Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Vingt-trois plaignants ont formulé des allégations d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé dans le cadre d’un processus non annoncé pour la dotation de 21 postes à durée déterminée. Selon les plaignants, l’intimé aurait appliqué de façon abusive les dispositions de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) concernant les nominations en effectuant des nominations au lieu de reclassifier les postes CAI-02 au niveau CAI-03 afin d’éviter les coûts associés au processus de reclassification. Ils ont soutenu d’autre part que c’était de l’abus de pouvoir de la part de l’intimé que de choisir un processus de nomination non annoncé, tout en ajoutant que l’une des qualifications essentielles relatives à l’expérience était artificielle et arbitraire dans la mesure où elle n’avait aucun lien avec la norme de classification du groupe Navigation aérienne. Décision Le Tribunal a jugé que l’intimé n’avait pas fait preuve d’abus de pouvoir en effectuant des nominations aux termes de la LEFP. La reclassification touche uniquement les postes et ne constitue pas une nomination ni ne permet de remplacer la nomination d’une personne en vertu de la LEFP. Peu importe que le poste soit nouveau ou reclassifié, une nomination doit être effectuée en vertu de la LEFP si le poste doit être doté ou si le groupe et le niveau du titulaire doivent être changés. Le Tribunal a estimé que les éléments de preuve dont il disposait ne démontraient pas une utilisation abusive du système de classification en ce qui concerne les nominations effectuées. Le Tribunal a conclu par ailleurs que ce n’était pas un abus de pouvoir de la part de l’intimé que d’avoir choisi des processus non annoncés et pris en considération la candidature d’une seule personne pour chaque nomination. L’intimé a publié des notifications afin de s’assurer que les employés étaient informés de la décision de nomination; des mesures particulières ont été prises pour communiquer avec les employés à ce propos. Dans une plainte présentée en vertu de l’article 77 de la LEFP, le Tribunal est compétent pour examiner une allégation selon laquelle une qualification essentielle ne respecte ni ne dépasse la norme de qualification applicable établie par l’employeur. Il n’appartenait pas au Tribunal de trancher la question de savoir si l’intimé a respecté ou non les normes de classification de l’employeur. Le Tribunal a estimé que la qualification essentielle en l’espèce dépassait la norme de qualification et respectait la LEFP. La qualification en cause n’était pas arbitraire; elle décrivait précisément le travail exigé des personnes nommées, et exécuté par elles. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

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Dossier :
2008-0236, 0244-0246, 0250-0256, 0258-0263, 0269, 0270, 0276, 0277, 0279, 0280, 0282, 0288, 0291, 0292, 0294, 0295, 0297, 0298, 0300-0320, 0322-0338, 0342-0344, 0346-0354, 0356-0360, 0370-0378, 0414
Décision
rendue à :

Ottawa, le 28 juin 2011

MED VELASCO
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu des articles 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Merri Beattie, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertorié :
Velasco c. le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Référence neutre :
2011 TDFP 0017

Motifs de décision


Introduction


1 En avril 2008, au terme d'un processus non annoncé 21 personnes ont été nommées à des postes à durée déterminée aux groupe et niveau AO-CAI-03, dans cinq bureaux régionaux de la Direction de l'aviation civile au sein du ministère des Transports. Avant leur nomination, les 21 personnes occupaient des postes AO-CAI-02 identiques à ceux qu'occupaient les 23 personnes qui ont déposé plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) au sujet de ces nominations.

2 Les plaintes en question sont regroupées sous l'intitulé Med Velasco. Outre M. Velasco, les plaignants en l'espèce sont les suivants : Robert Hewitt, Kenton McAffer, William Moyse, David Smith, Jeffrey Calvert, Calvin Winter, Roger LeBlanc, Shawn McIntyre, David Parkes, Paul Risk, Harry Wray, Lenora Crane, Edward Rinn, Kirk MacNeil, Clifford Miskey, Glen Blachford, Gordon Manuel, Joseph Gaudry, Richard Gagnon, Myles Cleaver, Shona Hirota et Normand Audet.

3 Les plaignants soutiennent qu'en réalité, aucune nomination n'a été effectuée : l'intimé savait qu'il s'agissait de reclassifications, mais il a plutôt procédé à des nominations en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) afin d'éviter les coûts associés à la reclassification de nombreux postes. Ils affirment que le fait de ne prendre en considération qu'une seule personne pour chaque nomination constituait un abus de pouvoir. Ils soutiennent également que l'une des qualifications essentielles relative à l'expérience a été établie de façon arbitraire étant donné qu'elle n'a aucun lien avec la norme de classification du groupe Navigation aérienne (AO).

4 En l'espèce, l'intimé est le sous-ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités. Il nie avoir abusé de son pouvoir dans le choix d'un processus non annoncé ou dans la façon de procéder à ces nominations. Il affirme que les questions de classification soulevées par les plaignants ne relèvent pas d'une plainte présentée en vertu de l'article 77 de la LEFP. Il ajoute que la qualification essentielle relative à l'expérience n'a pas été choisie de façon arbitraire; elle découlait de l'énoncé des travaux figurant dans la description de travail AO-CAI-03.

5 La Commission de la fonction publique (CFP) accepte la position de l'intimé en ce qui concerne les questions de classification. Elle soutient que les activités de classification sont régies par la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11(LGFP), tandis que les nominations ainsi que le mandat du Tribunal, qui consiste à instruire les plaintes d'abus de pouvoir, sont régis par la LEFP. La CFP affirme que ces pouvoirs, de même que les mécanismes de recours qui y sont associés, doivent demeurer distincts.

Contexte


6 La Division de l'aviation commerciale et d'affaires, Direction de l'aviation civile, s'occupe de l'inspection des exploitants aériens commerciaux au Canada. Pendant de nombreuses années, dans les bureaux régionaux, ces tâches ont relevé des postes d'inspecteurs régionaux, aux groupe et niveau AO-CAI-02 (CAI-02).

7 En 2003, deux inspecteurs régionaux ont déposé un grief au sujet du contenu de leur description de travail. Étant donné l'issue du processus de grief, qui a duré plusieurs années, l'intimé a reconnu que les plaignants étaient responsables de l'inspection des grands exploitants aériens ainsi que des gros aéronefs, et une nouvelle description de travail a été rédigée de façon à faire état de ces tâches. Celles-ci ont été classifiées aux groupe et niveau AO-CAI-03 et ont été définies sous le titre d'inspecteur régional/inspectrice régionale, Aviation commerciale et d'affaires (gros aéronefs).

8 Au cours du processus de grief, le Projet national de mise en œuvre de la transition organisationnelle (PNMOTO) a été lancé. Le PNMOTO, qui était toujours en cours au moment de la présente audience, constitue un important examen de la structure de la Direction de l'aviation civile; de nouvelles descriptions de travail seront rédigées pour tous les postes.

9 Une fois le processus de grief terminé, l'intimé a examiné le travail d'inspection dans toutes les régions et a recensé 19 autres inspecteurs régionaux qui inspectaient des grands exploitants aériens ainsi que des gros aéronefs. L'intimé a établi 21 nouveaux postes AO-CAI-03 (CAI-03) et a nommé les 21 inspecteurs régionaux concernés au moyen de processus de nomination non annoncés. Ce sont ces nominations qui sont en cause, en l'espèce.

10 Étant donné que le PNMOTO était toujours en cours, l'intimé a décidé de faire des CAI-03 des postes à durée déterminée, en attendant l'issue du projet. Les 21 nominations à durée déterminée portaient sur la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2010. L'intimé a permis aux personnes concernées de conserver leur statut d'employé nommé pour une période indéterminée ainsi que leurs droits et avantages sociaux connexes. L'intimé a également pris des mesures administratives pour indemniser de façon rétroactive les personnes nommées pour le travail qu'elles avaient accompli aux groupe et niveau CAI-03 avant d'être nommées à ce poste.

11 Les 23 plaignants sont tous des inspecteurs régionaux occupant un poste CAI-02 et qui n'ont pas fait l'objet d'une nomination ou d'une proposition de nomination au niveau CAI-03. Chaque plaignant a présenté plusieurs plaintes au Tribunal en réponse aux diverses notifications de nomination ou de proposition de nomination (avis) qui ont été publiées au sujet des 21 nominations non annoncées. Dans tous les cas, il s'agit de plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'article 77 de la LEFP. Dans une décision-lettre datée du 17 juin 2008, le Tribunal a procédé à la jonction de 96 plaintes dans la présente affaire, conformément à l'article 8 du Règlement sur le Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6.

Questions en litige


12 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en effectuant des nominations en vertu de la LEFP?
  2. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en optant pour des processus de nomination non annoncés?
  3. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en établissant l'une des qualifications essentielles?

Dispositions législatives pertinentes


13 L'article 88(2) de la LEFP établit le mandat du Tribunal et, plus particulièrement, son mandat d'instruire les plaintes d'abus de pouvoir présentées en vertu de l'article 77 de la LEFP : « Le Tribunal a pour mission d'instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) ou des articles 74, 77 ou 83 et de statuer sur elles. »

14 En l'espèce, les plaintes ont été présentées en vertu des articles 77(1)a) et 77(1)b) de la LEFP, qui établissent les circonstances et les motifs relatifs à la présentation d'une plainte au sujet d'un processus de nomination interne et qui indiquent les critères liés à une nomination fondée sur le mérite en vertu de l'article 30(2) de la LEFP. Ces dispositions doivent être lues en parallèle.

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d'un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n'a pas été nommée ou fait l'objet d'une proposition de nomination pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l'administrateur général dans l'exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu'elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

[…]

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies:

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l'administrateur général pour le travail à accomplir;

[…]

15 L'article 31 énonce une condition – pertinente en l'espèce – par rapport aux qualifications établies en vertu de l'article 30(2).

31. (1) L'employeur peut fixer des normes de qualification, notamment en matière d'instruction, de connaissances, d'expérience, d'attestation professionnelle ou de langue, nécessaires ou souhaitables à son avis du fait de la nature du travail à accomplir et des besoins actuels et futurs de la fonction publique.

(2) Les qualifications mentionnées à l'alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i) doivent respecter ou dépasser les normes de qualification applicables établies par l'employeur en vertu du paragraphe (1).

Analyse


16 En l'espèce, les plaintes portent principalement sur deux décisions relatives à la classification. La première est la décision de l'intimé selon laquelle les postes CAI-03 constituent de nouveaux postes plutôt que des postes existants faisant l'objet d'une reclassification. La deuxième se rapporte au contenu de la description de travail du poste CAI-03, en particulier la distinction entre les postes CAI-03 et les postes CAI-02 effectuée par l'intimé. Les plaignants n'ont pas expliqué les concepts qui sous-tendent leurs arguments, soit ce qu'ils entendent par « reclassification » et « nouveau poste ».

17 Les dispositions de la LEFP autorisent clairement le Tribunal à instruire les plaintes liées à la façon de mener un processus de nomination et aux nominations qui en découlent. Le mandat du Tribunal ne comprend pas l'examen des questions liées à la classification ni le traitement de celles-ci, qui relèvent de l'article 11.1b) de la LGFP (voir la décision Rinn c. Sous-ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 0044 (Rinn)).

18 Le fait que le Tribunal n'a pas compétence pour examiner les questions relatives à la classification ne l'empêche toutefois pas d'examiner les éléments de preuve liés à la classification, dans la mesure où ces éléments de preuve se rapportent à un abus de pouvoir dans un processus de nomination. Dans la décision Rinn, le Tribunal a examiné une plainte concernant une nomination intérimaire à un poste temporaire qui avait été créé à des fins d'intérim (poste en attente). Dans cette affaire, le plaignant avait contesté la classification du poste en attente et avait soutenu que les qualifications utilisées dans le processus de nomination ne respectaient pas la norme de classification. Le Tribunal avait indiqué qu'il ne pouvait se prononcer sur la question de savoir si l'intimé avait respecté ou non la norme de classification. Il avait toutefois fourni un cadre pour l'examen d'une qualification essentielle en vertu des articles 30(2) et 31(2) de la LEFP. Plus récemment, dans la décision Beyak c. Sous-Ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 0035 (Beyak), le Tribunal a examiné des éléments de preuve liés à la classification et qui se rapportaient à une allégation de favoritisme personnel.

19 Au paragraphe 55 de la décision Kilbray et Wersch c. le Procureur général du Canada et la Commission de la fonction publique du Canada, 2009 CF 390 (Kilbray), la Cour fédérale a accueilli favorablement l'approche adoptée par le Tribunal dans la décision Rinn et a fait remarquer que ni le Tribunal ni la Cour ne sont habilités à déterminer si un poste est classifié adéquatement au moment d'une révision judiciaire.

20 Par conséquent, il n'appartient pas au Tribunal de déterminer si la classification a été effectuée de façon appropriée, mais il doit examiner les éléments de preuve pertinents dans le contexte de la plainte présentée en vertu de l'article 77 de la LEFP.

Question I :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en effectuant des nominations en vertu de la LEFP?

21 Les plaignants soutiennent que le fait d'utiliser les dispositions de la LEFP concernant les nominations à des fins autres que celles qui sont visées par la loi constitue un abus de pouvoir. Ils affirment qu'en l'espèce, l'intimé a utilisé de façon abusive les dispositions de la LEFP concernant les nominations en effectuant des nominations au lieu de reclassifier les postes CAI-02 au niveau CAI-03. Les plaignants déclarent qu'aucune nomination n'était nécessaire et qu'aucune nomination n'a réellement été effectuée, étant donné qu'il ne s'agissait pas de nouveaux postes assortis de nouvelles tâches.

22 L'intimé fait valoir que l'argumentation des plaignants est fondée sur un idée fausse selon laquelle la reclassification peut remplacer une nomination. Il soutient que peu importe qu'il s'agisse d'un poste reclassifié ou d'un nouveau poste, il faut effectuer une nomination en vertu de la LEFP. Il ajoute que le Tribunal n'a pas compétence pour trancher les questions liées à la classification et qu'il ne peut donc pas déterminer si un poste est nouveau ou s'il s'agit de la reclassification d'un poste existant.

23 La CFP accepte la position de l'intimé selon laquelle la reclassification ne peut remplacer une nomination et convient, par conséquent, qu'un processus de nomination ne peut être utilisé pour éviter une reclassification. La CFP affirme que ni la LEFP, ni le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334, ni les lignes directrices de la CFP n'exigent la création d'un nouveau poste avant qu'une nomination soit effectuée.

24 Il n'est pas question de la reclassification dans la LEFP. La reclassification est un terme associé au système de classement des postes à la fonction publique (système de classification). Ce système est régi par la Politique sur le système de classification et la délégation de pouvoir (politique sur la classification), qui autorise les administrateurs généraux à classifier les postes au sein de leur organisation conformément à la politique et aux lignes directrices du Conseil du Trésor publiées par le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) – voir la décision Rinn.

25 Les lignes directrices du AO sur la reclassification établissent qu'il y a reclassification lorsque l'évaluation de la description de travail d'un poste donne lieu à une modification du groupe professionnel et/ou du niveau en raison de changements importants aux tâches qui s'y rapportent. Les lignes directrices orientent les gestionnaires dans la décision d'établir un nouveau poste ou d'attribuer les tâches à des postes existants, s'il y a lieu, et de prendre la mesure de dotation appropriée.

26 La reclassification touche uniquement les postes et ne constitue pas une nomination ni ne permet de remplacer la nomination d'une personne en vertu de la LEFP. Peu importe que le poste soit nouveau ou reclassifié, une nomination doit être effectuée en vertu de la LEFP si le poste doit être doté ou si le groupe et le niveau du titulaire doivent être changés.

27 Les lignes directrices du SCT sur la reclassification régissent les situations telles que celle en l'espèce, où plusieurs postes sont visés par la même description de travail. Selon les lignes directrices, les gestionnaires délégataires doivent déterminer si la modification des tâches s'applique à tous les postes ou seulement à certains de ceux-ci; si les modifications ne s'appliquent qu'à certains postes, il n'est pas possible d'effectuer une reclassification et il faut créer de nouveaux postes plutôt que de reclassifier les postes existants. Par conséquent, le Tribunal conclut que si l'intimé avait établi que les tâches du poste CAI-03 s'appliquaient à tous les postes CAI-02, il aurait été possible de reclassifer tous les postes CAI-02.

28 Ainsi, le Tribunal conclut que l'argumentation des plaignants selon laquelle il s'agissait d'une reclassification signifie que si les postes des personnes nommées avaient été reclassifiés, tous les postes CAI-02 auraient été reclassifiés au niveau CAI-03. Les plaignants n'ont revendiqué aucun des 21 postes qui ont été dotés. Ils affirment que leurs postes auraient dû être reclassifiés au niveau CAI-03 en plus de ceux des personnes nommées et non au lieu de ceux-ci. Étant donné que les postes reclassifiés doivent faire l'objet de nomination en vertu de la LEFP, les plaignants soutiennent essentiellement qu'ils auraient également dû être nommés au niveau CAI-03.

29 Cette argumentation est très différente de celle qui a été examinée par la Cour d'appel fédérale dans la décision Kane c. le Procureur général du Canada et la Commission de la fonction publique, 2011 CAF 19 (demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada en cours). Après l'examen de la décision Kane rendue par le Tribunal, la Cour d'appel fédérale a conclu que le Tribunal n'avait pas examiné l'argumentation du plaignant selon laquelle il s'était vu refuser une nomination parce que quelqu'un d'autre avait été nommé à son poste qui avait été reclassifié.

30 Le mandat du Tribunal consiste à examiner les nominations qui ont été effectuées ou proposées. Même si les plaignants ont fait valoir que les 21 nominations devraient être révoquées, aucune de ces nominations n'est vraiment en cause. Selon le scénario de reclassification proposé par les plaignants, les 21 nominations seraient conservées et les plaignants pourraient être nommés en plus de ces personnes et non au lieu de celles-ci.

31 Les éléments de preuve en l'espèce démontrent que deux griefs portant sur la description de travail ont donné lieu à une nouvelle description de travail pour le poste CAI-03, qui a été appliquée aux deux personnes ayant formulé le grief. Par la suite, l'intimé a examiné le travail de tous les inspecteurs régionaux et a conclu qu'une nouvelle description de travail s'appliquait à certains d'entre eux, mais pas à tous. Cette situation est précisément abordée dans les lignes directrices du SCT sur la reclassification.

32 Les plaignants soutiennent que l'intimé a manipulé le système de classification afin d'éviter d'avoir à reclassifier tous les postes CAI-02. À l'appui de leur argumentation, les plaignants ont déposé en preuve un courriel daté du 19 juin 2007 et rédigé par Robert Sincennes, directeur des services de gestion, Aviation civile. Plus précisément, ils ont porté à l'attention du Tribunal deux déclarations figurant dans le courriel qui, à leur avis, démontrent que l'intimé souhaitait limiter le nombre de postes CAI-03 et de nominations.

33 M. Sincennes n'a pas comparu devant le Tribunal. Jennifer Taylor, directrice des opérations nationales, Aviation civile, a été appelée à témoigner par l'intimé. Elle a expliqué que M. Sincennes s'était vu confier la responsabilité de gérer la mise en œuvre nationale de la décision relative au grief dans le cadre d'un projet. Le courriel du 19 juin constitue une mise à jour concernant le projet à l'intention de Merlin Preuss, directeur général, Aviation civile.

34 Le Tribunal ne peut souscrire à l'affirmation des plaignants selon laquelle les déclarations qui figurent dans le courriel démontrent l'existence d'un motif illégitime ou l'utilisation inappropriée du système de classification. Après l'introduction, le courriel de M. Sincennes compte huit points, énumérés ci-après. Les deux déclarations relevées par les plaignants ont été mises en évidence en caractères gras.

  1. La question de la classification des postes CAI (gros aéronefs) a été réexaminée en raison d'un grief présenté par deux titulaires de postes CAI dans la région du Pacifique.
  2. Résultat du grief : deux titulaires de poste CAI-02 ont démontré qu'ils accomplissaient les tâches associées au poste CAI-03 […]
  3. Solution : une nouvelle description de travail pour le poste CAI-03 a été élaborée par l'administration centrale aux fins d'utilisation par les bureaux régionaux dans le cas de ces personnes.
  4. Compte tenu de la nature générique du travail des CAI, il n'est ni pratique ni possible de procéder à une reclassification compte tenu de son incidence à l'échelle nationale.
  5. Le processus de règlement de grief fournit également des critères pour l'examen d'autres questions semblables à l'échelle du pays.
  6. La décision d'identifier ces personnes plutôt que de mener un processus de grief a été acceptée par les Ressources humaines et l'Aviation civile.
  7. L'appui des Ressources humaines a été sollicité en vue d'élaborer la meilleure stratégie de mise en œuvre possible (c.-à-d. la solution comportant le moins de risques).
  8. Une approche en deux étapes a été élaborée (les décisions relatives au grief ont servi de points de référence) :
    • 1- identifier les personnes touchées
    • 2- déterminer la durée d'occupation du poste (période d'emploi continue).

[traduction]

[Les numéros et les caractères gras ont été ajoutés de façon à relever les passages signalés par les plaignants.]

35 Les points un à trois, cinq, six et huit sont des déclarations factuelles qui concordent avec le témoignage de Rawan El-Komos, chef, Dotation ministérielle et programmes de perfectionnement, qui a été appelée à témoigner par l'intimé. Les plaignants ne contestent pas ces points.

36 Comme il a été mentionné précédemment, les lignes directrices du SCT sur la reclassification régissent les situations telles que celle en l'espèce, où plusieurs postes font l'objet d'une même description de travail et où des modifications sont apportées aux tâches de certains d'entre eux seulement. Selon les lignes directrices, dans ces circonstances, il n'est pas possible d'effectuer une reclassification et il faut créer de nouveaux postes plutôt que de reclassifier les postes existants. La déclaration de M. Sincennes au point 4 ne démontre pas que l'intimé souhaitait éviter une reclassification. Dans les circonstances, la reclassification ne pouvait être utilisée, et le Tribunal estime que la déclaration fait simplement état de ce fait.

37 Les plaignants affirment que la solution comportant peu de risques mentionnée au point 7 démontre que l'intimé voulait éviter les coûts associés à une reclassification de tous les postes CAI-02.

38 Même si l'intimé n'a fourni aucune explication précise au sujet de cette déclaration, le Tribunal estime qu'il ne s'agit là que d'une affirmation formulée par les plaignants, sans preuve à l'appui. Tout d'abord, les plaignants n'ont pas établi que l'intimé souhaitait limiter le nombre de postes CAI-03 ou qu'il serait inapproprié de le faire. Ensuite, la déclaration de M. Sincennes ne fait pas référence aux coûts et, même si c'était le cas, les plaignants n'ont pas établi que la gestion des coûts est une mesure inappropriée.

39 Le Tribunal juge que l'intimé n'a pas utilisé de façon abusive les dispositions de la LEFP sur les nominations. Peu importe que les postes CAI-03 aient été de nouveaux postes ou des postes reclassifiés, il était nécessaire d'effectuer des nominations en vertu de la LEFP. Le Tribunal constate que les éléments de preuve dont il dispose ne démontrent pas qu'il y a eu utilisation abusive du système de classification en ce qui concerne les nominations effectuées. Les plaignants n'ont pas démontré que l'intimé a abusé de son pouvoir en effectuant ces nominations en vertu de la LEFP.

Question II :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en optant pour des processus de nomination non annoncés?

40 L'article 77(1)b) de la LEFP stipule qu'une plainte peut être déposée au motif que l'intimé a abusé de son pouvoir dans le choix d'un processus de nomination annoncé ou non annoncé. Les plaignants n'ont pas fait valoir cette argumentation. Ils soutiennent que le fait d'effectuer des nominations non annoncées plutôt que des reclassifications constituait un abus de pouvoir. Cette question a déjà été abordée en l'espèce.

41 Néanmoins, dans son témoignage, M. Rinn a indiqué que l'utilisation de processus non annoncés ne lui a pas permis d'être pris en compte pour une nomination au niveau CAI-03. Toutefois, en vertu de la LEFP, la nature même d'un processus de nomination non annoncé est telle que les individus ne sont pas invités à y postuler. Par conséquent, sans autre explication, cette seule déclaration en l'espèce ne permet pas d'établir qu'il y a eu abus de pouvoir. (Voir Rozka c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 0046.)

42 Les plaignants affirment qu'en optant pour des processus de nomination non annoncés, l'intimé a abusé de son pouvoir de deux façons : il n'a pas fait preuve de transparence et il a adopté une politique stricte en ne prenant en considération qu'une seule personne pour chacune des nominations.

43 En ce qui concerne la transparence, les plaignants soutiennent que l'intimé a dissimulé la raison pour laquelle il a effectué ces nominations qui, selon eux, visaient à éviter une reclassification. Ils ajoutent que cette information a été dissimulée dans un plan de communication élaboré par l'intimé, dans les justifications qu'il a préparées pour chacune des nominations ainsi que dans la réponse aux allégations des plaignants qu'il a présentée au Tribunal.

44 Le Tribunal a déjà établi que peu importe qu'il s'agisse de postes nouveaux ou reclassifiés, il était nécessaire d'effectuer des nominations. La conclusion selon laquelle il s'agissait de nouveaux postes a été tirée au nom du Conseil du Trésor, l'employeur, conformément à ses politiques et à ses lignes directrices, établies par le SCT au nom de l'employeur. Les plaignants n'ont pas établi que l'employeur a évité de reclassifier des postes CAI-02 ou qu'il avait un motif illégitime d'agir ainsi. Le Tribunal examinera la question de savoir si l'intimé a fait preuve de transparence lorsqu'il a opté pour des processus non annoncés.

45 Les éléments de preuve incontestés qui ont été présentés à l'audience montrent que ces nominations constituaient les mesures finales prises par l'intimé une fois les griefs relatifs à la description de travail avaient été accueillis. Les éléments de preuve démontrent que deux inspecteurs régionaux occupant un poste CAI-02 ont présenté des griefs et réussi à établir qu'ils inspectaient des grands exploitants aériens ainsi que des gros aéronefs (tâches liées aux gros aéronefs). Par conséquent, l'intimé a rédigé une nouvelle description de travail qui a été examinée et classifiée au groupe et au niveau AO-CAI-03. L'intimé a ensuite examiné le travail d'inspection effectué dans toutes les régions et a recensé 19 autres inspecteurs régionaux qui accomplissaient des tâches liées aux gros aéronefs. De nouveaux postes d'inspecteurs régionaux, Aviation commerciale et d'affaires (CAI-03), ont été créés, et chacun des 21 inspecteurs recensés a été nommé au moyen d'un processus non annoncé.

46 Dans sa réponse aux allégations des plaignants présentée en l'espèce, l'intimé a associé les nouveaux postes CAI-03 au PNMOTO. Cependant, les témoins de l'intimé ont reconnu que les nouveaux postes et les nominations subséquentes n'étaient pas liés au PNMOTO, mais découlaient plutôt directement des griefs. La réponse de l'intimé concernant les allégations des plaignants est quelque peu préoccupante. Elle est, à tout le moins, inexacte. Néanmoins, le Tribunal est convaincu que l'intimé a fait preuve de transparence par rapport aux raisons justifiant l'utilisation de processus de nomination non annoncés, avant et pendant le déroulement des opérations.

47 Un exemple de justification a été déposé en preuve lors du témoignage de Mme El-Komos. Cette dernière a indiqué que l'exemple de justification est représentatif de l'ensemble des 21 justifications rédigées.

48 Les gestionnaires régionaux avaient reçu un modèle pour rédiger une justification concernant chacune des nominations qui avaient été faites sous leur responsabilité. Mme El-Komos a expliqué que le modèle énumère les divers critères qui ont été établis pour l'utilisation de processus de nomination non annoncés à Transports Canada. Elle a mentionné que les critères appliqués aux nominations en question ont été déterminés par la direction de l'Aviation civile à l'aide de conseils formulés par les Ressources humaines. Selon la justification, ces nominations ont été effectuées à l'issue de processus non annoncés parce que le groupe AO-CAI constitue un groupe en pénurie et que les personnes nommées à ce groupe doivent posséder des compétences hautement spécialisées. Mme El-Komos a affirmé que le terme « pénurie » se rapporte à la disponibilité sur le marché du travail ou aux problèmes de recrutement de personnel et de maintien en poste. Elle a également mentionné que le travail d'inspection d'aéronefs est hautement spécialisé, surtout le travail associé à des appareils spécifiques.

49 Le Tribunal accepte l'explication de l'intimé selon laquelle le groupe AO-CAI est un groupe qui nécessite des employés possédant des compétences hautement spécialisées et que ce type d'employés se fait rare sur le marché du travail. Toutefois, les critères dans la justification n'expliquent pas la véritable raison motivant ces nominations non annoncées qui consistait à faire correspondre le niveau du poste des personnes nommées avec les tâches réelles, à la suite d'une décision relative à un grief. Même si seulement deux des personnes nommées avaient présenté un grief relativement à la description de travail, les 21 nominations ont été effectuées lorsque la décision relative au grief a été appliquée dans des circonstances identiques à l'échelle nationale. Néanmoins, dans l'ensemble, les renseignements figurant dans la justification sont instructifs et exacts.

50 Selon la justification, l'information concernant ces nominations avait été communiquée à tous les employés de la Direction de l'aviation civile; toutefois, M. Rinn a indiqué qu'il avait appris l'existence des nominations uniquement lorsque les avis avaient été publiés au début de mai 2008. Mme El-Komos a mentionné qu'elle ne pouvait témoigner au sujet de ce que les autres personnes savaient ni du moment où elles avaient obtenu cette information. Elle n'a participé à aucune des réunions des employés régionaux. Cependant, elle a mentionné qu'elle avait fourni de l'information aux gestionnaires, qu'elle avait vu l'information qui leur avait été communiquée et qu'elle avait reçu des mises à jour de leur part au sujet des séances d'information à l'intention du personnel, conformément au plan de communication.

51 Le plan visant à communiquer les décisions de l'intimé au sujet des nouveaux postes CAI-03 a été présenté au Tribunal avec le consentement des parties. L'objectif formulé dans le plan de communication consistait à fournir de l'information sur les antécédents qui avaient mené à la création et à l'entrée en vigueur de nouvelles descriptions de travail. L'information s'adressait aux gestionnaires régionaux, aux inspecteurs de l'aviation commerciale et d'affaires ainsi qu'à l'agent négociateur, l'Association des pilotes fédéraux du Canada (APFC). Il est indiqué dans le plan que les gestionnaires et les directeurs régionaux devaient communiquer les renseignements de base aux inspecteurs sous leur responsabilité et que l'APFC avait été informée. M. Holbrook, président de l'APFC, a confirmé dans son témoignage qu'il avait été informé de la situation le 6 mars 2008. Il a précisé que l'information qu'il avait reçue lors de la réunion était la même que celle qui figurait dans le plan de communication qu'il avait obtenu peu de temps après.

52 Le déroulement des événements à la suite des griefs qui ont mené aux nominations figure dans le plan de communication ainsi que dans la justification. Dans les deux documents, il est question du fait que l'intimé a reconnu que des employés régionaux accomplissaient des tâches liées aux gros aéronefs, mais il n'est pas fait mention des griefs qui ont donné lieu à cette reconnaissance.

53 Selon les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP, la transparence est assurée lorsque l'information au sujet des stratégies, des politiques, des pratiques et des décisions est communiquée de façon ouverte et en temps opportun. Le Tribunal a indiqué que dans le contexte d'un processus de nomination non annoncé, la notification de la décision de nomination aux employés, la possibilité de discuter de façon informelle des motifs de décision et l'examen du processus par l'entremise d'un recours devant le Tribunal sont des mesures qui contribuent à la transparence. (Voir notamment la décision Robert et Sabourin c. Sous-ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2008 TDFP 0024.)

54 Le Tribunal estime que l'intimé a pris des mesures appropriées pour assurer la transparence dans les processus de nomination en l'espèce. La nature même des processus de nomination non annoncés empêche toute annonce aux employés avant la décision de nomination. L'intimé a publié des notifications afin de s'assurer que les employés étaient informés de la décision de nomination. En outre, en raison des circonstances de ces nominations, des mesures particulières devaient être prises pour communiquer avec les employés, ce que l'intimé a fait. Ce dernier a également informé l'APFC avant les nominations. S'il est vrai que l'intimé aurait pu mentionner spécifiquement les deux griefs dans le plan de communication ainsi que dans les justifications, le Tribunal juge que les éléments de preuve montrent que les processus de nomination étaient suffisamment transparents.

55 Selon l'article 33 de la LEFP, l'intimé pouvait décider d'utiliser des processus de nomination annoncés ou non annoncés pour doter les nouveaux postes CAI-03. En outre, selon l'article 30(4), l'intimé n'était pas tenu de prendre en considération la candidature de plus d'une personne pour effectuer une nomination fondée sur le mérite.

56 Les plaignants ne contestent pas le fait que les 21 personnes nommées accomplissaient les tâches liées au poste CAI-03 depuis une longue période. Dans les circonstances, l'intimé n'avait pas établi la nécessité de doter des postes CAI-03; il n'offrait pas de possibilité de nomination à ce niveau. Il accomplissait plutôt la dernière étape de l'application d'une décision relative à un grief concernant une description de travail.

57 Le Tribunal est convaincu que dans les circonstances, il était raisonnable et approprié de ne prendre en considération que la candidature d'une seule personne pour chaque nomination.

58 Le Tribunal estime que l'intimé n'a pas abusé de son pouvoir lorsqu'il a décidé d'utiliser des processus non annoncés, notamment de ne prendre en considération que la candidature d'une seule personne pour chaque nomination. Le Tribunal conclut également que l'intimé a fait preuve de transparence dans sa décision et dans les raisons qu'il a invoquées à cet égard.

Question III :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en établissant l'une des qualifications essentielles?

59 Les qualifications essentielles étaient les mêmes pour chacune des 21 nominations. Les plaignants soutiennent que l'une des qualifications essentielles relatives à l'expérience est arbitraire et artificielle et que l'intimé l'a établie afin de pouvoir exclure tout candidat potentiel.

60 Les plaignants avancent que la qualification essentielle est arbitraire et artificielle parce qu'elle n'a aucun lien avec la norme de classification du groupe AO.

61 En l'espèce, les plaintes ont été présentées en vertu de l'article 77 de la LEFP, qui porte sur les pouvoirs exercés en vertu de l'article 30(2) de la LEFP. L'article 30(1) de la LEFP stipule clairement que les nominations doivent être fondées sur le mérite. L'article 30(2) précise que pour qu'une nomination soit fondée sur le mérite, la personne doit posséder les qualifications essentielles établies par l'administrateur général « pour le travail à accomplir ».

62 Selon l'article 31(2) de la LEFP, les qualifications essentielles établies par l'administrateur général et utilisées aux fins d'une nomination fondée sur le mérite doivent respecter ou dépasser les normes de qualification établies par l'employeur. L'article 31 est ainsi libellé :

31. (1) L'employeur peut fixer des normes de qualification, notamment en matière d'instruction, de connaissances, d'expérience, d'attestation professionnelle ou de langue, nécessaires ou souhaitables à son avis du fait de la nature du travail à accomplir et des besoins actuels et futurs de la fonction publique.

(2) Les qualifications mentionnées à l'alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i) doivent respecter ou dépasser les normes de qualification applicables établies par l'employeur en vertu du paragraphe (1).

63 Par conséquent, dans une plainte présentée en vertu de l'article 77 de la LEFP, le Tribunal a compétence pour examiner une allégation selon laquelle une qualification essentielle ne respecte ni ne dépasse la norme de qualification applicable établie par l'employeur. Comme il est indiqué dans la décision Rinn du Tribunal, le fait que l'intimé a respecté ou non les normes de classification de l'employeur ne constitue pas une question qui peut être tranchée par le Tribunal.

64 La qualification essentielle relative à l'expérience en cause est la suivante :

Expérience à titre d'inspecteur principal ou d'inspectrice principale de l'exploitation en ce qui concerne les exploitants aériens commerciaux et d'affaires possédant des aéronefs dont la masse maximale brute autorisée au décollage est supérieure à 35 000 livres, dans le cas des appareils à turbomoteur, et supérieure à 100 000 livres pour tous les autres appareils, ou expérience à titre d'inspecteur ou d'inspectrice participant à l'évaluation de la compétence technique et de la compétence du personnel des entreprises en ce qui concerne ces aéronefs.

[traduction]

[Caractères gras ajoutés]

65 L'intimé a présenté en preuve la norme de qualification du groupe AO. Mme El-Komos a confirmé que cette norme ne renferme aucune qualification concernant l'expérience minimale requise. Par conséquent, le Tribunal estime que les qualifications essentielles en l'espèce dépassent la norme de qualification et qu'elles respectent l'article 31(2) de la LEFP.

66 La nouvelle description de travail pour le poste CAI-03 a également été présentée à l'audience. Elle contient un passage sous la rubrique « résultats axés sur le service à la clientèle » qui est identique au libellé de la qualification essentielle :

Prestation de services d'inspection, de vérification et d'évaluation de conformité de sécurité, et validation de la compétence technique et de la compétence du personnel des exploitants aériens commerciaux et d'affaires possédant des aéronefs dont la masse maximale brute autorisée au décollage est supérieure à 35 000 livres, dans le cas des appareils à turbomoteur, et supérieure à 100 000 livres pour tous les autres appareils.

[Caractères gras ajoutés]

67 La qualification essentielle en cause découle directement de la description de travail du poste CAI-03; la formulation est identique. À première vue, la qualification n'est donc pas arbitraire.

68 Essentiellement, cette allégation sous-entend que la nouvelle description de travail du poste CAI-03 est artificielle et arbitraire parce qu'elle ne concorde pas avec la norme de classification du groupe AO. Cette norme comprend une description de travail qui est représentative des tâches liées au poste AO-CAI-03. Le poids des appareils lourds défini dans cette description est inférieur à celui qui est défini dans la nouvelle description de travail du poste CAI-03 élaborée par l'intimé.

69 Dans son témoignage, Mme El-Komos a indiqué que les descriptions de travail ne sont pas rédigées selon les normes de classification; celles-ci sont appliquées une fois que la description de travail est rédigée, et servent à évaluer le travail et à déterminer la classification du poste.

70 Le Tribunal estime que ce témoignage concorde avec la politique sur la classification du Conseil du Trésor. Cette politique définit une description de travail comme un document approuvé par le gestionnaire concerné, qui décrit les exigences relatives au travail et qui comprend tous les renseignements nécessaires à l'application de la norme de classification appropriée permettant d'évaluer la description de travail en vue d'établir le niveau du poste. Selon la politique sur la classification, le SCT doit élaborer et publier des lignes directrices pour la rédaction et l'évaluation des descriptions de travail, ainsi que d'autres questions liées à la classification.

71 Il s'agit là d'un élément important parce que la politique sur la classification prévoit clairement la rédaction d'une description de travail sous la direction du Conseil du Trésor. Le Tribunal n'a pas compétence pour déterminer si l'intimé devait appliquer la norme de classification du groupe AO au moment de rédiger la description de travail du poste CAI-03, ou s'il a appliqué la norme de classification de façon appropriée. Il s'agit d'activités liées à la classification, qui sont exécutées au nom du Conseil du Trésor, l'employeur, et qui sont régies par les politiques et les lignes directrices du Conseil du Trésor, lesquelles sont publiées par le SCT.

72 Cette situation diffère de celle que le Tribunal a examinée dans l'affaire Beyak, où la description de travail ne reflétait pas fidèlement le travail accompli par la personne nommée et constituait l'un des divers éléments de preuve qui avaient permis d'établir l'existence de favoritisme personnel. En l'espèce, les faits sont différents. Tous les éléments de preuve, y compris ceux des plaignants, montrent que les personnes nommées accomplissaient les tâches liées au poste CAI-03 avant et après la nomination. Aucune allégation de favoritisme personnel n'a été formulée à l'égard des personnes nommées, et les plaignants n'ont soulevé aucune allégation de partialité.

73 En outre, l'intimé a appelé un témoin qui a expliqué les critères de poids utilisés pour l'établissement de la qualification essentielle. Cet élément de preuve n'a pas été contesté par les plaignants. Mme Taylor a déclaré que les critères de poids utilisés pour différencier les gros aéronefs des autres aéronefs portent plus que sur le simple poids des appareils. Elle a expliqué que les petits exploitants aériens offrent généralement des vols plus courts et répétitifs à bord de plus petits avions. Leur personnel possède une expertise restreinte parce que leurs destinations ont généralement une base d'opérations établie. Les grands exploitants aériens, pour leur part, utilisent généralement des aéronefs plus lourds pour parcourir de plus longues distances, y compris pour des vols outre-mer. Leur personnel doit posséder une expertise plus générale étant donné qu'il se rend dans des endroits où le soutien de la base est limité. Les inspecteurs effectuent une vérification auprès des exploitants de lignes aériennes et évaluent leur équipement, leurs procédures ainsi que leur personnel. Les critères de poids qui ont été utilisés illustrent le fait que le travail d'inspection relatif aux grands exploitants possédant de gros aéronefs est plus complexe étant donné que leur exploitation est aussi plus complexe.

74 Les postes en question sont des postes à durée déterminée, décrits et établis dans le contexte d'une décision découlant d'un processus de grief qui ne relevait pas des dispositions de la LEFP. Les éléments de preuve montrent que la description de travail rend fidèlement compte du travail qui est accompli par les 21 personnes nommées. Une description de travail constitue une source permettant de déterminer les qualifications qui sont essentielles à l'exécution du travail, conformément aux exigences de l'article 30(2) de la LEFP. Le Tribunal est convaincu que la qualification essentielle relative à l'expérience n'est pas arbitraire; elle décrit précisément le travail exigé des personnes nommées, et exécuté par elles.

75 Comme il a été mentionné précédemment, dans les circonstances qui ont mené à ces nominations, l'intimé n'avait pas l'intention de créer des possibilités de nomination au niveau CAI-03. Il souhaitait nommer les personnes qui étaient visées par la décision relative au grief, soit celles qui accomplissaient et qui continueraient d'accomplir les tâches liées aux gros aéronefs. Par conséquent, l'intimé a établi une exigence relative à l'expérience pour ce qui est de l'exécution des tâches liées aux gros aéronefs. Dans les circonstances, le Tribunal est convaincu que cette exigence est raisonnable.

76 Les plaignants n'ont pas démontré que l'intimé a abusé de son pouvoir en établissant la qualification essentielle relative à l'expérience dans les processus de nomination en l'espèce.

Décision


77 Pour tous ces motifs, les plaintes sont rejetées.


Merri Beattie
Membre

Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2008-0236, 0244-0246, 0250-0256, 0258-0263, 0269, 0270, 0276, 0277, 0279, 0280, 0282, 0288, 0291, 0292, 0294, 0295, 0297, 0298, 0300-0320, 0322-0338, 0342-0344, 0346‑0354, 0356-0360, 0370-0378, 0414
Intitulé de la cause :
Med Velasco et le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Audience :
Les 28, 29 et 30 avril 2009
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 28 juin 2011

COMPARUTIONS

Pour les plaignants :
Phillip Hunt
Pour l'intimé :
Martin Desmeules
Pour la Commission
de la fonction publique :
Lili Ste-Marie
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