Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont formulé à l’encontre de l’intimé des allégations de parti pris et injustice dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé, au motif que la gestionnaire délégataire a fourni des références à leur sujet en dépit du fait qu’elle n’était pas au courant de leurs antécédents professionnels. S’agissant de parti pris, ils ont soulevé entre autres des questions telles que le choix de la zone de sélection, le fait que l’intimé ne leur a proposé aucune nomination intérimaire lorsque le poste était vacant, et le fait que l’un des plaignants aurait pu être retenu sur la base de considérations liées à l’équité en matière d’emploi. L’intimé a soutenu que la gestionnaire délégataire n’avait pas fait preuve de parti pris et qu’en sa qualité de superviseur des plaignants elle était bien placée pour fournir des références. L’intimé a ajouté que le processus et les critères utilisés pour la sélection de la bonne personne étaient appropriés. Décision Il incombe à la personne formulant des allégations de parti pris ou de crainte raisonnable de partialité d’en faire la preuve. Le Tribunal a estimé qu’un observateur relativement bien informé ne percevrait pas de parti pris. Cette conclusion découle d’un certain nombre de faits probants : la gestionnaire délégataire a établi une vaste zone de sélection pour doter un poste vacant, ce qui était conforme à la politique en vigueur; la gestionnaire délégataire n’a offert aucune nomination intérimaire à quiconque pendant le déroulement du processus visant à doter le poste de façon permanente; il n’y avait aucun besoin reconnu d’avoir recours à une nomination fondée sur l’équité en matière d’emploi. En outre, le Tribunal a jugé que la gestionnaire délégataire pouvait fournir des références appropriées au sujet des plaignants. Conformément au guide utilisé pour la vérification références, elle avait entretenu des relations de travail étroites avec les plaignants. D’autre part, ces derniers n’ont fourni aucun élément de preuve démontrant qu’ils avaient mentionné dans leur dossier de candidature des antécédents professionnels antérieurs à la période durant laquelle la gestionnaire délégataire supervisait leur travail, antécédents qu’il aurait fallu valider par un autre répondant. Les plaignants n’ont pas su démontrer que la gestionnaire délégataire n’aurait pas été en mesure de fournir des renseignements confirmant leur expérience récente. Enfin, il n’existe aucun lien entre la qualification « expérience », confirmée par vérification des références, et les raisons de la décision du comité d’évaluation de nommer la personne retenue. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2008-0580 et 2008-0584
Rendue à:
Ottawa, le 21 février 2011

JOHN STEEVES ET KYLA SVEINSON
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Merri Beattie, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Steeves et Sveinson c. le sous-ministre de la Défense nationale
Référence neutre:
2011 TDFP 0009

Motifs de décision


Introduction


1 Les plaignants, John Steeves et Kyla Sveinson, ont participé à un processus de nomination interne annoncé visant à doter un poste d’agent au sein du Service d’analyse et de contrôle des ressources (SACR) de la 14e Escadre, ministère de la Défense nationale, à Greenwood (Nouvelle‑Écosse). Selon les plaignants, la gestionnaire responsable de l’embauche, le major Marcy Spiers, aurait fait preuve de parti pris. Ils affirment que leurs évaluations étaient injustes parce que le major Spiers a fourni des références à leur sujet même si elle n’était pas au courant de leurs antécédents professionnels. Cette démarche a donné lieu à une sélection inappropriée aux fins de nomination. En outre, les plaignants soutiennent que la sélection aux fins de nomination n’était pas fondée sur les critères de mérite établis pour le processus de nomination.

2 L’intimé, le sous-ministre de la Défense nationale, nie tout abus de pouvoir dans ce processus de nomination. Il soutient que le major Spiers n’a pas fait preuve de parti pris et qu’à titre de superviseur des plaignants, elle était bien placée pour fournir des références. L’intimé indique également que le processus et les critères utilisés pour la sélection de la bonne personne étaient appropriés.

Contexte


3 Le 12 mai 2008, un processus de nomination interne visant à doter le poste d’agent, SACR, aux groupe et niveau AS‑05, a été annoncé. Le processus était ouvert aux employés de la fonction publique fédérale occupant un poste au Canada et aux membres des Forces canadiennes.

4 L’annonce de possibilité d’emploi (l’annonce) comportait trois qualifications essentielles relatives à l’expérience. Les candidats devaient démontrer clairement dans leur demande qu’ils satisfaisaient à ces critères, à défaut de quoi ils couraient le risque que leur candidature ne soit pas retenue. Au terme de la présélection, trois candidats ont été retenus, dont les plaignants.

5 Pour évaluer les candidats retenus au terme de la présélection, l’intimé a eu recours à un examen écrit normalisé de la Commission de la fonction publique (CFP), soit l’Exercice « in-basket » pour la gestion intermédiaire (CFP 820), à une entrevue, à un exercice pratique et à la vérification des références. Il a été déterminé que les trois candidats possédaient toutes les qualifications essentielles, et la candidature d’Adam Hamilton a été retenue en vue d’une nomination.

6 Le major Spiers était la gestionnaire d’embauche et elle présidait les comités d’évaluation et de sélection.

7 Les plaignants ont présenté une plainte d’abus de pouvoir au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Le Tribunal a procédé à la jonction des dossiers aux termes de l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-06.

8 À la demande des plaignants, et conformément à l’art. 99(3) de la LEFP, le Tribunal a statué sur les plaintes en l’espèce en se fondant sur les observations écrites des parties et sur les documents versés au dossier, sans tenir d’audience.

Questions en litige


9 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Le processus de nomination était-il entaché de parti pris?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans le choix ou l’utilisation des références pour le processus de nomination visé?
  3. La sélection aux fins de nomination a-t-elle été effectuée de manière appropriée?

10 Le Tribunal n’est saisi d’aucune allégation selon laquelle M. Hamilton ne posséderait pas les qualifications essentielles pour le poste d’agent, SACR.

Analyse


Question I : Le processus de nomination était-il entaché de parti pris?

11 Les plaignants affirment que le major Spiers n’avait pas l’intention de les nommer, ni l’un ni l’autre, au poste AS-05. Ils soutiennent que le major Spiers a fait preuve de parti pris de plusieurs façons avant et pendant le processus de nomination.

12 Dans ses observations, Mme Sveinson utilise les termes « parti pris/favoritisme » [traduction] en en-tête, mais ni elle ni M. Steeves n’abordent la question du favoritisme dans leurs observations. L’article 2(4) de la LEFP stipule précisément que le favoritisme personnel constitue un abus de pouvoir, et le Tribunal a expliqué en quoi consiste essentiellement le favoritisme personnel au paragraphe 41 de la décision Glasgow c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, qui est ainsi libellé :

[…] Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

13 Les plaignants n’ont fourni aucun élément de preuve démontrant que le choix de M. Hamilton était entaché de favoritisme personnel.

14 En ce qui concerne les allégations de parti pris, les tribunaux ont reconnu qu’il est difficile d’établir une preuve directe de partialité, et que l’équité exige qu’il n’y ait aucune crainte raisonnable de partialité. La Cour suprême du Canada a énoncé le critère à appliquer en ce qui a trait à la crainte raisonnable de partialité dans les décisions Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369 et Newfoundland Telephone Company c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623.

15 Le Tribunal a adapté ce critère au contexte des plaintes en matière de dotation en vertu de la LEFP de la manière suivante : Un observateur relativement bien informé pourrait-il raisonnablement percevoir du parti pris de la part d’une ou de plusieurs personnes associées aux décisions de nomination?

16 Il incombe à la personne formulant des allégations de parti pris ou de crainte raisonnable de partialité d’en faire la preuve. Le parti pris – ou la crainte raisonnable de partialité – doit être réel, probable ou raisonnablement évident, et il ne suffit pas de le soupçonner ou de le supposer. Voir l’ouvrage de Robert W. Macauley et James L.H. Srague, Practice and Procedure before Administrative Tribunals, vol. 4, Toronto, Thomson Carswell, 2004, à 39.4.

17 Les plaignants soutiennent que la vaste zone de sélection pour ce processus de nomination ouvert aux employés de la fonction publique fédérale occupant un poste au Canada et aux membres des Forces canadiennes représente la preuve que le major Spiers ne souhaitait pas prendre en considération la candidature des deux candidats locaux. L’intimé a expliqué qu’il avait décidé de définir une vaste zone de sélection afin d’assurer l’établissement d’un bassin de candidats suffisant. Un processus tenu précédemment avait produit un très petit bassin, rapidement épuisé. La CFP estime que l’intimé a respecté ses lignes directrices en matière de zone de sélection enélargissant l’accessibilité à ce processus.

18 Le Tribunal estime raisonnable l’explication de l’intimé selon laquelle la décision relative à la zone de sélection était fondée sur l’expérience vécue et la planification future. Le fait d’établir une vaste zone de sélection de manière à permettre à un nombre raisonnable de candidats potentiels de poser leur candidature est conforme aux lignes directrices en matière de zone de sélection de la CFP, lesquelles préconisent un accès raisonnable aux postes à pourvoir.

19 En outre, les plaignants soulignent que le major Spiers a décidé de ne pas nommer Mme Sveinson au poste AS-05 même si elle pouvait le faire, puisque l’équité en matière d’emploi constituait l’un des besoins organisationnels mentionnés dans l’Énoncé des critères de mérite (ECM). Toutefois, la preuve fournie par l’intimé selon laquelle il n’y avait aucune lacune à cet égard dans l’organisation n’a pas été contestée. Le Tribunal souscrit à l’argument de l’intimé selon lequel, à la lumière de ces faits, il n’était pas tenu de nommer Mme Sveinson sur la base de l’équité en matière d’emploi.

20 Par ailleurs, les plaignants soutiennent que M. Hamilton, qui n’était pas un employé de la 14e Escadre, a été retenu en vue d’une nomination avant que les résultats de l’exercice CFP 820 ne soient fournis. Les plaignants ont présenté une note de service du major Spiers (datée du 17 juillet 2008) à l’intention de l’agent des ressources humaines civiles, qui renferme la justification relative au choix de M. Hamilton pour la nomination au poste d’agent, SACR. Ils indiquent également que la notification de candidature retenue de M. Hamilton a été publiée le 18 juillet 2008; or, les plaignants n’ont reçu les résultats de l’exercice CFP 820 que le 29 juillet 2008.

21 L’intimé reconnaît que les résultats écrits de l’exercice CFP 820 ont été fournis aux candidats après la décision du comité de nommer M. Hamilton. Toutefois, la CFP avait fourni de vive voix au comité d’évaluation les résultats de l’exercice CFP 820 avant la sélection de M. Hamilton. Si l’intimé avait attendu que les candidats reçoivent les résultats de l’exercice CFP 820 avant de publier les résultats du processus de nomination, il aurait pu éviter la perception selon laquelle la sélection aux fins de nomination avait eu lieu avant la fin des évaluations. Néanmoins, la déclaration de l’intimé selon laquelle la CFP avait déjà fourni les résultats de vive voix n’est pas contestée. Le Tribunal estime que la preuve ne permet pas de conclure que la décision de nommer M. Hamilton était prématurée.

22 Les plaignants soutiennent que le major Spiers savait qu’ils souhaitaient progresser dans leur carrière. M. Steeves a fourni son rapport d’examen du rendement du personnel civil pour l’exercice 2007-2008, dans lequel il est indiqué « avancement dans la fonction publique » [traduction] sous la rubrique concernant les intérêts professionnels de l’employé. Mme Sveinson a fourni un courriel qu’elle avait envoyé au major Spiers le 6 novembre 2007, et qui mentionne son intention de faire acte de candidature dans le processus de nomination visé par la plainte. Même si le major Spiers connaissait les aspirations professionnelles des plaignants, elle ne leur a pas offert de nomination intérimaire au poste AS-05, et ce, même si le poste était vacant depuis octobre 2007 et a continué à l’être jusqu’à ce qu’il soit doté au terme du processus en question. Les éléments de preuve confirment que le major Spiers avait l’intention de lancer le processus au début de 2008 et qu’elle n’a offert aucune nomination intérimaire. Finalement, le processus a été annoncé en mai 2008 et a pris fin en août 2008. Le Tribunal estime que ces éléments de preuve ne démontrent pas l’existence d’une crainte raisonnable de partialité.

23 Les plaignants ont également mentionné le fait que le 5 juin 2008, le major Spiers a envoyé un courriel à l’agent du SACR à Comox (C.-B.), dans lequel elle a indiqué que le poste AS-05 serait doté au plus tard le 1er août et a demandé que trois places soient réservées pour les employés de la 14e Escadre à l’occasion de l’activité de perfectionnement professionnel du SACR qui aurait lieu à l’automne. Puisque les plaignants étaient les deux seuls employés du SACR, 14e Escadre, ils soutiennent que le courriel est un autre élément de preuve indiquant que le major Spiers n’avait pas l’intention de nommer l’un ou l’autre au poste AS-05.

24 Le Tribunal estime que cet élément de preuve ne permet pas d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le major Spiers connaissait l’identité de la personne qui serait nommée. La date limite de présentation des dossiers de candidature aux fins du processus de nomination était le 12 mai 2008. Douze personnes ont fait acte de candidature. Lorsque le major Spiers a envoyé le courriel du 5 juin, elle devait savoir qu’il y avait des candidats qui ne provenaient pas du SACR de la 14e Escadre. Selon toute vraisemblance, cet élément de preuve montre que le major Spiers savait qu’il était possible que le SACR ait un nouvel employé au plus tard à l’automne.

25 Les plaignants ont également soumis un courriel du major Spiers à l’intention de l’agent des ressources humaines civiles, Atlantique. Le courriel est daté du 18 juillet 2008 et porte sur le plan des ressources humaines pour l’exercice 2009‑2010. Dans ce courriel, le major Spiers indique que les postes AS-04 et AS-03 « pourraient devenir vacants » [traduction] en 2009-2010. Les plaignants ont mentionné que les postes AS-04 et AS-03 correspondent à leurs postes d’attache.

26 Le 18 juillet 2008, dans le contexte de la planification des ressources humaines pour l’exercice 2009-2010, le major Spiers a affirmé qu’il était possible que les postes des plaignants deviennent vacants au cours de cet exercice. Cependant, le Tribunal estime que cette affirmation ne permet pas d’établir l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. Selon les plaignants, le major Spiers savait qu’ils souhaitaient progresser dans leur carrière. Étant donné que la justification relative à la sélection de M. Hamilton est datée du 17 juillet 2008, le major Spiers savait également que ni l’un ni l’autre ne seraient nommés au poste AS-05. Cet élément de preuve illustre qu’à des fins de planification, le major Spiers a tenu compte du fait qu’il était possible que les plaignants cherchent à progresser dans leur carrière à l’extérieur du SACR. De fait, en mars 2009, M. Steeves s’était établi au Nunavut et Mme Sveinson dans la région d’Ottawa.

27 Il incombe à la personne formulant des allégations de parti pris ou de crainte raisonnable de partialité d’en faire la preuve. Le Tribunal estime qu’un observateur relativement bien informé ne percevrait pas de parti pris sur la base des observations formulées.

28 Une personne objective (un observateur) tiendrait compte des faits suivants : le major Spiers a établi une vaste zone de sélection en vue de doter un poste AS-05 vacant. Elle n’a offert aucune nomination intérimaire lorsque le poste était vacant et même s’il y a eu quelques retards, le processus visant à doter le poste de façon permanente a été lancé en moins de sept mois et a pris fin trois mois plus tard. Elle a pris des dispositions en vue d’une activité d’apprentissage future vu qu’elle savait que des candidats de l’extérieur du SACR avaient participé au processus de nomination. Il n’y avait aucun besoin reconnu de faire une nomination sur la base de l’équité en matière d’emploi. En outre, connaissant la décision relative à la nomination, le major Spiers s’attendait à ce que les plaignants qui souhaitaient progresser dans leur carrière quittent peut-être le SACR lorsqu’ils apprendraient qu’une autre personne serait nommée au poste AS-05.

29 À la lumière de ces faits, l’observateur ne conclurait pas ni ne percevrait raisonnablement que le major Spiers a fait preuve de parti pris.

Question II :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans le choix ou l’utilisation des références pour le processus de nomination visé?

30 Il y a deux questions à trancher en ce qui concerne les références. Il faut d’abord déterminer si le major Spiers pouvait fournir des références au sujet des plaignants, puis déterminer si le comité d’évaluation aurait dû demander à une autre personne de fournir des références au sujet des plaignants.

31 Le major Spiers était le superviseur des deux plaignants; toutefois, aucun des plaignants ne l’avait choisie comme répondante pour le processus de nomination. Ils soutiennent que le major Spiers n’était pas en mesure de confirmer leur expérience acquise avant octobre 2007 ni d’en discuter. Ils avancent que le comité d’évaluation s’est fondé sur des renseignements inappropriés en utilisant les seules références fournies par le major Spiers.

32 Les plaignants reconnaissent que c’est une pratique acceptable que d’obtenir des références de la part du superviseur du moment. Cependant, ils avancent que la sélection de M. Hamilton en vue d’une nomination était fondée sur l’étendue et la richesse de son expérience. Ils soutiennent que l’étendue et la richesse de leur expérience auraient été évidentes si le comité avait communiqué avec d’autres répondants. Mme Sveinson indique qu’elle a donné le nom de personnes pouvant fournir des références, mais que le comité d’évaluation n’a pas communiqué avec elles. Au contraire, dans le cas de M. Hamilton, le comité a obtenu des références de la part de répondants désignés par ce dernier.

33 L’intimé soutient que la vérification des références visait à évaluer les qualités personnelles énoncées dans l’ECM. Il affirme que le comité d’évaluation n’était pas tenu de communiquer avec d’autres répondants puisque le major Spiers avait fourni suffisamment de renseignements pour que le comité évalue de façon appropriée les qualités personnelles des plaignants. Selon l’intimé, la 14e Escadre Greenwood est une petite organisation, et le major Spiers était au courant du travail accompli par les plaignants. L’intimé explique également que le comité n’avait d’autre choix que de communiquer avec le répondant de M. Hamilton parce qu’il n’avait aucune connaissance directe de ses qualités personnelles.

34 Le Tribunal a abordé la question du choix des répondants dans plusieurs décisions. Dans la décision Dionne c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0011, les questions du consentement et des qualifications des répondants sont ainsi expliquées :

55 […] Bien qu’il soit préférable d’obtenir le consentement des candidats, il n’existe aucune exigence à cet égard sur le plan légal, pas plus que les lignes directrices de la CFP sur la vérification des références n’exigent le consentement des candidats lorsque le répondant provient d’une institution fédérale. L’important est de consulter un répondant qui connaît bien le travail accompli par le candidat et qui peut fournir suffisamment d’information pour permettre au comité d’évaluer de façon appropriée les qualifications de ce dernier.

35 Étant donné que M. Hamilton n’était pas un employé de la 14e Escadre, le Tribunal accepte la position de l’intimé selon laquelle ce dernier ne connaissait pas le travail de M. Hamilton et par conséquent, il n’avait d’autre choix que d’obtenir des références auprès de la personne que celui-ci avait désignée.

36 Le Tribunal estime, d’un point de vue général, que le major Spiers était en mesure de fournir des références appropriées au sujet des plaignants. Il est indiqué dans le guide utilisé pour la vérification des références (le guide) dans le cadre du processus de nomination que le répondant devait avoir entretenu une relation de travail étroite avec le candidat pendant au moins un an. Avant de relever directement du major Spiers en octobre 2007, les plaignants relevaient d’un superviseur qui, à son tour, relevait directement du major Spiers. L’observation de l’intimé selon laquelle la 14e Escadre Greenwood est une petite organisation n’est pas contestée. Le Tribunal est convaincu que la relation de travail que le major Spiers a entretenue pendant près de deux ans avec les plaignants à titre de superviseur direct et indirect était suffisamment étroite.

37 En outre, le Tribunal estime que le major Spiers était bien placée pour fournir des références dans le contexte de l’évaluation en question, compte tenu de la preuve indiquant la façon dont les références ont été utilisées.

38 Les plaignants avancent que les références ont servi à évaluer l’expérience. Ils soutiennent que le major Spiers ne connaissait pas le travail qu’ils avaient accompli précédemment et précisent que si le comité avait communiqué avec d’autres répondants, l’étendue et la richesse de leur expérience auraient été évidentes. Ils soutiennent également que l’étendue et la richesse d’expérience étaient autant la cause de l’élimination de leur candidature que la raison de la sélection de M. Hamilton en vue d’une nomination.

39 Le Tribunal n’accepte pas l’argument des plaignants à cet égard pour trois raisons. D’abord, l’examen de la preuve montre que l’expérience des candidats a été évaluée à l’aide des renseignements qu’ils ont fournis dans leur dossier de candidature.

40 Il est indiqué dans l’annonce que les candidats devaient clairement démontrer dans leur demande qu’ils satisfaisaient aux critères relatifs à l’expérience suivants :

  • Expérience récente de la planification et de l’exécution d’analyse exhaustive de ressources, de vérifications de conformité et d’examens de gestion.
  • Expérience récente de la gestion, de la supervision ou de l’animation d’une équipe.
  • Expérience de la rédaction, de l’examen, de la révision et de la présentation de pièces de correspondance, de rapports et/ou d’exposés destinés à la haute direction.

[traduction]

41 Les candidats devaient également démontrer dans leur dossier de candidature qu’ils possédaient les qualifications constituant un atout suivantes :

  • Expérience récente de la réalisation d’études de gestion dans un ou plusieurs des domaines suivants […]
  • Antécédents professionnels au ministère de la Défense nationale.
  • Expérience de l’application de politiques et de règlements du Conseil du Trésor.

[traduction]

42 Le Tribunal estime que les renseignements fournis par les candidats dans leur dossier de candidature ont permis d’évaluer toutes les qualifications essentielles et qualifications constituant un atout relatives à l’expérience. Il juge également que le guide a certainement abordé la question des qualités personnelles, comme l’affirme l’intimé. Le guide comprend également deux questions visant à obtenir des renseignements au sujet de l’expérience des candidats. Toutefois, le guide montre que le comité a seulement cherché à confirmer l’expérience décrite pour deux des six qualifications énumérées par l’entremise des questions 2 et 3 de la vérification des références.

43 La question 2 du guide était ainsi formulée : « À votre connaissance, [le candidat] a‑t‑il déjà exécuté des activités de conformité, notamment des inspections de conformité, des validations, des activités d’assurance de la qualité ou des travaux d’analyse? » [traduction] La remarque suivante figurait sous la question : « Les références fournies doivent indiquer que la personne possède une vaste expérience de l’exécution d’activités de conformité et d’évaluation. » [traduction]

44 Le Tribunal estime que la question 2 a été utilisée pour la vérification des références visait à confirmer la première qualification essentielle relative à l’expérience.

45 La question 3 du guide était ainsi formulée :

À votre connaissance, est-ce que [le candidat] a déjà réalisé une étude de gestion? Par exemple, une étude organisationnelle ou une analyse de rentabilisation? A-t-il déjà réalisé une étude stratégique, des analyses coût-avantage ou des études de fonds non publics?

[traduction]

La remarque suivante figurait sous la question : « Si la personne a réalisé de telles études, les références fournies doivent mentionner si la personne a aisément ou difficilement géré ces tâches, ainsi que le type de difficultés qu’elle a rencontrées. »[Traduction]

46 Selon cette remarque, la question a servi à évaluer la façon dont la personne a réalisé des études; il s’agit donc d’une question qui portait sur les qualités personnelles à évaluer, comme l’indique l’intimé. Cependant, la question demande directement si la personne a déjà réalisé des études; elle porte donc sur la première qualification constituant un atout relative à l’expérience. Ainsi, le Tribunal estime que cette question, visant à vérifier les références, a servi, en partie, à confirmer que la personne satisfaisait à ce critère relatif à l’expérience.

47 Ensuite, bien que les plaignants indiquent que l’étendue et la richesse de leur expérience auraient été évidentes si d’autres références avaient été obtenues, ils n’ont fourni aucun élément de preuve démontrant qu’ils avaient mentionné dans leur dossier de candidature l’expérience qu’ils avaient acquise avant que le major Spiers supervise leur travail et qui aurait par conséquent eu besoin d’être validée par un autre répondant. En outre, les deux qualifications relatives à l’expérience – confirmées par vérification des références – exigeaient une expérience récente. Les plaignants n’ont pas su démontrer que le major Spiers, qui était personnellement au courant de leur travail depuis environ deux ans, n’aurait pas été en mesure de fournir des renseignements confirmant leur expérience récente.

48 Enfin, le Tribunal estime qu’il n’existe aucun lien entre les qualifications « expérience », confirmée par vérification des références, et les motifs qui sous-tendent la décision du comité de sélection de nommer M. Hamilton.

49 Une note datée du 17 juillet 2008 et signée par le major Spiers (la justification) explique les motifs du comité de sélection relativement au choix de M. Hamilton en vue d’une nomination. Selon la justification, trois grands facteurs ont eu une incidence sur la décision relative au choix de la personne : l’étendue de l’expérience, les connaissances approfondies et les qualités personnelles.

50 Après avoir examiné attentivement la justification, le Tribunal estime, à la lumière des éléments de preuve dont il est saisi, qu’elle contenait plusieurs commentaires relatifs aux qualifications « expériences » qui ont été évaluées uniquement sur la base des dossiers de candidature et n’ont pas été confirmées à l’aide de la vérification des références.

51 Aucune des deux qualifications relatives à l’expérience,  confirmées par vérification des références, ne figure dans le document. Il n’a pas été démontré en preuve que les deux qualifications relatives à l’expérience – confirmées par vérification des références – avaient un rapport quelconque avec la décision du comité de sélection de nommer M. Hamilton.

52 Les plaignants n’ont pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le choix ou l’utilisation des références dans le processus de nomination en l’espèce.

Question III :  La sélection aux fins de nomination a-t-elle été effectuée de manière appropriée?

53 Les plaignants soutiennent que s’agissant de la sélection aux fins de nomination, le comité de sélection ne s’est pas fondé sur les critères de mérite établis en l’espèce. Ils avancent que la sélection aux fins de nomination nécessite la prise en compte des qualifications constituant un atout, des besoins organisationnels et/ou des exigences opérationnelles.

54 Au sens de la LEFP, le mérite s’applique à titre individuel. Pour être nommée, la personne doit posséder les qualifications essentielles se rapportant au travail à effectuer. L’administrateur général dispose d’une marge de manœuvre considérable pour choisir la personne à nommer. Cependant, l’exigence fondamentale pour nommer une personne sur la base du mérite est que la personne doit être qualifiée pour le poste. L’article 30 de la LEFP est libellé comme suit :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
    1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
    2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
    3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

55 Le fait que le législateur a décidé d’utiliser différents alinéas – a) et b) – est important et significatif. Il indique que le législateur accorde une signification distincte à chacun des alinéas. Selon l’art. 30(2)a), la personne nommée doit obligatoirement posséder toutes les qualifications essentielles, sans quoi il ne s’agit pas d’une nomination fondée sur le mérite.

56 Cette obligation ne figure pas à l’art. 30(2)b), où le législateur indique qu’il « prend en compte » toute qualification constituant un atout, toute exigence opérationnelle et tout besoin organisationnel mentionnés. L’obligation figurant à l’art. 30(2)a) n’apparaît ni dans la version anglaise – « has regard to » – ni dans la version française – « prend en compte » – de l’art. 30(2)b). L’expression « prend en compte » signifie « considérer, examiner avec attention : prendre en considération ou tenir compte de » [traduction] (définition de l’expression anglaise « has regard to » tirée du Black’s Law Dictionary, 10e édition).

57 Par conséquent, l’expression « prend en compte » à l’art. 30(2)b) indique que les critères établis dans cet alinéa doivent être pris en compte; ils doivent être examinés avec attention, mais il n’est pas nécessaire de les évaluer ou de les utiliser. S’il était nécessaire d’évaluer et d’utiliser les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels, il n’y aurait aucune distinction entre ces critères et les qualifications essentielles.

58 Le gestionnaire délégataire dispose donc du pouvoir discrétionnaire de choisir la personne qui, parmi les candidats qualifiés, constitue la bonne personne pour le poste. Pour ce faire, le gestionnaire doit déterminer s’il se fondera ou non sur les critères établis à l’art. 30(2)b). En conséquence, le gestionnaire n’est pas tenu de choisir une personne en vue d’une nomination en fonction des qualifications constituant un atout, des exigences opérationnelles et/ou des besoins organisationnels. Lorsque deux ou plusieurs candidats possèdent les qualifications essentielles, le gestionnaire dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour choisir la personne à nommer. Le gestionnaire ne doit pas abuser de ce pouvoir.

59 En l’espèce, l’intimé a établi trois qualifications constituant un atout relatives à l’expérience, cinq exigences opérationnelles et un besoin organisationnel. La justification datée du 17 juillet 2008 explique les motifs pour lesquels le comité de sélection a choisi M. Hamilton. Un examen approfondi de la justification révèle que plusieurs des qualifications essentielles et la troisième qualification «expérience» constituant un atout ont servi à déterminer que M. Hamilton constituait la bonne personne pour le poste.

60 Les plaignants ont présenté des observations concernant un des critères en particulier, soit le besoin organisationnel relatif à l’équité en matière d’emploi. Plus précisément, ils soutiennent que Mme Sveinson aurait pu être nommée sur la base de ce critère.

61 Le Tribunal a conclu précédemment dans les présents motifs que la décision de l’intimé de ne pas utiliser ce critère n’était pas entachée de parti pris ni ne suscitait de crainte raisonnable de partialité. En vertu de la LEFP, l’intimé n’était pas tenu de nommer Mme Sveinson sur la base de l’équité en matière d’emploi. Il était indiqué dans l’annonce et dans l’ECM que la préférence pourrait être accordée aux candidats appartenant à l’un des groupes visés par l’équité en matière d’emploi, notamment aux femmes. Cette déclaration accorde un pouvoir discrétionnaire, et l’observation de l’intimé selon laquelle il n’y avait aucune lacune à cet égard au sein de l’organisation n’est pas contestée.

62 Les plaignants avancent que selon eux, d’autres références, qui auraient permis d’établir l’étendue et la richesse de leur expérience, auraient eu une incidence sur la sélection aux fins de nomination. Comme le Tribunal l’a déjà mentionné précédemment, il ne souscrit pas à cette opinion. Les éléments de preuve montrent que la troisième qualification constituant un atout relative à l’expérience, qui a été utilisée pour la sélection, n’a pas été abordée au cours de la vérification des références; elle a uniquement été évaluée dans les dossiers de candidature. Selon la justification, aucune des qualifications relatives à l’expérience – confirmées au moyen des questions 2 et 3 de la vérification des références – n’a eu d’incidence sur la décision du comité de nommer M. Hamilton.

63 Les observations des plaignants visent à démontrer qu’ils étaient tout aussi qualifiés que M. Hamilton, voire davantage. Ces observations laissent entendre que le classement des candidats et le mérite relatif s’appliquaient à ce processus de nomination, en particulier à la sélection aux fins de nomination. Au paragraphe 44 de la décision Visca c. le sous‑ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, le Tribunal établit que le classement des candidats n’est pas obligatoire sous le régime de la LEFP et qu’un gestionnaire dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire aux termes de l’art. 30(2) de la LEFP pour choisir, parmi les candidats qui possèdent les qualifications essentielles, la personne qui, à son avis, constitue la bonne personne pour le poste.

64 Après avoir conclu que trois personnes possédaient les qualifications essentielles, le comité de sélection a exercé son jugement pour décider qui constituait la bonne personne pour le poste. La justification écrite concernant la décision de nommer M. Hamilton, que le major Spiers a signée le 17 juillet 2008, ne renferme aucune comparaison avec les autres candidats, et on ne s’attend pas à ce qu’une telle comparaison soit fournie. La justification fournit tout simplement une description des qualifications que M. Hamilton possédait et qui, de l’avis du comité, faisaient de lui la bonne personne pour le poste d’agent, SACR. En l’espèce, il n’a pas été démontré en preuve que le classement des candidats a servi à déterminer le choix de la personne, conformément aux dispositions de la LEFP.

65 En outre, les plaignants avancent que la justification n’expliquait pas pourquoi aucun d’entre eux n’avait été choisi.

66 Selon les lignes directrices de la CFP en matière de sélection et de nomination, les « raisons justifiant la décision relative à la nomination » doivent être documentées. Les décisions prises au cours d’un processus de nomination peuvent mener au rejet de la candidature d’une ou de plusieurs personnes. Cependant, ces décisions ont pour but de trouver un candidat qualifié. À l’étape de la nomination, le délégataire de la CFP ne détermine pas qui il doit rejeter ou ne pas nommer, mais plutôt la personne qu’il doit nommer. La LEFP et les lignes directrices de la CFP n’imposent aucune obligation de documenter les motifs de non-sélection de candidats.

67 Dans ses observations, la CFP laisse entendre que la gestionnaire d’embauche a peut-être commis une erreur dans la rédaction de la justification recommandant la nomination de M. Hamilton. Le Tribunal n’est pas de cet avis.

68 À l’étape de la nomination, les évaluations ont déjà été effectuées et documentées. Le but de la justification à l’étape de la nomination n’est pas de réitérer ou expliquer les évaluations. Comme il a été mentionné précédemment, le Tribunal n’est saisi d’aucune allégation ou preuve selon laquelle M. Hamilton ne posséderait pas les qualifications essentielles pour ce poste. Le but de la justification relative à la nomination est d’expliquer les motifs pour lesquels une personne a été choisie en vue d’une nomination. La justification en l’espèce satisfait à ce critère.

69 Le Tribunal conclut que les plaignants n’ont pas su établir qu’il y a eu abus de pouvoir dans la sélection de la personne nommée.

Décision


70 Pour les motifs susmentionnés, les plaintes sont rejetées.


Merri Beattie
Membre


Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2008-0580 et 2008-0584
Intitulé de la cause :
John Steeves et Kyla Sveinson et le sous‑ministre de la Défense nationale
Audience :
Instruction sur dossier
Date des motifs :
Le 21 février 2011

COMPARUTIONS

Pour les plaignants :
John Steeves et Kyla Sveinson
Pour l'intimé :
Neil McGraw
Pour la Commission
de la fonction publique :
John Unrau
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