Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé conteste une suspension d’une journée et son renvoi en cours de stage - l’évaluation du rendement du fonctionnaire s’estimant lésé relativement à sa première affectation indiquait qu’il satisfaisait à toutes les exigences et qu’il dépassait les attentes concernant la motivation - vers la fin de l’affectation, un incident est survenu au travail - une préposée à la sécurité est entrée par erreur dans le vestiaire où le fonctionnaire s’estimant lésé enfilait des vêtements de vélo - cette violation de son intimité a dérangé le fonctionnaire s’estimant lésé, et la réaction de l’employeur ne l’a pas satisfait - le grief du fonctionnaire s’estimant lésé, dans lequel il demandait à l’employeur d’établir une politique claire et de veiller à ce qu’il ne se trouve plus en présence de la préposée à la sécurité en question, a été rejeté par l’employeur - l’évaluation du rendement du fonctionnaire s’estimant lésé relativement à sa deuxième affectation était très positive, mais certains points nécessitaient de l’amélioration, dont le travail d’équipe et la résolution de conflits - le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu pendant une journée parce qu’il s’était comporté de façon inappropriée à l’égard d’une collègue lors d’un appel téléphonique au cours duquel il a élevé la voix, s’est montré agressif, a interrompu constamment son interlocutrice et l’a finalement menacée en lui disant que <<quelque chose de gros>> se produirait - le fonctionnaire s’estimant lésé s’est lui-même trouvé une troisième affectation, mais sa superviseure l’a remplacée par une affectation qui comprenait plus de travail en équipe - le fonctionnaire s’estimant lésé a été avisé des inquiétudes que suscitaient ses qualités personnelles ainsi que de son possible renvoi en cours de stage s’il ne satisfaisait pas aux attentes - le fonctionnaire s’estimant lésé s’est opposé au changement d’affectation et a informé l’employeur par écrit qu’il n’entendait pas s’y présenter - il s’est présenté, mais lorsqu’on lui a demandé de soumettre un plan de travail, il a répondu qu’il ne commencerait à travailler que lorsque la question de sa réaffectation aurait été clarifiée - le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié parce qu’il n’avait pas les qualités personnelles requises - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué qu’après son renvoi en cours de stage, l’employeur l’avait empêché d’obtenir d’autres postes au sein de la fonction publique fédérale; le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à l’arbitre de grief d’ouvrir l’audience de nouveau lorsqu’il aurait obtenu des documents à l’appui de ses allégations à la suite d’une demande soumise en vertu de la Loi sur l’accès à l’information - l’arbitre de grief a acquiescé à la demande parce que les documents étaient pertinents et que le fonctionnaire s’estimant lésé en ignorait l’existence avant la conclusion de la première audience - en ce qui concerne la suspension d’une journée, l’arbitre de grief a été d’avis que la preuve par ouï-dire de l’employeur ne pouvait se substituer à la preuve directe du fonctionnaire s’estimant lésé - l’employeur n’a pas su s’acquitter du fardeau de la preuve relativement à l’allégation d’inconduite reprochée au fonctionnaire s’estimant lésé - en ce qui a trait au renvoi en cours de stage, l’arbitre de grief a estimé qu’aucune preuve n’étayait l’allégation selon laquelle le renvoi découlait des griefs et des plaintes présentés par le fonctionnaire s’estimant lésé - l’employeur a donné des directives claires et n’était pas de mauvaise foi - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas su prouver que son licenciement était fondé de façon factice sur la Loi sur l’emploi dans la fonction publique - par conséquent, l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour instruire le grief. Grief pour suspension accueilli en partie. Grief pour renvoi en cours de stage rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-07-27
  • Dossier:  566-02-3226 et 3229
  • Référence:  2011 CRTFP 97

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SAMEH BOSHRA

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Statistique Canada)

défendeur

Répertorié
Boshra c. Administrateur général (Statistique Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Paul Champ, avocat

Pour le défendeur:
Karl Chemsi, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 7 au 10 juin 2010, du 10 au 12 janvier 2011, et le 1er juin 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé, Sameh Boshra (le « fonctionnaire »), était un analyste à l’emploi de Statistique Canada (l’« administrateur principal », « le défendeur » ou l’« employeur »). Le poste du fonctionnaire était classifié au groupe et niveau ES-03. Le 10 juillet 2009, il a déposé un grief contre une suspension disciplinaire d’une journée que lui a imposée le défendeur (dossier 566-02-3226). Le 31 juillet 2009, le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage. Il a déposé un grief contre ce renvoi, alléguant qu’il s’agissait de représailles en raison du dépôt des griefs, de sa plainte de violation des droits de la personne et de sa demande d’accès à l’information (dossier 566-02-3229).

2 Le fonctionnaire a reçu les réponses de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 2 octobre 2009, et a renvoyé les deux griefs à l’arbitrage le 29 octobre 2009. Le 26 octobre 2009, le fonctionnaire, conformément au paragraphe 210(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), a donné avis à la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP ») qu’il entendait soulever une question liée à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le 12 novembre 2009, la CCDP a avisé la Commission des relations de travail dans la fonction publique qu’elle n’entendait pas présenter d’arguments dans le cadre de ce grief.

II. Résumé de la preuve

3 L’employeur a appelé comme témoins Karen Mihorean, Sylvie Michaud, Josée Bégin et Anil Arora. À l’époque du dépôt des griefs, tous les témoins travaillaient à Statistique Canada. Mme Mihorean était directrice, Division de la statistique du revenu; Mme Michaud, directrice générale, Division de la statistique de l’éducation, du travail et du revenu; Mme Bégin, directrice adjointe, Division de la statistique du revenu; M. Arora, statisticien en chef adjoint, Statistique sociale, de la santé et du travail. L’employeur a présenté 36 documents en preuve. Le fonctionnaire a témoigné aux audiences. Il a aussi appelé comme témoin Sean Dolan. Au moment du dépôt des griefs, M. Dolan travaillait à titre d’analyste à Statistique Canada, et son poste de travail était situé à quelques pas seulement de celui du fonctionnaire. Le fonctionnaire a présenté 33 documents en preuve.

A. Période probatoire

4 Le fonctionnaire s’est joint à la fonction publique fédérale le 26 novembre 2007. Il a été nommé à un poste à temps plein d’une durée indéterminée à Statistique Canada. Le poste était classifié au groupe et niveau ES-02. Le fonctionnaire a été embauché dans le cadre du Programme de recrutement et de perfectionnement des ES (PRPES). L’employeur l’a avisé qu’il serait en période d’essai pendant la durée de ce programme. À cet égard, l’employeur a présenté en preuve le Règlement fixant la période de stage et le délai de préavis en cas de renvoi au cours de la période de stage, DORS/2005-375 (le « Règlement »). En vertu du Règlement, la durée de la période d’essai d’un employé recruté dans le cadre d’un programme comme le PRPES correspond à la période la plus longue entre la durée de la formation ou 12 mois. Le fonctionnaire n’a pas contesté le fait qu’il était à l’essai au moment de son renvoi. Il n’a pas allégué non plus ne pas avoir été payé ou reçu un préavis. Le fonctionnaire allègue plutôt que la décision de mettre fin à son emploi a été prise de mauvaise foi.  

5 Le PRPES a pour objectif d’assurer le perfectionnement et la formation des nouveaux employés. Chaque nouvel employé est attaché à une division, laquelle relève d’un directeur. Le fonctionnaire a été affecté à la Division de la statistique du revenu; Mme Michaud était la directrice de cette division au moment de l’embauche du fonctionnaire. Mme Mihorean a remplacé Mme Michaud le 1er avril 2008. Si le fonctionnaire avait complété avec succès le PRPES, il aurait alors été affecté à sa division d’attache. Selon les modalités du PRPES, le rôle du directeur de la division d’attache consiste à aider le nouvel employé à choisir ses affectations, à établir ses besoins de formation, à évaluer son rendement et à présenter la justification des promotions, le cas échéant. Si le nouvel employé est affecté à une division différente, le rôle de cette division d’accueil est de superviser son affectation et d’approuver la formation durant son affectation. Dans le cadre du PRPES, les nouveaux employés sont promus après 12 mois, selon l’évaluation de leur rendement. Le PRPES est aussi chapeauté par un directeur ou une directrice; en l’occurrence, Mme Carole Fraser était la directrice du PRPES quand le fonctionnaire a été embauché dans le cadre du PRPES.

6 En général, il y a trois affectations d’une durée moyenne de huit mois chacune. Les affectations doivent en principe être choisies en fonction des éléments du rendement relevés à l’évaluation du rendement du nouvel employé. Il y a entente écrite, officielle, libellée comme un contrat pour chaque affectation. Les parties à l’entente sont la division d’attache, la division d’accueil, et le nouvel employé. L’entente ne peut être modifiée qu’avec le consentement de toutes les parties. La pratique veut que ces ententes soient respectées telles qu’elles ont été signées.

7 La première affectation du fonctionnaire a été auprès du Programme des domaines spécialisés du recensement. Il relevait alors de M. Eric Olson. L’affectation a commencé en novembre 2007, et a pris fin le 10 octobre 2008. M. Olson a préparé l’évaluation du rendement relativement à cette affectation. Selon cette évaluation, le fonctionnaire a satisfait toutes les exigences de l’affectation et a surpassé les attentes au plan de la motivation. Tous les commentaires formulés dans cette évaluation étaient positifs. L’employeur a recommandé la promotion du fonctionnaire au groupe et niveau ES-03. Le fonctionnaire a été promu en février 2009. Peu avant la promotion du fonctionnaire, Mme Mihorean a envoyé une note à Mme Bégin dans laquelle il était écrit que le fonctionnaire devrait être promu « en le gardant à l’œil ». En contre-interrogatoire, Mme Mihorean affirme ne pas se souvenir pourquoi elle a écrit ce commentaire relativement à la promotion du fonctionnaire.

8 La deuxième affectation du fonctionnaire a eu lieu pour la Division de la statistique du secteur public. Il relevait alors de M. Claude Vaillancourt. L’affectation a commencé le 13 octobre 2008, et a pris fin le 14 juin 2009. M. Vaillancourt a préparé l’évaluation du rendement du fonctionnaire pour cette affectation. Selon cette évaluation, le fonctionnaire a satisfait toutes les exigences de l’affectation et la plupart des commentaires formulés dans l’évaluation étaient positifs. M. Vaillancourt a toutefois souligné certains domaines dans lesquels le fonctionnaire devait s’améliorer. Il a indiqué que le travail effectué par le fonctionnaire était essentiellement individuel. Il a ajouté que les communications du fonctionnaire avec ses collègues étaient brèves, et il a précisé que ce dernier aurait pu exprimer ses idées ou ses opinions de façon plus élaborée. M. Vaillancourt a également formulé des critiques au sujet du fonctionnaire parce que ce dernier n’avait pas respecté la hiérarchie lors de la discussion d’un problème au sujet de sa participation éventuelle à une formation. Afin de favoriser son perfectionnement, M. Vaillancourt lui a suggéré de s’inscrire à des cours susceptibles de l’aider à participer davantage dans son milieu de travail et à développer l’esprit d’équipe, car le travail en équipe était une composante essentielle du travail accompli au sein de sa division. Il a aussi souligné que des cours en résolution des conflits, en travail d’équipe et en gestion des personnes seraient bénéfiques pour le fonctionnaire. Le fonctionnaire était en désaccord avec l’opinion de M. Vaillancourt quant à la nécessité de s’améliorer dans les domaines indiqués. Il a mentionné qu’on ne lui avait jamais reproché ces problèmes auparavant. Le 24 juin 2009, une réunion a eu lieu entre M. Vaillancourt, le chef de la section et le fonctionnaire, afin de discuter de ses préoccupations à cet égard. Le fonctionnaire a alors refusé de signer son évaluation; les représentants de l’employeur l’ont toutefois signée le 30 juin 2009.

9  Alors que sa deuxième affectation tirait à sa fin, le fonctionnaire a commencé à s’enquérir au sujet de sa troisième affectation. Il était intéressé par le travail d’analyse. Le fonctionnaire a trouvé par lui-même une affectation. Le 16 juin 2009, il a débuté une affectation avec le Groupe d’analyse économique dans le Secteur de la statistique du commerce et des entreprises. Il devait travailler avec Jean Bosco Sabuhoro à la réalisation d’une étude de faisabilité portant sur l’établissement d’indicateurs pouvant contribuer à apporter des réponses à diverses questions ayant trait au commerce d’intégration. L’affectation devait se terminer en février 2010. M. Sabuhoro a rempli le formulaire de description de l’affectation et l’a transmis à un coordonnateur de programme du PRPES. Le coordonnateur l’a fait parvenir à Mme Mihorean aux fins d’approbation. Le 12 juin 2009, Mme Mihorean a approuvé l’affectation en y inscrivant une remarque à l’effet qu’elle voulait que le fonctionnaire ait l’occasion de travailler au sein d’une équipe.

10 Vers la fin du mois de juin 2009, Mme Michaud a été informé de la troisième affectation du fonctionnaire et elle a demandé à Mme Mihorean des précisions au sujet de la description de cette affectation. Au début du mois de juillet 2009, Mme Mihorean s’est entretenue avec un représentant de la division d’accueil. Ils ont décidé qu’il serait opportun d’avoir une rencontre avec Mme Michaud. Cette dernière a estimé que cette troisième affectation n’était pas convenable pour le fonctionnaire parce que cette affectation ne l’aiderait pas à corriger les lacunes relevées dans l’évaluation du rendement de son affectation précédente. Mme Michaud voulait que sa troisième affectation lui donne l’occasion de travailler en équipe. Elle estimait de plus qu’il existait des exigences opérationnelles au sein de la division d’attache du fonctionnaire et qu’une affectation pouvait ainsi lui être proposée au sein de sa division d’attache.

11 Le 14 juillet 2009, Mme Michaud a communiqué avec le fonctionnaire afin de discuter avec lui du changement d’affectation et de son rendement au travail. La réunion a eu lieu le 15 juillet 2009, à 11 h 30. Mme Michaud a alors informé le fonctionnaire qu’il serait affecté ailleurs à compter du 20 juillet 2009. Le fonctionnaire relèverait alors de Gioia Campagna à la section de l’Enquête sur les dépenses des ménages. Mme Michaud lui a dit également qu’elle avait certaines réserves au sujet de ses qualités personnelles à titre de nouvel employé. Plus tard le même jour, Mme Michaud a écrit au fonctionnaire, le priant de respecter la structure hiérarchique et les procédures en place, de communiquer en tout temps de manière respectueuse, de collaborer avec ses collègues et ses supérieurs immédiats, de se conformer aux directives de son supérieur immédiat et de demander des éclaircissements avant de s’adresser à des instances supérieures pour résoudre des problématiques, participer aux réunions organisées par la direction et y arriver à l’heure, et demander la permission avant de s’absenter ou de prendre congé. Dans cette même lettre, Mme Michaud a informé le fonctionnaire que le défaut de satisfaire à ces attentes en ce qui a trait à ses qualités personnelles pourrait résulter en son renvoi en cours de stage. À 16 h 13, toujours le 15 juillet 2009, après sa rencontre avec le fonctionnaire, elle lui a envoyé un courriel l’informant de sa décision de maintenir son changement d’affectation.

12 Le 16 juillet 2009, à 7 h 7, le fonctionnaire a demandé à Mme Michaud de le rencontrer pour prendre un café au cours de la journée. Mme Michaud y a consenti et a rencontré le fonctionnaire à 10 h dans la cafétéria de l’édifice dans lequel tous les deux travaillaient. À 17 h 24 le même jour, Mme Michaud a écrit au fonctionnaire, l’informant qu’elle maintenait sa décision de changer son affectation et qu’il devait se présenter à sa nouvelle affectation à la section de l’Enquête sur les dépenses des ménages le 20 juillet 2009. Elle l’a prévenu que s’il ne se présentait pas, elle n’aurait d’autre choix que de prendre les mesures qui s’imposaient. Le matin du 17 juillet 2009, à 8 h 9, le fonctionnaire a écrit à Mme Michaud. Il contestait alors sa décision de changer son affectation. Il a demandé également de prendre un congé sans solde à compter du lundi 20 juillet 2009. Il a souligné qu’il n’avait pas l’intention de se présenter à la nouvelle affectation proposée et qu’il ne se présenterait pas au travail le 20 juillet 2009. Le même jour, à 12 h 22, Mme Michaud a informé le fonctionnaire que sa demande de congé pour raisons personnelles était refusée et qu’il devait se présenter à sa nouvelle affectation le matin du 20 juillet 2009 et qu’à défaut de ce faire, ce geste serait considéré comme étant de l’insubordination de sa part. À 15 h 21, le fonctionnaire a répondu à Mme Michaud qu’il allait obtempérer à son ordre et se présenter à sa nouvelle affectation le 20 juillet 2009. Le 17 juillet 2009, il a déposé un grief dans lequel il contestait la décision de changer son affectation.

13 Le 20 juillet 2009, le fonctionnaire s’est présenté à sa nouvelle affectation. Une semaine plus tard, à 9 h 27, le 27 juillet 2009, son supérieur immédiat lui a demandé, pour la semaine commençant ce même jour, de lui fournir un aperçu de la méthode par laquelle il se proposait de procéder à diverses analyses comparatives des données de 2001 et de 2007 et de ses hypothèses pour établir la concordance des catégories, puisqu’il fallait concilier deux différents types d’ensembles de codes de données. À 9 h 36, le fonctionnaire lui a répondu qu’il ne pouvait commencer à travailler sur ce dossier qu’une fois clarifiée la question de son affectation, puisqu’autrement il estimait que l’on tiendrait pour acquis qu’il avait acquiescé à cette affectation, ce qui n’était pas le cas. Le fonctionnaire a également rencontré son supérieur immédiat pour lui expliquer plus en détail la situation. Il a témoigné que son supérieur immédiat lui avait dit qu’il n’y avait pas de problème. Il a passé le reste de la journée à se préparer en vue de l’audition de son grief. Mme Bégin a témoigné que Mme Campagna lui avait confié être préoccupée du fait que le fonctionnaire refusait d’effectuer son travail. La même journée, à 13 h 20, Mme Bégin a écrit au fonctionnaire pour l’aviser qu’elle avait été informée qu’il refusait d’effectuer le travail qui lui avait été confié par son supérieur immédiat. Elle lui a rappelé qu’on s’attendait à ce qu’il accomplisse le travail qui lui était confié et que le refus de ce faire constituerait de l’insubordination et que des mesures disciplinaires seraient prises, le cas échéant.

14 Le matin du 28 juillet 2009, le fonctionnaire a assisté à une audition avec M. Arora relativement à des griefs qu’il avait déposés. Après avoir réglé la question des griefs, la question de la nouvelle affectation du fonctionnaire a été abordée. M. Arora a demandé au fonctionnaire s’il refusait d’accepter son affectation et s’il avait effectué le travail qui lui avait été confié. M. Arora a témoigné que le fonctionnaire lui avait dit qu’il n’effectuerait pas le travail qui lui avait été confié le 27 juillet 2009 par son supérieur immédiat, et qu’il était loin d’être résigné à accepter sa nouvelle affectation. M. Arora a témoigné qu’il avait incité le fonctionnaire à effectuer le travail qui lui avait été confié par son supérieur immédiat. Le même jour, à 15 h 30, il a écrit au fonctionnaire pour lui dire qu’il n’avait pas le temps de lui donner une rétroaction à ce moment, comme il avait été convenu lors de leur rencontre, en ce qui a trait à l’état des tâches spécifiques qui lui avaient été confiées. il voulait s’assurer qu’il n’y avait aucune ambigüité en ce qui a trait aux directives qui avaient été données au fonctionnaire. M. Arora ne lui est pas revenu à ce sujet. Le fonctionnaire a témoigné qu’il était allé à une entrevue pour un emploi le 29 juillet 2009. À 14 h 42, le 30 juillet 2009, le fonctionnaire a écrit à M. Arora pour lui demander s’il avait des nouvelles. M. Arora ne lui a pas répondu. En contre-interrogatoire, M. Arora a témoigné qu’il n’avait pas le temps de revenir au fonctionnaire à ce sujet. Il a affirmé également qu’il n’avait pas convenu avec le fonctionnaire que ce dernier pouvait simplement rester à son bureau à ne rien faire, au contraire.

15 Le 31 juillet 2009, M. Arora a informé le fonctionnaire de sa décision de le renvoyer en cours de stage. Dans la lettre qu’il lui a transmise à cet effet, M. Arora a écrit que le fonctionnaire n’avait pas les qualités personnelles requises pour satisfaire aux exigences du PRPES. M. Arora a fait notamment référence à la réunion du 15 juillet 2009 avec Mme Michaud durant laquelle ces lacunes avaient été discutées. Il a souligne également le refus du fonctionnaire d’effectuer les tâches liées à sa nouvelle affectation qui devait débuter le 20 juillet 2009. Enfin, M. Arora a signalé que l’absence de collaboration de la part du fonctionnaire avec ses supérieurs immédiats et son rejet de leur autorité à son égard étaient indicatifs de sa réticence à se conformer aux exigences du PRP.

16 M. Arora a affirmé avoir consulté les spécialistes en ressources humaines de l’employeur et s’être entretenu avec Mme Mihorean, Mme Michaud, Mme Bégin et Mme Campagna avant de prendre la décision de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire.

B. L’incident dans le vestiaire

17 Le fonctionnaire se rendait régulièrement au travail en vélo. Le 7 août 2008, il était resté plus tard au bureau parce que son supérieur immédiat n’y était pas et qu’il y avait du travail à terminer avant de quitter. Vers 17 h 50, il était dans le vestiaire en train de se changer pour mettre ses vêtements de vélo. Une préposée à la sécurité est entrée alors qu’il était déshabillé; elle est repartie aussitôt après l’avoir aperçu. Le fonctionnaire ne l’avait pas entendue arriver ni cogner à la porte avant d’entrer. Après avoir repris son calme, il s’est rendu au poste de garde et a exigé que l’on fasse un rapport d’incident à ce sujet. L’employé qui était présent lui a dit qu’il ne savait pas comment faire un tel rapport parce que ce n’était que sa deuxième journée de travail.

18 Le fonctionnaire a indiqué que l’incident avait porté atteinte à sa vie privée et qu’il avait été très perturbé. Il a témoigné qu’il était un chrétien copte et qu’il venait d’un milieu très conservateur. Il a affirmé s’être senti humilié au plus haut point parce qu’une employée de sexe féminin l’avait vu alors qu’il était déshabillé. Il se disait très préoccupé de cet incident et tenait à ce que cela ne se reproduise plus. Il ne voulait plus avoir à rencontrer de nouveau cette employée. Le 11 août 2008, Jacques Thibodeau, chef de la sécurité à Statistique Canada, a écrit au fonctionnaire pour lui assurer que ce genre d’incident ne se reproduirait plus et qu’au demeurant, cela était purement accidentel. Le fonctionnaire a demandé des explications et s’est montré insatisfait des réponses que lui a fournies M. Thibodeau. Entre autres parce que M. Thibodeau ne lui a pas donné l’assurance que la préposée à la sécurité de sexe féminin en cause dans l’incident ne travaillerait plus dans le même édifice que lui. Selon lui, M. Thibodeau ne semblait pas prendre au sérieux l’incident en question. Pour M. Thibodeau, la préposée à la sécurité en cause n’avait rien fait de répréhensible; ce serait plutôt le fonctionnaire qui s’était retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Le 26 août 2008, le fonctionnaire a déposé un grief visant à obliger l’employeur d’établir une politique claire sur la protection de la dignité des individus et aussi pour s’assurer qu’il n’aurait plus à se retrouver en présence de cette préposée à la sécurité. Le grief a été rejeté à tous les paliers de la procédure de règlement de griefs.

19 Le 14 octobre 2008, le fonctionnaire a assisté au deuxième palier de la procédure de règlement de son grief sur l’incident dans le vestiaire. Le lendemain, il a reçu le message anonyme suivant à son adresse courriel personnelle, de la part d’un certain « James Tee », ce message se lisait comme suit : [traduction] « Si j’étais toi, je cesserais ton petit manège, sinon ta carrière va en souffrir. Un ami. » Le fonctionnaire a fait une demande auprès du service info@phonebusters.com pour tenter de retracer l’auteur de ce courriel. Il pensait que cela avait un lien avec son grief, parce qu’il n’avait utilisé son compte de messagerie personnelle qu’une seul fois, et ce, relativement à son grief. Le service Phone Busters lui a suggéré de s’adresser à son syndicat.

20 Le fonctionnaire a présenté en preuve plusieurs documents obtenus grâce à des demandes d’accès à l’information. Certains de ces documents ont trait aux échanges de communications entre les représentants de l’employeur au sujet de l’incident du 7 août 2008, du grief qu’il a déposé le 26 août 2008 à ce sujet, et les mesures devant être prises par l’employeur pour corriger cette situation. Le fonctionnaire a également présenté en preuve le grief qu’il avait déposé le 15 juin 2009 afin de contester la façon dont l’employeur avait enquêté au sujet de son grief déposé le 26 août 2008, alléguant qu’en raison de cette façon de procéder, tant ses droits juridiques qu’humains avaient été transgressés.

C. La suspension d’une journée

21 Le 8 juillet 2009, Mme Mihorean lui a imposé une suspension d’une journée, à être purgée le 10 juin 2009. Mme Mihorean lui a imposé cette suspension parce qu’elle jugeait inappropriée le comportement du fonctionnaire à l’occasion d’une discussion qu’il avait eue le 21 mai 2009 avec une employée de la Division des services d’accès et de contrôle des données, Mme Michelle Costello. Selon le témoignage de Mme Mihorean, le fonctionnaire aurait interrompu Mme Costello à plusieurs reprises, s’exprimant à voix haute et d’un ton agressif, et proférant la menace suivante : [traduction] « Il va se passer quelque chose de gros, demain. »

22 L’employeur a déposé en preuve des notes prises par un agent des relations de travail qui avait rencontré Mme Costello dans le cadre de l’enquête. Selon ces notes, le fonctionnaire s’était adressé à Mme Costello en lui parlant fort, de façon agressive, et l’avait menacé en lui lançant cette remarque : [traduction] « Il va se passer quelque chose de gros, demain. » L’agent des relations de travail et Mme Costello n’ont pas témoigné dans le cadre de la présente audition.

23 Le fonctionnaire a déposé en preuve le document qu’il avait présenté à l’employeur le 15 juin 2009 réfutant la plainte de Mme Costello à cet égard. Il nie avoir agi de façon menaçante, intimidante ou agressive envers elle. Il ne nie pas avoir utilisé le terme « gros » ou « plus gros », tout en expliquant que cela signifiait qu’il entendait poursuivre plus loin le contentieux qu’il avait avec Mme Costello en ce qui a trait à l’absence de collaboration de cette dernière relativement aux renseignements qu’il lui demandait. Le fonctionnaire lui aurait peut-être dit qu’il entendait porter cette affaire à l’attention de la CCDP et qu’en ce sens quelque chose de plus gros, de plus important, se produirait. Il nie toutefois avoir proféré des menaces envers Mme Costello.

D. Autres preuves produites lors de l’audition

24 Le fonctionnaire a produit en preuve des courriels au sujet d’une possibilité d’emploi auprès de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC). Le 30 juillet 2009, un gestionnaire de ce ministère lui a envoyé un courriel l’informant que son embauche était en attente de l’approbation du directeur général. Il avait déjà passé l’entrevue et on lui aurait dit qu’il avait eu le poste pour lequel il avait postulé. Le gestionnaire lui a envoyé un deuxième courriel le même jour l’informant qu’il occuperait le bureau 053 et qu’il commencerait à travailler le 17 août 2009.

25 Le 5 août 2009, le gestionnaire de RHDCC a retiré l’offre d’emploi qu’il lui avait faite. Il lui dit que l’offre avait été retirée pour des raisons budgétaires. Le fonctionnaire a affirmé avoir effectué d’autres demandes d’emploi par la suite, mais qu’il avait été bloqué à l’étape de la vérification de ses antécédents professionnels.

26 Le fonctionnaire a fait des demandes en vertu de la Loi sur l’accès à l’information afin de comprendre pourquoi on lui refusait des emplois pour lesquels il s’estimait qualifié. Il a obtenu les renseignements requis les 15 et 17 février 2011. Puisque je n’avais pas encore rendu ma décision relativement aux griefs devant moi, il m’a demandé de reprendre l’audience terminée le 12 janvier 2011, afin qu’il puisse présenter en preuve les nouveaux renseignements qu’il venait d’obtenir. J’ai accepté de reprendre l’audience et de tenir compte des documents dans la mesure de leur pertinence en l’instance et qu’il n’avait pas été au courant de leur existence avant la fin de l’audience du 12 janvier 2011. L’employeur s’est opposé à la réouverture de l’audience et la production des nouveaux documents. Ni l’employeur ni le fonctionnaire n’ont convoqué les auteurs de ces documents afin qu’ils viennent témoigner à leur sujet à l’audience.  

27  À un certain moment, la date est inconnue, la Commission de la fonction publique a communiqué par téléphone avec Mme Linda Howatson-Leo afin de vérifier les antécédents professionnels du fonctionnaire. Elle a refusé de donner des références à son sujet, car il n’avait jamais relevé d’elle et il ne lui avait pas demandé de fournir des références à son sujet. Le 28 juin 2010, M. Jeff Bowlby de RHDCC a également communiqué avec Mme Howatson-Leo. Elle a refusé encore une fois de donner des références, car le fonctionnaire n’avait jamais directement relevé d’elle. Elle a suggéré à M. Bowlby de s’adresser plutôt à Mme Mihorean. Le fonctionnaire avait signé un affidavit affirmant qu’il relevait directement de Mme Howatson-Leo entre novembre 2007 et juillet 2008. Or, le reste de la preuve au dossier révèle qu’il n’a jamais relevé directement de Mme Howatson-Leo, mais plutôt de M. Olson, lequel relevait de Mme Howatson-Leo. Le fonctionnaire avait aussi travaillé avec elle à la réalisation de certains projets.  

28 Le 2 juillet 2010, M. Olson a donné des références à M. Bowlby. Dans son rapport à ce sujet, M. Bowlby a écrit que M. Olson lui avait dit que le fonctionnaire avait besoin d’incitation en ce qui avait trait au travail à effectuer, qu’il avait des réserves relativement à son travail, et qu’il y avait certains problèmes lorsque le fonctionnaire interagissait avec des personnes à l’extérieur de son groupe. M. Bowlby a également indiqué que, lorsqu’il a demandé à M. Olson de lui donner le nom d’une personne qui serait en meilleure position pour lui fournir des références, celui-ci lui a donné le nom de Mme Mihorean. Le reste des références fournies par M. Olson étaient plutôt positives. Sur une échelle de 1 (médiocre) à 5 (excellent), M. Olson avait attribué une cote de 3,3 au fonctionnaire. M. Olson a notamment indiqué que, dans l’ensemble, il serait heureux de l’accueillir au sein de son groupe si l’occasion lui en était donnée. Or, du point de vue du fonctionnaire, l’évaluation obtenue de M. Olson n’était pas aussi favorable que celle que M. Olson avait rédigée à la fin de sa première affectation à titre de nouvel employé.

29 Le fonctionnaire a déposé en preuve un échange de courriels en date du 2 septembre 2009, entre Martin Lemire, de Statistique Canada, et Christine Hébert, de RHDCC. À en juger par le ton des échanges, les deux correspondants semblent se connaître assez bien. M. Lemire a demandé à Mme Hébert si un employé du nom de Sameh Boshra travaillait à RHDCC. Mme Hébert lui a répondu qu’elle ne trouvait pas d’employé de ce nom à HRDCC. M. Lemire lui a écrit de nouveau, l’informant qu’une rumeur circulait à Statistique Canada selon laquelle le fonctionnaire avait trouvé un emploi à HRDCC. Or, il avait été congédié de Statistique Canada pour divers motifs. Il précise alors que, si cette rumeur était fondée, on en serait fort surpris à Statistique Canada. M. Lemire a demandé à Mme Hébert de garder cette information confidentielle. Mme Hébert lui a répondu que cela n’avait aucun sens. Elle ne croyait pas que quelqu’un puisse être congédié alors qu’il est à l’emploi de la fonction publique. Elle se demandait comment un fonctionnaire aurait pu se trouver un emploi à RHDCC après avoir été congédié de la fonction publique. Elle croyait que le dossier des antécédents professionnels d’un fonctionnaire le suivait d’un ministère à un autre. M. Lemire lui a répondu que pour se faire congédier, il fallait qu’un fonctionnaire « s’aide un peu » pour y arriver. Il a ajouté qu’il croyait aussi que le dossier de l’employé le suivait d’un ministère à un autre. C’est pour cette raison qu’il avait de la difficulté à croire cette rumeur.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

30 L’arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre ce grief, parce que le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage. Un renvoi en cours de stage est assujetti aux dispositions de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »); l’arbitre de grief n’a pas compétence à cet égard. En outre, l’article 62 de la LEFP confère à l’employeur le droit d’imposer une période d’essai à un employé et de le renvoyer durant cette période. Par ailleurs, l’article 211 de la même loi ne permet pas le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur un licenciement prévu sous le régime de la LEFP

31 La compétence de l’arbitre de grief se limite à décider si la décision de l’employeur de renvoyer le fonctionnaire en période d’essai était basée sur des motifs liés à l’emploi. Si l’employeur s’acquitte de ce fardeau, le fonctionnaire doit alors démontrer que la décision de l’employeur de le renvoyer pendant sa période d’essai était un subterfuge ou du camouflage, ou empreinte de mauvaise foi.  

32 Le fonctionnaire a été embauché le 26 novembre 2007; il a été informé qu’il était en période d’essai pendant la durée du PRPES. Lors de son renvoi le 31 juillet 2009, il n’avait pas complété le programme et se trouvait encore en cours de stage. Le fonctionnaire savait qu’il était encore en période d’essai. Ce fait n’est d’ailleurs pas contesté.

33 L’employeur a renvoyé le fonctionnaire pour les motifs liés à l’emploi énoncés dans la lettre de renvoi datée du 31 juillet 2009. Le fonctionnaire a alors été informé que la décision de mettre fin à son emploi en cours de stage avait été prise en raison de l’insatisfaction de l’employeur quant à ses qualités personnelles et de son refus d’accomplir les tâches demandées lors de sa dernière affectation ayant pris effet le 20 juillet 2009. L’absence de collaboration de sa part avec ses supérieurs immédiats et son rejet de leur autorité à son égard étaient indicatifs de sa réticence à se conformer aux exigences du PRPES. Ce sont là les raisons pour lesquelles l’employeur a mis fin au stage du fonctionnaire.

34 La preuve présentée par l’employeur à l’audience démontre que le renvoi du fonctionnaire en cours de stage était justifié. L’employeur a agi de bonne foi envers le fonctionnaire en tout temps, y compris dans le cadre du processus qui a résulté en son renvoi. Le fonctionnaire a présenté une théorie selon laquelle l’employeur l’aurait renvoyé en raison de ses griefs et de ses plaintes. Il n’y a aucune preuve à l’appui de cette théorie. L’employeur n’a pas renvoyé le fonctionnaire parce qu’il avait des plaintes ou qu’il avait déposé des griefs, mais parce qu’il était insatisfait de ses aptitudes relativement aux relations interpersonnelles.

35 La preuve justifie également la suspension d’une journée imposée par l’employeur au fonctionnaire en juillet 2009. Lorsque Mme Mihorean a pris la décision d’imposer des mesures disciplinaires contre le fonctionnaire, elle avait en mains la version de Mme Costello et aussi celle du fonctionnaire quant à la teneur de leur conversation téléphonique. La version de Mme Costello était limpide : le fonctionnaire s’était montré agressif à son égard; il l’interrompait à tout moment et l’a menacée en lui disant que quelque chose d’important allait se produire le lendemain. Le fonctionnaire a fourni une version écrite du déroulement de cet incident. Il n’était pas certain de ce qui s’était dit exactement. Mme Mihorean a cru ce que lui a raconté Mme Costello et, en considérant ce qui s’est produit, sa décision d’imposer une suspension d’une journée était justifiée.

36 La question des références des antécédents professionnels du fonctionnaire données par M. Olson plutôt que par Mme Howatson-Leo n’est pas pertinente aux deux griefs faisant l’objet du présent renvoi à l’arbitrage. Cela ne met pas en cause les représentants de l’employeur qui ont imposé les mesures disciplinaires ou participé au renvoi du fonctionnaire. De plus, aucun témoin n’a été convoqué afin de témoigner quant à la véracité de la teneur des documents. De plus, ces documents constituent du ouï-dire double.

37 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Morin c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2004 CRTFP 168; Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 C.F. 529; Boyce c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 39; Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39; Rousseau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 91; Canada (Procureur général) c. Penner,[1989] 3 C.F. 429 (C.A.); Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2007 C.F. 389; Porcupine Area Ambulance Service and Canadian Union of Public Employees, Local 1484, (1974) 7 L.A.C. (2d) 182; Ondo-Mvondo c. Administrateur général (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2009 CRTFP 52; Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 72; Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33.

B. Pour le fonctionnaire

38 Le fonctionnaire fait valoir que l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau de justifier sa décision d’imposer une suspension d’une journée au fonctionnaire en juillet 2009. Ce dernier a fourni des explications quant à ce qui s’était produit au cours de la conversation téléphonique avec Mme Costello. L’employeur n’a pas produit de preuve contredisant ses explications. Le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait pas agi de façon menaçante, agressive ou intimidante envers Mme Costello au cours de leur conversation téléphonique du 21 mai 2009. Il a aussi déposé en preuve un document qu’il avait produit dans le cadre de l’enquête disciplinaire à ce sujet. La teneur du document concorde avec le témoignage du fonctionnaire. L’employeur n’a pas produit quelque preuve directe de ce qui se serait produit durant cette conversation téléphonique. Il aurait pu convoquer Mme Costello à titre de témoin, mais a choisi de ne pas le faire.  

39 Le fonctionnaire reconnaît qu’il était en période d’essai lorsqu’il a été renvoyé. Par conséquent, il a le fardeau d’établir que son renvoi a été effectué de mauvaise foi. Il est toujours difficile de démontrer la mauvaise foi au moyen d’une preuve directe, car il s’agit d’un état d’esprit. La mauvaise foi doit donc pouvoir s’inférer des éléments présentés en preuve. Jusqu’à sept semaines avant son renvoi, le fonctionnaire satisfaisait toutes les normes se rapportant à l’exécution de ses fonctions. Tout d’un coup, on juge qu’il ne satisfait plus aux normes. Le changement d’opinion de l’employeur envers lui n’a rien à voir avec son rendement, mais plutôt tout à voir avec le fait qu’il avait déposé des plaintes et des griefs.

40 L’incident survenu dans le vestiaire l’a profondément troublé. Il a voulu comprendre ce qui s’était réellement produit et s’assurer que cela n’arriverait plus. L’employeur n’a pas pris au sérieux les préoccupations du fonctionnaire à ce sujet. Il n’a pu lui garantir que cela ne se produirait plus. Il s’est montré insensible aux valeurs et aux croyances du fonctionnaire, a traité l’incident à la légère et en faisant preuve de mauvaise foi. L’employeur n’a commencé à prendre des mesures correctives qu’une fois une plainte déposée par le fonctionnaire auprès de la CCDP. Le courriel anonyme qu’il a reçu montre l’existence d’une certaine antipathie à son égard en raison du fait qu’il se soit plaint de cette situation. À l’époque, le fonctionnaire avait reçu seulement une évaluation du rendement, et elle était très favorable. Malgré cela, Mme Mihorean avait averti Mme Bégin de l’avoir à l’œil. Cela n’avait toutefois rien à voir avec son travail. Cela a plutôt dénoté de la mauvaise foi de la part de l’employeur. Aux yeux de l’employeur, le fonctionnaire était devenu un employé qui se plaint, plutôt qu’une personne soulevant des préoccupations légitimes.

41 En juin 2009, à la fin de sa deuxième affectation, il a reçu sa deuxième évaluation du rendement. On y a relevé des commentaires négatifs qui n’avaient pas été soulevés ni discutés auparavant avec lui. Il a d’ailleurs été très surpris de ces commentaires.  

42 Le fonctionnaire avait déniché par lui-même sa troisième affectation et l’employeur l’avait approuvée. Ce n’est que plus tard, en juillet 2009, que les cadres supérieurs de l’employeur se sont montrés intéressés par l’affectation choisie par le fonctionnaire. Or, cela a coïncidé avec le dépôt de nouveaux griefs par le fonctionnaire. L’employeur a alors décidé, faisant fi de toutes les règles et des pratiques antérieures à cet égard, de modifier la troisième affectation du fonctionnaire. L’employeur a alors ignoré ses propres règles et pratiques en matière d’affectation, et a agi contre la volonté du fonctionnaire, sans le consulter. L’employeur n’a d’ailleurs pas préparé d’entente d’affectation relativement à cette troisième affectation modifiée. Aucune preuve n’a été produite à l’audience afin de démontrer l’existence d’une urgence ayant pu motiver l’employeur à agir de cette façon. Le fonctionnaire a effectivement été traité de mauvaise foi. L’employeur n’a pas été franc au sujet des raisons l’ayant motivé à changer l’affectation du fonctionnaire. La véritable raison était plutôt de l’avoir à l’œil et de faire en sorte que sa directrice d’attache rédige l’évaluation de sa dernière affectation.  

43 L’employeur estimait que le fonctionnaire était un fauteur de trouble parce qu’il exerçait ses droits. L’employeur a agi de mauvaise foi en changeant la troisième affectation. Il cherchait à créer des conditions propices à l’échec du fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions. Au cours de la première semaine de sa dernière affectation, le fonctionnaire a accompli du travail. L’allégation de l’employeur selon laquelle il refusait d’effectuer le travail qui lui était confié se rapportait plutôt à la semaine du 27 juillet 2009, soit la deuxième semaine de son affectation. Or, le 27 juillet 2009, le fonctionnaire a dit qu’il n’effectuerait pas le travail qui lui était confié, et sa supérieure immédiate lui a répondu qu’elle ne s’y opposait pas. Le fonctionnaire a rencontré M. Arora le lendemain matin. Ils ont discuté de son insatisfaction au sujet de l’affectation qui lui avait été imposée. M. Arora lui a dit qu’il lui reviendrait à ce sujet plus tard au courant de la journée. Le 29 juillet 2009, le fonctionnaire s’est rendu à une entrevue pour un autre emploi. Le 30 juillet 2009, il a demandé à M. Arora de lui donner une réponse au sujet de son affectation. Le lendemain, sans autre formalité ni discussion, M. Arora a informé le fonctionnaire qu’il était renvoyé. De toute évidence, on est loin de la transparence ici. Il s’agit plutôt d’un geste de mauvaise foi.  

44 Lors de l’audience, l’employeur n’a pas présenté de preuve directe ou de témoignage de la part de personnes qui avaient supervisé le travail du fonctionnaire ou qui avaient travaillé avec lui. Les seuls témoins de l’employeur étaient des cadres supérieurs. Ces personnes n’avaient eu affaire avec le fonctionnaire seulement dans le contexte des griefs qu’il avait déposés. L’arbitre de grief ne peut qu’en tirer des conclusions adverses. Si les supérieurs immédiats du fonctionnaire avaient été appelés à témoigner, leur témoignage aurait peut-être contredit la version mise de l’avant par leurs supérieurs.  

45 Le fonctionnaire m’a demandé d’accepter en preuve les documents présentés lors de la reprise de l’audience le 1er juin 2011, parce que cette preuve était pertinente et parce qu’il ne l’avait pas en sa possession lors des étapes précédentes de ce processus. Cette preuve tendait à appuyer la prétention du fonctionnaire selon laquelle l’employeur aurait agi de mauvaise foi à son égard. Mme Howatson-Leo avait supervisé le fonctionnaire mais, lorsqu’il est venu le temps de donner des références à son sujet, elle a refusé et a plutôt dirigé la personne qui s’enquérait vers Mme Mihorean. Il s’agissait là d’un geste de mauvaise foi de sa part. De plus, M. Olson a fourni des références qui n’étaient pas aussi favorables que celles apparaissant à l’évaluation qu’il avait faite de son rendement par écrit lors de l’évaluation formelle du rendement de l’employé. Pourquoi a-t-il changé son appréciation du rendement du fonctionnaire? Le seul changement depuis l’époque où M. Olson avait supervisé son travail, était que le fonctionnaire avait légitimement fait valoir ses récriminations envers l’employeur. Le changement de position de M. Olson était également un geste de mauvaise foi de la part de l’employeur.  

46 L’arbitre de grief devrait accueillir le grief portant sur le renvoi. L’employeur n’a pas renvoyé le fonctionnaire pour des motifs légitimes ayant trait à son rendement. Il l’a renvoyé parce qu’il contestait l’employeur au sujet de certaines questions importantes à ses yeux. L’employeur a agi de mauvaise foi.

47 Le fonctionnaire m’a renvoyé à Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général) (2005), 22 E.T.R. (3d) 238; Ethier c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC)), [1993] 2 C.F. 659 (C.A.); Steele, [2001] B.C.L.R.B.D., no 77; Complex Services Inc. c. Syndicat des employés et employées de la fonction publique de l'Ontario, section 278, [2005] O.L.A.A., no 209; Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 109.

IV. Motifs

48 Le 10 juillet 2009, le fonctionnaire a déposé un grief contestant la suspension disciplinaire d’une journée qui lui avait été imposée par le défendeur (dossier 566-02-3226). Le 12 août 2009, le fonctionnaire a déposé un grief contestant son renvoi en cours de stage, alléguant qu’il s’agissait de représailles parce qu’il avait déposé des griefs contre l’employeur, déposé un plainte pour violation des droits de la personne, et fait une demande d’accès à l’information (dossier 566-02-3229). Je disposerai tout d’abord du grief portant sur la suspension, puis ensuite de celui portant sur le renvoi.

A. Suspension d’une journée

49 L’employeur avait le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le fonctionnaire avait commis les gestes motivant sa suspension. En particulier, l’employeur devait démontrer que, le 21 mai 2009, le fonctionnaire avait interrompu à plusieurs reprises Mme Costello, avait élevé la voix envers elle, s’était adressé à elle de manière agressive et l’avait menacée en lui disant que quelque chose d’important allait se produire le lendemain, et que des mesures disciplinaires s’imposaient en conséquence.

50 Mme Mihorean a témoigné que ces comportements avaient eu lieu. Cependant, elle n’était pas présente lorsque cela se serait produit. Un agent de relations de travail a eu un entretien avec Mme Costello après l’incident allégué. Le rapport de l’agent a été déposé en preuve. Cependant, l’agent n’a pas été convoqué à l’audience afin d’y présenter son témoignage. Mme Costello, qui avait elle-même été partie à cette conversation avec le fonctionnaire, n’a pas non plus été convoquée afin de témoigner à cet effet. Même si l’on peut admettre une preuve par ouï-dire dans le cadre d’une audience sur un renvoi d’un grief en arbitrage, cela n’aurait pas la même valeur probante qu’une preuve directe, en particulier lorsque cette preuve directe pourrait être disponible. L’employeur n’a pas fourni d’explication au sujet de la décision de ne pas convoquer Mme Costello afin qu’elle témoigne à ce sujet.

51 Par contre, le fonctionnaire a témoigné à l’audience à ce sujet. Sa version de l’incident n’a pas été contredite par quelque preuve directe de la part de l’employeur. Le fonctionnaire a produit en preuve un document qu’il avait présenté à l’employeur pour se défendre contre ces allégations. Il a été interrogé puis contre-interrogé sur la teneur de ce document. Il a nié avoir agi de façon menaçante, intimidante ou agressive envers Mme Costello. Il a nié lui avoir proféré des menaces, tout en admettant indirectement que certains de ses propos auraient pu avoir été mal interprétés par Mme Costello.

52 Étant donné la nature de la preuve présentée par les parties lors de l’audience, je conclus que l’employeur ne s’est pas déchargé du fardeau qui lui incombait de démontrer que le fonctionnaire s’était rendu coupable d’inconduite le 21 mai 2009. L’employeur n’a pas produit de preuve directe à l’effet qu’il était justifié d’imposer une suspension au fonctionnaire.

B. Renvoi en cours de stage

53 Le fonctionnaire a reconnu qu’il était en période d’essai au moment de son renvoi par l’employeur. Il n’avait pas complété le PRPES et, par conséquent, en vertu du Règlement, il était alors toujours considéré comme un stagiaire. Ce point n’a pas été contesté par le fonctionnaire. D’ailleurs, le fonctionnaire n’a pas allégué qu’il n’avait pas été payé ou qu’il n’avait pas reçu de préavis de son renvoi. Les dispositions suivantes de la LEFP s’appliquent en l’instance. En outre, ces dispositions confèrent à l’employeur le droit d’imposer une période d’essai à un fonctionnaire et de le renvoyer pendant cette période :

[…]

61. (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

[…]

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

[…]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

[…]

54 L’article 211 de la LRTFP empêche le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur un renvoi en cours de stage en vertu de la LEFP. La partie de l’article 211 de la LRTFP qui est pertinente à la présente affaire se lit comme suit :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

55  Un période d’essai consiste en une période de temps durant laquelle l’employeur a l’occasion d’apprécier l’aptitude de l’employé à occuper un emploi auprès de cet employeur. Dans Penner, la Cour fédérale du Canada fait état d’une « […] décision […] qui procédait d'une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l’égard de l’aptitude de l’employé […] ». Dans Tello, l’arbitre de grief a statué que, dans le cadre l’économie générale de la Loi et de la LEFP, le fardeau de l’employeur se limitait à établir que le fonctionnaire était en stage, que la période d’essai était toujours en cours au moment du renvoi, et qu'un préavis ou une indemnité en guise de préavis ont été fournis. Suivant les Lignes directrices pour le renvoi en cours de stage publiées par l’employeur, la lettre de renvoi transmise à l’employé renvoyé en cours de stage doit énoncer les raisons de la décision de mettre fin à son emploi. À mon avis, cette lettre doit préciser les éléments d’insatisfaction relevés de bonne foi quant à l’aptitude du stagiaire à occuper l’emploi visé.

56 Dans la lettre de renvoi datée du 31 juillet 2009, l’employeur informe le fonctionnaire qu’il mettait fin à la période d’essai et qu’il était renvoyé parce qu’il n’avait pas les qualités personnelles requises, qu’il refusait d’effectuer les tâches qui lui étaient confiées lors de sa dernière affectation et qu’il refusait de collaborer avec ses supérieurs immédiats. L’employeur a clairement fait savoir au fonctionnaire son insatisfaction de bonne foi quant à son aptitude aux fins d’occuper l’emploi. Lors de l’audience, l’employeur est allé plus loin et a présenté des preuves au soutien de ce qui était énoncé dans la lettre de renvoi. Cette preuve découle essentiellement du témoignage rendu par M. Arora, Mme Michaud et Mme Bégin, ainsi que des documents produits lors de l’audience.

57 On pourrait émettre l'hypothèse que l’employeur n’était pas particulièrement heureux du fait que le fonctionnaire ait déposé des griefs et des plaintes. Il est même concevable que l’employeur ait pu trouver cela déconcertant. Or, aucune preuve n’a été produite à l’audience à l’appui de ces spéculations. M. Arora a fondé sa décision sur la documentation qui lui avait été fournie et les entretiens qu’il avait eus avec Mme Michaud et Mme Bégin. Il en est venu à la conclusion que le fonctionnaire ne possédait pas les aptitudes requises pour l’emploi, surtout en raison de son refus d’effectuer les tâches qui lui avaient été confiées et le manque de collaboration avec ses supérieurs immédiats. Aucune preuve présentée à l’audience ne peut me permettre de croire en la théorie de mauvaise foi alléguée par le fonctionnaire. Il ne s’agit pas de mauvaise foi lorsqu’un employeur prend des mesures contre un employé qui refuse d’effectuer les tâches qui lui sont confiées dans le cadre de son affectation. Le fonctionnaire a tenté de me convaincre qu’il y aurait eu une certaine confusion dans les directives de l’employeur quant aux tâches qui lui avaient été confiées et qu’il devait accomplir. Je ne crois pas que ce soit le cas. Sauf dans le cas d’une partie du témoignage rendue par le fonctionnaire, le reste de la preuve est plutôt à l’effet contraire. Les directives de l’employeur étaient claires, le fonctionnaire a reçu des ordres, tant verbalement que par écrit, et des demandes d’effectuer le travail exigé, et il a refusé d’effectuer ces tâches durant la dernière semaine de son affectation.

58 Le fonctionnaire m’a demandé de tirer des conclusions adverses du fait que l’employeur n’avait pas fait témoigner ses supérieurs immédiats lors de l’audience. Or, l’employeur n’était pas obligé de faire témoigner ces personnes, car la preuve présentée à l’audience était suffisante pour établir que le fonctionnaire avait été renvoyé en cours de stage. Je n’avais pas à prendre connaissance des témoignages de satisfaction ou d’insatisfaction de M. Olson, de M. Vaillancourt ou de Mme Campagna quant au rendement du fonctionnaire. Mon rôle ne consiste pas à substituer mon jugement à celui de l’employeur.

59  Le fonctionnaire a fait valoir que l’employeur avait agi de mauvaise foi, et que le motif réel de son renvoi était plutôt le fait que le fonctionnaire avait déposé des griefs et des plaintes. Le fonctionnaire avait le fardeau de démontrer que le renvoi constituait un recours factice aux dispositions de la LEFP. Il ne s’est pas déchargé de ce fardeau.

60 L’incident survenu dans le vestiaire pourrait avoir été mal géré par l’employeur, tel qu’il a été allégué par le fonctionnaire. Or, cela n’est pas l’objet des griefs devant moi. Même si cela était le cas, cela ne serait pas suffisant pour établir la mauvaise foi de l’employeur dans le renvoi du fonctionnaire. L’employeur a pu tarder à informer le fonctionnaire qu’il n’était pas entièrement satisfait de certaines de ses aptitudes, mais il ne s’agit pas là d’un geste de mauvaise foi.

61 En outre, Mme Mihorean n’a pas agi de mauvaise foi en inscrivant une note à l’effet d’avoir à l’œil le fonctionnaire, et Mme Michaud n’a pas agi de mauvaise foi en décidant de changer la dernière affectation du fonctionnaire sans nécessairement suivre les procédures habituelles de l’employeur à cet égard. Dans les limites des lois et de la convention collective, l’employeur a un droit de gérance à l’égard des activités en milieu de travail. Une partie de ce droit consiste notamment à prendre des décisions quant à la façon d’assurer la formation et le perfectionnement des employés et de choisir leurs affections de manière à ce que cela soit dans le meilleur intérêt de l’employeur. À l’époque considérée, Mme Michaud estimait qu’il était dans le meilleur intérêt de l’employeur et du fonctionnaire de mettre fin unilatéralement à son affectation et de la remplacer par une nouvelle affectation. La façon de procéder choisie par Mme Michaud à l’époque n’était peut être pas conforme à la pratique normale de l’employeur à cet égard (voir le paragraphe 6), mais aucune preuve n’a été présentée à l’audience qui serait de nature à me convaincre que sa décision était empreinte de mauvaise foi. Au contraire, il m’apparaît qu’elle a plutôt agi pour des considérations logiques, dans un souci légitime des intérêts de l’employeur.  

62 J’accepte la preuve produite le 1er juin 2011, puisque la plupart de ces éléments de preuve n’étaient pas connus du fonctionnaire lors de l’audience du mois de janvier 2011, et parce que cette preuve est pertinente à la démonstration de la théorie de la mauvaise foi de l’employeur avancée par le fonctionnaire. Cependant, tout en étant pertinente pour tenter de démontrer l’à-propos de la théorie avancée, cela ne démontre pas pour autant qu’il y ait effectivement eu mauvaise foi de la part de l’employeur. Cette preuve a pour effet de démontrer : 1) que M. Olson a donné des références au sujet des antécédents professionnels du fonctionnaire un peu moins favorables que celles figurant dans l’évaluation du rendement auparavant formulée par écrit; 2) que Mme Howatson-Leo a refusé de donner des références pour le motif que le fonctionnaire ne relevait pas directement de ses fonctions; 3) que M. Lemire avait utilisé la messagerie électronique pour bavarder avec Mme Hébert à propos du fonctionnaire. Ce dernier a donc conclu, à partir de ces documents, que l’employeur avait agi de mauvaise foi à son égard. Je ne suis pas de cet avis, et ces documents ne constituent aucunement des preuves au soutien de cette allégation. De plus, il n’a pas établi qu’il avait perdu la possibilité d’obtenir un poste à RHDCC en août 2009 en raison des références défavorables de la part de l’employeur. Et même si cela était le cas, cela ne me permettrait pas de conclure que l’employeur avait agi de mauvaise foi en le renvoyant.

63 La preuve produite à l’audience m’amène à conclure que l’employeur a procédé au renvoi en cours de stage du fonctionnaire en raison de son insatisfaction de bonne foi quant à son aptitude de combler le poste qu’il occupait. Un renvoi en cours de stage équivaut à un licenciement en vertu de la LEFP. L’article 211 de la même loi ne permet pas le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur un licenciement prévu sous le régime de la LEFP. Par conséquent, je n’ai pas compétence pour entendre le grief portant sur le renvoi en cours de stage du fonctionnaire (dossier 566-02-3229), et le grief est donc rejeté.

64 Pour tous les motifs exposés ci-dessus, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

65 Le grief dans le dossier 566-2-3226 de la CRTFP est accueilli en partie. J’ordonne à l’employeur de rembourser au fonctionnaire une journée de paie et le montant des avantages sociaux y afférents.

66 Le grief dans le dossier 566-2-3229 de la CRTFP est rejeté.

Le 27 juillet 2011

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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