Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il avait droit à une indemnité provisoire lorsqu’il exécutait les tâches relevant du groupe de l’inspection technique - la convention collective prévoyait le paiement d’une indemnité provisoire si certaines exigences étaient satisfaites - l’arbitre de grief a déterminé que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas satisfait ces exigences - le fonctionnaire s’estimant lésé ne détenait ni un certificat de navigation, ni un diplôme universitaire - il détenait plutôt un certificat d’aptitude et un diplôme d’un collège communautaire. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-06-21
  • Dossier:  566-02-3615
  • Référence:  2011 CRTFP 82

Devant un arbitre de grief


ENTRE

IAN BRADBURY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Transports)

employeur

Répertorié
Bradbury c. Conseil du Trésor (ministère des Transports)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Andrew Astritis, avocat

Pour l'employeur:
Pierre Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 2 juin 2011.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Ian Bradbury, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), est un inspecteur de la sûreté maritime. Le 17 juillet 2007, il a déposé un grief alléguant que le ministère des Transports (l’« employeur ») avait contrevenu à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour l’unité de négociation du groupe Services techniques, le 14 mars 2005 (la « convention collective »). Le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait contrevenu à la convention collective en refusant de lui payer l’indemnité provisoire prévue par l’appendice P pour la période s’échelonnant du 23 octobre 2006 au 29 juin 2007. Durant cette période, le fonctionnaire occupait par intérim un poste classifié dans le groupe et au niveau TI-06. Le passage pertinent de l’appendice P est libellé comme suit :

[…]

Dans le but de résoudre les problèmes de maintien en poste de l'effectif, l'Employeur versera une indemnité aux titulaires de certains postes faisant partie du Groupe de l'inspection technique.

Les employé-e-s de Transports Canada, du Bureau de la sécurité des transports du Canada, de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et de Pêches et des Océans, la Garde côtière canadienne, titulaires des postes de niveau TI-5 à TI-8 énumérés ci-dessous et possédant les qualités précisées sont admissibles aux indemnités provisoires énumérées ci-dessous.

- Les inspecteurs de marine, les inspecteurs maritimes, les enquêteurs maritimes ainsi que des employé-e-s du groupe du soutien des navires, GCC-MPO, ayant des connaissances et une vaste expérience de la conception, de la construction, de l’exploitation ou de l’entretien de navires attestées par le certificat de navigation approprié ou un diplôme universitaire et une vaste expérience du domaine.

[…]

2 L’employeur admet que, du 23 octobre 2006 au 29 juin 2007, le fonctionnaire occupait un poste d’inspecteur de marine décrit à l’appendice P de la convention collective et qu’il était titulaire d’un poste TI-06 à Transports Canada. Le seul différend entre les parties porte sur la question de savoir si le fonctionnaire possédait, au moment du grief, des connaissances et une vaste expérience de la conception, de la construction, de l’exploitation ou de l’entretien de navires attestées par le certificat de navigation approprié ou un diplôme universitaire et une vaste expérience du domaine. L’employeur a refusé de payer l’indemnité provisoire au fonctionnaire au motif qu’il ne possède pas ces qualités. Le fonctionnaire soutient le contraire.

3 Au début de l’audience, le fonctionnaire a plaidé que le grief devait être considéré comme continu, puisque la situation visée par le grief existe toujours; il occupe de nouveau un poste TI-06 par intérim. L’employeur a soulevé une objection. Si le fonctionnaire s’estimait de nouveau lésé après 2007, il aurait dû déposer un nouveau grief.

Résumé de la preuve

4 Le fonctionnaire a témoigné. Il a déposé 15 documents en preuve. L’employeur n’a produit aucun document. Il a appelé Daniel Michaud comme témoin. M. Michaud est chef de l’exploitation de la sûreté maritime à Transports Canada. Il a pris la décision de ne pas payer l’indemnité provisoire au fonctionnaire pour la période s'échelonnant du 23 octobre 2006 au 29 juin 2007.

5 Le fonctionnaire est un spécialiste de la sûreté chevronné; il possède 12 années d’expérience dans la prestation de services d’analyse et de conseils en matière de sûreté, dans l’évaluation des menaces et des risques terroristes et dans la préparation de plans d’urgence et de sûreté et de cours de formation connexes. En 2005, le fonctionnaire a obtenu un diplôme en administration de la sûreté au terme d’un programme à temps plein d’une durée de deux ans au Collège Algonquin d’Ottawa. Il a également suivi plusieurs programmes de formation de courte durée, dont les suivants : spécialiste de la lutte contre le terrorisme, agent pour la protection de la force et spécialiste de la protection rapprochée. Il a également reçu la formation suivante offerte par l’employeur et la Garde côtière canadienne : inspection et application de la sûreté maritime, évaluation de la sûreté maritime et agent de la sûreté des navires de la GCC.

6 En juin 2006, l’employeur a fourni au fonctionnaire une carte officielle de délégation, qui l’autorisait à accomplir certaines tâches en vertu de la Loi sur la sûreté du transport maritime, L.C. 1994, ch. 40. En juin 2009, l’employeur a également remis au fonctionnaire un brevet d’aptitude à l’exercice des fonctions d’agent de sûreté de navire. Ces documents attestaient officiellement que le fonctionnaire possédait les compétences requises dans le domaine de la sûreté.

7 Le fonctionnaire a mis en preuve des documents attestant ses compétences dans les domaines de la sûreté des navires et de la sécurité, dont j’ai pris connaissance. Il a expliqué qu’un navire ne peut prendre la mer sans un certificat de sûreté valide. Il a également précisé que l’évaluation de la sûreté est une tâche plus complexe que l’inspection de sûreté. Pour finir, le fonctionnaire a déclaré qu’aucune université au Canada n’offrait un programme en gestion de la sûreté. Le diplôme le plus élevé qui existe au Canada en gestion de la sûreté est celui décerné par le Collège Algonquin d’Ottawa.

8 M. Michaud a expliqué la différence qui existait entre un brevet d’aptitude et un certificat de navigation. L’employeur décerne les deux types de documents à ses employés lorsqu’ils satisfont aux exigences établies. Des brevets d’aptitude sont décernés aux employés qui possèdent les compétences nécessaires pour accomplir des tâches précises. Ce type de brevet peut être obtenu après quelques heures ou quelques jours de formation. La formation requise pour obtenir un certificat de navigation est beaucoup plus longue. L’employeur décerne un certificat de navigation aux employés qui possèdent au moins 36 mois d’expérience en mer en plus de la formation nécessaire et qui ont réussi aux épreuves écrites et orales. M. Michaud a déclaré que le fonctionnaire ne détient pas un certificat de navigation.

Résumé de l’argumentation

9 Le fonctionnaire a soutenu qu’un navire ne peut pas quitter le port sans un certificat de sûreté approuvé. La sûreté est devenue un enjeu important après les événements du 11 septembre 2001. Les organismes exigent désormais des compétences en matière de sûreté. Afin de maintenir en poste les employés exerçant des professions à forte demande, les parties ont accepté de payer à ces employés une indemnité. Le fonctionnaire occupe l’un de ces postes; il devrait donc recevoir cette indemnité. Les tâches du fonctionnaire ayant trait à la sûreté font partie intégrante de l’entretien et de l’exploitation des navires, comme il est indiqué à l’appendice P de la convention collective.

10 Le fonctionnaire a également soutenu qu’il satisfait aux exigences de l’appendice P de la convention collective. Il détient le diplôme le plus élevé décerné par un établissement d’enseignement au Canada dans le domaine de la sûreté et possède une vaste expérience du domaine.

11 Le fonctionnaire m’a renvoyé aux définitions des mots « maintain » (entretenir) et « operate » (exploiter) dans le Canadian Oxford Dictionary.

12 L’employeur a soutenu que le fonctionnaire ne satisfait pas aux exigences de l’appendice P de la convention collective parce qu’il ne détient pas le certificat approprié ou un diplôme universitaire. L’appendice P n’a pas été rédigé pour récompenser les bons employés, mais pour résoudre les problèmes de maintien en poste dans certaines professions. La décision de l’employeur de ne pas payer l’indemnité provisoire au fonctionnaire n’est aucunement basée sur la qualité de son travail.

13 L’employeur attiré mon attention sur les décisions suivantes : Anderson et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2009 CRTFP 93; Arsenault et al. c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17; Baker c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 34; Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112; Lessard c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2009 CRTFP 34; Stevens et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 34; White c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 40.

Motifs

14 Les parties ont convenu que le fonctionnaire occupe un poste visé à l’appendice P de la convention collective. Le différend qui les oppose porte sur la question de savoir si le fonctionnaire satisfait aux exigences décrites dans l’appendice P en matière de connaissances et d’expérience. Il y a deux façons d’attester que ces exigences sont remplies. Le fonctionnaire doit soit posséder le certificat de navigation approprié, soit détenir un diplôme universitaire et une vaste expérience du domaine. À l’audience, les parties ont expressément convenu avec moi que l’exigence relative à la vaste expérience s’applique exclusivement aux employés admissibles détenant un diplôme universitaire, puisqu’il faut déjà posséder une vaste expérience pour obtenir un certificat de navigation.

15 M. Michaud a déclaré que l’employeur décerne des certificats de navigation aux employés qui possèdent au moins 36 mois d’expérience en mer en plus de la formation nécessaire et qui ont réussi aux épreuves écrites et orales. Il a également expliqué que le fonctionnaire ne détient pas un certificat de navigation, mais un brevet d’aptitude, ce qui est tout à fait différent. J’accorde foi au témoignage de M. Michaud. J’ajouterais que le fonctionnaire ne détient pas un diplôme universitaire. Il détient plutôt un diplôme du Collège Algonquin. Cet établissement est un collège, ce n’est pas une université. C’est probablement un excellent collège, mais ce n’est pas une université comme l’exige l’appendice P de la convention collective.

16 Étant donné que le fonctionnaire ne détient pas un certificat de navigation ou un diplôme universitaire, il ne satisfait pas à la condition décrite à l’appendice P de la convention collective. Il s’ensuit que l’employeur n’a pas contrevenu à la convention collective en ne lui payant pas l’indemnité provisoire prévue à l’appendice P.

17 Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’examiner les positions des parties sur la nature continue du grief. Ma décision sur cette question serait purement théorique, car le fonctionnaire ne satisfaisait pas aux critères de l’appendice P de la convention collective lorsqu’il a présenté son grief; il n’y satisfaisait pas non plus lorsque j’ai instruit le grief le 2 juin 2011.

18 J’ai examiné la jurisprudence qui m’a été soumise par l’employeur. Ces décisions ne m’ont pas été utiles pour trancher le présent grief.

19 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

20 Le grief est rejeté.

Le 21 juin 2011.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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