis de déterminer qu’il répondait au critère de qualification essentielle suivant : « Expérience de la radioprotection (EX5) » [traduction]. Selon elle, il est possible de présumer qu’une personne répond au critère essentiel CO7 sur le plan de la connaissance si elle satisfait au critère EX5 sur le plan de l’expérience.

34 Le Tribunal estime que l’argument qui consiste à lier le critère de qualification essentielle EX5 au critère de qualification essentielle CO7 n’a aucun fondement. Il s’agissait de deux critères distincts dans l’ECM, ce qui indique qu’ils devaient être examinés et évalués séparément.  Il n’a pas été démontré en preuve que le critère CO7 a été appliqué dans l’évaluation des qualifications de M. King, et rien ne donne à penser que l’expérience de M. King ait été analysée de façon à établir s’il répondait aux exigences liées au critère CO7.

35 Une nomination interne ou externe à la fonction publique doit être fondée sur le mérite. Il s’agit là d’une exigence fondamentale de l’article 30 de la LEFP. Dans la décision Rinn c. le sous‑ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 0044, para. 35, le Tribunal a établi ce qui suit :

Le mérite est maintenant lié au mérite individuel; pour être nommée, la personne doit répondre aux qualifications essentielles se rapportant au travail à effectuer. Il existe une latitude considérable pour choisir la personne qui fera l’objet d’une nomination. Cependant, l’exigence fondamentale pour nommer une personne sur la base du mérite est que la personne doit être qualifiée pour le poste.

36 Conformément aux Lignes directrices en matière de nomination de la CFP (Généralités), établies en vertu de l’article 29(3) de la LEFP, toute nomination doit être fondée sur le mérite. Selon l’article 16 de la LEFP, les administrateurs généraux et leurs délégataires sont tenus de se conformer aux lignes directrices de la CFP (voir la décision Robert et Sabourin c. le sous‑ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 TDFP 0024, para. 69).

37 L’intimé n’a pas démontré que le critère CO7 avait fait l’objet d’une évaluation. Le Tribunal juge que le défaut d’évaluer le critère CO7 rend impossible toute capacité de déterminer avec certitude si la nomination de M. King est fondée sur le mérite, selon les exigences définies à l’article 30 de la LEFP. La nomination d’une personne qui ne satisfait pas aux critères de mérite essentiels constitue un abus de pouvoir.

Décision


38 Étant donné que M. King n’a pas été évalué au regard du critère essentiel CO7, sa nomination constitue un abus de pouvoir. Par conséquent, la plainte est accueillie.

Mesures correctives


39 Avant que ne se termine l’audition de cette plainte, le plaignant et l’intimé ont été invités à parler des mesures correctives qu’il conviendrait de prendre si la plainte était accueillie. Les deux parties ont abordé expressément la question de l’évaluation, et ni l’une ni l’autre ne se sont opposées à la prise de mesures correctives pour compléter l’évaluation.

40 Après avoir examiné les observations des parties sur la question des mesures correctives, le Tribunal conclut qu’en l’espèce, il est possible de corriger l’abus de pouvoir dans un premier temps en évaluant M. King au regard du critère de qualification essentielle CO7 et, dans un deuxième temps, en prenant les mesures nécessaires en fonction du résultat de cette évaluation.

Ordonnance


41 Le Tribunal ordonne à l’intimé de prendre les mesures correctives ci-dessous dans les 30 jours suivant cette décision :

  1. compléter l’évaluation de M. King au regard du critère essentiel CO7 afin de déterminer si celui‑ci possède les qualifications nécessaires pour être nommé au poste d’OSE;
  2. révoquer la nomination de M. King s’il est établi que ce dernier ne répond pas au critère essentiel CO7;
  3. informer les parties à cette plainte du résultat des mesures correctives.

Joanne B. Archibald
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2009-0463
Intitulé de la cause :
Troy Patton et le sous‑ministre de la Défense nationale
Audience :
Les 19 et 20 octobre 2010
Saskatoon (Saskatchewan)
Date des motifs :
Le 17 février 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Louis Bisson
Pour l'intimé :
Josh Alcock
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