Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Dans une décision antérieure (Association des Pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 42), la Commission a statué que trois postes représentés par l’Alliance de la fonction publique du Canada devaient être inclus à l’unité de négociation représentée par l’Association des Pilotes fédéraux du Canada (APFC) - l’employeur a versé les cotisations pour les trois postes mais n’a pas changé les descriptions de travail - l’APFC représente les pilotes et veut que les postes incluent l’obligation de posséder une récente expérience de pilote, comme c’était le cas auparavant - l’APFC a présenté une demande à la Commission pour que l’ordonnance originale soit clarifiée et déposée à la Cour fédéral aux fins d’exécution - la Commission a refusé en affirmant que la demande de clarification était réellement une tentative de modifier la classification, une prérogative de l’employeur sur laquelle la Commission n’exerce aucun pouvoir - la Commission a également rejeté la demande de dépôt d’une ordonnance à la Cour fédérale, puisque l’ordonnance originale a été entièrement exécutée. Demande d’examen rejetée. Demande de dépôt d’une ordonnance à la Cour fédéral rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-06-24
  • Dossier:  521-02-05 et 525-02-31, XR: 547-02-04 à 06
  • Référence:  2011 CRTFP 84

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

ASSOCIATION DES PILOTES FÉDÉRAUX DU CANADA

demanderesse

et

CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

intervenante

Répertorié
Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor

Affaire concernant une demande de dépôt à la Cour fédérale prévue au paragraphe 52(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et une demande d'exercice par la Commission de l'un ou l'autre des pouvoirs prévus à l'article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, commissaire

Pour la demanderesse:
Phillip G. Hunt, avocat

Pour le défendeur:
John Jaworski, avocat

Pour l'intervenante:
Edith Bramwell, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 24 et 26 janvier et les 6 et 30 mai 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demandes devant la Commission

1 Saisie de trois demandes déposées en 2006 en vertu de l’article 58 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi » ), la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a déterminé, en 2008, que trois postes compris dans les unités de négociation des groupes Services des programmes et de l’administration (PA) et Services techniques (TC) représentés par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») devaient « […] être inclus dans le groupe AO [Navigation aérienne] […] » représenté par l’Association des pilotes fédéraux du Canada (l’« APFC » ou la « demanderesse »); voir Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 42.

2 Dans Alliance de la fonction publique du Canada c. Association des pilotes fédéraux du Canada et Canada (Procureur général), 2009 ACF 223, la Cour d’appel fédérale a rejeté les demandes de contrôle judiciaire de la décision de la Commission déposées par le procureur général du Canada et l’AFPC. La Cour suprême du Canada a par la suite rejeté la demande d’autorisation d’appel de la décision de la Cour d’appel fédérale; voir Alliance de la fonction publique du Canada c. Association des pilotes fédéraux du Canada, [2009] C.S.C.R. no 387 (QL).

3 La demanderesse a ensuite demandé à la Commission d’exercer le pouvoir qui lui est conféré en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi pour déposer à la Cour fédérale une copie certifiée de 2008 CRTFP 42 (dossier de la CRTFP 521-02-05). Le paragraphe 52(1) de la Loi est libellé comme suit :

          52. (1) Sur demande écrite de la personne ou de l’organisation touchée, la Commission dépose à la Cour fédérale une copie certifiée conforme du dispositif de l’ordonnance sauf si, à son avis :

  1. soit rien ne laisse croire qu’elle n’a pas été exécutée ou ne le sera pas;
  2. soit, pour d’autres motifs valables, le dépôt ne serait d’aucune utilité.

4 Plus précisément, la demanderesse demandait ce qui suit à la Commission :

[Traduction]

[…]

  1. Une déclaration que le défendeur (le Conseil du Trésor) n’a pas exécuté la décision de la Commission dans la cause Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 42;
  2. Une ordonnance enjoignant à la Commission de déposer à la Cour fédérale une copie de son ordonnance dans la cause Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 42;
  3. Une ordonnance accordant toute autre mesure de réparation jugée appropriée par la Commission dans la présente affaire.

[…]

5 La demanderesse a également présenté une demande de réexamen de la décision de la Commission en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi (dossier de la CRTFP 525-02-31). Le paragraphe 43(1) est libellé comme suit :

          43. (1) La Commission peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances, ou réentendre toute demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

6 La demanderesse demandait les mesures suivantes :

[Traduction]

[…]

  1. Que la Commission réentende la présente affaire afin de réexaminer la décision de la Commission, datée du 20 juin 2008, dans les dossiers de la CRTFP 547-02-4 à 547-02-06 (2008 CRTFP 42) (ci-après appelée la « décision initiale »);
  2. Que la Commission rende une ordonnance modifiant la décision initiale afin d’y intégrer des indications sur la question de l’exécution;
  3. Que la Commission rende une ordonnance accordant toute autre mesure de réparation jugée appropriée dans la présente affaire.

[…]

7 Dans ce cas, le Conseil du Trésor, soit l’employeur, sera le défendeur. Dans les deux demandes, la demanderesse a désigné l’AFPC, soit l’agent négociateur des groupes PA et TC, comme partie concernée.

8 À l’issue d’une conférence préparatoire, le vice-président de la Commission, à qui les cas avaient initialement été attribués, a réuni les deux demandes et déterminé que la Commission tiendrait une audience commune et les entendrait ensemble. Le vice-président a également accordé à l’AFPC le statut d’intervenante (l’« intervenante ») à part entière.

9 En raison du départ imminent (à ce moment-là) du vice-président de la Commission, le président m’a réattribué le dossier peu de temps avant la date prévue de l’audience.

10 Avant le contre-interrogatoire de son second témoin et à ma demande, la demanderesse a fourni des précisions relativement à sa demande de redressement en ce qui concerne la demande aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi. La demanderesse a indiqué qu’elle voulait que la Commission modifie l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42 en y intégrant le texte suivant :

[Traduction]

Les trois postes qui sont actuellement occupés par les trois titulaires correspondent mieux au groupe professionnel AO. Cette conclusion découle de la constatation que les fonctions principales (ou essentielles) des postes comprennent au moins une des activités qui sont expressément décrites au paragraphe 1 des « postes inclus » dans la définition du groupe AO (activités pour lesquelles une expérience récente du pilotage d’aéronefs est requise, tel qu’il a été décidé par le Conseil du Trésor lors de la publication de la définition et de la norme de classification du groupe AO).

II. Résumé de la preuve

11 La demanderesse a appelé deux témoins.

12 Le premier témoin, Dale Lahey, occupait le poste de gestionnaire, Opérations de contingence de l’aviation civile, à la Direction des opérations nationales de la Direction générale de l’aviation civile à Transports Canada, de mai 2003 à novembre 2010. Son poste est le premier des trois postes qui ont été examinés par la Commission dans 2008 CRTFP 42 (dossier de la CRTFP 547-12-04). M. Lahey a déclaré que le poste était classifié au niveau PM-06 durant la période où il en exerçait les fonctions. À l’époque où son prédécesseur, Ivan Sanford, occupait ce poste, il était classifié au niveau AO-CAI-05. M. Lahey a indiqué qu’il connaissait bien les tâches du poste qu’occupait M. Sanford parce qu’il avait travaillé directement sous sa responsabilité et qu’il l’avait remplacé à titre intérimaire durant ses absences.

13 Par suite d’une objection du défendeur, j’ai admis en preuve la description de travail de M. Sanford (pièce A-1) dans le seul but de situer le contexte historique. J’ai cependant prévenu la demanderesse que je ne croyais pas qu’une analyse du contenu de la description de travail ou un rapprochement avec une autre description de travail éclairerait mon examen de la demande prévue au paragraphe 52(1) de la Loi ou mon examen initial de la demande au titre du paragraphe 43(1). Dans le cas de la dernière demande, j’ai indiqué qu’un examen des descriptions de travail pourrait m’être utile dans une procédure ultérieure si je concluais qu’il y avait lieu de réexaminer 2008 CRTFP 42 ou d’entendre les demandes initiales de la demanderesse aux termes de l’article 58.

14 La demanderesse a proposé par la suite de demander à M. Lahey en quoi les fonctions de son poste étaient différentes de celles qu’exerçait M. Sanford. Après avoir entendu les arguments des parties, j’ai statué que la réponse à la question proposée ne me fournirait pas de renseignements utiles. La demanderesse a soutenu que la continuité des fonctions entre la période où M. Lahey a occupé le poste et celle où M. Sanford l’a occupé était pertinente et qu’elle s’attendait, lors de l’audience qui a conduit à 2008 CRTFP 42, qu’une décision en sa faveur signifierait le rétablissement du statu quo allégué, autrement dit l’attribution du poste au groupe AO. J’ai indiqué que la demanderesse n’avait pas démontré que M. Lahey était au courant de ses attentes au moment de l’audience ou par la suite. Toutefois, je n’ai pas exclu la possibilité que la preuve relative à ces attentes puisse être pertinente, si elle est établie correctement. J’ai rappelé la décision que j’avais rendue plus tôt, soit que je ne croyais pas qu’une comparaison des descriptions de travail ou du contenu des postes soit utile pour rendre ma décision à ce stade-ci.

15 Lorsque la demanderesse a proposé de poser d’autres questions à M. Lahey à propos de la nature des fonctions du poste à différents moments, le défendeur et l’intervenante ont de nouveau soulevé une objection. J’ai répété ma décision. La demanderesse a décidé de mettre fin à l’interrogatoire principal de M. Lahey. Il n’y a pas eu de contre-interrogatoire.

16 Le second témoin de la demanderesse était le capitaine Daniel Slunder, le président élu du groupe AO depuis le 1er juillet 2009. Le capitaine Slunder a déclaré qu’il avait suivi de très près les divers aspects du dossier mettant en cause l’APFC avant son élection et qu’il avait participé dans le passé à une ronde de négociations pour le groupe AO en tant que membre de l’équipe de négociation de l’APFC.

17 Le capitaine Slunder s’est appuyé sur la définition du groupe Navigation aérienne publiée dans la Gazette du Canada (pièce A-4). Le point 1 de la liste des énoncés des postes inclus dans cette définition décrit les activités qui sont comprises dans le champ d’application du groupe AO et dont l’exécution nécessite « une expérience récente du pilotage d'aéronefs ». Le capitaine Slunder a également renvoyé à l’article 6.1 des statuts de l’APFC (pièce A-5), qui prévoit que « [l]es membres du Groupe de la navigation aérienne tels que définis dans les Standards de classification du Conseil du Trésor, Groupe de la navigation aérienne, Catégorie technique, ainsi que les pilotes à l’emploi de NAV CANADA peuvent devenir membres de l’Association. »

18 Le capitaine Slunder a déclaré que la procédure engagée en vertu de l’article 58 de la Loi qui a conduit à 2008 CRTFP 42 était un [traduction] « sujet brûlant » pour les membres du groupe AO, et ce, bien avant la tenue de l’audience de la Commission en 2007. Les membres étaient inquiets du fait que l’employeur transformait des postes qui faisaient partie du groupe AO en postes PM (Administration des programmes) et TI (Inspection technique) faisant partis des groupes PA et TC. Selon le capitaine Slunder, ses collègues membres étaient fortement convaincus que, pour des raisons de sécurité, les postes en question devaient demeurer dans le groupe AO et être attribués à des pilotes. Le capitaine Slunder a indiqué que c’est grâce à ses contacts directs avec un membre du groupe AO, qu’il supervisait et qui était trésorier du groupe AO, qu’il a été informé de l’existence des demandes visées à l’article 58. Après le prononcé de 2008 CRTFP 42 et avant d’être élu président de l’APFC, le capitaine Slunder a dit qu’il avait suivi de très près le dossier des demandes de contrôle judiciaire visant à faire annuler 2008 CRTFP 42, qu’il a assisté à l’audition de ces demandes devant la Cour d’appel fédérale. Il a ensuite suivi le dossier de la demande d’autorisation d’appel présentée à la Cour suprême. Après son élection comme président de l’APFC et durant la période de transition d’un mois qu’il a passée avec le président sortant, le capitaine Greg Holbrook, il a obtenu plus de détails au sujet de l’histoire et du contexte de l’affaire.

19 Le capitaine Slunder s’attendait à ce que 2008 CRTFP 42 aboutisse au [traduction] « rétablissement du statu quo » — c’est-à-dire que les postes en question recommencent à être attribués à des pilotes du groupe AO et que les titulaires des postes PM et TI soient affectés à des postes qui [traduction] «correspondaient davantage à leurs qualifications ».

20 Selon le capitaine Slunder, aucun des résultats attendus ne s’est réalisé. Transports Canada s’est contenté de transférer à l’APFC les cotisations syndicales de l’AFPC qui étaient prélevées sur la rémunération des titulaires des postes PM et TI. Le capitaine Slunder a décrit les efforts qu’il avait déployés pour résoudre ce problème, y compris les discussions qu’il avait eues avec le Conseil du Trésor et des cadres supérieurs de Transports Canada et le ministre responsable. À la fin, il a reçu copie d’une lettre envoyée à la Commission, en mai 2010, dans laquelle le Conseil du Trésor indiquait que le défendeur estimait qu’il avait exécuté 2008 CRTFP 42 comme il se devait; la lettre était accompagnée d’un « document d’interprétation » qui défendait ce point de vue (pièce A-6). La section du document intitulée « Résumé » est reproduite ci-après:

[Traduction]

[…]

L’APFC croit que la décision rendue par la CRTFP enjoint à l’employeur de reclassifier les trois postes en question, or il est évident que le texte des décisions n’appuie pas cette interprétation […] la seule responsabilité de l’employeur dans cette affaire était de transférer les cotisations syndicales à l’APFC et d’informer les fonctionnaires qu’ils seront désormais représentés par un autre agent négociateur. Nous croyons comprendre que ces deux mesures ont déjà été mises en application.

[…]

21 Le capitaine Slunder a précisé que l’APFC n’avait jamais défendu la position que 2008 CRTFP 42 obligeait l’employeur à reclassifier les postes. Il a répété que son attente et celle de l’APFC étaient que les postes en question soient attribués à des pilotes du groupe AO.

22 Le capitaine Slunder a confirmé qu’aucun des titulaires des trois postes PM et TI n’était membre de l’APFC. Deux des titulaires ont soumis des demandes d’adhésion (pièce A-7), mais l’APFC les a rejetées parce que, selon ses statuts, seuls des fonctionnaires qui occupent des postes classifiés dans le groupe AO peuvent adhérer au syndicat et qu’il faut détenir un brevet de pilote pour être membre du groupe AO. Le capitaine Slunder a noté que la convention collective du groupe AO, qui est expirée depuis le 25 janvier 2011 (dont copie a été admise en preuve ultérieurement sous la cote R-1), ne contient pas de taux de rémunération ni de conditions de travail pour les postes PM et TI. Il a expliqué qu’il n’avait [traduction] « aucune idée » de la manière dont il convenait de procéder pour négocier une nouvelle convention collective pour le titulaire du poste PM, le seul titulaire qui restait. Il a décrit les divers efforts qu’il avait faits récemment pour attirer l’attention des représentants du Conseil du Trésor ou du ministère sur ses préoccupations au sujet des négociations pour le poste PM, de la représentation de M. Lahey, qui était intéressé à être rémunéré au niveau AO-CAI-05, et de l’examen organisationnel en cours à Transports Canada (qui était susceptible d’entraîner le transfert d’autres postes du groupe AO dans d’autres groupes professionnels). Ses efforts sont documentés dans un échange de courriels avec le négociateur en chef du Conseil du Trésor (pièce A-8), une lettre au président du Conseil du trésor, Stockwell Day (pièce A-9), et des échanges de courriels avec le sous-ministre de Transports Canada et d’autres représentants du ministère (pièces A-10 à A-12).

23 Lorsqu’on lui a demandé, en contre-interrogatoire, de fournir des plus de détails relativement à sa connaissance de la demande initiale aux termes de l’article 58 de la Loi et au rôle qu’il y avait joué, le capitaine Slunder a répondu qu’il n’avait pas pris connaissance de la demande avant sa présentation, qu’il n’avait pas participé aux rencontres avec les avocats, qu’il n’avait pas autrement prodigué des conseils relativement à ce cas et qu’il n’avait pas assisté à l’audience de la Commission en 2007. Après avoir été élu président de l’APFC, il a eu des [traduction] « bribes » de conversations avec son prédécesseur, le capitaine Holbrook, à ce sujet et a il a parcouru le dossier qu’il avait tenu.

24 Le capitaine Slunder a confirmé que l’APFC n’avait rien fait, après 2008 CRTFP 42 de la Commission, pour modifier ses statuts et permettre à des fonctionnaires autres que des pilotes de devenir membres. Pour ce qui est des trois personnes qui occupaient les postes visés par la décision, le capitaine Slunder a indiqué qu’elles n’avaient pas été invitées à l’assemblée générale annuelle de l’APFC en 2010 et qu’elles n’avaient pas participé au processus de ratification de la plus récente convention collective (pièce R-1). Cette convention collective, qui a été conclue après le prononcé de 2008 CRTFP 42, ne renferme pas de taux de rémunération pour les trois postes. Aucune tentative n’a été faite durant le processus de ratification de la plus récente convention collective pour négocier ces taux de rémunération.

25 Sur consentement, j’ai admis en preuve un protocole d’entente conclu entre la demanderesse, le défendeur et l’intervenante, en décembre 2008, qui portait sur le prélèvement des cotisations syndicales des trois fonctionnaires, sur leurs conditions de travail et sur leur représentation en attendant l’issue des demandes de contrôle judiciaire (en instance à ce moment-là) des décisions de la Commission (pièce R-2). Le protocole prévoyait que l’intervenante continuerait de fournir une représentation dans l’intervalle. Le capitaine Slunder a indiqué que deux des fonctionnaires avaient communiqué avec l’APFC par la suite afin de discuter de la possibilité de déposer des griefs afin d’être rémunéré selon l’échelle de rémunération du groupe AO pour les fonctions qu’ils exerçaient mais que cela était demeuré sans suite. Il a également confirmé que l’intervenante avait envoyé à l’APFC les cotisations syndicales prélevées (pièce R-3).

26 Au sujet de la possibilité de modifier les statuts de l’APFC, le capitaine Slunder a expliqué qu’il n’avait pas fait de démarches en ce sens auprès du comité exécutif ou des membres parce qu’il avait concentré son attention sur les présentes demandes, de manière à tirer la situation au clair. Il a déclaré que, en attendant, l’APFC était prête à venir en aide aux titulaires des trois postes s’ils avaient besoin d’une représentation. Des discussions informelles ont eu lieu avec Transports Canada à la suite d’échanges avec l’un des titulaires, mais l’APFC n’a rien reçu de ce fonctionnaire pour amorcer un processus plus formel. Le capitaine Slunder a déclaré que la situation était difficile et compliquée parce que le titulaire n’avait jamais occupé un poste dans le groupe et le sous-groupe AO-CAI, mais que cela n’empêcherait pas l’APFC de [traduction] « faire tout ce qu’il pouvait, dans les limites de ses capacités », même si le titulaire n’était pas assujetti aux statuts de l’APFC.

27 Le capitaine Slunder a confirmé que l’APFC avait récemment remis l’avis de négocier en vue du renouvellement de la convention collective mais que son cahier de revendications ne contenait rien pour les postes TI et PM. Il croyait comprendre que l’avis de négocier excluait les trois postes en question.

28 Le capitaine Slunder a admis qu’il avait demandé aux avocats de l’APFC de présenter à la Cour suprême une demande d’autorisation d’appel incident relativement à la décision de la Cour d’appel fédérale (pièce R-5) après le dépôt de la demande d’autorisation d’appel de l’intervenante. Il a également admis avoir pris connaissance du protocole d’entente signé ultérieurement par l’APFC (pièce R-6), ainsi que du document déposé par l’intervenante, mais il a soutenu qu’il ne connaissait pas les détails de l’argumentation. Il a déclaré que la mesure visait à s’assurer que l’APFC ait un « pied dans la porte » si la Cour suprême accueillait la demande d’autorisation d’appel et à obtenir des éclaircissements en ce qui concerne les préoccupations de l’APFC au sujet des observations formulées dans l’opinion dissidente contenue dans 2009 ACF 223.

29 Lorsqu’il a été interrogé de nouveau à propos des procédures engagées par l’APFC devant la Commission et la Cour d’appel fédérale, le capitaine Slunder a répété qu’il s’attendait à ce que les décisions se soldent par la réintégration des trois postes dans le groupe AO et à ce que les postes soient attribués à des pilotes — ce qui, à sa connaissance, représentait le statu quo. Il a déclaré qu’il ne voulait pas que des postes classifiés dans les groupes TI et PM soient intégrés dans son groupe et qu’il estimait que les postes, mais non leurs titulaires, devaient correspondre à la norme de classification du groupe AO. Il était mécontent que les postes doivent demeurer dans le groupe AO alors qu’ils étaient toujours classifiés dans les groupes TI et PM. Il a répété que l’APFC n’exerçait aucun contrôle sur la classification des postes.

30 Le capitaine Slunder a affirmé que le certificat d’accréditation de l’APFC s’appliquait exclusivement aux postes AO. Lorsqu’on lui a demandé si 2008 CRTFP 42 avait entraîné la modification du certificat, il a répondu qu’il n’avait pas reçu de nouveau certificat et que ses efforts pour tirer la situation au clair auprès du Conseil du Trésor n’avaient pas donné de résultats. Il a déclaré que l’APFC ne détenait aucun certificat de négociation pour les postes TI et PM et qu’il ne savait pas comment l’APFC pouvait devenir l’agent négociateur accrédité pour ces postes à la suite de 2008 CRTFP 42. Il a indiqué que l’APFC avait présenté une demande à la Commission afin d’obtenir des éclaircissements à ce sujet.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la demanderesse

31 Pour que la demande au titre du paragraphe 43(1) de la Loi soit accueillie favorablement, la jurisprudence indique expressément que le demandeur doit démontrer que l’une ou l’autre des trois situations suivantes s’applique : 1) les circonstances ont changé; 2) il y a de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments qui ne pouvaient raisonnablement pas être présentés lors de l’audience initiale; 3) il existe d’autres motifs impérieux de réexaminer la décision de la Commission; voir Czmola c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel Canada), 2003 CRTFP 93, au paragraphe 11; Danyluk et al. c. Union des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 832, 2005 CRTFP 179, au paragraphe 14; Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 39, au paragraphe 29.

32 La jurisprudence établit que le recours au paragraphe 43(1) de la Loi doit se faire avec parcimonie et que cette disposition n’a pas pour but de permettre à la partie perdante de faire instruire de nouveau sa cause. En l’occurrence, la demanderesse est la partie qui a obtenu gain de cause. Elle s’adresse de nouveau à la Commission parce qu’il y a des faits nouveaux qui ne pouvaient pas être connus au moment de l’audience, et des changements subséquents qui constituent des motifs impérieux de réexaminer 2008 CRTFP 42.

33 Dans les trois demandes initiales soumises à la Commission aux termes de l’article 58 de la Loi, la demanderesse a expressément indiqué que la réparation demandée était le rétablissement du statu quo, c’est-à-dire que les trois postes devaient être attribués à des fonctionnaires ayant une expérience récente du pilotage d’aéronefs. C’est dans cette optique que la Commission a examiné l’affaire dans 2008 CRTFP 42. Un examen attentif de cette décision révèle que le défendeur ou l’intervenante n’ont donné aucun avis, fait aucune suggestion ou fourni aucune autre indication, à l’audience, qu’une décision favorable à la demanderesse signifierait autre chose que le rétablissement du statu quo. La conséquence claire et évidente de 2008 CRTFP 42 est que le défendeur aurait dû faire en sorte que les trois postes soient attribués à des fonctionnaires possédant l’expérience requise du pilotage d’aéronefs décrite dans la définition du groupe AO.

34 Le protocole d’entente provisoire (pièce R-2) signé par les parties en attendant le contrôle judiciaire de 2008 CRTFP 42 indique expressément que le défendeur et l’intervenante s’attendaient à ce que la confirmation de la décision par la Cour fédérale ait des conséquences, à savoir qu’il y aurait des répercussions sur les titulaires des trois postes, que leurs conditions d’emploi changeraient et qu’il y aurait des turbulences au lieu de travail. Ces changements auraient été la conséquence de l’attribution des trois postes à des fonctionnaires possédant une expérience récente du pilotage d’aéronefs. Le protocole d’entente — qui se voulait une solution pratique provisoire —, indique que le défendeur et l’intervenante étaient au fait de ces conséquences et qu’elles cherchaient, par le protocole d’entente, à devancer le rétablissement du statu quo.

35 Ce n’est qu’après le rejet de la demande d’autorisation d’appel de 2009 ACF 223 par la Cour suprême que le défendeur a mis de l’avant une nouvelle théorie dans sa lettre du 10 mai 2010 (pièce A-6). Il prétendait que, selon la demanderesse, 2008 CRTFP 42 exigeait que les trois postes soient reclassifiés dans le groupe AO. Il ajoutait ensuite ceci :

[Traduction]

[…]

L’APFC croit que la décision rendue par la CRTFP enjoint à l’employeur de reclassifier les trois postes en question, or il est évident que le texte des décisions n’appuie pas cette interprétation […] la seule responsabilité de l’employeur dans cette affaire était de transférer les cotisations syndicales à l’APFC et d’informer les fonctionnaires qu’ils seront désormais représentés par un autre agent négociateur […]

[…]

36 La demanderesse n’était pas au courant, et ne pouvait pas l’être, lors de l’audience initiale, de la théorie avancée par le défendeur à l’issue des décisions judiciaires. Ayant clairement indiqué que le résultat attendu à l’arbitrage de grief était le rétablissement du statu quo, la demanderesse ne pouvait pas prévoir que le défendeur adopterait plutôt la position selon laquelle 2008 CRTFP 42 l’obligeait uniquement à remettre les cotisations syndicales à la demanderesse et à informer les titulaires des trois postes de leur appartenance à un nouvel agent négociateur. Ce nouvel élément répond au deuxième critère établi par la jurisprudence pour justifier le réexamen d’une décision en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi, soit l’existence d’un fait qui ne pouvait raisonnablement être prévu lors de l’audience initiale.

37 Il y a également d’autres motifs impérieux de réexaminer la décision de la Commission — le troisième critère. Les témoignages du capitaine Slunder et de M. Lahey ont mis en évidence les problèmes découlant de l’interprétation du défendeur de l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42. Ces problèmes comprennent l’interdiction pour les fonctionnaires qui ne possèdent pas une expérience récente du pilotage d’adhérer à l’APFC, le fait que la convention collective ne contient pas de taux de rémunération pour les postes TI et PM et que certaines des indemnités prévues ne s’appliquent pas à ces postes et la question de savoir qui représente les titulaires des postes TI et PM au cours de la ronde de négociation actuelle. Si c’est la demanderesse, comment pourrait-elle négocier des dispositions pour ces postes? Bref, l’approche retenue par le défendeur pour mettre en œuvre 2008 CRTFP 42 a causé un gâchis.

38 La demanderesse ne demande pas à la Commission de conclure que 2008 CRTFP 42 était erronée. Le problème tient plutôt au fait que la décision n’indiquait pas de manière assez explicite que le résultat attendu était l’attribution des trois postes au groupe AO, dont la demanderesse est l’agent négociateur. C’est ce qui a permis au défendeur de mettre de l’avant une interprétation de l’ordonnance qui tentait de transformer la défaite en victoire.

39 Les termes « groupe AO » et « unité de négociation du groupe AO » ont été utilisés de manière interchangeable dans 2008 CRTFP 42. Il a été déterminé, dans cette décision, que les trois postes faisaient historiquement partie du groupe AO et que rien ne prouvait que leur inclusion dans le groupe AO n’assurerait pas une représentation satisfaisante de la part de l’agent négociateur. De plus, rien ne prouvait que les trois postes n’avaient pas une communauté d’intérêts avec le groupe AO.

40 Dans 2008 CRTFP 42, la Commission a reconnu que chacun des trois postes comportait au moins une des activités principales décrites aux paragraphes 1a) à f) de la section relative aux « postes inclus » dans la définition du groupe AO (pièce A-4); voir 2008 CRTFP 42, aux paragraphes 12, 17 et 18 en ce qui concerne le premier poste, au paragraphe 29 en ce qui concerne le deuxième poste et aux paragraphes 38 et 39 en ce qui concerne le troisième poste. Ces fonctions principales sont suffisamment importantes pour la sécurité pour exiger une expérience récente du pilotage. Il ressort des conclusions de fait de la Commission que les postes devraient être attribués exclusivement à des fonctionnaires qui possèdent cette expérience. Comme le capitaine Slunder l’a indiqué dans son témoignage, la demanderesse est aux prises avec un problème de dotation et non pas un problème de classification, même si le défendeur prétend le contraire dans sa lettre du 10 mai 2010 (pièce A-6).

41 Il est acquis que les titulaires des postes TI et PM n’étaient pas des pilotes et que les trois postes continuent d’être dotées incorrectement. Le défendeur a refusé d’accepter la conséquence logique de 2008 CRTFP 42, soit de retirer les trois titulaires (à ce moment-là) et les remplacer par des fonctionnaires qui satisfont au critère relatif à l’expérience récente du pilotage qui va de pair avec l’attribution des postes faisant partie du groupe AO.

42 Pour ce qui est de la demande de la demanderesse visant à ce que la Commission dépose son ordonnance à la Cour fédérale, la lettre du défendeur datée du 10 mai 2010 (pièce A-6) indique explicitement qu’il n’a pas l’intention de donner suite à 2008 CRTFP 42. C’est à la Cour fédérale et non pas à la Commission qu’il appartient de se prononcer sur la question de l’outrage. La demanderesse ne devrait pas être obligée de faire la preuve de l’outrage plus d’une fois, c’est-à-dire devant la Commission, puis devant la Cour fédérale.

43 Une demande en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi peut aller de pair avec une demande prévue au paragraphe 52(1) de la Loi; voir Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 159, aux paragraphes 19 et 20. Les modifications que la demanderesse proposer d’apporter à l’ordonnance visent à ce que la Commission élargisse la portée et l’application de 2008 CRTFP 42. En effectuant un examen de la décision aux termes du paragraphe 43(1) qui tient compte de la position de la demanderesse, la Commission fournira des indications pour l’application, au lieu de travail, d’une solution efficace permettant de rétablir le statu quo pour les parties. Même si la demanderesse préférerait ne pas avoir besoin d’une mesure de réparation additionnelle aux termes du paragraphe 52(1), elle demande à la Commission d’accueillir sa demande aux termes de cette disposition, de manière à pouvoir saisir la Cour fédérale, au besoin, des litiges en s’appuyant sur l’ordonnance qui a été déposée.

44 En réponse aux questions que j’ai posées, la demanderesse a indiqué que la Commission avait le pouvoir d’intégrer son texte dans l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42 et que ce texte décrivait clairement les conséquences inéluctables de la décision. Le texte proposé porte sur l’attribution des fonctions, mais le défendeur aura le droit d’exercer le pouvoir qui lui est reconnu par l’article 7 de la Loi pour combler ces trois postes comme il l’entend. La demanderesse pourra s’appuyer sur le dépôt de cette décision à la Cour fédérale pour adresser toute mesure du défendeur qui va à l’encontre de la décision de la Commission.

B. Pour le défendeur

45 Le défendeur m’a renvoyé à la jurisprudence suivante qui définit l’optique dans laquelle la Commission applique l’article 43 de la Loi et l’article 27 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne LRTFP »), une disposition analogue : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 125-02-41 (19851218), au paragraphe 5; Czmola, au paragraphe 14; Danyluk et al., au paragraphe 14; Laferrière c. Hogan et Baillargé, 2008 CRTFP 48, aux paragraphes 17 et 18; Bouchard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 31; Chaudhry, au paragraphe 29; Beaulne c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 105; Conseil du Trésor c. Melançon et al., 2011 CRTFP 52, aux paragraphes 19 à 21.

46 Selon le défendeur, la demanderesse n’a pas présenté de nouveaux éléments de preuve ni avancé de nouveaux arguments dans sa demande visant à ce que la Commission réexamine 2008 CRTFP 42. Les arguments qu’elle fait valoir aujourd’hui sont en tous points identiques à ceux qu’elle a présentés à la Cour d’appel fédérale (2009 ACF 223).

47 Dans 2008 CRTFP 42, la Commission a compris que la question en litige portait sur un changement survenu dans les fonctions et responsabilités des trois postes, et qui se résumait pour l’essentiel à « […] l’élimination de l’exigence selon laquelle le titulaire devait posséder une licence valide de pilote et une expérience récente du pilotage d’un aéronef »; voir le paragraphe 3. La Commission indiquait clairement aux paragraphes 6 et 7 que son rôle, pour l’application de l’article 58 de la Loi, se limitait à déterminer l’unité de négociation à laquelle les postes devaient être attribués à la lumière du changement survenu dans les fonctions et responsabilités. La Commission a explicitement admis qu’elle n’avait pas le pouvoir de se prononcer sur l’attribution des fonctions, sur la classification des postes ou sur l’organisation de la fonction publique — qui sont des droits incontestables du défendeur.

48 Après une analyse comparée des descriptions de poste et des définitions des groupes AO, PA et TC, la Commission a conclu qu’ [traduction] « il s’agit d’une approche trop simpliste » pour déterminer l’unité de négociation à laquelle les postes devraient être attribués, car aucune des descriptions de travail n’exigeait une licence de pilote ou une expérience récente du pilotage d’aéronefs. Au terme de l’analyse de la meilleure correspondance dans ce cas-là, la Commission a conclu que les postes devaient être attribués au groupe AO. La Commission a observé ceci au paragraphe 31 :

31. Je n’ai aucun doute que de l’expérience récente en tant que pilote et le fait de posséder une licence valide de pilote aideraient à accomplir les tâches ou, pour reprendre les propos de M. Gagnon, [traduction]« seraient utiles ». Cependant, la section des postes exclus, qui aurait pour effet d’exclure tous les postes du groupe AO où une licence et une expérience de pilote ne sont pas obligatoires, ne représente pas le facteur prédominant ou déterminant. Le facteur primordial dans le cadre de mon analyse est l’application de la règle de la « meilleure correspondance ». Tandis que de nombreux groupes pourraient offrir une « quelconque » correspondance, seulement un groupe peut offrir la « meilleure correspondance », et ce groupe c’est le groupe AO.

49 À l’évidence, cela ne faisait aucun mystère, à l’audience, que les descriptions de travail n’exigeaient pas une expérience du pilotage. La demanderesse n’a pas contesté ce fait. Saisie de demandes visées à l’article 58 de la Loi, la Commission n’avait pas à se prononcer sur la question de savoir si les postes devaient être attribués à des pilotes; elle devait exclusivement déterminer si les postes devaient être placés dans l’unité de négociation du groupe AO.

50 Dans 2008 CRTFP 42, la Commission n’a jamais déclaré que sa décision signifiait le rétablissement du statu quo. À ce sujet, la mesure que la demanderesse a initialement demandée à la Commission et la mesure que la Commission a accordée dans les faits sont complètement différentes. La demanderesse ne fait que présumer que le résultat souhaité était le rétablissement du statu quo, sans être capable d’en faire la preuve.

51 Dans 2009 ACF 223, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’argument selon lequel « […] sauf dans des circonstances exceptionnelles, les unités de négociation coïncident avec les groupes professionnels établis par l’employeur » (paragraphes 3 et 4). Elle a également rejeté l’argument selon lequel les nouvelles descriptions de travail continuaient d’exiger une expérience récente du pilotage d’aéronefs (paragraphe 24). La Cour d’appel fédérale a écrit ceci :

[…]

[24]    […] La Commission n’a pas conclu que les nouvelles descriptions de ces trois postes exigeaient implicitement que les titulaires possèdent une licence de pilote et aient une expérience récente du pilotage. D’ailleurs deux des titulaires ne satisfaisaient pas à ces exigences. La Commission a uniquement dit qu’à l’égard du poste 2, les qualifications de pilotage « aideraient à accomplir les tâches ou, pour reprendre les propos [d’un témoin], [TRADUCTION] “seraient utiles” ».

[25]    En vérité, le raisonnement central de la Commission est que, même si l’on excluait les postes reclassifiés du groupe professionnel AO par suite de l’élimination des tâches pour lesquelles les qualifications de pilotage étaient « obligatoires », ces postes pourraient toujours être inclus dans l’unité de négociation AO parce que leurs fonctions principales sont analogues à celles du groupe AO.

[…]

52 La Cour d’appel fédérale a compris que la décision de la Commission était susceptible de causer des problèmes de relations de travail, mais elle a indiqué que cela ne voulait pas dire que les conclusions contenues dans 2008 CRTFP 42 étaient déraisonnables. La Cour a noté ceci :

[…]

[72]    Je comprends que le fait de combiner différents groupes professionnels dans une seule unité de négociation puisse causer des problèmes tant à l’agent négociateur qu’à l’employeur […]

[73]    Quoi qu’il en soit, les parties pourraient toujours […] s’adresser de nouveau à la Commission pour faire réviser la structure de l’unité de négociation si l’inclusion des trois postes dans l’unité de négociation du groupe AO venait à créer de graves problèmes.

[…]

53 La Commission et la Cour d’appel fédérale ont l’une et l’autre compris que la demanderesse tentait de faire reclassifier les postes et de les faire attribuer à des fonctionnaires ayant une expérience récente du pilotage d’aéronefs. Ni la Commission ni la Cour d’appel fédérale n’ont accédé à ces demandes. La demanderesse a clairement compris ce résultat, comme elle le reconnait explicitement dans le passage suivant de sa demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême (pièce R-6) :

[Traduction]

[…]

4. La décision de la Commission a été confirmée par une décision majoritaire de la Cour d’appel fédérale. Cependant, en rendant sa décision, la majorité a rejeté l’argument de l’APFC selon lequel la reclassification des trois postes n’avait pas pour effet d’éliminer l’obligation pour les titulaires de détenir une licence de pilote valide et d’avoir une expérience récente du pilotage d’aéronefs […]

[…]

La Cour suprême a rejeté la demande d’autorisation d’appel.

54 Dans sa lettre du 10 mai 2010 (pièce A-6), le défendeur indiquait clairement à la demanderesse qu’il n’exigerait pas une expérience récente du pilotage pour combler les trois postes. Il a mentionné 2008 CRTFP 42 et 2009 ACF 223 à l’appui de sa position. Malgré ces décisions, la demanderesse continue d’être en désaccord. La question soulevée dans la demande de réexamen aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi est en tout points identique à celle qui a déjà été tranchée par la Commission et par la Cour d’appel fédérale. La demanderesse ne prend pas une nouvelle position, ni ne présente des arguments et des faits nouveaux.

55 Le capitaine Slunder a déclaré durant son témoignage qu’il s’attendait à ce que le statu quo soit rétabli après la décision de la Cour d’appel fédérale. Il ne peut pas avoir eu cette attente en prenant connaissance de 2009 ACF 223. Il a également expliqué que la demanderesse voulait obtenir l’autorisation de se pourvoir en appel devant la Cour suprême parce qu’elle avait des interrogations au sujet des observations formulées dans l’opinion dissidente contenue dans 2009 ACF 223. Or, la source du problème de la demanderesse était la décision de la majorité, puisqu’elle rejetait explicitement son argument quant à l’obligation d’attribuer les postes à des fonctionnaires ayant une expérience récente du pilotage. Bref, le capitaine Slunder a été incapable d’expliquer pourquoi il s’attendait à ce que le statu quo soit rétabli après la décision de la Cour d’appel fédérale. Quoi qu’il en soit, la demanderesse affirme dans le présent cas que le refus subséquent du défendeur de prendre des mesures s’accordant avec cette attente est un fait qui n’était pas connu au moment de l’audience initiale et qui justifie le réexamen de la décision de la Commission. Or, rien dans la preuve n’étaye cette prétention. En ce qui concerne le rétablissement du statu quo, aucun changement qui n’a pas été examiné ou qui ne pouvait pas être examiné à ce moment-là n’est survenu après l’audience initiale.

56 Pour ce qui est des prétendus problèmes de relations de travail causés par 2008 CRTFP 42, la Cour d’appel fédérale a reconnu qu’il pouvait en survenir, mais elle a essentiellement dit aux parties de travailler ensemble pour trouver des solutions. De plus, la Commission a probablement tenu compte de ces problèmes pour rendre sa décision. Bref, ces problèmes ne constituent pas un motif impérieux pour réexaminer la décision de la Commission.

57 La demanderesse ne satisfait à aucun des critères établis par la jurisprudence pour justifier le réexamen de la décision aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi. Comme la demanderesse tente, en fait, de faire reclassifier les trois postes dans le groupe AO et d’obliger le défendeur à attribuer ces postes à des fonctionnaires ayant une expérience récente du pilotage, la Commission ne peut pas accorder la réparation demandée. Le droit exclusif du défendeur de classifier les postes et d’attribuer les fonctions lui est reconnu par la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, et est protégé par l’article 7 de la Loi et a été confirmé plus d’une fois par la jurisprudence; voir, par exemple, Brochu c. Canada (Conseil du Trésor), [1992] ACF no 1057 (C.A.)(QL); Charpentier et Trudeau c. le Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-26197 et 26198 (19970131); Gvildys et al. c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2002 CRTFP 86; Doiron c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 77; Bungay et al. c. Conseil du Trésor (Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CRTFP 40; Majdan c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 106.

58 Il n’existe aucune preuve que le défendeur ne mettra pas en œuvre 2008 CRTFP 42. La lettre du défendeur du 10 mai 2010 et les autres éléments de preuve indiquent qu’il a remis les cotisations syndicales à la demanderesse et qu’il l’a reconnue comme l’agent négociateur responsable des trois postes attribués à l’unité de négociation du groupe AO. À l’appui de sa prétention que la demanderesse ne satisfait pas aux critères qui s’appliquent à une demande prévue au paragraphe 52(1) de la Loi, le défendeur m’a renvoyé à Bremsak, à l’ouvrage de R. M. Snyder intitulé The 2010 Annotated Canada Labour Code, Carswell, aux pages 226 à 228, et à Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 174.

C. Pour l’intervenante

59 Les demandes prévues à l’article 58 de la Loi portent exclusivement sur l’attribution de postes à des unités de négociation, sans plus. Les demandes initiales déposées par la demanderesse au titre de l’article 58 soulevaient des questions qui débordaient ce cadre (paragraphes 6(i) ou (j) des demandes initiales), notamment, le rétablissement du statu quo après la classification des postes dans le groupe AO et leur attribution à des fonctionnaires qui avaient une expérience récente du pilotage. Ces questions ont été soumises carrément à la Commission et à la Cour d’appel fédérale qui les ont l’une et l’autre rejetées complètement. La Cour suprême a rejeté la demande d’autorisation d’appel. Dans le cas présent, la demanderesse tente une fois de plus de présenter le même argument irrecevable à la Commission.

60 Des attentes déçues ne peuvent pas servir de base à une demande au titre du paragraphe 43(1) de la Loi.

61 Les critères applicables à une demande aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi qui sont décrits au paragraphe 29 de Chaudhry ne sont pas disjonctifs, comme le prétend la demanderesse, mais conjonctifs. La demanderesse n’a pas démontré qu’elle satisfaisait à tous les critères en question. Par exemple, la jurisprudence indique clairement qu’un demandeur ne peut pas remettre en litige une question qui a déjà été tranchée, or c’est exactement que la demanderesse tente de faire.

62 On se rend compte, à la simple lecture de 2008 CRTFP 42, que le défendeur et l’intervenante ont l’un et l’autre défendu la position que la Commission n’était pas habilitée à ordonner la reclassification des trois postes, comme le confirme chaque décision que la Commission a rendue à ce sujet depuis les années 1960. Outre la jurisprudence citée par le défendeur, voir aussi Peck c. Parcs Canada, 2009 CF 686, Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2001 CRTFP 68.

63 Pour justifier le réexamen de cette décision, la demanderesse évoque également les problèmes de relations de travail auxquels elle a été confrontée — durant les négociations collectives et pour fournir une représentation aux titulaires particuliers des postes TI et PM — depuis le prononcé de 2008 CRTFP 42. Or, les problèmes décrits par la demanderesse sont le fondement des relations de travail. Si la demanderesse est incapable de répondre aux questions qui ont été posées, peut-être n’aurait-elle pas dû présenter ses demandes au titre de l’article 58 pour commencer.

64 Lorsqu’une demande au titre de l’article 58 de la Loi est accueillie, l’employeur décide parfois de reclassifier les postes en question et de les attribuer en conséquence. C’est une décision qui, à la fin, appartient exclusivement à l’employeur. Il va sans dire qu’il peut décider de procéder autrement. Cela étant, la demanderesse aurait dû savoir, en se préparant pour l’audience de la demande au titre de l’article 58, qu’elle était susceptible d’obtenir un résultat en tous points identique à celui qui s’était produit et elle aurait dû concentrer son attention sur cette éventualité.

65 En ce qui concerne le protocole d’entente conclu entre la demanderesse, le défendeur et l’intervenante (pièce R-2), en décembre 2008, aucun élément de preuve n’a été produit pour étayer la proposition selon laquelle ce protocole démontre que les parties savaient à ce moment-là que les titulaires des trois postes perdraient leur poste à la suite de 2008 CRTFP 42 et qu’ils seraient remplacés par des fonctionnaires ayant une expérience récente du pilotage.

66 Contrairement à ce que la demanderesse a tenté d’inférer, 2008 CRTFP 42 ne contient aucune conclusion de fait selon laquelle il est obligatoire de détenir une licence de pilote ou d’avoir une expérience récente du pilotage pour occuper l’un ou l’autre des trois postes; voir le paragraphe 14 relativement au premier poste, les paragraphes 22 et 27 relativement au deuxième poste et les paragraphes 38 et 39 en ce qui concerne le troisième poste. Même si la Commission avait tiré une conclusion de fait semblable, elle n’aurait pas eu le pouvoir d’utiliser ce fait pour attribuer un poste au groupe AO parce que cela aurait été l’équivalent de décider de la classification du poste. De même, la Commission n’aurait pas pu déterminer les critères de dotation de l’un ou l’autre des postes en se basant sur sa conclusion. Elle n’avait absolument aucun pouvoir de trancher l’une ou l’autre question, comme l’indique l’article 7 de la Loi. C’est précisément pour cette raison que la Commission ne peut pas, en l’occurrence, accueillir la demande formulée dans la première phrase du texte de la modification que la demanderesse veut apporter à l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42 — [traduction] « [l]es trois postes qui sont actuellement occupés par les trois titulaires correspondent le mieux au groupe professionnel AO. » L’article 7 le lui interdit expressément.

67 L’ambiguïté du texte de l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42 a peut-être donné l’espoir à la demanderesse que la Commission avait accepté de rétablir le statu quo, selon ce qu’elle avait cru comprendre. Or, la décision rendue ultérieurement par la Cour d’appel fédérale a mis fin à cet espoir. La Commission a décidé de traiter les trois postes comme s’ils faisaient partie du groupe AO aux fins des négociations collectives, sans plus. Afin d’appliquer la décision de la Commission, le défendeur devait seulement effectuer les retenues au titre des cotisations syndicales et les remettre à la demanderesse et la traiter comme la représentante exclusive des trois postes aux fins des négociations collectives. Il n’existe aucune preuve que le défendeur n’a pas pris exactement ces mesures.

68 L’intervenante exhorte la Commission à rejeter les deux demandes.

D. Réfutation de la demanderesse

69 Les observations formulées par la Cour d’appel fédérale au sujet de la « Question 1 » — « [l]es qualifications de pilotage étaient-elles encore obligatoires après la modification de la description de travail des trois postes? » — constituent une opinion incidente. La Cour n’a pas été saisie formellement de cette question; elle n’exerçait pas sa compétence et la question n’a pas été formellement tranchée. La seule décision rendue dans 2009 ACF 223 concernait la question de la compétence soulevée par le traitement de la Commission des énoncés liés à l’exclusion inclus dans la définition des groupes qu’elle a examinés.

70 La Commission n’est pas liée par les remarques incidentes qui n’ont aucun rapport avec la question de fond dont la Cour fédérale du Canada était saisie. En rejetant la demande d’autorisation d’appel, la Cour suprême a essentiellement privé les parties d’une décision judiciaire sur la question de l’expérience de pilotage. La décision initiale de la Commission demeure exécutoire.

71 La Commission n’a pas reformulé le droit régissant l’application du paragraphe 43(1) de la Loi en rendant Chaudhry. Même si elle a utilisé la conjonction « et » pour regrouper les critères cités dans les décisions faisant autorité, il ressort clairement de Chaudhry, Danyluk et al., et Czmola et des autres décisions de la Commission, que les critères sont disjonctifs.

IV. Motifs

72 Je suis d’avis qu’il conviendrait d’examiner en premier la demande au titre du paragraphe 43(1) de la Loi pour procéder à l’analyse de 2008 CRTFP 42 et de passer ensuite à la demande prévue au paragraphe 52(1). J’estime que je dois d’abord décider s’il existe des raisons de réexaminer l’ordonnance initiale avant de déterminer si cette ordonnance, telle que modifiée ou telle que formulée initialement, doit être certifiée pour être déposée à la Cour fédérale.

A. Demande prévue au paragraphe 43(1) de la Loi

73 Les demandes de réexamen d’une décision de la Commission aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi ou du paragraphe 27(1) de l’ancienne LRTFP sont assez peu fréquentes. Dans le cadre d’une analyse de la jurisprudence actuelle, la Commission a observé ce qui suit au paragraphe 29 de Chaudhry :

29 Il ressort de l’analyse de la jurisprudence que les lignes directrices ou critères ci-après doivent être pris en compte lorsqu’il s’agit de réexaminer une décision de la CRTFP (voir les décisions Quigley, Danyluk, Czmola et Alliance dela Fonction publique du Canada) :

  • le réexamen ne doit pas remettre en litige le fond de l’affaire;
  • il doit être fondé sur un changement important des circonstances;
  • il doit tenir compte uniquement des nouveaux éléments de preuve ou arguments qui ne pouvaient être raisonnablement présentés lors de l’audience initiale;
  • on doit s’assurer que les nouveaux éléments de preuve ou arguments ont des conséquences importantes et déterminantes sur l’issue de la plainte;
  • on doit veiller à ce que le réexamen soit fondé sur un motif impérieux;
  • le pouvoir de réexamen doit être exercé de manière « […] judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment ». (Czmola).

74 La liste des lignes directrices ou des critères contenue dans Chaudhry souligne l’importance de faire preuve de circonspection lors de l’examen d’une demande aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi. Tel qu’il est indiqué, le paragraphe 43(1) ne constitue aucunement un moyen pour faire réexaminer systématiquement des décisions passées. Le demandeur doit faire la preuve de l’existence de motifs précis, conformément à la jurisprudence actuelle, pour justifier que la Commission prenne la décision exceptionnelle d’intervenir pour modifier le résultat d’une procédure antérieure. (Je signale que je ne crois pas qu’une décision sur la nature disjonctive ou conjonctive des critères décrits dans Chaudhry soit nécessaire pour rendre la présente décision.)

75 Dans la présente affaire, il est particulièrement important de faire preuve de circonspection. La Cour d’appel fédérale a examiné les motifs donnés par la Commission dans 2008 CRTFP 42 et conclu qu’il n’y avait aucune raison d’accueillir les demandes de contrôle judiciaire présentées par le défendeur et par l’intervenante. La Cour suprême a ensuite rejeté la demande d’autorisation d’appel du jugement rendu dans 2009 ACF 223. À la lumière des décisions des cours supérieures, la décision de la Commission dans 2008 CRTFP 42 doit être considérée comme une décision qui s’appuie sur des critères solides en droit. La Commission ne devrait modifier d’aucune manière le résultat du recours en révision judiciaire.

76 J’admets que les observations de la Cour d’appel fédérale au sujet de l’obligation pour les titulaires d’avoir une expérience récente du pilotage (« question 1 ») pourraient, en théorie, constituer une remarque incidente. Quoi qu’il en soit, ces observations nous permettent de connaître l’opinion de la Cour sur cette question; elles ne devraient pas être rejetées sous prétexte qu’elles n’ont ni poids ni valeur. Cela dit, je n’ai pas à m’appuyer aux paragraphes 22 à 26 (« question 1 ») de 2009 ACF 223 pour rendre ma décision.

77 La demanderesse me demande de modifier l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42 en y ajoutant le texte suivant :

[Traduction]

Les trois postes qui sont actuellement occupés par les trois titulaires correspondent le mieux au groupe professionnel AO. Cette conclusion découle de la constatation que les fonctions principales (ou essentielles) des postes comprennent au moins une des activités qui sont expressément décrites au paragraphe 1 des « postes inclus » dans la définition du groupe AO (activités pour lesquelles une expérience récente du pilotage d’aéronefs est requise, tel qu’il a été décidé par le Conseil du Trésor lors de la publication de la définition et de la norme de classification du groupe AO).

L’ordonnance actuelle indique que « [l]es postes faisant l’objet des demandes doivent être inclus dans le groupe AO, dont l’Association des pilotes fédéraux du Canada constitue l’agent négociateur accrédité. »

78 La demanderesse avance que la modification demandée est justifiée, pour la bonne raison que l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42 n’est pas suffisamment explicite et qu’elle ne pouvait pas raisonnablement prévoir, au moment où s’est tenue l’audience, de quelle manière le défendeur déciderait d’exécuter l’ordonnance — c’est-à-dire en lui remettant les cotisations syndicales retenues sur la rémunération des titulaires des trois postes et en reconnaissant ses droits de négociation exclusifs quant à ces postes, sans plus. Selon le capitaine Slunder, la demanderesse s’attendait à ce qu’une décision favorable — et la décision qu’il croyait avoir obtenue dans 2008 CRTFP 42 — oblige le défendeur à prendre des mesures supplémentaires, soit attribuer les fonctions exécutées par les titulaires des postes PM et TI actuels au groupe AO et à exiger que les postes aillent à des fonctionnaires ayant une « expérience récente du pilotage d’aéronefs » conformément à la norme de classification du groupe AO. Aucun des résultats attendus ne s’est réalisé. Malgré tous les espoirs, le statu quo n’a pas été rétabli.

79 Pour les motifs exposés ci-après, j’estime qu’il est inutile de déterminer si la preuve relative aux attentes de la demanderesse justifie que la Commission réexamine, annule ou modifie 2008 CRTFP 42. Selon moi, la présente affaire porte sur la question plus fondamentale suivante : La demanderesse avait-elle des raisons valables en droit de croire que l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42 aurait pu avoir le résultat auquel elle s’attendait?

80 La demanderesse a d’abord présenté une demande à la Commission au titre de l’article 58 de la Loi, qui est libellé comme suit :

          58. À la demande de l’employeur ou de l’organisation syndicale concernée, la Commission se prononce sur l’appartenance de tout fonctionnaire ou de toute catégorie de fonctionnaires à une unité de négociation qu’elle a définie, ou sur leur appartenance à toute autre unité.

81 Le texte de l’article 58 de la Loi est clair. Cette disposition (et l’article 57) figure dans la section V de la Loi sous le sous-titre « Détermination des unités habiles à négocier ». Les questions qui sont tranchées par la Commission en application de l’article 58 portent sur l’appartenance des fonctionnaires « à une unité de négociation » ou « à toute autre unité ». L’expression « unité de négociation », qui est définie au paragraphe 2(1), a une signification très précise. Elle désigne exclusivement un « groupe de fonctionnaires […] qu[i] constitue une unité habile à négocier collectivement ». C’est le concept fondamental clé pour organiser la représentation syndicale et le processus des négociations collectives. Dans le cas de la demande soumise à la Commission en vertu de l’article 58, il s’agissait de déterminer si les trois postes en question étaient inclus correctement dans les unités de négociation PA et TC ou si, comme le soutient la demanderesse, ils concordaient le mieux avec une autre unité de négociation — que la demanderesse a appelée le « groupe AO », comme l’a fait la Commission tout au long de sa décision.

82 Afin de déterminer la structure des unités de négociation, la Commission est liée par les paragraphes 57(2) et (3) de la Loi, qui sont libellés comme suit :

          57. (2) Pour décider si le groupe de fonctionnaires constitue une unité habile à négocier collectivement, la Commission tient compte de la classification des postes établis par l’employeur et des personnes qu’il emploie, notamment des groupes ou sous-groupes professionnels qu’il a établis.

          (3) La Commission est tenue de définir des unités correspondant aux groupes et sous-groupes professionnels établis par l’employeur, sauf dans le cas où elles ne constitueraient pas des unités habiles à négocier collectivement au motif qu’elles ne permettraient pas une représentation adéquate des fonctionnaires qui en font partie.

83 La loi présume qu’il existe une étroite correspondance entre la structure de l’unité de négociation et le plan de classification du défendeur, y compris les groupes professionnels définis par le défendeur aux fins de la classification. La Commission doit [traduction] « tenir compte » de ce plan pour façonner des unités de négociation qui correspondent aux groupes et sous-groupes professionnels, sauf s’il y a une raison de déroger à cette règle après une évaluation de l’unité qui permettrait une [traduction] « représentation adéquate ». Comme la Commission a la latitude voulue pour rendre des décisions subsidiaires qui permettent une [traduction] « représentation adéquate », rien ne l’empêche d’établir des unités de négociation qui ne concordent pas parfaitement avec un groupe professionnel lorsque la situation le justifie.

84 Dans l’exercice de son autorité pour déterminer la composition des unités de négociation, la Commission doit toujours tenir compte des dispositions de l’article 7 de la Loi, qui est libellé comme suit :

          7. La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

85 De l’aveu même de la demanderesse, la Commission ne peut pas empiéter sur le droit exclusif du défendeur de classifier les postes. Lors de l’examen d’une demande prévue à l’article 58, la Commission ne peut pas imposer une mesure qui modifie, directement ou indirectement, la classification des postes ou des fonctionnaires. Dans 2008 CRTFP 42, la Commission a établi explicitement cette limite au paragraphe 7, dans les termes suivants :

[7]        L’employeur a le droit incontestable d’attribuer des fonctions, de classifier des postes et d’organiser la fonction publique. Aucun de ces aspects ne peut faire l’objet d’une détermination […]

86 La jurisprudence de la Commission est manifestement cohérente sur la question du respect de cette limite.

87 La demanderesse s’est employée à plaider qu’elle n’avait pas demandé à la Commission, à l’audience initiale ou à celle-ci, une mesure de réparation qui la ferait empiéter sur les prérogatives du défendeur en matière de classification. Je ne suis pas de cet avis, surtout au vu du texte de la modification proposée. Je suis absolument convaincu que la modification proposée fait inévitablement basculer la Commission dans le domaine de la classification, ainsi que — de l’aveu même de la demanderesse —, dans le domaine connexe de la dotation. Les résultats recherchés par la demanderesse comprennent l’attribution des fonctions des trois postes au groupe AO aux fins des processus de classification et de dotation. La demanderesse veut que les fonctions en question soient exécutées par des pilotes. À cette fin, elle veut que les fonctions attribuées au groupe AO correspondent aux paramètres de la définition de ce groupe. Or, cette définition est, à sa base, un concept de classification. Elle constitue, au même titre que l’obligation d’attribuer les postes du groupe AO à des pilotes d’expérience, un élément fondamental de la définition et de la norme de classification du groupe AO auxquels la modification proposée par la demanderesse renvoie expressément. S’il subsistait le moindre doute quant au résultat recherché, la demanderesse a tôt fait de les dissiper par ses déclarations répétées selon lesquelles elle s’attendait, et s’attend toujours, à ce que le [traduction] « statu quo soit rétabli » — c’est-à-dire à ce que des pilotes d’expérience exécutent les fonctions des postes, conformément à la définition et à la norme de classification du groupe AO, comme c’était le cas lorsque les trois postes étaient classifiés dans le groupe AO.

88 Dans 2008 CRTFP 42, la Commission a cherché à établir la meilleure correspondance possible en comparant les principaux objectifs des trois postes avec les énoncés liés à l’inclusion et à l’exclusion inclus dans la définition des groupes établie par le défendeur. La Commission a explicitement déclaré au paragraphe 9 que cette comparaison avait pour but « […] de placer ces postes dans leurs unités de négociation appropriées […] ». La Commission n’a pas effectué cette analyse dans le but de déterminer si les trois postes devaient être classifiés dans le groupe AO, ni n’aurait-elle pu le faire. Elle n’a pas ordonné à la demanderesse d’attribuer les postes en question à des pilotes d’expérience, ni n’aurait-elle pu le faire. Son pouvoir se limitait à déterminer à quelle unité de négociation appartenaient les postes en question.

89 Dans une certaine mesure, il se peut très bien que le texte de l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42 ait semé la confusion. Au lieu d’indiquer que « [l]es postes faisant l’objet des demandes doivent être inclus dans le groupe AO […] », la Commission aurait pu écrire : [traduction] « [l]es postes faisant l’objet des demandes doivent être inclus dans l’unité de négociation du groupe AO […] » [Je souligne]. Le fait que la Commission n’a pas employé cette dernière formulation ne change rien au résultat juridique. Comme la Commission l’a expressément indiqué dans sa décision, il s’agissait en tout temps de « […] placer ces postes dans leurs unités de négociation appropriées […] ». L’attribution de fonctions ou la classification de postes n’ont jamais « fait l’objet d’une détermination ». De la même manière, les exigences en matière de dotation n’ont jamais été en cause.

90 La demanderesse ne demande pas expressément que les trois postes soient reclassifiés dans la modification qu’elle propose d’apporter à l’ordonnance de la Commission, mais c’est exactement le but qu’elle vise en demandant à la Commission de déclarer [traduction] « […]que les fonctions principales (ou essentielles) des postes comprennent au moins une des activités qui sont expressément décrites […] dans la définition du groupe AO […] » contenue dans la norme de classification. L’objectif de la demanderesse est d’obliger les titulaires à avoir une récente expérience du pilotage pour les intégrer au groupe de fonctionnaires représentés définis par ses statuts. Je suis d’avis que la Commission n’a aucune raison, sur le plan juridique, de s’aventurer sur ce terrain.

91 Dans la mesure où la modification proposée par la demanderesse déborde le cadre de la compétence de la Commission aux termes de l’article 58 de la Loi et outrepasse les limites établies par l’article 7, je dois la rejeter.

92 Je suis incapable de trouver une autre mesure de réparation — s’il y avait lieu de le faire — qui serait compatible avec la position de la demanderesse pour rétablir le statu quo sans outrepasser pareillement les pouvoirs de la Commission en vertu de l’article 58 de la Loi ou aller par ailleurs à l’encontre de l’article 7. Ainsi, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de pousser l’analyse plus loin pour déterminer si la demanderesse a démontré l’existence d’un motif, conformément à la jurisprudence, pour justifier le réexamen de la décision aux termes du paragraphe 43(1). Lorsque l’objectif ultime d’une demande de réexamen est un résultat qui ne peut pas être atteint devant le présent tribunal, l’affaire s’arrête là dans les faits.

B. Demande prévue au paragraphe 52(1) de la Loi

93 Le libellé du paragraphe 52(1) de la Loi indique très clairement que la Commission doit accéder à la demande, présentée de façon régulière par la personne ou l’organisation touchée, visant à ce qu’une copie certifiée conforme d’une ordonnance de la Commission soit déposée à la Cour fédérale, sauf si, à son avis, l’une ou l’autre des conditions suivantes (ou les deux) s’applique :

[…]

  1. soit rien ne laisse croire qu’elle n’a pas été exécutée ou ne le sera pas;
  2. soit, pour d’autres motifs valables, le dépôt ne serait d’aucune utilité.

94 L’ordonnance de la Commission dans 2008 CRTFP 42 était directe. Elle exigeait que les trois postes faisant l’objet des demandes « […] [soient] […] inclus dans le groupe AO […] » Comme je l’ai mentionné précédemment, je suppose que cela signifie que les trois postes doivent être inclus dans l’unité de négociation du groupe AO, car la seule fin légitime d’une décision rendue aux termes de l’article 58 de la Loi est d’attribuer des postes à des unités de négociation.

95 La preuve non contestée indique que le défendeur a donné suite à l’ordonnance rendue dans 2008 CRTFP 42 en remettant les cotisations syndicales à la demanderesse à titre d’agent négociateur accrédité de l’unité de négociation AO et en reconnaissant ses droits de représentation exclusifs par rapport aux trois postes. Cela démontre, selon moi, que le défendeur a reconnu que les trois postes faisaient partie de l’unité de négociation du groupe AO et qu’il conduit ses relations avec l’agent négociateur accrédité en conséquence. À cet égard, [traduction] « [...] rien ne laisse croire qu[e l’ordonnance] n’a pas été exécutée ou ne le sera pas » aux termes du paragraphe 52(1) de la Loi.

96 Comme je l’ai indiqué, l’objectif essentiel de la demanderesse dans la présente affaire est d’obtenir quelque chose de plus, soit que les trois postes soient attribués à des fonctionnaires ayant une expérience récente du pilotage d’aéronefs comme si ces postes étaient classifiés dans le groupe AO. Or, la Commission ne peut pas aller jusque là parce qu’elle n’est pas habilitée à trancher les questions relatives à la classification ou à la dotation. À toutes fins utiles, la Commission est allée aussi loin que possible dans 2008 CRTFP 42 et son ordonnance a eu la portée juridique qu’il était possible d’avoir.

97 Je conclus par conséquent que rien n’indique que l’ordonnance rendue par la Commission dans 2008 CRTFP 42 n’a pas été exécutée ou ne le sera pas. Pour ce motif, l’exception prévue à l’alinéa 52(1)a) de la Loi s’applique, et je refuse d’ordonner qu’une copie certifiée conforme de la décision antérieure de la Commission soit déposée à la Cour fédérale.

98 Compte tenu de ma décision fondée sur l’alinéa 52(1)a) de la Loi, il n’est pas nécessaire de déterminer si l’alinéa 52(1)b) pourrait aussi s’appliquer.

99 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

100 La demande prévue au paragraphe 43(1) et la demande prévue au paragraphe 52(1) de la Loi sont rejetées.

Le 24 juin 2011.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
commissaire

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