Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a posé sa candidature dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé pour la dotation d’un poste d’agent. Sa candidature n’a pas été retenue car elle ne possédait pas une des qualifications essentielles pour le poste, la capacité d’interpréter des politiques. La qualification en question a été évaluée par un examen écrit comportant une seule question. Les candidats ont reçu des éléments d’information fictifs sur un sujet donné et devaient rédiger une note de synthèse contenant des solutions claires et concises ainsi qu’une recommandation finale à l’intention des cadres dirigeants. La réponse de la plaignante comportait plusieurs solutions et deux recommandations. Le comité d’évaluation a jugé que ladite réponse était médiocre dans la mesure où elle contenait plus d’une recommandation. Il en a donc conclu que la plaignante ne possédait pas ladite qualification essentielle et sa candidature n’a pas été retenue. La plaignante a formulé à l’encontre de l’intimé une allégation d’abus de pouvoir dans l’évaluation de sa capacité d’interpréter des politiques. Décision La plaignante a avancé qu’il y avait une faille dans l’outil d’évaluation du fait de l’élimination automatique par le comité d’évaluation de la candidature de toute personne ayant fourni plus d’une recommandation. Le Tribunal a cependant fait remarquer que, selon le témoignage des membres du comité, la question d’examen était conçue de manière que la réponse formule une seule recommandation. Il était essentiel pour un agent d’être en mesure d’interpréter une politique et de l’appliquer à une situation de façon à produire une seule recommandation. Le fait pour un candidat de ne pouvoir se limiter à une seule recommandation révélait des lacunes chez cette personne et elle aurait peu de chances de s’acquitter efficacement des fonctions du poste en cas de nomination. Le Tribunal a donc conclu que la plaignante n’avait pas démontré que la décision du comité d’évaluation d’éliminer la candidature de toute personne ayant fourni plus d’une réponse était déraisonnable ni qu’elle constituait un abus de pouvoir. En l’espèce, la qualification n’avait pas été modifiée par le comité d’évaluation. À l’examen, il s’agissait pour les candidats de formuler des solutions et une recommandation, exigence conforme selon le Tribunal à la qualification essentielle à évaluer. En outre, le Tribunal a jugé logique et cohérente l’explication de l’intimé selon laquelle la réponse attendue était en phase avec les exigences du poste. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Gress c. le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2009-0493/0494/0495/0505
Rendue à:
Ottawa, le 10 janvier 2011

CONNIE GRESS
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Gress c. le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien
Référence neutre:
2011 TDFP 0001

Motifs de la décision


Introduction


1 La plaignante, Connie Gress, a posé sa candidature dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste d’agent (PM-03) au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) dans diverses agglomérations de la Saskatchewan. Sa candidature n’a pas été retenue, car elle ne possédait pas une des qualifications essentielles pour le poste. La plaignante affirme que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation de sa capacité d’interpréter des politiques (CA4).

2 L’intimé, le sous‑ministre d’AINC, nie tout abus de pouvoir.

Contexte


3 L’annonce de possibilité d’emploi a été affichée sur Publiservice avec la date limite des candidatures fixée au 25 mars 2009. La plaignante a posé sa candidature qui a été retenue à la présélection. Elle a été invitée à passer un examen prévu pour le 24 avril 2009.

4 L’examen comportait une seule question. Les candidats ont reçu des renseignements fictifs sur une élection contestée au sein d’une bande, une politique, un extrait de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5, et une note d’information partiellement rédigée. Ils devaient terminer la note d’information en fonction des renseignements dont ils disposaient. Leur réponse devait « comprendre des solutions claires et concises ainsi qu’une recommandation finale à l’intention des cadres dirigeants » [traduction]. Les deux dernières sections de la note d’information étaient intitulées « Solutions » et « Recommandation ».

5 La plaignante a formulé sa réponse en cinq paragraphes numérotés, qui décrivaient les solutions proposées. Elle a ensuite modifié le titre de la dernière section en y substituant un pluriel, « Recommandation » est devenu « Recommandations », et a décrit deux possibilités : tenir une nouvelle élection ou conseiller aux parties de régler leur différend par la médiation.

6 Le comité d’évaluation a qualifié de médiocre la réponse de la plaignante, car celle‑ci avait formulé plus d’une recommandation. Par conséquent, il a déterminé que la plaignante ne possédait pas la qualification CA4 et n’a pas retenu sa candidature.

7 Une notification de nomination ou de proposition de nomination visant cinq candidats retenus a été publiée le 22 juillet 2009.

8 Le 29 juillet 2009, la plaignante a déposé au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) une plainte pour abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Question en litige


9 Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir dans son évaluation de la réponse de la plaignante.

Résumé et analyse des éléments de preuve pertinents


10 Aux termes de l’art. 88(2) de la LEFP, le mandat du Tribunal en ce qui concerne les processus de nomination internes est d’instruire les plaintes présentées en vertu de l’article 77 de la LEFP et de statuer sur elles. L’article 77 de la LEFP stipule qu’une personne peut présenter une plainte au Tribunal au motif qu’elle n’a pas été nommée en raison d’un abus de pouvoir.

11 Dans une plainte présentée au Tribunal, le fardeau de la preuve incombe au plaignant (voir la décision Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008). Le Tribunal a toujours jugé qu’une constatation d’abus de pouvoir n’exige pas une intention, et qu’une interprétation nécessitant une preuve d’intention serait contraire à l’intention du législateur lors de la promulgation de la LEFP (voir par exemple la décision Tibbs, para. 72, et la décision Rinn c. le sous‑ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 0044, para. 36).

12 Par ailleurs, il ressort clairement du préambule et de l’esprit de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur était qu’il fallait plus que de simples erreurs ou omissions pour faire un constat d’abus de pouvoir (voir décision Tibbs, para. 65, et décision Neil c. le sous-ministre d'Environnement Canada, 2008 TDFP 0004, para. 50 et 51).

13 L’article 36 de la LEFP confère à l’administrateur général le pouvoir de choisir les outils d’évaluation. Toutefois, les outils choisis peuvent donner lieu à une plainte pour abus de pouvoir. Par exemple, dans la décision Jolin c. l’administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0011, au paragraphe 37, le Tribunal a énoncé certains types d’outils déficients : des outils qui favorisent indûment certains candidats, qui visent à nuire à un candidat ou qui entraînent une discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite.

14 La plaignante avance qu’il y avait une faille dans l’outil d’évaluation du fait de l’élimination automatique, par le comité d’évaluation, de la candidature de toute personne ayant fourni plus d’une recommandation. Elle reconnaît avoir modifié le titre de la rubrique « Recommandation » pour y substituer le pluriel, mais soutient que les deux réponses qu’elle a fournies représentaient simplement des méthodes différentes d’en arriver à la même solution, et que le gestionnaire devrait être en mesure de choisir entre les deux. Le Tribunal souligne qu’en contre-interrogatoire, la plaignante a décrit ses deux réponses comme deux recommandations, indiquant qu’elle ne croyait pas que la question limitait les candidats à une seule recommandation.

15 Sherri Daniels, directrice associée, Gouvernance, AINC, présidait le comité d’évaluation. Elle a déclaré que la question d’examen était conçue de manière que la réponse formule une seule recommandation; il s’agissait d’un critère important au regard de la qualification CA4. Les cadres dirigeants se fient à l’expertise des agents qui analysent les situations pour ensuite leur recommander un plan d’action. Il était donc essentiel pour un agent d’être en mesure d’interpréter une politique et de l’appliquer à une situation de manière à produire une seule recommandation. Ainsi, le comité d’évaluation considérait qu’un candidat qui ne pouvait se limiter à une seule recommandation présentait des lacunes et aurait peu de chances de s’acquitter efficacement des fonctions du poste en cas de nomination. Mme Daniels a déclaré que la plaignante faisait partie de 15 candidats environ dont la candidature avait été éliminée parce qu’ils avaient fourni plus d’une recommandation.

16 Darren Svedahl était membre du comité d’évaluation. Il a déclaré qu’avant de commencer à évaluer les examens, le comité avait décidé de considérer comme étant médiocre toute réponse comprenant plus d’une recommandation. Il a affirmé qu’autrement, la réponse de la plaignante était bien rédigée, mais ne démontrait pas adéquatement que celle-ci possédait la qualification CA4 étant donné qu’elle comprenait plus d’une recommandation.

17 La Commission de la fonction publique n’était pas représentée à l’audience, mais a présenté des observations écrites dans lesquelles elle souligne que pour répondre à la question d’examen, les candidats devaient fournir plusieurs solutions, mais une seule recommandation.

18 Le Tribunal juge que la plaignante ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve en l’espèce. Il conclut qu’elle n’a pas démontré que la décision du comité d’évaluation d’éliminer la candidature de toute personne ayant fourni plus d’une réponse était déraisonnable ni qu’elle constituait un abus de pouvoir. En l’espèce, la qualification n’a pas été modifiée par le comité d’évaluation. À l’examen, il s’agissait pour les candidats de formuler des solutions et une recommandation, exigence conforme, selon le Tribunal, à la qualification CA4. De plus, le comité d’évaluation a expliqué les exigences du poste et décrit comment elles se traduisaient dans la réponse attendue. Le Tribunal juge que cette explication était logique et cohérente.

19 Le témoignage de la plaignante au sujet de sa réponse à l’examen est contradictoire. Elle a d’abord indiqué que sa note d’information comprenait deux méthodes, qu’elle a ensuite appelées recommandations. Elle a reconnu avoir modifié le titre de la rubrique pour y ajouter la marque du pluriel, ce qui indique fortement qu’au moment de subir l’examen, elle croyait devoir fournir plus d’une recommandation.

20 La question et la note d’information montrent sans équivoque que les candidats devaient formuler une seule recommandation. Le comité d’évaluation a expliqué son raisonnement. Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas démontré que l’outil d’évaluation était mal conçu, ni que le comité d’évaluation avait commis une erreur ou que sa réponse correspondait aux attentes.

21 Dans ces circonstances, le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas établi l’existence d’un abus de pouvoir au sens de l’art. 77(1)a) de la LEFP.

Décision


22 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Joanne B. Archibald

Membre


Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2009-0493/0494/0495/0505
Intitulé de la cause :
Connie Gress et le sous‑ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien
Audience :
Le 21 octobre 2010
Regina (Saskatchewan)
Date des motifs :
Le 10 janvier 2011

COMPARUTIONS

Pour la plaignante :
Ken Boone
Pour l'intimé :
Philippe Lacasse
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