Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le demandeur était un cadre supérieur dont les conditions d’emploi n’étaient pas régies par une convention collective ou une décision arbitrale - son employeur a décidé qu’il n’avait pas travaillé la période minimale exigée pour être admissible à la rémunération au rendement - après avoir été informé par un représentant de l’employeur qu’il ne pouvait pas déposer un grief, il a tenté en vain de faire réexaminer informellement la décision initiale - par la suite, il a déposé un grief pour contester la décision initiale - l’employeur a rejeté le grief à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs en soulevant qu’il était hors délai, mais s’est toutefois penché sur le fond du grief - étant donné que le grief ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage, le demandeur a demandé une prorogation du délai de présentation du grief car il souhaitait présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision prise par l’employeur au palier final de la procédure de règlement des griefs - le président a statué que le demandeur pouvait demander une prorogation du délai même si l’employeur avait déjà rendu sa décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs - cependant, le fait que le demandeur se soit fié à ses tentatives informelles de faire réexaminer la décision initiale n’excusait pas le non respect du délai de présentation d’un grief - de plus, sa décision de se fier aux représentations de l’employeur selon lesquelles il n’avait pas le droit de déposer un grief ne constituait pas une raison logique et convaincante justifiant son omission de déposer un grief dans le délai prévu. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-07-14
  • Dossier:  568-02-212
  • Référence:  2011 CRTFP 92

Devant le président


ENTRE

JEAN-CLAUDE BERTRAND

demandeur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

Répertorié
Bertrand c. Conseil du Trésor

Affaire concernant une demande de prorogation de délai visée à l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, vice-président

Pour le demandeur:
Lui-même

Pour le défendeur:
Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 14 janvier 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant le président

1 Jean-Claude Bertrand (le « demandeur ») a déposé une demande de prorogation de délai en vertu du paragraphe 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement ») dans le but de déposer un grief alléguant une violation de la Directive sur le Programme de gestion du rendement (PGR) pour les cadres supérieurs du Conseil du Trésor (la « Directive »).

2 Conformément à l’article 45 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, le président m’a autorisé, en ma qualité de vice-président, à exercer tous ses pouvoirs ou à m’acquitter de toutes ses fonctions en application de l’alinéa 61b) du Règlement pour entendre et trancher la demande de prorogation de délai qui m’a été soumise.

II. Résumé de la preuve

3 Le demandeur a travaillé pour la fonction publique fédérale pendant 25 ans. Il s’est joint au groupe Direction (le « groupe EX ») en décembre 2004, au ministère de la Justice. Par la suite, il a travaillé pour le Secteur des pensions et des avantages sociaux du Secrétariat du Conseil du Trésor (le « SCT »).

4 Le groupe EX est visé par un programme de gestion du rendement. En vertu de ce plan, la rémunération au rendement fait partie intégrante de l’ensemble de la rémunération. Les employés appartenant au groupe EX sont admissibles à un paiement forfaitaire « versé à titre de rémunération à risque ».

5 Le demandeur a touché une rémunération au rendement pour chacune des années financières allant de 2004-2005 à 2007-2008. En 2004-2005, il a touché une somme forfaitaire calculée au prorata parce qu’il n’avait fait partie du groupe EX que pendant cinq mois. En 2008, le demandeur a informé son superviseur qu’il avait l’intention de prendre sa retraite en août de la même année. En avril 2008, le demandeur a signé son accord de rendement et les objectifs de rendement fixés pour la prochaine année financière. Son superviseur savait qu’il prendrait sa retraite en août de cette même année.

6 Le demandeur a pris sa retraite le 20 août 2008. En juin 2009, son superviseur a évalué son rendement pour l’année financière 2008-2009 (pièce A-1, onglet 3). Son superviseur a indiqué qu’il avait atteint tous les objectifs énoncés dans l’accord de rendement.

7 Normalement, la rémunération au rendement pour l’année financière 2008-2009 aurait été versée en juin 2009. Le demandeur n’a pas reçu de notification l’informant des résultats de l’évaluation de son rendement ou lui indiquant qu’il toucherait une rémunération au rendement.

8 Le demandeur a appelé le SCT durant l’été 2009 après s’être rendu compte qu’il n’avait pas reçu d’avis. Il a parlé à la personne responsable des questions liées aux ressources humaines de son ancienne section, Kate Beauchamp. Elle l’a rappelé quelques jours plus tard pour l’informer que son nom ne figurait pas sur la liste des personnes qui devaient toucher une rémunération au rendement parce qu’il avait travaillé moins de six mois durant l’année financière 2008-2009. Après cette conversation téléphonique, Mme Beauchamp a parlé à un certain nombre de personnes au SCT au sujet de la Directive. Elle a rappelé le demandeur et lui a dit qu’il n’y avait aucune exception à la règle des six mois. Durant son témoignage, elle a affirmé qu’elle n’avait pas évoqué devant le demandeur la possibilité que la décision de lui refuser une rémunération au rendement ne soit pas définitive. Elle a précisé qu’elle lui avait dit qu’elle s’informerait davantage et que quelqu’un communiquerait avec lui. Elle a quitté le SCT en août 2009 et elle ne sait pas si quelqu’un d’autre a communiqué avec le demandeur à ce sujet.

9 Mme Beauchamp a témoigné qu’elle n’était pas une spécialiste des relations de travail et qu’elle n’aurait probablement pas dit au demandeur qu’il n’avait pas le droit de déposer un grief. Cependant, durant le contre-interrogatoire, elle a déclaré qu’elle ne se souvenait pas d’avoir dit quoi que ce soit au sujet du droit de déposer un grief.

10 Durant l’été 2009, le demandeur a également eu une conversation téléphonique avec une spécialiste en ressources humaines au SCT, Lyne Trépanier. Cette personne l’a informé que des lignes directrices internes avaient été émises qui exigeaient que les employés travaillent au moins six mois pour être admissibles à une rémunération au rendement. Le demandeur a témoigné qu’il lui avait demandé quels étaient ses possibles moyens de recours. Il a indiqué qu’ils avaient discuté de la procédure de règlement des griefs, mais qu’elle lui avait dit qu’il ne pouvait pas déposer un grief parce qu’il n’était plus un employé. Durant son témoignage, il a indiqué que la possibilité d’un recours à la Cour fédérale avait également été mentionnée durant l’entretien. Il a indiqué qu’elle lui avait dit que la question pouvait être soulevée aux fins de réexamen. Cette approche lui convenait. Elle lui a dit qu’elle communiquerait de nouveau avec lui, ce qu’elle n’a pas fait. Mme Trépanier n’a pas témoigné. Le demandeur a précisé qu’il avait essayé de communiquer avec elle mais qu’elle avait pris sa retraite de la fonction publique et que le SCT refusait de lui donner ses coordonnées.

11 Isabelle Grenier était responsable de la gestion des conditions d’emploi du groupe EX au SCT. Elle a témoigné qu’elle avait eu une conversation avec le demandeur durant l’été de 2009. Elle lui avait expliqué qu’il n’était pas admissible à une rémunération au rendement. Elle a indiqué lors de son témoignage qu’elle n’avait pas évoqué devant le demandeur la possibilité que la décision de lui refuser une rémunération au rendement ne soit pas définitive.

12 Le demandeur a témoigné qu’il avait communiqué avec l’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada (APEX). Il a également parlé à un certain nombre de personnes au sein du SCT. Personne n’a communiqué avec lui à la suite de ses demandes de clarification. Le 27 décembre 2009, il a reçu un courriel de Line Morin-Smith l’informant que W. Davern Jones, du bureau du sous-ministre adjoint, Secteur des pensions et des avantages sociaux, au SCT, l’appellerait pour fixer une rencontre (pièce A-1, onglet 7). Dans son courriel, Mme Morin-Smith mentionnait la procédure de règlement des griefs. Dans un courriel envoyé le 4 janvier 2010, elle a précisé qu’elle ne voulait pas laisser entendre que le demandeur avait déposé un grief mais simplement l’informer que M. Jones était la personne avec qui communiquer en ce qui à trait à un éventuel dépôt d’un grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs.

13 Le demandeur a témoigné qu’il devenait frustré par le fait qu’il n’arrivait pas à trouver quelqu’un avec qui s’asseoir pour discuter des importantes questions qu’il avait soulevées. Il a appelé le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») le 5 janvier 2010 et a appris qu’il pouvait déposer un grief. Il a témoigné qu’il s’agissait de la première fois qu’il réalisait qu’il pouvait déposer un grief pour contester la décision de lui refuser une rémunération au rendement.

14 Le 7 janvier 2010, le demandeur a déposé un grief. À titre de mesure de redressement, il a demandé qu’on lui verse une rémunération au rendement pour la période allant du 1er avril 2008 jusqu’à la date de sa retraite.

15 Selon le Règlement, un grief doit être déposé dans les 35 jours qui suivent la date à laquelle l’auteur du grief a eu connaissance des prétendus faits portant atteinte à ses conditions d’emploi (article 68).

16 Le demandeur a obtenu une décision au premier palier de la procédure de règlement des griefs le 3 février 2010 (pièce A-1, onglet 4), une décision au deuxième palier (aucune date, pièce A-1, onglet 5) et la décision au dernier palier le 22 avril 2010 (pièce A-1, onglet 6). À chaque palier, le grief était rejeté pour le motif qu’il était hors délai. Dans les décisions, on déclarait que le demandeur savait depuis août 2009 qu’il n’aurait pas droit à une rémunération au rendement. Chaque décision incluait des observations concernant les mérites de son grief. C’est la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs qui renfermait les commentaires les plus complets à cet égard :

[Traduction]

[…]

[…] la Directive sur le Programme de gestion du rendement pour les cadres supérieurs accorde à l’administrateur général de n’importe quel ministère ou organisme le pouvoir de fixer la période à laquelle s’applique une rémunération au rendement. Depuis de nombreuses années, le Secrétariat du Conseil du Trésor impose continuellement une période minimale de six (6) mois pour ce qui est de l’admissibilité à une rémunération au rendement. Il ne s’est jamais écarté de cette politique. Puisque vous n’aviez pas travaillé la période d’admissibilité nécessaire, qui était fixée à six (6) mois comme l’avait prescrit le secrétaire, vous n’aviez pas droit à une rémunération au rendement pour l’année financière 2008-2009.

[…]

17 Le 29 avril 2010, le demandeur a écrit au secrétaire du Conseil du Trésor pour l’informer de son intention de déposer la demande examinée ici et de soumettre une demande de contrôle judiciaire de la décision de lui refuser une rémunération au rendement (pièce A-1, onglet 10). Dans sa lettre, il alléguait que la Directive n’accordait aucunement le pouvoir de fixer une période minimale d’admissibilité de six mois. Il prétendait aussi que les périodes minimales variaient entre les ministères, ce qui était à la fois injuste et inéquitable.

18 Le 4 mai 2010, le demandeur a déposé la demande examinée ici auprès de la CRTFP. Il n’a pas déposé de demande de contrôle judiciaire.

19 Le 19 mai 2010, le demandeur a obtenu une réponse du secrétaire du Conseil du Trésor à sa lettre datée du 29 avril 2010 (pièce A-1, onglet 10). Dans la lettre du Conseil du Trésor, on décrit plus en détail les décisions prises dans le cadre de la procédure de règlement des griefs quant aux mérites du grief :

[Traduction]

[…]

[…] le point 2 de l’annexe A de la Directive sur le Programme de gestion du rendement pour les cadres supérieurs accorde à l’administrateur général de tout ministère ou organisme le pouvoir et la discrétion de décider de la période à laquelle s’applique une rémunération au rendement :

Pour être admissibles à une rémunération au rendement, les cadres supérieurs :

  • ont un accord de rendement valide et une évaluation du rendement par rapport à celle-ci;
  • ont travaillé à un poste assujetti au Programme de gestion du rendement (PGR) pour une durée que leur gestionnaire immédiat a jugée suffisante pour établir un accord de rendement valide et évaluer les résultats atteints par rapport à celle-ci. On recommande un minimum de trois (3) mois;
  • sont à l’effectif le 1er avril de l’année financière suivant l’année pour laquelle les primes de rendement sont envisagées (sauf dans certaines circonstances décrites dans le tableau ci-dessous).

Depuis de nombreuses années et de façon constante, le Secrétariat impose une période minimale de six (6) mois pour ce qui est de l’admissibilité à une rémunération au rendement. Il ne s’est jamais écarté de cette politique.

Puisque vous n’avez pas travaillé la période d’admissibilité nécessaire, qui est de six (6) mois tel que l’a prescrit le SCT, vous n’avez pas droit à une rémunération au rendement pour l’année financière 2008-2009.

[…]

20 Durant son témoignage, le demandeur a fait valoir que le refus de lui verser une rémunération au rendement constituait un préjudice financier pour lui et sa conjointe, puisque la rémunération au rendement est prise en considération aux fins du calcul de la pension.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le demandeur

21 Le demandeur a déclaré que le défendeur n’avait pas fourni de réponse raisonnable aux préoccupations qu’il avait soulevées. En particulier, le défendeur n’a fourni aucune preuve de son pouvoir de fixer l’admissibilité à une rémunération au rendement en exigeant qu’un employé travaille pendant six mois durant une année financière donnée. Le défendeur refuse au demandeur la possibilité de soumettre cette pratique à un contrôle judiciaire parce qu’il n’a pas traité son grief sur le fond. Le demandeur a précisé que la seule question qu’il pourrait soumettre à un contrôle judiciaire est celle concernant le respect du délai. Si la demande de prorogation du délai n’est pas accueillie, on permettra au défendeur de se dérober au mécanisme de réparation. L’omission de traiter le grief sur le fond constituait un abus de pouvoir.

22 Le retard relativement au dépôt du grief a été causé par le caractère erroné des renseignements fournis par le défendeur. Le demandeur a précisé qu’il avait fait preuve de diligence en faisant des démarches afin de connaître les options qui lui permettraient de régler la question. La seule raison pour laquelle il n’avait pas déposé de grief était la nature des renseignements qu’il avait reçus du défendeur. Il n’y a jamais eu de suggestion qu’il n’avait pas l’intention de poursuivre l’affaire.

23 Le demandeur a fait valoir que le délai relativement au dépôt de son grief était court et n’avait aucunement porté préjudice à l’employeur.

24 Selon le demandeur, étant donné que son grief n’était pas arbitrable aux termes de la LRTFP, une norme moins exigeante s’applique lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai (Rabah c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 101).

25 Il n’est pas nécessaire d’appliquer une importance égale à tous les facteurs énoncés pour accueillir une demande de prorogation de délai, (Thompson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CRTFP 59. En l’espèce, la question de l’équité est flagrante et c’est à cet aspect qu’il y a lieu d’accorder le plus de poids pour décider s’il faut accorder la prorogation de délai.

B. Pour le défendeur

26 Le demandeur savait déjà en juillet 2009 qu’il ne recevrait pas une rémunération au rendement. Pour contester formellement la décision de ne pas la lui verser, il était tenu de déposer un grief promptement. Il aurait pu déposer son grief et poursuivre ses efforts visant à défendre sa position.

27 La durée du délai était considérable (au moins cinq mois). De plus, le demandeur savait que son grief était hors délai en février 2010, et il a attendu une période additionnelle de trois mois avant de déposer la demande examinée ici.

28 La raison principale invoquée par le demandeur pour justifier son omission de déposer un grief dans le délai exigé était qu’il n’était pas au courant de ses droits et que le défendeur lui avait vraisemblablement fourni des renseignements erronés. Or, ses droits étaient faciles à vérifier, et cet argument ne constitue donc pas une raison logique et convaincante justifiant le délai (Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, aux paragraphes 76 et 77).

29 Le demandeur n’a pas prouvé qu’on lui avait dit qu’il ne pouvait pas déposer un grief. Subsidiairement, le demandeur est une personne avertie et il lui incombait de s’informer au sujet de ses droits. Il avait accès à des renseignements pertinents par l’intermédiaire de l’APEX.

30 De plus, le grief a très peu de chances de succès. Il y a lieu d’accorder un certain poids à cet aspect au moment de la décision (Sturdy c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2007 CRTFP 45, au paragraphe 16). Il est clair que le SCT avait adopté une règle de six mois pour le versement d’une rémunération au rendement. Selon Appleby-Ostroff c. Canada (Procureur général), 2010 CF 479, l’employeur a le droit de prendre une décision concernant les conditions d’emploi qui s’écarte d’une politique écrite (paragraphe 68).

C. Réfutation du demandeur

31 Le demandeur a précisé que l’explication fournie par Mme Trépanier concernant la raison pour laquelle il ne pouvait pas déposer un grief semblait raisonnable à l’époque. Il n’était pas familier avec la procédure de règlement des griefs.

32 Il n’y a aucune obligation de déposer immédiatement une demande de prorogation de délai. L’obligation d’en déposer une survient uniquement une fois la procédure de règlement des griefs terminée.

IV. Motifs

33 Le demandeur et le défendeur s’entendent sur un point, à savoir que le refus de verser une rémunération au rendement à un employé qui fait partie du groupe EX ne peut être soumis à l’arbitrage aux termes de la LRTFP. Cette demande que j’ai devant moi se limite à une prorogation du délai de déposer un grief.

34 Même si le défendeur a rejeté le grief pour cause de non-respect du délai, il en a également examiné le fond. Par conséquent, il est difficile de comprendre le point soulevé par le demandeur lorsqu’il demande une prorogation du délai. Même si le défendeur n’a pas répondu à tous les arguments formulés par le demandeur (contestant notamment son pouvoir de changer la période minimale recommandée de trois à six mois), il n’est pas obligé de le faire lorsqu’il répond au fond d’un grief.

35 Le demandeur maintient qu’une prorogation de délai est nécessaire pour lui permettre de soumettre à un contrôle judiciaire le refus de lui verser une rémunération au rendement. À mon avis, il ne s’agit pas d’un motif suffisant pour justifier l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation du délai, pour les raisons que j’expose ci-dessous.

36 En juillet 2009, Mme Beauchamp a informé le demandeur de la raison pour laquelle il ne recevrait pas de rémunération au rendement. Mme Grenier lui a également parlé durant l’été pour l’informer qu’il n’était pas admissible à une rémunération au rendement. Le demandeur a également discuté de la procédure de règlement des griefs avec Mme Trépanier durant l’été. Par conséquent, la période qu’il a attendu pour déposer un grief est d’environ quatre à cinq mois.

37 Je suis d’accord avec le demandeur qu’il n’y a aucune obligation de déposer une demande de prorogation de délai avant la fin de la procédure de règlement des griefs. La raison en est que l’employeur peut renoncer à soulever la question du respect du délai à n’importe quel palier de la procédure de règlement des griefs.

38 Dans Schenkman (au paragraphe 75), les critères qu’il faut prendre en compte pour déterminer s’il convient de proroger un délai sont les suivants :

[…]

  • le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;
  • la durée du retard;
  • la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;
  • l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;
  • les chances de succès du grief.

39 Le demandeur a fourni deux motifs pour justifier le délai dans le dépôt du grief. Premièrement, il attendait toujours de recevoir une réponse du défendeur concernant un nouvel examen de son admissibilité à une rémunération au rendement et, deuxièmement, un représentant du défendeur lui avait dit qu’il ne pouvait pas déposer de grief.

40 La décision de ne pas lui accorder une rémunération au rendement a été communiquée clairement au demandeur durant l’été de 2009. On l’a également informé de la règle des six mois à l’époque. Il s’agit là du moment où il aurait dû déposer son grief. Même si on lui a dit que quelqu’un communiquerait avec lui, selon la prépondérance des probabilités, on ne lui a jamais dit que le refus de lui verser une rémunération au rendement n’était pas définitif. La décision de ne pas lui verser une rémunération au rendement lui a été communiquée clairement, et une vague promesse de réexaminer la question ne suspend pas la décision initiale. Le fait que le demandeur a demandé quels étaient ses recours au moment de la discussion avec un représentant du défendeur durant l’été de 2009 montre qu’il réalisait que la décision de ne pas lui verser une rémunération au rendement avait été prise.

41 Le demandeur a déclaré qu’il se fiait à la déclaration de Mme Trépanier selon laquelle il n’avait pas le droit de déposer un grief. Le fait de se fier à une déclaration faite par l’employeur ne constitue pas une raison logique et convaincante justifiant l’omission de déposer un grief dans le délai prévu (Schenkman, au paragraphe 77).

42 En l’absence d’une raison logique et convaincante justifiant le délai du dépôt d’un grief, il n’est pas nécessaire pour moi d’évaluer les autres facteurs.

43 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

44 La demande est rejetée.

Le 14 juillet 2011.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
vice-président

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