Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié pour rendement insatisfaisant - le fonctionnaire s’estimant lésé a commencé à éprouver des problèmes au travail à partir de 2001 - en 2003, à la suite d’une évaluation de rendement négative, l’employeur l’a affecté à des tâches créées spécialement pour lui dans le cadre d’un programme conçu pour les employés éprouvant des problèmes de rendement - en mai 2004, toujours insatisfait, l’employeur l’a informé que si son rendement ne s’améliorait pas, d’autres options pourraient être considérées - même en changeant son superviseur et ses tâches à plusieurs reprises, et en l’avertissant plusieurs fois de l’insatisfaction à l’égard de son travail, le fonctionnaire s’estimant lésé a continué à avoir de la difficulté en ce qui concerne la production de rapports, l’analyse, les échéanciers, la prise d’initiative et le jugement - en 2007, l’employeur a établi un plan de gestion du rendement, mais il n’a pas produit les résultats escomptés - au cours de la prochaine année, aucune tâche ne lui a été assignée - l’employeur voulait que le fonctionnaire s’estimant lésé utilise ce temps afin de trouver un autre poste mais il n’a rien trouvé et il a été licencié - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais contesté le contenu des rapports d’évaluation qui lui avait été remis pendant cette période - la compétence d’un arbitre de griefs est circonscrite par l’article 230 de la LRTFP - un arbitre de griefs peut seulement déterminer s’il était raisonnable pour l’employeur d’estimer que le rendement de l’employé était insuffisant - la décision doit être justifiée, prise de façon transparente et intelligible - la décision de l’employeur était raisonnable. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-07-13
  • Dossier:  566-02-2858
  • Référence:  2011 CRTFP 90

Devant un arbitre de grief


ENTRE

BENOÎT PLAMONDON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

défendeur

Répertorié
Plamondon c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jennifer Duff et James Shields, avocat(e)s

Pour le défendeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 16 au 19 mai et les 13 et 14 juin 2011.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé, Benoît Plamondon, travaillait pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (l’ « employeur » ou l’ « administrateur général ») depuis novembre 1989. Il y occupait un poste d’agent du service extérieur de groupe et niveau FS-03. Le 21 janvier 2009, l’employeur l’a licencié pour rendement insatisfaisant.

2 Les extraits suivants de la lettre de licenciement remise à M. Plamondon le 21 janvier 2009 en résument l’essentiel.

[…]

Au cours de vos années de service au sein du ministère, la gestion a relevé de nombreux problèmes de rendement. Ainsi, plus précisément depuis octobre 2003, à travers un suivi très rapproché de votre performance, la gestion vous a avisé des problématiques précises reliées à votre rendement.

[…]

En avril 2007, considérant que votre rendement était toujours insatisfaisant malgré les mesures misent en place précédemment, la gestion vous a offert une dernière opportunité de corriger vos lacunes et de démonter votre capacité à accomplir les fonctions de votre poste substantif en mettant en place un programme formel d’amélioration du rendement. Lors de la mise en place de ce programme, vous avez clairement été avisé des conséquences possibles d’un manque d’amélioration de votre rendement. De plus, tout au long de ce processus, la gestion a continué à vous offrir un support constant dans l’exécution de vos tâches.

En décembre 2007, à l’issue de votre programme d’amélioration de rendement, considérant l’absence d’amélioration significative de votre performance, vous avez été avisé que vous ne rencontriez pas les exigences de votre poste substantif et que conséquemment, le ministère envisageait vous licencier pour rendement insatisfaisant.

[…]

3 Le 28 janvier 2009, M. Plamondon a déposé un grief pour contester son licenciement et il a demandé d’être réintégré dans son poste. Le 28 avril 2009, insatisfait de la réponse de l’employeur au palier final de la procédure de règlement des griefs, M. Plamondon a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »).

4 L’article 230 de la Loi précise le rôle de l’arbitre de griefs dans un cas de licenciement pour rendement insuffisant. L’article 230 est libellé comme suit:

230. L’arbitre de grief saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3) doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

II. Résumé de la preuve

5 L’employeur a déposé 31 documents en preuve. Il a appelé Frank Ruddock, Martin Charron, Patrick Riel, Heidi Kutz et Martial Pagé comme témoins. Au cours de la période sur laquelle portent leurs témoignages, ils travaillaient tous pour l’employeur. M. Ruddock a supervisé M. Plamondon d’octobre 2003 à novembre 2004, M. Charron de novembre 2004 à juillet 2005, M. Riel de février 2006 à juillet 2007 et Mme Kutz pendant une courte période à l’été 2007.

6 Pour des fins de clarté, je présenterai le résumé de la preuve introduite par les parties sur une base chronologique et non pas dans l’ordre où elle a été introduite lors de l’audience.

A. La période d’octobre 1989 à juin 1999

7 En octobre 1989, quelques mois après avoir complété son baccalauréat en administration des affaires, M. Plamondon a été embauché par l’employeur dans un poste de développement comme agent du service extérieur au groupe et niveau FS-01. En octobre 1990, l’employeur a informé M. Plamondon qu’il avait complété avec succès sa période de probation. Il a alors été nommé dans un poste permutant ce qui implique qu’il pouvait être affecté, pour des périodes de temps variables, autant au Canada qu’à l’étranger dans un des nombreux pays où l’employeur compte des employés.

8 Au cours de ses 10 premières années de service, M. Plamondon a, entre autres, été affecté à des tâches d’agent du service extérieur dans les relations que le Canada entretient avec les États-Unis, les pays du Benelux, la Jamaïque et certains pays de l’Afrique de l’Ouest. Certaines de ses affectations visaient une région géographique typique alors que d’autres impliquaient des tâches fonctionnelles et administratives plus générales. Au cours de ces affectations, M. Plamondon a dû analyser d’importantes quantités d’informations, résumer ces informations, écrire des notes de breffage et des rapports, formuler des recommandations et exercer des fonctions diplomatiques. M. Plamondon a aussi participé à la rédaction d’un mémoire au Cabinet. Lors de certaines affectations, il a aussi occupé des fonctions de nature plus administrative.

9 Selon M. Plamondon, ses supérieurs ont toujours été satisfaits de son rendement et ses évaluations du rendement alors reçues ne soulevaient aucun problème particulier.

B. La période de juillet 1999 à octobre 2003

10 De juillet 1999 à juillet 2001, M. Plamondon a été affecté à l’ambassade du Canada au Mexique. Lors de cette affectation, en plus d’exercer les fonctions typiques d’un agent consulaire, il avait la responsabilité de gérer le programme des ressources humaines auprès des 75 employés embauchés localement. Ces tâches comprenaient la gestion des divers processus de gestion des ressources humaines, dont les présences au travail, les embauches, la classification et la rémunération. Cette affectation était censée prendre fin en octobre 2001 mais l’ambassadeur a demandé au bureau central de l’employeur de rapatrier M. Plamondon en juillet 2001.

11 En décembre 2000, M. Plamondon a été promu au groupe et niveau FS-02. Ses fonctions sont cependant demeurées les mêmes qu’avant sa promotion. En janvier 2001, l’employeur a évalué le rendement de M. Plamondon relativement à sa première année de travail à l’ambassade du Mexique. Les commentaires contenus dans cette évaluation sont tous positifs, autant en ce qui concerne le respect des échéances et son jugement, que pour sa capacité de gérer sa charge de travail, d’analyser l’information ou de communiquer efficacement par écrit et oralement. En juillet 2001, l’employeur a évalué le rendement de M. Plamondon relativement à la deuxième année de son affectation au Mexique. Dans l’ensemble, les commentaires étaient et ressemblaient à ceux du rapport d’évaluation précédent. L’employeur a écrit cependant que M. Plamondon devrait discuter des enjeux délicats avec la direction avant de prendre action ou d’émettre de la correspondance ou des messages au personnel. Selon M. Plamondon, ce commentaire n’était pas justifié car il était basé sur un seul incident où il a suggéré à l’ambassadeur de ne pas aller de l’avant avec une action de dotation qui ne respectait pas les règles et procédures en matière d’éthique et de conflit d’intérêt.

12 L’affectation de M. Plamondon au Mexique était censée se terminer en octobre 2001. Il a cependant été rapatrié à Ottawa en juillet 2001. Selon lui, c’est à la suite de l’intervention de l’ambassadeur qui ne voulait plus l’avoir avec lui à l’ambassade du Mexique que la décision fut prise de mettre fin prématurément à son assignation. M. Plamondon a demandé en vain à l’ambassadeur de réviser sa décision. De juillet à octobre 2001, aucun travail n’a été assigné à M. Plamondon.

13 Entre octobre 2001 et octobre 2002, M. Plamondon a été assigné à la direction des affaires de la francophonie. Il évaluait des projets, rédigeait des notes de breffage, préparait des visites ministérielles et effectuait d’autres fonctions reliées au service extérieur. Aucun document n’a été déposé à l’audience pour attester du rendement de M. Plamondon au cours de cette période.

14 Entre octobre 2002 et septembre 2003, M. Plamondon a travaillé comme agent des politiques à la direction du crime international et du terrorisme. Son rendement a alors été évalué par le directeur, M. Terry Cormier, qui a conclu dans son évaluation globale que M. Plamondon devait améliorer son rendement. Plus spécifiquement, M. Cormier a écrit que M. Plamondon avait de la difficulté à identifier et à évaluer les éléments pertinents et à tirer des conclusions justes. Il a aussi écrit que M. Plamondon avait de la difficulté à respecter les échéances et à effectuer les suivis. M. Plamondon ne nie pas avoir lu ce rapport mais il ne l’a pas signé. Il a indiqué à M. Cormier qu’il n’était pas d’accord avec le contenu du rapport, mais il ne l’a pas contesté par voie de grief ou d’une autre façon.

C. La période d’octobre 2003 à novembre 2004

15 Compte tenu des difficultés perçues par la direction au sujet du rendement de M. Plamondon lors de son affectation précédente, l’employeur l’a affecté, à partir d’octobre 2003, à une partie seulement des tâches normalement accomplies par un employé de groupe et niveau FS-02. Sous la supervision de M. Ruddock, coordonnateur des affaires panafricaines, la première tâche de M. Plamondon a été de mettre à jour les textes relatifs aux 45 pays de l’Afrique subsaharienne publiés sur le site Web. Selon M. Ruddock, le salaire de M. Plamondon était alors payé par le service des ressources humaines plutôt que par la direction où il travaillait. Les fonctions en question avaient été créées spécialement pour M. Plamondon dans le cadre d’un programme conçu pour les employés éprouvant des problèmes de rendement. Le but du programme était de placer l’employé sous la supervision d’un collègue d’expérience qui pourrait mieux identifier la source des problèmes de rendement et intervenir au besoin.

16 Un plan de travail a été préparé pour M. Plamondon et lui a été présenté au début de son affectation. Il était d’accord avec son contenu. M. Ruddock lui a aussi remis des directives détaillées par rapport à ses attentes particulières à l’égard des 45 textes à écrire. L’employeur a aussi fourni un coach à M. Plamondon pour l’aider à améliorer ses capacités d’écriture. Selon M. Plamondon, l’intervention du coach a été de courte durée car cette personne a vite réalisé qu’il n’avait pas besoin d’aide dans le domaine de l’écriture. Auparavant, en juillet 2003, M. Plamondon avait demandé de suivre une formation de quelques jours en rédaction à l’Université d’Ottawa. L’employeur n’a jamais donné suite à sa demande.

17 Le 7 mai 2004, M. Ruddock a écrit une évaluation intérimaire du rendement de M. Plamondon. Cette évaluation contenait des informations qu’il dit avoir discuté avec M. Plamondon et dont il lui a remis une copie le 11 mai 2004. M. Ruddock n’a cependant pas utilisé le formulaire d’évaluation de l’employeur. Selon M. Ruddock, le rendement de M. Plamondon au cours de cette période était en bonne partie satisfaisant si ce n’est de difficultés quant au respect des échéances, de la prise d’initiative et du maintien d’un rythme de travail normal.

18 Selon M. Ruddock, M. Plamondon n’a pas occupé toutes les fonctions normalement assignées à un agent de groupe et niveau FS-02. Malgré cela, sa productivité était faible au cours d’une partie de cette période. Lors de la réunion du 11 mai 2004, l’employeur a informé M. Plamondon que si son rendement ne s’améliorait pas au point d’atteindre celui attendu d’un employé de groupe et niveau FS-02, d’autres options pourraient être considérées incluant un détachement dans un autre ministère ou une rétrogradation.

19 M. Ruddock a effectué une évaluation finale du rendement de M. Plamondon en janvier 2005. De façon générale, les commentaires étaient comparables à ceux de l’évaluation de mai 2004. M. Ruddock a ajouté que M. Plamondon avait de la difficulté à distinguer les informations essentielles de celles de moindre importance lors de la rédaction de documents. M. Ruddock a admis en contre-interrogatoire qu’il n’avait pas reçu des spécialistes des ressources humaines une méthodologie ou des normes formelles pour évaluer le rendement de M. Plamondon. M. Ruddock a témoigné que M. Plamondon n’était pas d’accord avec la plupart des commentaires négatifs contenus dans l’évaluation. Ce dernier n’a cependant pas déposé de grief ou de plainte pour contester le contenu ou demander que l’évaluation soit refaite.

D. La période de novembre 2004 à juillet 2005

20 À la fin novembre 2004, M. Plamondon a été affecté à la direction de l’Amérique centrale et des Antilles sous la supervision de M. Charron, lui-même un FS-02. En octobre 2004, Sue Ann Gervais, de la direction des ressources humaines, a informé M. Charron que M. Plamondon serait affecté dans sa section et qu’il devrait le superviser. Mme Gervais a alors expliqué à M. Charron que M. Plamondon avait éprouvé des difficultés de rendement au cours d’affectations passées. M. Charron n’a pas eu accès aux évaluations antérieures du rendement de M. Plamondon. Mme Gervais lui a demandé de lui assigner des tâches normalement assignées à un agent de groupe et niveau FS-02. Au cours des premières semaines de l’affectation, Mme Gervais et M. Charron ont eu une discussion avec M. Plamondon afin de lui expliquer le but de l’affectation qui était d’évaluer ses capacités de fonctionner adéquatement dans un poste de groupe et niveau FS-02. En plus de superviser M. Plamondon, M. Charron supervisait aussi un agent junior classifié au groupe et niveau FS-01 et un agent de commerce classifié au groupe et niveau CO-02.

21 Vers le 15 avril 2005, M. Charron a préparé un rapport de rendement intérimaire pour évaluer le rendement de M. Plamondon. Il dit avoir discuté du contenu du rapport avec lui. M. Plamondon a plutôt déclaré que M. Charron lui avait montré une copie du rapport mais qu’il n’était pas ouvert à la discussion. M. Charron a témoigné qu’il avait discuté avec M. Plamondon de ses problèmes de rendement tout au long de la période évaluée. Dans le rapport, M. Charron a écrit que M. Plamondon dépassait de façon régulière le temps à l’intérieur duquel les tâches assignées étaient normalement accomplies par un agent d’expérience. Sur ce point, il a cité des exemples précis à propos desquels M. Plamondon a dit ne pas être d’accord lors de son témoignage. M. Charron a aussi écrit qu’il était souvent nécessaire de faire pression sur M. Plamondon pour qu’il respecte les délais et qu’il était difficile de lui confier plusieurs tâches à la fois. Selon M. Charron, un des facteurs qui explique le non-respect des échéances par M. Plamondon est sa tendance à étendre son champ de recherche au-delà du sujet à couvrir et parfois à inclure des informations superflues ou inutiles dans le matériel préparé. M. Charron a aussi témoigné que dans certaines situations des instructions détaillées sur les contenus recherchés avaient pourtant été fournies à M. Plamondon. Ce dernier n’a pas déposé de grief, ni contesté d’une autre façon, le contenu du rapport de rendement du 15 avril 2005.

22 En juillet 2005, M. Charron a quitté le poste qu’il occupait alors. Il a écrit un rapport sur le rendement de M. Plamondon pour la période du 15 avril 2005 au 22 juillet 2005. M. Charron a témoigné que les informations contenues dans ce rapport avaient été discutées sur une base informelle et continue avec M. Plamondon même si le rapport lui-même ne lui avait pas été présenté lors de la période en question. M. Plamondon a témoigné qu’il n’avait reçu une copie de ce rapport qu’en mars 2006. Dans ce rapport, M. Charron a fait état de certaines réalisations positives de M. Plamondon. Il a écrit aussi que M. Plamondon avait continué à faire des recherches superflues dans le cadre de son travail et à éprouver des difficultés à travailler dans un environnement où il y avait une grande quantité d’informations facilement accessibles. M. Charron a aussi écrit dans ce rapport que M. Plamondon semblait incapable de différencier l’essentiel du superflu, d’effectuer les tâches dans un délai raisonnable et de démontrer de l’initiative et le jugement normalement attendu d’un agent de son niveau. M. Plamondon n’a pas déposé de grief, ni contesté d’une autre façon le contenu du rapport de rendement de juillet 2005 après l’avoir reçu en 2006.

23 M. Charron a témoigné que lors des huit mois durant lesquels il avait supervisé M. Plamondon, le rendement de ce dernier était nettement inférieur à celle d’un agent de groupe et niveau FS-02. En contre-interrogatoire, M. Charron a admis qu’il n’avait pas utilisé de normes formelles pour évaluer le rendement de M. Plamondon. Il est à noter que les postes des agents de groupe et niveau FS-02 ont été reclassés au groupe et niveau FS-03 au cours de l’année 2005. Ainsi, depuis 2005, M. Plamondon occupait donc un poste de groupe et niveau FS-03.

E. La période d’août 2005 à septembre 2007

24 Après le départ de M. Charron, M. Plamondon a travaillé sans supervision jusqu’à l’arrivée de M. Riel qui l’a supervisé de février 2006 à juillet 2007. Entre le début août 2007 et la fin septembre 2007, M. Plamondon a été supervisé par Mme Kutz et par Mme Wayand.

25 Dans son témoignage et dans les documents présentés en audience, M. Riel a fait part des problèmes de rendement de M. Plamondon. M. Riel a dit avoir discuté de façon continue avec lui de ces problèmes de rendement de sorte que chaque manquement était suivi d’une discussion ou d’un message écrit pour identifier le problème et la solution. Selon M. Riel, les principales difficultés de M. Plamondon avait trait à son manque de jugement, au non respect des délais et à la gestion des priorités, à la pauvre qualité des produits et à la tendance à inclure des informations non-pertinentes.

26 Le 28 avril 2006, M. Riel a discuté avec M. Plamondon de son rendement. Il lui a expliqué que les délais n’étaient pas toujours respectés et que les documents étaient souvent présentés à la dernière minute. M. Riel a aussi mentionné à M. Plamondon lors de cette rencontre, que ses textes étaient trop longs, trop anecdotiques, mal écrits et remplis de fautes et d’informations inutiles. À la fin août 2006, M. Riel a témoigné avoir rencontré M. Plamondon et l’avoir informé que l’employeur pourrait prendre des sanctions contre lui si son rendement ne s’améliorait pas. M. Riel a fait part dans son témoignage de plusieurs retards dans le travail de M. Plamondon après août 2006.

27 Afin de corriger les lacunes au rendement de M. Plamondon, l’employeur a établi un plan de gestion de son rendement (PGR) pour la période du 12 avril 2007 au 4 juillet 2007. Une copie de ce plan a été remise à M. Plamondon et discutée avec lui au début de la période en question. Selon M. Riel, M. Plamondon a signé le document devant lui. Par contre, la copie du document présentée à l’audience n’était pas signée. Avant le début de la mise en œuvre du PGR, M. Plamondon avait été affecté temporairement pour une période de trois semaines, en mars 2007, à Georgetown dans un poste surtout associé à la logistique et à l’administration. Selon l’information que M. Riel a reçue et selon le témoignage de M. Plamondon, ce dernier a fourni un très bon rendement lors de cette affectation.

28 Le plan fait tout d’abord état des problèmes de rendement de M. Plamondon entre avril 2006 et mars 2007. Puis, il fait état des attentes de l’employeur pour la période visée incluant : respecter les échéances établies par les supérieurs, assurer le suivi des dossiers auprès des clients, améliorer considérablement la qualité de la production écrite, inclure de l’information concise et pertinente dans la rédaction et faire preuve d’initiative pour résoudre les problèmes. Une rencontre hebdomadaire est aussi prévue dans le PGR pour faire le suivi du rendement de M. Plamondon ainsi qu’une évaluation mensuelle du rendement. Selon M. Riel, ces rencontres hebdomadaires avaient lieu les vendredis. Dans le PGR, on mentionnait aussi que l’employeur pouvait prendre des mesures additionnelles allant jusqu’au congédiement pour rendement insatisfaisant si M. Plamondon n’atteignait pas le niveau de rendement attendu.

29 Le 5 juin 2007, M. Riel a fourni à M. Plamondon une rétroaction écrite de son rendement dans le cadre du PGR. M. Riel a alors souligné que même si M. Plamondon avait respecté la très grande partie des échéances, il y avait certaines dates de tombée qui n’avaient pas été respectées. M. Riel a écrit aussi que la qualité de la production avait souvent manqué même si les détails superflus semblaient moins présents. M. Riel a reconnu que M. Plamondon faisait des efforts mais a conclu qu’il n’avait pas été vraiment évalué comme un employé du groupe et niveau FS-03. Selon M. Riel, M. Plamondon ne pouvait pas alors s’acquitter adéquatement des tâches d’un FS-03 car il y avait beaucoup de lacunes dans son travail. Selon M. Riel, M. Plamondon performait moins bien qu’un nouvel employé en développement.

30 Le 27 juillet 2007, M. Riel a remis à M. Plamondon une seconde rétroaction écrite de son rendement dans le cadre du PGR. Cette rétroaction couvrait les six semaines de travail depuis la rétroaction du 5 juin 2007. M. Riel a alors souligné que M. Plamondon avait respecté les échéances. Par contre, selon M. Riel, la qualité des communications écrites était médiocre et à un niveau qui n’était pas acceptable pour un FS-03. Aussi, une des instructions données pour réviser les pages Web n’avait pas été suivie. Qui plus est, l’information sur les pages Web n’était pas constante et contenait beaucoup d’erreurs. M. Riel a aussi souligné que M. Plamondon faisait des erreurs de jugement. Sur ce, il a fait référence à des notes envoyées directement au Bureau du Conseil privé ou de façon inappropriée à plusieurs interlocuteurs sans suivre les canaux habituels de communication. M. Riel a recommandé à M. Plamondon de se servir de ses forces afin d’examiner ses options et de réorienter sa carrière. En réaction à la rétroaction de M. Riel, M. Plamondon lui a écrit qu’il reconnaissait ses lacunes mais qu’il croyait avoir mérité une meilleure appréciation globale. Il n’a pas cependant contesté par voix de grief ou autrement l’évaluation de M. Riel.

31 Après le départ de M. Riel en juillet 2007, M. Plamondon a été supervisé directement par Mme Kutz pendant trois semaines en juillet et août 2007. Mme Kutz était la directrice de la section où travaillait M. Plamondon. Puis en septembre 2007, il a été supervisé par Mme Wayand qui relevait de Mme Kutz. Mme Wayand n’a pas témoigné à l’audience. L’employeur a introduit en preuve l’évaluation finale du rendement de M. Plamondon pendant le PGR. L’évaluation couvre la période du 13 avril 2007 au 30 septembre 2007. Selon Mme Kutz, le document a été rédigé par un employé des ressources humaines en collaboration avec elle, M. Riel et Mme Wayand. Mme Kutz a été cependant la seule à signer le rapport. De façon générale, cette évaluation souligne les mêmes lacunes dans le rendement de M. Plamondon que les évaluations précédentes. Mme Kutz conclut que M. Plamondon n’a pas pu démontrer au cours de cette période qu’il pouvait s’acquitter des fonctions d’un employé de groupe et niveau FS-03. M. Plamondon a témoigné qu’il n’avait appris l’existence de cette évaluation qu’en 2011 et que le document ne lui avait jamais été remis.

F. La période d’octobre 2007 à janvier 2009

32 La preuve présentée ne me permet pas d’établir quel a été l’emploi du temps de M. Plamondon entre octobre et décembre 2007. Il est par contre clair qu’entre décembre 2007 et le 21 janvier 2009, date de son licenciement, aucune tâche ne lui a été assignée par l’employeur. Au cours de cette période, selon le témoignage de M. Pagé, l’employeur rémunérait M. Plamondon sans lui assigner de travail, le but recherché étant qu’il se trouve un poste au ministère ou ailleurs. M. Pagé était alors responsable des affectations des employés permutants. Il a rencontré M. Plamondon en décembre 2007 pour lui dire que le PGR n’avait pas produit les résultats escomptés. Puis, au début 2008, il a dit à M. Plamondon qu’il ne rencontrait pas les exigences du poste qu’il occupait, que son salaire allait continuer à être payé pour trois mois et qu’il devait se trouver un autre emploi. L’employeur lui a fourni une adresse courriel et un appareil BlackBerry en plus de lui laisser sa carte d’accès au travail. À la fin de la période de trois mois, M. Plamondon a gardé ce statut jusqu’en janvier 2009.

33 L’employeur a offert du coaching à M. Plamondon pour lui faciliter la recherche d’un nouvel emploi. Selon M. Plamondon, l’aide offerte par l’employeur était limitée à quelques conseils en plus d’explications relatives aux outils informatisés comme PubliService. Par la suite, M. Plamondon a été laissé à lui-même dans sa recherche d’emploi. Il a rencontré plusieurs directeurs pour obtenir un emploi. Selon lui, les gens des ressources humaines auraient dit à un de ces directeurs qu’il ne pouvait pas embaucher M. Plamondon. Aussi, en janvier 2008, M. Plamondon croit qu’il n’a pas pu obtenir une affectation à l’étranger pour Patrimoine Canada à la suite d’une intervention de M. Pagé qui aurait bloqué sa candidature. M. Pagé a expliqué que pour de telles affectations de nature temporaire avec d’autres ministères, il formulait une recommandation au ministère. Dans le cas de M. Plamondon, il admet ne pas l’avoir recommandé à cause de ses problèmes passés de rendement.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

34 Le cadre juridique de la compétence d’un arbitre de griefs en matière de licenciement pour rendement insuffisant est clairement défini à l’article 230 de la Loi. Selon ce cadre, la compétence de l’arbitre de grief n’est pas de décider si l’employeur a pris la bonne décision en licenciant M. Plamondon, mais plutôt de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’estimer que son rendement était insuffisant. Sur ce point, l’employeur m’a renvoyé à Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23.

35 La preuve présentée a révélé qu’il était raisonnable pour l’employeur d’estimer que le rendement de M. Plamondon était insuffisant. Dans son évaluation du rendement de M. Plamondon, M. Cormier a noté des problèmes au niveau de l’analyse et du respect des échéances. Il a soulevé ces problèmes à M. Plamondon. Par la suite, M. Ruddock a noté les mêmes problèmes en plus de la difficulté de M. Plamondon à distinguer l’information importante de celle qui ne l’était pas. Il a soulevé ces lacunes avec M. Plamondon. Puis, M. Charron a noté sensiblement les mêmes lacunes dans le rendement de M. Plamondon et lui en a fait part.

36 M. Riel a lui aussi constaté les faiblesses dans le rendement de M. Plamondon. En avril 2007, sous la supervision initiale de M. Riel, puis de Mme Kutz et de Mme Wayand, l’employeur a établi, puis implanté, un plan de gestion du rendement de M. Plamondon. Le plan a été discuté avec lui et il a clairement été avisé des résultats recherchés.

37 Pendant quatre ans, l’employeur a soulevé les problèmes de rendement de M. Plamondon et a tenté, en vain, de l’aider à les résoudre. Puis, il lui a accordé plus d’un an sans aucun travail pour qu’il puisse trouver un autre poste. Il n’en a pas trouvé et l’employeur a décidé de le licencier.

38 Compte tenu de la preuve présentée, de la compétence de l’arbitre de grief qui se limite à décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’estimer que le rendement de M. Plamondon était insuffisant et de la jurisprudence dans ce type d’affaire, il est clair que l’arbitre de grief devrait rejeter le grief. L’employeur a aussi souligné qu’il n’avait aucune obligation de rétrograder M. Plamondon ou de faire des efforts pour lui trouver un autre emploi. L’arbitre de grief n’a d’ailleurs pas la compétence pour examiner cette question. L’employeur m’a aussi renvoyé au document intitulé Cadre principal des politiques du Conseil du Trésor.

B. Pour M. Plamondon

39 Même si l’article 230 de la Loi dicte la compétence de l’arbitre de griefs, il n’en demeure pas moins que l’employé a le droit d’être traité avec équité. Qui plus est, l’arbitre de griefs devrait tenir compte du fait que M. Plamondon est un employé qui comptait plus de 18 années de service avec l’employeur.

40 L’employeur avait une obligation d’agir avec équité, sans discrimination et de bonne foi avec M. Plamondon. Comme il en est fait mention dans Raymond, l’employeur devait aussi fixer des normes de rendement appropriées et clairement communiquées à M. Plamondon. Il devait aussi lui donner la formation et l’encadrement nécessaire pour lui permettre d’atteindre les normes fixées. Ces critères ne sont d’ailleurs pas nouveaux et s’appliquent à ce type de licenciement. Sur ce point, M. Plamondon m’a référé à City of Yellowknife v. Rivet (2010), 192 L.A.C. (4th) 347.

41 L’employeur a présenté de la preuve à l’effet que les superviseurs de M. Plamondon étaient insatisfaits de son rendement, mais il n’a pas présenté les standards, les normes ou les critères précis qui ont été utilisés pour arriver à une telle conclusion. Dans les faits, de l’aveu même de plusieurs témoins, de tels critères n’existaient pas. En l’absence de critères précis pour évaluer le rendement, l’employeur ne pouvait pas conclure de bonne foi que le rendement de M. Plamondon était insuffisant. Pour arriver à une telle conclusion, il aurait fallu des critères de rendement clairs qui avaient été communiqués à l’employé.

42 L’autre faille dans la preuve présentée par l’employeur réside dans le fait qu’aucun de ses témoins ne pouvait commenter l’évaluation finale du rendement de M. Plamondon, ni ne pouvait fournir une évaluation globale de son rendement pour les quelques années de la période couverte par la preuve de l’employeur. En effet, l’évaluation de chaque superviseur était limitée à la période où ils ont supervisé M. Plamondon.

43 Avant l’incident avec l’ambassadeur au Mexique, l’employeur estimait que le rendement de M. Plamondon était satisfaisant et qu’il possédait toutes les compétences pour faire son travail. À partir de là, l’employeur s’est mis à surveiller son rendement au microscope mais sans aucun critère précis pour le faire.

44 L’employeur avait l’obligation en vertu de sa propre politique de faire des efforts pour trouver un poste à M. Plamondon et il ne l’a pas fait. Il a simplement fourni un BlackBerry et une adresse électronique à M. Plamondon et l’a laissé s’arranger par lui-même. Il n’a pas non plus fait d’efforts pour lui trouver un poste à un niveau inférieur. M. Pagé lui a même bloqué l’accès à un poste à Patrimoine Canada. À ce sujet, M. Plamondon m’a renvoyé au document de l’employeur intitulé Lignes directrices sur la rétrogradation ou le licenciement pour rendement insatisfaisant.

45 Le grief de M. Plamondon devrait donc être accepté et l’arbitre de griefs devrait ordonner qu’il soit réintégré dans son poste avec une compensation pour les pertes financières qu’il a subies depuis son licenciement.

IV. Motifs

46 Dans cette affaire qui a trait au licenciement d’un fonctionnaire pour rendement insuffisant, ma compétence comme arbitre de griefs est circonscrite par la Loi sur la gestion des finances publiques, L.C. (1985), c. F-11 (la « LGFP »), et par l’article 230 de la Loi.

47 La LGFP donne le pouvoir à l’employeur de licencier un fonctionnaire lorsqu’il est d’avis que son rendement est insuffisant. Quant à l’article 230 de la Loi, il précise la compétence de l’arbitre de griefs qui est saisi d’un grief portant sur le licenciement pour rendement insuffisant. Pour des fins de clarté, je reproduis de nouveau l’article 230 de la Loi :

230. L’arbitre de grief saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3) doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

48 Sous un tel cadre juridique, le rôle de l’arbitre de griefs est de déterminer, à partir de la preuve qui lui est présentée, s’il était raisonnable pour l’employeur d’estimer que le rendement de l’employé était insuffisant. Si l’arbitre de grief conclut que l’employeur a été raisonnable dans l’estimation du rendement de l’employé, il doit rejeter le grief. Il ne peut pas par exemple déterminer que la décision de l’employeur de licencier l’employé au lieu de le rétrograder n’était pas justifiée ou raisonnable, ou que l’employeur a failli à ses obligations en n’aidant pas l’employé à trouver un autre poste. Si l’arbitre de griefs conclut que l’employeur a estimé le rendement de l’employé de façon raisonnable, l’arbitre de grief a épuisé sa compétence.

49 Comme l’employeur l’avait argumenté dans Raymond, le rôle de l’arbitre de grief est comparable à celui d’un tribunal supérieur qui siège en révision judiciaire et qui examine le caractère raisonnable de la décision qui lui est soumise. En vertu de l’article 230 de la Loi, un arbitre de grief ne devrait donc intervenir que si l’estimation du rendement faite par l’employeur est déraisonnable au sens où ce concept s’entend en matière de révision judiciaire. Sur le sens du caractère raisonnable d’une décision, la Cour suprême du Canada, au paragraphe 47 de Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, s’exprime ainsi :

[…]

[47] La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[…]

50 À la lumière de ce qui précède, je dois donc déterminer si, sur la base de la preuve soumise, la conclusion de l’employeur voulant que le rendement de M. Plamondon était insuffisant, était une des conclusions possibles acceptables à laquelle il pouvait arriver. Cela ne veut pas dire qu’il ne pouvait pas arriver à une conclusion différente mais plutôt que cette conclusion était une conclusion possible. Pour déterminer qu’il s’agissait d’une conclusion ou d’une décision raisonnable, il faut que la décision soit justifiée et qu’elle ait été prise de façon transparente et intelligible.

51 Comme l’arbitre de grief dans Raymond, je suis d’avis qu’une estimation du rendement de l’employé qui aurait été faite de mauvaise foi, de façon arbitraire ou sur la base de considération discriminatoire ou n’ayant aucun lien avec l’emploi, ne saurait être qualifiée de raisonnable. De plus, pour conclure que l’employeur a estimé de façon raisonnable le rendement d’un employé, il doit nécessairement lui avoir fait part de normes de rendement appropriées et lui avoir fourni les outils, la formation ou l’encadrement pour atteindre ces normes.

52 Compte tenu des considérations juridiques qui précèdent et sur la base de la preuve qui m’a été présentée par les parties, je considère qu’il était raisonnable que l’employeur estime que le rendement de M. Plamondon était insuffisant. La décision de l’employeur a été justifiée et elle a été prise de façon transparente et intelligible. Je rejette donc le grief déposé par M. Plamondon à l’encontre de la décision de l’employeur de le licencier.

53 Il semble que M. Plamondon avait un rendement satisfaisant de 1989 à 2001. Les premiers problèmes sont apparus à partir de 2001. Son superviseur de l’ambassade du Mexique l’a critiqué pour ne pas avoir discuté avec lui d’enjeux délicats. Je ne retiens pas cette critique car M. Plamondon a nié avoir mal agi dans cette situation et l’employeur n’a appelé aucun témoin pour le contredire.

54 Les vrais problèmes sont plutôt apparus à partir de 2002-2003. Dans son évaluation du rendement, M. Cormier a conclu que M. Plamondon avait de la difficulté à identifier les éléments pertinents, à tirer des conclusions justes, à respecter les échéances et à faire des suivis. En 2004, dans une première évaluation, M. Ruddock a conclu que M. Plamondon avait des difficultés à respecter les échéances, à prendre des initiatives et à maintenir un rythme de travail normal. Lors de la seconde évaluation, M. Ruddock a noté sensiblement les mêmes lacunes en plus de mentionner que M. Plamondon avait aussi de la difficulté à distinguer les informations essentielles de celles de moindre importance. Ces évaluations ne furent pas contestées par M. Plamondon et rien ne me laisse croire que les informations qu’elles contiennent ne sont pas valides.

55 En 2004-2005, M. Charron a relevé sensiblement les mêmes problèmes que M. Ruddock en ce qui concerne le rendement de M. Plamondon et il lui en a fait part. M. Charron était d’avis que M. Plamondon prenait trop de temps pour accomplir ses tâches, qu’il avait de la difficulté à respecter les échéances et qu’il incluait souvent des informations superflues dans ses analyses. De février 2006 à mars 2007, M. Riel a constaté que M. Plamondon ne respectait pas toujours les échéances, qu’il écrivait des textes trop longs contenant des informations anecdotiques et des contenus de faible qualité.

56 En avril 2007, l’employeur a établi un plan de gestion du rendement comprenant des objectifs précis à atteindre à défaut de quoi il pourrait prendre des mesures contre M. Plamondon, incluant le renvoi. D’avril 2007 à juillet 2007, la mise en œuvre du plan a été encadrée par M. Riel. Ce dernier a noté une amélioration au niveau du respect des échéances mais a aussi constaté que les communications écrites étaient médiocres, que les directives étaient parfois non suivies et que M. Plamondon avait commis des erreurs de jugement. Puis, Mme Kutz et Mme Wayand ont pris la relève pour les derniers mois de l’affectation de M. Plamondon. Compte tenu de la courte période au cours de laquelle elles l’ont supervisé, du fait que Mme Wayand n’a pas témoigné lors de l’audience et que le rapport d’évaluation qui a été préparé pour cette période n’a jamais été discuté avec M. Plamondon, je ne tiendrai pas compte des éléments de preuve soumis par l’employeur pour la période de la fin juillet 2007 à la fin septembre 2007. Cependant, cela ne change en rien mes conclusions.

57 En résumé, entre octobre 2002 et juillet 2007, l’employeur a noté des problèmes en ce qui concerne le rendement de M. Plamondon. Autant M. Ruddock, M. Charron que M. Riel ont témoigné qu’ils ont discuté de façon régulière avec M. Plamondon entre 2003 et 2007 de ses problèmes de rendement et lui ont fait part de leurs attentes sur une base continue. Certes, l’employeur n’a pas produit en preuve des normes de rendement précises et détaillées que M. Plamondon n’a pas rencontrées, et il n’avait pas nécessairement à le faire. Remettre son travail à temps, respecter les échéances, respecter la hiérarchie, soumettre des documents qui ne contiennent pas d’erreurs, distinguer l’information d’importance de l’information plus banale lors de l’analyse, suivre les directives dans la préparation des documents, sont autant de normes de rendement qui ont été communiquées à M. Plamondon sur une base régulière. Ces normes sont assez évidentes et elles n’ont pas besoin d’être écrites ou exprimées dans des documents ou être l’objet de critères d’évaluation détaillés. Il était suffisant pour ses superviseurs de rappeler à M. Plamondon qu’elles devaient être respectées, ce qui a été fait régulièrement.

58 M. Plamondon a travaillé plus d’une dizaine d’années sans éprouver de problèmes de rendement. J’en déduis qu’il avait reçu la formation nécessaire pour réussir dans son travail, d’autant plus que dans son témoignage ou dans les arguments présentés, il n’a pas soulevé qu’il manquait de formation pour avoir un rendement satisfaisant. Il n’a pas soulevé non plus que ses problèmes de rendement résultaient d’un manque d’outils ou d’encadrement pour faire son travail. La preuve va plutôt dans le contraire.

59 M. Plamondon a argumenté que l’employeur n’avait pas fait d’efforts pour lui trouver un autre poste conformément à la politique du Conseil du Trésor. L’examen de cette question dépasse mon mandat qui est d’examiner s’il était raisonnable pour l’employeur de conclure que le rendement de M. Plamondon était insuffisant. J’ai déjà répondu dans l’affirmative à cette question.

60 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

61 Le grief est rejeté.

Le 13 juillet 2011.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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