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Résumé :

Au cours d’un processus de nomination interne annoncé, la candidature du plaignant a été rejetée à la présélection sur la base de critères liés à l’expérience. Le plaignant a soutenu que cette décision s’apparentait à un abus de pouvoir de la part de l’intimé car selon lui ce dernier savait qu’il possédait l’expérience nécessaire, ayant occupé le poste à titre intérimaire pendant trois ans. Il a fait valoir d’autre part que sa candidature avait été retenue à la présélection dans un processus de nomination antérieur sur la base du même dossier. L’intimé a avancé que la gestionnaire délégataire, récemment nommée à son poste, ne s’était pas servie de données informatives personnelles pour la présélection des candidats. Le plaignant n’a pas été retenu à la présélection parce qu’il n’a pas su démontrer clairement dans son dossier de candidature qu’il possédait toutes les qualifications essentielles liées à l’expérience. Décision Le Tribunal a jugé que le plaignant n’a pas su prouver que l’intimé avait abusé de son pouvoir par sa conclusion que le plaignant n’avait pas démontré qu’il possédait les qualifications essentielles liées à l’expérience. Il ressort des éléments de preuve que l’intimé a évalué ces qualifications en demandant aux candidats de démontrer clairement dans leur dossier de candidature qu’ils répondaient aux critères essentiels. En l’espèce, l’annonce de possibilité d’emploi prévenait les candidats que tout manquement à cette consigne pourrait entraîner le rejet de leur candidature. Selon le Tribunal, l’annonce de possibilité d’emploi précisait clairement les critères d’expérience et les candidats savaient ce qu’ils devaient démontrer. Ils ne pouvaient se contenter d’énumérer les postes qu’ils avaient occupés et d’affirmer qu’ils possédaient l’expérience nécessaire. Ils devaient expliquer clairement en quoi ils possédaient chacune des qualifications essentielles. Le Tribunal n’a pas souscrit à l’argument du plaignant selon lequel l’intimé aurait dû indiquer clairement qu’il n’emploierait pas la même méthode de présélection que celle utilisée dans les processus de nomination antérieurs. La gestionnaire délégataire n’était pas tenue d’utiliser les mêmes outils d’évaluation d’un processus à l’autre, ni de prévenir les candidats du changement de ces outils. Le plaignant aurait dû aborder ce processus d’évaluation sans faire des suppositions. En outre, le plaignant n’a présenté aucune preuve confirmant que l’outil d’évaluation était inadéquat ou que le comité avait commis une erreur dans l’évaluation de sa candidature, pas plus qu’il n’a démontré que les qualifications exigées dans le processus de nomination en cause étaient identiques à celles requises dans un processus antérieur ou qu’il avait soumis le même dossier de candidature dans chacun des processus. Bien qu’il ait soutenu que sa candidature avait été retenue à la présélection dans un processus antérieur, il n’a pas démontré en quoi le fait d’être retenu dans un autre processus devrait influer sur son évaluation dans le processus en l’espèce ni pourquoi le comité aurait dû adopter la même démarche pour les deux processus. Par ailleurs, aucun élément de preuve n’a amené le Tribunal à établir que l’évaluation de la candidature du plaignant n’a pas été réexaminée adéquatement suite au déroulement de la discussion informelle. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2009‑0619
Rendue à:
Ottawa, le 22 février 2011

SHANE EDWARDS
Plaignant
ET
LE SOUS‑MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Lyette Babin‑MacKay, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Edwards c. le sous‑ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien
Référence neutre:
2011 TDFP 0010

Motifs de la décision


Introduction


1 Le plaignant, Shane Edwards, était candidat dans un processus de nomination interne annoncé pour le poste de chef d’équipe, Règlement des litiges (PM‑06), Politiques et orientation stratégique, Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC). Sa candidature a été rejetée à la présélection sur la base de critères liés à l’expérience. Dans sa plainte, le plaignant affirme qu’il s’agit d’un abus de pouvoir et que l’intimé savait qu’il possédait l’expérience nécessaire, ayant occupé le poste à titre intérimaire pendant trois ans.

2 L’intimé, le sous‑ministre d’AINC, nie tout abus de pouvoir. Selon lui, la candidature du plaignant a été rejetée à la présélection parce que celui‑ci n’avait pas démontré clairement dans son dossier de candidature qu’il possédait toutes les qualifications essentielles en matière d’expérience.

Contexte et éléments de preuve pertinents


3 Le plaignant s’est joint à AINC en 2003 en tant que gestionnaire de cas (EC‑05) au sein de la Direction générale de la gestion et du règlement des litiges (DGGRL). En 2006, il a été nommé chef d’équipe (PM‑06) à titre intérimaire et a travaillé au sein de l’équipe des placements en famille d'accueil et des externats, puis de l’équipe des Prairies. En février 2009, sa directrice, Natalie Neville, a prolongé sa nomination intérimaire jusqu’au 29 mai 2009. Le plaignant affirme qu’en tout, il a occupé à titre intérimaire le poste de chef d’équipe pendant environ trois ans.

4 Le processus de nomination en cause a été annoncé sur Publiservice en mars 2009. La zone de sélection était la suivante : « Les personnes employées au ministère des Affaires Indiennes et du Nord canadien occupant un poste à travers le Canada. » Le plaignant a soumis sa candidature le 30 mars 2009.

5 L’annonce de possibilité d’emploi contenait six qualifications essentielles ainsi que l’énoncé suivant : « Les candidats doivent démontrer clairement sur leur demande qu'ils répondent à tous les critères essentiels […] et qu'ils sont dans la zone de sélection. À défaut de le faire, cela peut entraîner le rejet de leur demande. »

6 Mme Neville est directrice, Direction des litiges de l’Est, DGGRL. Elle a été la première personne à occuper ce poste, auquel elle a été nommée le 1er février 2009. C’est elle qui a préparé le processus et qui a présidé le comité d’évaluation (le comité). Elle a déclaré que son expérience lui permettait de comprendre les responsabilités d’un chef d’équipe ainsi que les exigences associées au poste.

Présélection

7 Mme Neville a expliqué que les paramètres du guide de présélection étaient larges et inclusifs, plutôt que prescriptifs. Le comité a appliqué l’outil d’évaluation de la même manière pour tous les candidats. Il a examiné chaque dossier de candidature à la recherche d’exemples et de détails relatifs aux activités professionnelles pouvant étayer l’expérience indiquée.

8 En tout, 31 personnes ont posé leur candidature et, de ce nombre, huit ont été retenues à la présélection.

9 Mme Neville a déclaré qu’elle ne s’était pas servie de ses connaissances personnelles pour la présélection; comme elle avait été nommée directrice peu avant le début du processus, elle ne connaissait pas assez bien les candidats. Elle savait que le plaignant occupait un poste intérimaire de chef d’équipe. Elle a précisé que le plaignant relevait d’elle directement, mais qu’ils n’avaient eu que peu de contacts après son entrée en fonctions en février 2009. En outre, un poste de gestionnaire avait été créé peu après son arrivée, et les chefs d’équipe relevaient alors du gestionnaire en question, et non directement d’elle.

10 Mme Neville a affirmé qu’elle avait prolongé la nomination intérimaire du plaignant afin d’assurer une certaine continuité pendant le processus de nomination, mais que les éléments pris en considération en vue d’une nomination à durée indéterminée étaient très différents de ceux qui sont pris en considération pour une nomination intérimaire. Mme Neville n’a toutefois pas expliqué la différence.

11 Mme Neville a précisé que toutes les personnes dont la candidature avait été éliminée à la présélection sur la base de critères liés à expérience avaient omis de fournir suffisamment de détails et d’exemples dans leur dossier de candidature, ce qui était notamment le cas de certains candidats ayant occupé un poste de chef d’équipe à titre intérimaire.

12 Le 8 mai 2009, le plaignant a été informé que sa candidature avait été éliminée à la présélection parce qu’il ne possédait pas quatre des six qualifications essentielles liées à l’expérience, à savoir :

EX‑2 : Expérience de la définition de positions fédérales conformes aux objectifs politiques et opérationnels;
EX‑3 : Expérience de l’établissement de stratégies en matière de règlement;
EX‑4 : Expérience de l’élaboration et de la mise en œuvre de plans de travail;
EX‑6 : Expérience de la supervision de personnel.

13 Le plaignant a affirmé que, dans son dossier de candidature pour le processus de nomination en cause, il avait décrit son rôle et ses compétences en tant que chef d’équipe intérimaire depuis 2006. Il avait également fait référence à l’expérience qu’il avait acquise dans la gestion d’une équipe de gestionnaires de cas et d’employés de soutien au sein de la DGGRL ainsi qu’à son expérience en gestion à titre d’avocat et de praticien exerçant seul sa profession dans le secteur privé.

14 Selon le plaignant, le poste annoncé était le même que celui qu’il occupait à titre intérimaire depuis trois ans. Les qualifications exigées et les fonctions décrites étaient pratiquement identiques à celles d’un autre poste de chef d’équipe auquel il s’était porté candidat avant le processus visé. Dans le processus antérieur, sa candidature avait été retenue à la présélection alors qu’il avait soumis un dossier de candidature essentiellement identique à celui utilisé dans le processus en cause.

15 En contre‑interrogatoire, le plaignant a reconnu n’avoir fourni aucune autre preuve démontrant que les fonctions et les qualifications essentielles associées à ces deux postes de chef d’équipe étaient semblables ou identiques, ni qu’il avait présenté le même dossier de candidature dans les deux cas.

16 Mme Neville a affirmé que la candidature du plaignant avait été éliminée à la présélection parce qu’il n’avait pas fourni suffisamment de détails dans son dossier de candidature pour démontrer qu’il répondait à chacun des critères liés à l’expérience. Son dossier de candidature consistait en grande partie en une énumération des postes occupés précédemment, sans description des activités qu’il avait menées. En ce qui concerne l’expérience de la supervision de personnel, par exemple, Mme Neville s’attendait à une description de son expérience de la supervision. Les mentions « praticien exerçant seul sa profession » et « chef d’équipe intérimaire pendant trois ans » [traduction] ne lui fournissaient aucune information explicite sur ce que le plaignant avait accompli lorsqu’il supervisait des membres du personnel, et c’est à lui qu’il incombait de fournir des précisions quant à son expérience de la supervision. Mme Neville s’attendait à ce que le plaignant décrive ses responsabilités, qu’il s’agisse de la gestion des présences, des ressources humaines, des évaluations de rendement ou d’autres tâches. Elle voulait des énoncés explicites et des détails.

17 Le plaignant a reconnu que, dans son dossier de candidature pour le processus en question, il avait énuméré le titre des postes de chef d’équipe qu’il avait occupés sans fournir d’exemple de son expérience. Il conteste l’idée selon laquelle il a ainsi omis de démontrer clairement qu’il répondait aux critères liés à l’expérience. Selon lui, le fait de décrire son rôle et ses compétences démontrait bien qu’il répondait aux exigences. Prié de fournir un exemple tiré de son dossier de candidature, il a mentionné ce qui suit : « a géré une équipe de gestionnaires de cas ainsi que des employés de soutien au sein de la DGGRL et d’un cabinet d’avocat » [traduction].

Discussion informelle

18 Le plaignant s’est dit extrêmement insatisfait de la discussion informelle qu’il a eue avec Mme Neville en mai 2009, précisant qu’il s’était senti vexé à l’issue de celle‑ci. Il a affirmé que la discussion n’avait été ni juste ni transparente et que, selon lui, l’esprit de la discussion informelle n’avait pas été respecté. Comme ce n’est qu’après la rencontre qu’il a reçu par courriel une copie de l’outil d’évaluation, il n’a pas pu consulter les documents pendant la discussion et n’a pas pu réagir adéquatement à ce qui lui était présenté. Selon le plaignant, Mme Neville n’a pris aucune note. Elle lui a dit que son dossier de candidature ne répondait pas aux attentes et ne contenait pas suffisamment d’exemples de son expérience. Mme Neville lui a également dit qu’il ne prenait pas le processus au sérieux. Elle lui a donné l’impression qu’il manquait de professionnalisme.

19 Mme Neville a affirmé que le plaignant n’avait fourni aucune autre précision concernant son dossier de candidature lors de la discussion informelle, au cours de laquelle elle a passé en revue les critères liés à l’expérience auxquels il ne répondait pas et a expliqué le type d’exemples et de détails attendus. Elle a précisé avoir eu une discussion d’ordre général avec le plaignant sur la façon de poser sa candidature dans un processus et lui avoir donné des conseils très généraux. Mme Neville a nié avoir dit au plaignant que son dossier de candidature était peu professionnel. Lorsque le plaignant l’a informée que le dossier de candidature qu’il avait soumis était le même que celui présenté dans un processus antérieur visant la dotation d’un poste de chef d’équipe, elle lui a répondu que chaque processus devait faire l’objet d’une démarche différente et distincte.

20 Le plaignant a déclaré avoir envoyé un courriel à Mme Neville après la tenue de la discussion informelle, plus précisément le 21 mai 2009, pour lui expliquer ses préoccupations et lui demander de reconsidérer sa décision. Dans son courriel :

- il disait posséder l’expérience et les compétences nécessaires pour occuper le poste de chef d’équipe;

- il mentionnait avoir présumé qu’il satisferait aux critères d’expérience en indiquant avoir occupé le poste à titre intérimaire pendant trois ans;

- il déplorait le fait que l’annonce de possibilité d’emploi ne fournissait pas de détails clairs quant aux attentes du comité, qui s’attendait notamment à recevoir une lettre d’accompagnement contenant des exemples;

- il affirmait que l’annonce de possibilité d’emploi aurait dû indiquer clairement que la norme de présélection avait changé puisque sa candidature avait été retenue à la présélection dans le cadre d’un processus antérieur visant la dotation d’un poste de chef d’équipe pour lequel il avait soumis un dossier de candidature essentiellement identique.

21 Le 28 mai 2009, Mme Neville lui a répondu qu’elle maintenait sa décision. Elle a déclaré que le courriel du plaignant ne contenait aucune précision supplémentaire quant à son dossier de candidature. Elle n’aurait d’ailleurs pas accepté de renseignements ne figurant pas dans le dossier initial.

22 Le 8 octobre 2009, le plaignant a déposé une plainte d’abus de pouvoir auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’art. 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Question en litige


23 L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en éliminant la candidature du plaignant du processus de nomination au moment de la présélection?

Analyse


24 Le Tribunal a confirmé que les gestionnaires disposent, aux termes de l’art. 30(2) de la LEFP, d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu’ils souhaitent doter. Un pouvoir discrétionnaire semblable, prévu à l’art. 36 de la LEFP, leur permet de choisir et d’utiliser les méthodes d’évaluation qu’ils jugent appropriées (voir la décision Visca c. le sous‑ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, para. 42). Ce pouvoir discrétionnaire n’est toutefois pas absolu, et il doit être exercé de façon juste et transparente (voir, par exemple, la décision Jolin c. l’administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0011, para. 37, et la décision Denny c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029, para. 144).

25 Il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’un abus de pouvoir a été commis (voir la décision Tibbs c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, para. 49 et 50).

Présélection

26Le plaignant avance que son dossier de candidature était adéquat et suffisant, et qu’il énumérait ses différentes compétences. Selon lui, l’intimé a entravé son pouvoir discrétionnaire : il savait que le plaignant a occupé le poste de chef d’équipe à titre intérimaire pendant trois ans et qu’il possédait donc l’expérience nécessaire. Toujours selon le plaignant, les attentes n’ont pas été communiquées efficacement et le niveau de détail attendu dans les dossiers de candidature n’était pas clair. Enfin, le plaignant soutient que les candidats auraient dû être informés du fait que la norme de présélection avait changé par rapport aux processus antérieurs visant la dotation de postes de chef d’équipe.

27 L’intimé soutient pour sa part que les qualifications du plaignant ont été évaluées de façon juste et adéquate à partir des renseignements contenus dans le dossier de candidature. L’intimé avance qu’il incombait au plaignant de démontrer clairement dans son dossier de candidature qu’il possédait toutes les qualifications essentielles liées à l’expérience, mais que celui‑ci ne l’a pas fait. Selon l’intimé, un comité d’évaluation ne peut pas présumer qu’un candidat qui a occupé un poste à titre intérimaire possède toute l’expérience nécessaire. L’intimé avance également que le fait de s’attendre à ce que les candidats fournissent des exemples de leur expérience ne constitue pas une exigence qu’il a omis de communiquer aux candidats, comme le plaignant semble le laisser entendre. Enfin, il soutient que les autres processus visant la dotation de postes de chef d’équipe auxquels le plaignant a pu participer par le passé n’ont rien à voir avec le processus en cause.

28 La Commission de la fonction publique (la CFP) n’a pas assisté à l’audience, mais a présenté des observations écrites générales contenant une brève analyse des lignes directrices de la CFP, du Guide sur la mise en œuvre des Lignes directrices en matière d'annonce dans le processus de nomination et de la Série d’orientation – Évaluation, sélection et nomination.

29 En vertu de l’art. 36 de la LEFP, l’administrateur général peut avoir recours à toute méthode d’évaluation qu’il estime indiquée dans un processus de nomination.

30 Dans la décision Jolin, para. 77, le Tribunal affirme que, pour qu’il soit établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le choix des méthodes d’évaluation, le plaignant doit démontrer « que le résultat est inéquitable et que les méthodes d’évaluation sont déraisonnables et ne peuvent évaluer les qualifications prévues à l’énoncé des critères de mérite, qui n’ont aucun lien avec ceux‑ci ou qu’elles sont discriminatoires ».

31 Dans le processus de nomination en l’espèce, l’intimé a choisi d’évaluer les qualifications essentielles liées à l’expérience en demandant aux candidats de démontrer clairement dans leur demande qu’ils répondaient aux critères essentiels [gras ajouté].

32 Dans le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition, 2004, une partie de la définition de « démontrer » (« demonstrate » en anglais) est formulée comme suit : « décrire et expliquer […] à l’aide d’exemples; prouver de façon logique la véracité de […]; faire la preuve de l’existence […] » [traduction].

33 À de nombreuses reprises, le Tribunal a confirmé que c’est aux candidats qu’il incombe de démontrer clairement dans leur dossier de candidature qu’ils répondent à tous les critères essentiels (voir, par exemple, la décision Charter c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2007 TDFP 0048, para. 37). En l’espèce, l’annonce de possibilité d’emploi prévenait les candidats qu’à défaut de le faire, leur candidature pouvait être rejetée.

34 Comme la Cour l’a déclaré dans la décision Lavigne c. Canada (sous‑ministre de la Justice), 2009 CF 684, para. 70, ce n'est ni au Tribunal ni à la Cour d'établir les qualifications essentielles requises ou de substituer leur appréciation des qualifications des candidats à celle de l’intimé. Dans le processus en cause, les qualifications étaient suffisamment détaillées pour que les candidats sachent ce qu’ils avaient à démontrer (voir, par exemple, la décision Neil c. le sous‑ministre d’Environnement Canada, 2008 TDFP 0004, para. 51).

35 La situation en l’espèce est très différente de la situation dans l’affaire Poirier c. le sous‑ministre des Anciens Combattants, 2011 TDFP 0003, dans laquelle le Tribunal a conclu récemment que les instructions étaient inadéquates. En l’espèce, les instructions étaient claires et transparentes. En outre, rien ne laisse croire que la gestionnaire a manqué de cohérence dans la présélection de tous les candidats, comme c’était le cas dans l’affaire Poirier.

36 Selon le Tribunal, l’annonce de possibilité d’emploi précisait clairement les critères liés à l’expérience, et les candidats savaient ce qu’ils avaient à démontrer. Les candidats ne pouvaient se contenter d’énumérer les postes qu’ils avaient occupés et d’affirmer qu’ils possédaient l’expérience nécessaire. Ils devaient expliquer clairement en quoi ils répondaient à chacun des critères de qualification essentielle. Le guide de présélection, qui précisait en détail le type d’expérience souhaité, le confirme d’ailleurs.

37 Le plaignant estime pour sa part que le fait de décrire son rôle et ses compétences en tant que chef d’équipe démontrait bien en quoi il répondait aux critères liés à l’expérience. Le Tribunal a examiné le dossier de candidature du plaignant. Dans les sections intitulées « Compétences en gestion et règlement des litiges, Compétences en communication et en relations interpersonnelles, et Compétences en recherche et compétences techniques » [traduction], le plaignant a indiqué des énoncés d’expérience, sans toutefois fournir de précisions.

38 Les annotations qui figurent dans le guide de présélection confirment que le comité a examiné le dossier de candidature du plaignant, mais n’a pas trouvé suffisamment d’exemples montrant que celui‑ci possédait l’expérience demandée dans l’Énoncé des critères de mérite. Le comité a inscrit des commentaires comme : « plusieurs facteurs non démontrés » et « explication ou démonstration insuffisante » [traduction]. Par ailleurs, le comité a annoté le dossier de candidature du plaignant avec des remarques comme : « ex. », « qui, comment, pendant combien de temps » et « détails » [traduction]. Ces notes confirment les affirmations de Mme Neville selon lesquelles le comité cherchait des descriptions relatives à l’expérience et des détails concernant les activités professionnelles. Selon Mme Neville, le comité n’a pas trouvé de telles descriptions dans le dossier de candidature du plaignant.

39 Le Tribunal souligne que huit personnes ont été en mesure de démontrer ces qualifications et que leur candidature a été retenue à la présélection.

40 Le plaignant reconnaît avoir présumé que le comité en arriverait à la conclusion qu’il possédait l’expérience nécessaire puisqu’il avait indiqué avoir occupé le poste de chef d’équipe à titre intérimaire pendant trois ans. Dans la décision Charter, le Tribunal a établi que nul n’est tenu de déduire qu’une personne possède les qualifications demandées lorsque l’annonce de possibilité d’emploi précise que les candidats doivent « démontrer clairement » qu’ils possèdent l’expérience nécessaire.

41 D’après le plaignant, l’intimé aurait dû indiquer clairement qu’il n’emploierait pas la même méthode de présélection que celle utilisée dans les processus de nomination antérieurs. Le Tribunal n’est pas de cet avis. Conformément à l’art. 36 de la LEFP, les administrateurs généraux ont le pouvoir de choisir l’outil d’évaluation qu’ils estiment indiqué, ce qui signifie également que les gestionnaires délégataires ne sont pas tenus d’utiliser les mêmes outils d’évaluation d’un processus à l’autre, ni de prévenir les candidats du changement de ces outils. Par conséquent, le plaignant aurait dû aborder ce processus d’évaluation sans faire des suppositions et aurait dû décrire et expliquer ses qualifications.

42 Le plaignant n’a présenté aucune preuve démontrant que l’outil d’évaluation était inadéquat ou que le comité avait commis une erreur dans l’évaluation de sa candidature, pas plus qu’il n’a démontré que les qualifications exigées dans le processus de nomination en cause étaient identiques à celles requises dans un processus antérieur ou qu’il avait soumis le même dossier de candidature dans chacun des processus. En outre, bien qu’il ait soutenu que sa candidature avait été retenue à la présélection dans un processus antérieur, il n’a pas démontré en quoi le fait d’être retenu dans un autre processus devrait influer sur son évaluation dans le processus en l’espèce ni pourquoi le comité aurait dû adopter la même démarche pour les deux processus.

43 Le Tribunal ne souscrit pas à l’argument du plaignant selon lequel il était raisonnable de sa part de présumer que le fait d’indiquer qu’il occupait un poste de chef d’équipe à titre intérimaire et qu’il possédait les compétences nécessaires suffisait à démontrer son expérience. En fait, le comité se serait montré injuste en considérant comme suffisants de tels énoncés alors que les autres candidats devaient démontrer en quoi ils répondaient à chacun des critères liés à l’expérience.

44 Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal ne souscrit pas non plus à l’argument du plaignant selon lequel la gestionnaire aurait dû se fonder sur ses connaissances personnelles au moment de la présélection, d’autant plus qu’il a été établi que la gestionnaire délégataire n’occupait pas le poste depuis longtemps.

45 Le Tribunal juge que le plaignant n’a pas su prouver que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a établi que le plaignant n’avait pas démontré qu’il possédait les qualifications essentielles liées à l’expérience.

Discussion informelle

46 Dans l’affaire Rozka c. le sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 0046, para. 76, le Tribunal s’est penché sur la raison d’être de la discussion informelle. Il a conclu que la discussion informelle constitue un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans un processus. La discussion informelle constitue également une occasion pour le comité d’examiner des renseignements qu’il a peut-être ratés dans un dossier de candidature.

47 Le plaignant avance que la discussion informelle n’était ni juste ni transparente parce qu’il n’a pas pu consulter le matériel d’évaluation et, par conséquent, n’a pas pu discuter pleinement de son évaluation ni la faire réexaminer adéquatement.

48 Le Tribunal n’est pas d’accord avec le plaignant. Il conclut que le comité a rencontré le plaignant et lui a expliqué sa décision. Bien que le comité n’ait pas fourni l’outil d’évaluation au plaignant durant la rencontre, il le lui a transmis le lendemain. Le Tribunal n’est saisi d’aucune preuve démontrant que l’évaluation du candidat n’a pas été réexaminée adéquatement. En outre, le Tribunal s’est penché sur les renseignements fournis par le plaignant le 21 mai 2009 et est arrivé à la conclusion que ses déclarations ne justifient en rien un changement dans l’évaluation de son expérience.

Décision


49 Pour les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Lyette Babin‑MacKay
Membre


Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2009‑0619
Intitulé de la cause :
Shane Edwards et le sous‑ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien
Audience :
Les 8 et 9 novembre 2010
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 22 février 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Shane Edwards
Pour l'intimé :
Allison Sephton et Stephan Bertrand
Pour la Commission
de la fonction publique :
Kimberley Lewis
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