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Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant est retourné au travail après une longue période de traitement d’une blessure. Il a d’abord obtenu une nomination intérimaire de quatre mois moins un jour à un poste AS-05. Il a posé sa candidature dans le processus de nomination interne annoncé, mené aux fins de nomination intérimaire, de nomination à durée indéterminée ou de mutation au même poste. Il a été retenu à l’étape de la présélection mais ayant échoué à un examen écrit, sa candidature n’a pas été prise en considération pour la suite du processus. Le plaignant ne contestait pas le processus d’évaluation pour le poste AS-05 en tant que tel ni les qualifications des personnes nommées. Il a néanmoins attiré l’attention sur le fait que l’intimé n’avait pas pris de mesures d’adaptation à son endroit, ne l’ayant pas nommé au poste AS-05. Il a avancé que l’intimé aurait dû le nommer en raison de son handicap et parce qu’il avait droit à une nomination au poste en tant que bénéficiaire de priorité. Il a fait valoir d’autre part que les Lignes directrices 254-2 – Programme de retour au travail du Service correctionnel du Canada n’avaient pas été respectées. En réponse, l’intimé a soutenu que vu l’échec du plaignant à l’examen écrit visant à évaluer les connaissances, il ne pouvait le nommer au poste AS 05 pour une période indéterminée. Décision La législation stipule que pour être nommée, une personne doit posséder les qualifications essentielles pour le poste. Le Tribunal a jugé que le plaignant ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste en question. Le Tribunal a fait remarquer que le plaignant n’a pas contesté l’examen visant à évaluer les connaissances ni les résultats obtenus et qu’il ne mettait pas en doute le processus d’évaluation au terme duquel il a été jugé non qualifié. Le Tribunal n’a pas pu se pencher sur la question relative au programme de retour au travail vu que le plaignant n’a produit aucun élément de preuve ou argument précisant en quoi le programme n’avait pas été respecté. En outre, l’argument du plaignant selon lequel l’intimé aurait dû le nommer au poste à titre de bénéficiaire de priorité part du principe qu’il se considérait qualifié et que l’intimé aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son endroit par le biais d’une nomination au poste. Cette argumentation n’est basée sur aucune preuve. Le fait qu’il ait été nommé au poste en question – avant le processus de nomination – pour moins de quatre mois, ce fait n’appuie pas son argumentation. La nomination initiale du plaignant au poste AS-05 pour moins de quatre mois découlait d’une exception soustrayant les nominations de moins de quatre mois à l’application des dispositions de la législation par rapport au mérite. En l’espèce, il s’agit pour le Tribunal de déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir discrétionnaire. Le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve ni argument démontrant que l’intimé n’a pas pris de mesures d’adaptation à son endroit au cours du processus de dotation. À la lumière des faits présentés en l’espèce, le Tribunal a conclu qu’il ne pouvait intervenir en ce qui concerne le droit de priorité du plaignant. Le Tribunal a conclu qu’il n’y avait aucun abus de pouvoir. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2010-0061
Rendue à:
Ottawa, le 13 avril 2011

KIM MAGEE
Plaignant
ET
LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Magee c. le commissaire du Service correctionnel du Canada
Référence neutre:
2011 TDFP 0012

Motifs de décision


Introduction


1 Le plaignant, Kim Magee, travaillait à titre d’agent de correction (CX-02) au Service correctionnel du Canada (l’intimé). Il a été blessé dans l’exercice de ses fonctions; il est retourné au travail après une période de rétablissement. Il a participé à un processus de nomination pour le poste d’agent de projet, Sécurité (poste AS‑05) et a été jugé non qualifié. Il soutient que l’intimé aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son endroit en le nommant à ce poste. Selon lui, le fait pour l’intimé de ne pas le nommer au poste AS‑05 pour une période indéterminée constituerait un abus de pouvoir.

2 L’intimé nie tout abus de pouvoir et précise qu’il a pris des mesures d’adaptation à l’endroit du plaignant en le nommant à un poste approprié. Le plaignant n’a pas été nommé au poste AS-05 pour une période indéterminée parce qu’il ne possédait pas les qualifications essentielles.

Contexte


3 En août 2003, le plaignant a été blessé dans l’exercice de ses fonctions d’agent de correction. Sa blessure nécessitait une longue période de traitement et de réadaptation. Il est d’abord retourné au travail en 2008, et lorsqu’il s’est senti incapable de continuer à travailler à cause de sa blessure, il a cessé toute activité professionnelle pour suivre de nouveaux traitements. Selon une évaluation de sa condition physique menée en février 2009, le plaignant pouvait recommencer à travailler, mais ne devait pas avoir de contacts avec les détenus ni reprendre son poste d’agent de correction. Il était également indiqué dans cette évaluation que cette restriction serait probablement permanente.

4 Le 29 mai 2009, le plaignant est retourné au travail et a obtenu une nomination intérimaire de quatre mois moins un jour au poste AS-05. Il a également posé sa candidature dans le processus de nomination interne annoncé, mené aux fins de nomination intérimaire, de nomination à durée indéterminée ou de mutation au même poste.

5 La candidature du plaignant a été retenue à l’étape de la présélection du processus de nomination, et ce dernier a subi un examen écrit le 9 juin 2009, qui visait à évaluer les quatre qualifications essentielles relatives aux connaissances définies pour le poste AS-05. Le plaignant n’a pas réussi à l’examen. Étant donné qu’il a été conclu que le plaignant ne possédait pas les qualifications essentielles relatives aux connaissances, sa candidature n’a pas été prise en considération pour la suite du processus. Il a continué à occuper le poste, mais la nomination intérimaire s’est terminée à la fin janvier 2010. Le 13 mai 2010, compte tenu de son droit de priorité de fonctionnaire handicapé, il a été muté pour une période indéterminée au poste d’agent, Services aux victimes (WP-03), au Service correctionnel du Canada.

6 Le plaignant a précisé qu’il ne remettait pas en question le processus d’évaluation pour le poste AS-05 en tant que tel ni les qualifications des personnes nommées. Ses préoccupations se limitaient au fait que l’intimé n’avait pas pris de mesures d’adaptation à son endroit en le nommant au poste AS-05.

Questions en litige


7 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Était-ce un abus de pouvoir de la part de l’intimé que de ne pas nommer le plaignant au poste AS-05 pour une période indéterminée?
  2. Dans quelle mesure le Tribunal peut-il intervenir dans les circonstances en l’espèce pour régler la question du droit de priorité du plaignant?

Résumé et analyse des éléments de preuve pertinents


Question I :  Était-ce un abus de pouvoir de la part de l’intimé que de ne pas nommer le plaignant au poste AS-05 pour une période indéterminée?

8 Toutes les parties conviennent que le plaignant a beaucoup souffert à la suite de sa blessure et que celle‑ci a eu des répercussions sur sa vie personnelle et professionnelle. Le plaignant est d’avis que le poste AS-05 lui convient et que sa nomination à ce poste serait adaptée au handicap causé par sa blessure. Le plaignant avance qu’indépendamment du résultat qu’il a obtenu lors de l’évaluation menée pour le poste AS-05, l’intimé aurait dû le nommer en raison de son handicap.

9 Caleigh Miller, la coordonnatrice accréditée en matière de retour au travail, s’occupait du dossier du plaignant au moment où celui-ci a repris ses fonctions en 2009. Elle a aidé le plaignant à obtenir la nomination intérimaire au poste AS-05 qu’il a initialement occupé à son retour. Elle a affirmé qu’elle avait également continué à aider le plaignant par la suite. Elle communiquait régulièrement avec lui et avec ses représentants syndicaux afin de lui trouver un poste à durée indéterminée. Elle a également discuté avec lui de la possibilité qu’il avait de s'inscrire au système de priorité de la fonction publique en raison de son handicap, ce qui lui permettrait de bénéficier d’une priorité de nomination et de pouvoir ainsi être présenté à une vaste gamme de postes au sein de la fonction publique.

10 Mme Miller a déclaré que le plaignant s’était d’abord opposé au fait de devenir bénéficiaire de priorité parce que cela l’obligerait peut-être à quitter le ministère ou à déménager. Elle a affirmé qu’en août 2009, le plaignant avait changé d’avis et avait accepté de s’inscrire au système de priorité. Le 4 septembre 2009, elle lui a demandé de fournir les renseignements qui permettraient de procéder à son inscription. Elle lui a également fourni le lien d’un site Web de référence. Les documents versés en preuve montrent que le 23 septembre 2009 le plaignant a fourni un certificat médical de son médecin indiquant que son handicap était permanent. Le plaignant a ensuite été inscrit à titre de bénéficiaire de priorité de fonctionnaire handicapé.

11 Mme Miller a déclaré que si le plaignant avait démontré qu’il possédait les qualifications essentielles au moment d’être évalué pour le poste AS‑05, il aurait été nommé au poste grâce à son droit de priorité. Cependant, lorsqu’il a été établi qu’il ne possédait pas les qualifications essentielles, sa candidature n’a pas été retenue en vue de la nomination à durée indéterminée.

12 L’article 30 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) stipule que la dotation au sein de la fonction publique est fondée sur le mérite. L’article 30 de la LEFP stipule ce qui suit :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
    1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
    2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
    3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

13 Dans la décision Patton c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 0008, le Tribunal a réitéré que le mérite est un précepte fondamental de la dotation et a mentionné ce qui suit :

35 Une nomination interne ou externe à la fonction publique doit être fondée sur le mérite. Il s’agit là d’une exigence fondamentale de l’article 30 de la LEFP. Dans la décision Rinn c. le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 0044, para. 35, le Tribunal a établi ce qui suit :

Le mérite est maintenant lié au mérite individuel; pour être nommée, la personne doit répondre aux qualifications essentielles se rapportant au travail à effectuer. Il existe une latitude considérable pour choisir la personne qui fera l’objet d’une nomination. Cependant, l’exigence fondamentale pour nommer une personne sur la base du mérite est que la personne doit être qualifiée pour le poste.

36 Conformément aux Lignes directrices en matière de nomination de la CFP (Généralités), établies en vertu de l’article 29(3) de la LEFP, toute nomination doit être fondée sur le mérite. Selon l’article 16 de la LEFP, les administrateurs généraux et leurs délégataires sont tenus de se conformer aux lignes directrices de la CFP (voir la décision Robert et Sabourin c. le sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 TDFP 0024, para. 69).

14 Le Tribunal estime qu’il n’y a eu aucun abus de pouvoir dans la décision de l’intimé de ne pas nommer le plaignant au terme du processus de nomination interne annoncé pour le poste AS-05. Le Tribunal juge que le plaignant ne possédait pas les qualifications essentielles établies pour ce poste. Ce dernier n’a d’ailleurs pas contesté l’examen visant à évaluer les connaissances ni les résultats qu’il a obtenus et il ne met pas en doute le processus d’évaluation au terme duquel il a été jugé non qualifié. Selon l’art. 30(2)a), pour être nommée, une personne doit posséder les qualifications essentielles établies pour le poste. Une personne ne possédant pas les qualifications essentielles ne peut pas être nommée.

15 Le plaignant fait valoir que les Lignes directrices 254-2 – Programme de retour au travail du Service correctionnel du Canada n’ont pas été respectées, mais il n’a fourni aucun argument précisant en quoi elles n’ont pas été respectées ni aucun élément de preuve sur les manquements qui auraient été commis quant à l’application du programme. À la lumière des éléments de preuve et des arguments dont il est saisi, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’aborder cette question.

Question II :  Dans quelle mesure le Tribunal peut-il intervenir dans les circonstances en l’espèce pour régler la question du droit de priorité du plaignant?

16 Le plaignant avance qu’il pouvait néanmoins être nommé au poste AS‑05 en tant que bénéficiaire de priorité. Cet argument part du principe qu’il se considère qualifié et que selon lui l’intimé aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son endroit en le nommant au poste. En réponse, l’intimé fait valoir que vu l’échec du plaignant à l’examen écrit visant à évaluer les connaissances, il ne pouvait le nommer au poste AS‑05 pour une période indéterminée.

17 Le plaignant a beau affirmer être qualifié, son argumentation n’a pas de base solide dans la mesure où il n’a pas contesté la conclusion du comité d’évaluation par rapport à son échec à l’examen écrit visant à évaluer les connaissances.

18 Toutefois, si le plaignant se fonde sur sa nomination initiale au poste AS‑05 pour démontrer qu’il est qualifié, il faut garder à l’esprit qu’il s’agissait d’une nomination portant sur moins de quatre mois. L’article 14(1) du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS 2005/344 (le REFP) stipule ce qui suit :

14. (1) La nomination intérimaire de moins de quatre mois est soustraite à l’application des articles 30 et 77 de la Loi pourvu qu’elle ne porte pas la durée cumulative de la nomination intérimaire d’une personne à ce poste à quatre mois ou plus.

19 Comme il a été mentionné précédemment, l’art. 30 de la LEFP stipule que les nominations sont fondées sur le mérite. L’article 14 du REFP crée toutefois une exception pour les nominations de moins de quatre mois; ces nominations sont soustraites à l’application de l’art. 30. Par conséquent, le Tribunal ne peut déduire à partir de la nomination intérimaire que le plaignant était qualifié pour le poste AS-05.

20 En vertu de la LEFP, la Commission de la fonction publique (CFP) peut, par règlement, prévoir des droit à une priorité de nomination et en déterminer l’ordre (voir art. 22(2)a) et 22(2)b)). L’article 87 de la LEFP stipule qu’une plainte ne peut être présentée en vertu de l’art. 77 dans le cas de certains types de nomination, notamment dans le cas d’une nomination effectuée en vertu d’un règlement pris en application de l’art. 22(2)a). Ainsi, cette exigence s’applique également au droit de priorité de fonctionnaire handicapé établi à l’art. 7 du REFP. En outre, selon le Guide sur l’administration des priorités de la CFP, cette dernière est responsable de l’administrationet de la surveillance des questions liées aux droits de priorité de nomination.

21 En l’espèce, le Tribunal a également pour mandat de déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir discrétionnaire aux termes de l’art. 30(2) de la LEFP. Le Tribunal a conclu qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir. Le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve ni argument démontrant que l’intimé n’a pas pris de mesures d’adaptation à son endroit au cours du processus de dotation. À la lumière des faits présentés en l’espèce, le Tribunal n’interviendra pas en ce qui concerne le droit de priorité du plaignant.

Décision


22 Pour les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Joanne B. Archibald
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2010-0061
Intitulé de la cause :
Kim Magee et le commissaire du Service correctionnel du Canada
Audience :
Les 24 et 25 février 2011
Saskatoon (Saskatchewan)
Date des motifs :
Le 13 avril 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Frank Janz
Pour l'intimé :
Dora Benbaruk
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