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Résumé :

L’Annonce de possibilité d’emploi (l’Annonce) pour un processus de nomination interne annoncé indiquait qu’un bassin de candidats entièrement qualifiés pourrait être établi à la suite de ce processus. De plus, ce bassin servirait à doter des postes prévus à plusieurs villes dans le pays avec des profils linguistiques divers : bilingue impératif CBC/CBC, bilingue non impératif CBC/CBC et anglais essentiel. D’après les allégations du plaignant, l’intimé aurait fait preuve d’abus de pouvoir en refusant d’établir un bassin de candidats qualifiés ayant un profil linguistique non impératif CBC/CBC, car selon le libellé de l’Annonce, l’intimé devait s’assurer de rendre disponibles et de doter des postes ayant les divers profils linguistiques indiqués. Vers la fin de la présentation de sa preuve, le plaignant a laissé sous-entendre qu’il croyait avoir subi de la discrimination de la part de l’intimé et qu’il prévoyait demander un dédommagement pécuniaire. Décision Le Tribunal a estimé – en guise de question préliminaire – que le plaignant ne satisfaisait pas aux exigences stipulées à l’article 23 du Règlement du TDFP pour modifier ou présenter de nouvelles allégations pour les raisons suivantes : a) le plaignant n’a jamais soulevé une question de discrimination lors du dépôt de ses allégations ou de la conférence préparatoire; b) le plaignant voulait présenter cette nouvelle allégation alors qu’il arrivait à la fin de la présentation de sa preuve; c) le plaignant avait en sa possession toute l’information nécessaire pour formuler une telle allégation au préalable en temps opportun et aviser la Commission canadienne des droits de la personne avant la tenue de l’audience. Le Tribunal a rejeté l’interprétation de l’Annonce proposée par le plaignant. Il s’agissait de deux décisions différentes : a) établir ou non un bassin de candidats qualifiés; et b) se servir ou non des résultats de ce processus pour faire des nominations à des postes prévus dans d’autres endroits et ayant diverses exigences linguistiques. Comme le montre la version anglaise de l’Annonce, la deuxième décision s’avère être complètement indépendante de la première : «  A pool may be established from this process and may be used to staff, in other regions, similar positions (…) ». Le Tribunal a estimé, en outre, que le langage utilisé dans l’Annonce ne pouvait pas prendre préséance sur la disposition de la Directive sur la dotation des postes bilingues selon laquelle la dotation non impérative est exceptionnelle et doit être approuvée par le sous-ministre adjoint du ministère. La preuve présentée démontre que l’intimé n’avait pas obtenu l’approbation du sous-ministre adjoint responsable pour une dotation non impérative avant de procéder avec l’affichage de l’Annonce. Par conséquent, l’intimé n’était pas habilité à effectuer une nomination bilingue non impérative. Dans ces circonstances, l’argument du plaignant n’était pas fondé. En considération de toutes ces observations, le Tribunal a conclu que l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir en refusant de créer un bassin de candidats qualifiés avec un profil linguistique bilingue non impératif CBC/CBC. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2009-0601
Rendue à:
Ottawa, 30 juin, 2011

JEAN DESAULNIERS
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE D'ENVIRONNEMENT CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir aux termes de l'article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Maurice Gohier, membre
Langue de la décision:
Français
Répertoriée:
Desaulniers c. le sous-ministre d'Environnement Canada
Référence neutre:
2011 TDFP 0018

Motifs de décision


Introduction


1 En novembre 2008, le sous-ministre d’Environnement Canada (l’intimé) a tenu un processus de nomination interne annoncé pour doter des postes de directeur(trice) régional(e), Direction de l’application de la loi sur la faune, de groupe et niveau GT-08, à Vancouver, en Colombie-Britannique, un poste ayant « anglais essentiel » comme profil linguistique. Le plaignant, Jean Desaulniers, a soumis sa candidature pour ce poste, mais un autre candidat (John Wong) a été nommé tel qu’annoncé le 14 septembre 2009, par une Notification de nomination ou de proposition de nomination.

2 L’Annonce de possibilité d’emploi pour ce processus indiquait qu’un bassin de candidats entièrement qualifiés pourrait être établi à la suite de ce processus et servir à doter des postes prévus à Edmonton, Burlington, Moncton et dans d’autres villes à déterminer avec des profils linguistiques divers : bilingue impératif CBC/CBC, bilingue non impératif CBC/CBC et anglais essentiel.

3 Dans sa plainte, déposée auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) le 22 septembre 2009, le plaignant, dont les compétences linguistiques en anglais sont BBB, allègue que le ministère a fait preuve d’abus de pouvoir en refusant d’établir un bassin de candidats qualifiés ayant un profil linguistique non impératif CBC/CBC.

Questions en litige


4 Le Tribunal doit statuer sur la question suivante : l’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en refusant d’établir un bassin de candidats qualifiés avec un profil linguistique bilingue non impératif CBC/CBC suite au processus mené en 2008?

Question préliminaire

5 Le plaignant lui-même n’a pas témoigné lors de l’audience, préférant plutôt faire sa présentation et produire ses documents en interrogeant ses deux témoins : Richard Charette et Sheldon Jordan.

6 Vers la fin de l’interrogatoire de son deuxième témoin, le plaignant a laissé sous - entendre qu’il croyait avoir subi de la discrimination de la part de l’intimé et qu’il prévoyait demander un dédommagement pécuniaire en vertu des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne. L’intimé s’est opposé à ce développement inattendu puisque le plaignant n’avait pas formulé d’allégation à cet égard ni avisé la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) tel qu’exigé par l’article 78 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) et l’article 20 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 (le Règlement du TDFP).

7 L’article 23 du Règlement du TDFP prévoit des modalités pour modifier ou présenter de nouvelles allégations. Il y est prévu que le Tribunal peut, sur demande, autoriser le plaignant à modifier une allégation ou à présenter une nouvelle allégation, si la modification ou la nouvelle allégation résulte d’une information qui n’aurait pas pu être raisonnablement obtenue avant que le plaignant ne présente ses allégations.

8 Le Tribunal estime que le plaignant ne satisfait pas à ces exigences. Le plaignant n’avait jamais soulevé une question de discrimination soit lors du dépôt de ses allégations ou de la conférence préparatoire. De plus, il voulait présenter cette nouvelle allégation alors qu’il était sur le point de terminer la présentation de sa preuve. Le plaignant avait en sa possession toute l’information nécessaire pour formuler une telle allégation au préalable en temps opportun et pour aviser la CCDP avant la tenue de l’audience. Puisqu’il n’a rien fait dans ce sens, le Tribunal a indiqué au plaignant lors de l’audience qu’il ne lui serait pas permis de présenter de preuve ou d’argumentation portant sur la discrimination. (Voir Jacobson c. le président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, 2009 TDFP 0019, para. 7).

Le processus de 2005

9 Il existe un contexte particulier à cette plainte qui débute lors d’un différent processus de dotation externe mené en 2005 (le processus de 2005) sous le régime de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C., 1985, ch. P-33 (l’ancienne LEFP) pour doter des postes de gestionnaire - application des lois, aux groupe et niveau PM-06, processus auquel le plaignant avait participé comme candidat.

10 Lors du processus de 2005, les candidats ont subi un examen écrit qui évaluait diverses qualifications requises pour le poste de gestionnaire. Après la correction de l’examen, le comité d’évaluation (le comité) avait conclu que le plaignant ne répondait pas à ces qualifications et sa candidature avait été rejetée. Suite au processus de 2005, deux personnes ont été nommées aux postes de gestionnaire dont le profil linguistique était BBB/BBB.

11 Le plaignant a contesté auprès du ministère les résultats de son examen écrit lors du processus de 2005. Après un long délai suite à plusieurs rencontres et discussions, ses résultats ont été modifiés vers la fin 2007 ce qui faisait qu’il obtenait maintenant la note requise pour réussir l’examen écrit.

12 Au début de 2006, M. Charette occupait par intérim les fonctions du poste de directeur national, Application de la loi sur la faune. Les directeurs régionaux étaient sous ses ordres et il participait à la revue de l’examen écrit du plaignant. M. Charette a expliqué que le ministère voulait rectifier l’erreur de ne pas avoir convoqué le plaignant aux entrevues du processus de 2005 en lui donnant la chance de faire valoir ses qualités et compétences lors du processus de 2008.

13 Étant donné le laps de temps qui s’était écoulé depuis le processus de 2005, le ministère a offert au plaignant une solution concernant sa candidature. Dans un courriel en date du 14 mars 2008, d’Aïda Wara, la directrice responsable des Valeurs, intégrité et divulgation pour le ministère, l’expliquait ainsi :

La décision du gestionnaire, M. Charette est de te donner l’opportunité de passer à travers un processus de sélection pour un poste de PM-06 au cours des prochains mois.  Il s’agit du poste de Directeur de la Région Pacifique et Yukon.  Tu devrais surveiller Publi Service (sic) et soumettre ta candidature.  Tu seras appelé en entrevue au moment approprié, et tu compléteras le processus.

Le processus de 2008

14 M. Charette confirme avoir approuvé l’Annonce de possibilité d’emploi pour le nouveau processus de nomination mené en 2008 (le processus de 2008) pour doter le poste de directeur régional à Vancouver, en Colombie-Britannique, ayant un profil linguistique « anglais essentiel ». Sous la rubrique « Autre information sur les langues officielles », l’Annonce de possibilité d’emploi contenait les précisions suivantes :

Un bassin pourrait être établi à la suite de ce processus et servir à doter, des postes semblables dans d’autres régions avec des profils linguistiques divers : bilingue impératif CBC/CBC, bilingue non-impératif CBC/CBC et anglais essentiel.

(les italiques sont ajoutés)

15 Selon M. Charette, ce n’était pas son intention de laisser entendre par ce libellé que l’établissement d’un bassin garantissait qu’il y aurait des postes avec un profil linguistique bilingue non impératif CBC/CBC. Plutôt, il anticipait le départ de quelques personnes et voulait se laisser la flexibilité de pouvoir doter des postes avec divers profils linguistiques, y compris éventuellement celui de bilingue non impératif CBC/CBC s’il réussissait à obtenir l’approbation de la gestion.

16 M. Charette explique que trois développements importants ont eu lieu entre le processus de 2005 et celui de 2008. En premier lieu, les postes en question furent l’objet d’une reclassification du groupe et niveau PM-06 à GT-08. Ensuite, les exigences linguistiques ont été rehaussées de BBB/BBB à CBC/CBC pour tous les postes bilingues de gestion aux groupe et niveaux GT-07 et GT-08. Finalement, le ministère a décidé de restreindre son utilisation de nominations non impératives pour tous les postes bilingues. Suite à cette décision, la dotation non impérative de postes bilingues se faisait seulement de façon exceptionnelle et avec l’approbation de la haute gestion.

17 Le plaignant présente sa candidature pour le processus de 2008. Le comité responsable pour le processus de 2008 accepte les résultats modifiés de l’examen écrit par le plaignant lors du processus de 2005 et procède à des entrevues et une prise de références. Il ne restait qu’à vérifier son niveau de compétence linguistique (compréhension écrite et orale) pour conclure que le plaignant satisfaisait toutes les qualifications essentielles du poste pour être inclus dans un bassin CBC/CBC impératif. Conscient de la situation particulière du plaignant – c’est-à-dire que son niveau de compétence linguistique en anglais était BBB – M. Charette en discute avec son supérieur immédiat qui lui confirme que pour l’instant toute dotation des postes de directeur(trice) régional(e) (GT-08) doit se faire avec un profil linguistique bilingue impératif.

18 Suite à la décision du ministère d’exiger la dotation impérative CBC/CBC pour tous les postes bilingues de gestion, le plaignant annonce, dans une lettre du 3 septembre 2009, qu’il refuse de subir l’examen de compétence linguistique. Dans cette lettre, le plaignant passe en revue les faits saillants de sa situation et il insiste que le ministère avait une obligation de créer un bassin de candidats qualifiés pour des postes bilingues non impératif CBC/CBC étant donné le libellé de l’Annonce de possibilité d’emploi pour le processus de 2008.

Comme je sais que je ne possède pas présentement l’exigence C au niveau oral, je ne ferai pas l’examen que vous me proposez.  (….)

Vous comprendrez qu’au moment de lire l’affiche du concours j’ai bien vérifié ce qui y était inscrit. L’énoncé est clair, s’il y a une liste, il y aura des postes bilingues CBC non-impératif.

19 Le 4 septembre 2009, le jour même de l’affichage de la Notification de candidature retenue annonçant que M. Wong avait été retenu pour une nomination, les ressources humaines du ministère avisent le plaignant par courriel :

Il me fait plaisir de vous aviser que le comité d’évaluation vous a jugé partiellement qualifié, votre nom pourra être mis dans un bassin de candidats totalement qualifiés pour des postes bilingues impératifs CBC sur réception de vos résultats d’évaluation linguistique. La période de validité du bassin se termine le 3 septembre 2010.

Le processus de 2010

20 Avant la tenue de l’audience par le Tribunal, le plaignant apprend qu’un autre processus de dotation a été lancé en juin 2010 (le processus de 2010) pour doter quatre postes de directeur régional, aux groupe et niveau GT-08, à Vancouver, Montréal, Québec et Halifax. Sous la rubrique « Autre information sur les langues officielles », l’Annonce de possibilité d’emploi contient les précisions suivantes :

APPLICATION DE LA LOI - FAUNE
QUÉBEC - Bilingue impératif CBC/CBC
HALIFAX - Bilingue impératif CBC/CBC

APPLICATION DE LA LOI - ENVIRONNEMENT
MONTRÉAL - Bilingue impératif CBC/CBC

VANCOUVER - Anglais essentiel

L’intention du ministère est de doter les postes bilingues susmentionnés avec un profil CBC/CBC de façon impérative.  Toutefois, certains postes pourraient être dotés de façon non-impérative.  Par conséquent, nous invitons tous les candidat(e)s intéressé(e)s à poser leur candidature, indépendamment de leurs résultats d’examen de langue seconde.

21 M. Jordan occupe présentement le poste de directeur national - Application de la loi sur la faune. Il a expliqué qu’il y a deux directeurs de la loi dans chaque région; un s’occupe de la faune, tandis que l’autre œuvre dans le domaine de l’environnement. Le processus de 2008 a été mené pour combler seulement des postes de gestion responsable de la faune, tandis que le processus de 2010 a pour but de combler non seulement des postes de faune mais aussi des postes d’environnement dans diverses régions à travers le Canada. M. Jordan précise qu’une directive ministérielle exige que seul le sous-ministre puisse autoriser une dotation non impérative d’un poste de haute gestion, ou le sous-ministre adjoint pour tout autre poste.

22 Selon M. Jordan, le plaignant n’a pas postulé pour le processus de 2010 qui, au moment de l’audience, n’est pas encore finalisé, n’a aucun bassin, et à partir duquel aucune nomination ou proposition de nomination n’a été faite.

Position de la Commission de la fonction publique

23 La Commission de la fonction publique (la CFP) a soumis des représentations écrites dans lesquelles elle souligne que le plaignant tente de faire réparer une erreur du processus de 2005 par celui de 2008. La CFP passe en revue les concepts d’abus de pouvoir, ses politiques pertinentes et la portée des mesures correctives du Tribunal. Elle note que le Tribunal n’a pas la compétence pour octroyer les montants d’argent demandés par le plaignant puisque ceux-ci peuvent être accordés seulement s’il s’agit de cas particuliers de discrimination, une allégation qui n’avait pas été soulevée par le plaignant.

Analyse


24 Selon le plaignant, si sa candidature avait été bien traitée lors du processus 2005, il aurait été inclus parmi les candidats qualifiés et il aurait probablement été nommé dans un poste de gestion qui, à l’époque, exigeait un profil linguistique BBB/BBB. La preuve au dossier démontre qu’il a participé au processus de 2008 afin de rectifier les erreurs qui avaient eu lieu lors du processus de 2005. Selon lui, l’utilisation du conditionnel pour le verbe « pourrait » dans le libellé de l’Annonce de possibilité d’emploi impose au ministère non seulement l’obligation d’établir un bassin pour doter des postes ayant un profil linguistique bilingue non impératif CBC/CBC, mais aussi de s’assurer que de tels postes sont disponibles à la dotation.

25 L’information quant aux processus de 2005 et celui de 2010 est incluse dans cette décision afin de mieux comprendre le contexte du processus de 2008. Cependant, le Tribunal n’a pas compétence pour se prononcer sur l’un ou l’autre de ces deux processus. Le processus de 2005 a été tenu sous le régime de dotation prévu par l’ancienne LEFP; un régime qui n’existe plus depuis l’entrée en vigueur le 31 décembre 2005 de la présente LEFP. Quant au processus de 2010, celui-ci n’est pas complété et aucune nomination ou proposition de nomination n’avait eu lieu au moment de l’audience.

26 Le plaignant a présenté une plainte en vertu de l’article 77(1)a) de la LEFP concernant la nomination de M. Wong suite au processus de 2008. L’article 77(1)a) prévoit qu’une personne dont la candidature n’a pas été retenue dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter une plainte selon laquelle il n’a pas été nommé ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir de la part de l’administrateur général dans l’exercice de ses attributions au titre du paragraphe 30(2).

27 Le but ultime de tout processus de nomination interne ou externe, annoncé ou non annoncé, est l’identification de candidats qualifiés afin de doter soit un ou plusieurs postes vacants. Selon l’article 30(2) de la LEFP, une nomination est fondée sur le mérite lorsque la personne nommée possède les qualifications essentielles pour le poste, notamment la compétence dans les langues officielles, ainsi que toute exigence opérationnelle ou tout besoin actuel ou futur précisé par l’administrateur général.

28 Il incombe au plaignant de démontrer le bien fondé de sa plainte. (Voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, aux paragraphes 48 à 55). Dans le cas présent, le plaignant ne conteste pas la nomination de la personne nommée suite au processus de 2008 au poste de directeur régional, aux groupe et niveau GT-08. Le plaignant n’allègue pas que la personne nommée ne répond pas aux qualifications essentielles pour le poste, la compétence dans les langues officielles (anglais essentiel), ou toute exigence opérationnelle ou besoin actuel ou futur précisé par l’administrateur général lors du processus de 2008. De plus, le plaignant n’a pas essayé de démontrer que cette nomination n’était pas fondée sur le mérite conformément aux exigences de l’article 30(2) de la LEFP, ni a-t-il démontré que le ministère avait abusé de son pouvoir en ne le nommant pas à ce poste.

29 Le plaignant allègue cependant que cela était un abus de pouvoir pour l’administrateur général de ne pas créer un bassin de candidats qualifiés avec un profil linguistique bilingue non impératif CBC/CBC pouvant servir à doter des postes semblables dans d’autres régions.  Ce qui nous amène à la question en litige.

Question I:  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en refusant de créer un bassin de candidats qualifiés avec un profil linguistique bilingue non impératif CBC/CBC suite au processus mené en 2008?

30 Un examen des règlements et des politiques applicables en l’espèce est nécessaire. L’article 29(3) de la LEFP prévoit que la CFP peut établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives. L’article 16 de la LEFP précise que l’administrateur général est tenu de se conformer à ces lignes directrices lorsqu’il exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par la CFP, tel que le pouvoir de faire des nominations.

31 La CFP a émis une série de lignes directrices en matière de nomination. Celle intitulée Langues officielles dans le processus de nomination précise que les administrateurs généraux doivent respecter la Loi sur les langues officielles (L.R.C., 1985, ch. 31 (4e suppl.)), la LEFP, le Règlement sur les langues officielles - nominations dans la fonction publique, (DORS/2005-347) ainsi que la Directive sur la dotation des postes bilingues du Conseil du Trésor, laquelle dispose que les postes bilingues sont dotés de façon impérative; exceptionnellement, selon les cas précisés dans la directive, la nomination non impérative peut être considérée.

32 Selon la Directive sur la dotation des postes bilingues du Conseil du Trésor, la dotation non impérative est exceptionnelle et doit être approuvée par le sous-ministre adjoint du ministère.

33 Le Décret d’exemption concernant les langues officielles dans la fonction publique (TR/2005-118)prévoit trois circonstances où, dans le cadre d'une nomination non impérative à un poste bilingue, une personne qui possède la compétence requise dans une seule langue est exemptée de l'application du mérite prévu par l’article 30(2) de la LEFP quant à la compétence relative aux deux langues officielles. Ces trois exemptions sont : lorsque la personne s'engage à devenir bilingue, lorsque la personne est exemptée pour des raisons d'ordre médical ou lorsque la personne est admissible à une pension immédiate.

34 Le Règlement sur les langues officielles – nominations dans la fonction publique (DORS/2005-347) précise l’obligation de l’administrateur général de fournir la formation linguistique nécessaire à la personne ayant fait l’objet d’une nomination non impérative à un poste bilingue après avoir remis un engagement de devenir bilingue. Cependant, cette personne doit être mutée ailleurs si elle n’acquiert pas le niveau de compétence dans les langues officielles requis pour le poste au cours de la période de deux ans visée dans l’engagement. Ce règlement prévoit aussi la possibilité de prolonger ladite période de l’engagement dans des circonstances exceptionnelles.

35 Il ressort de cet examen que la décision d’effectuer une dotation non impérative revient au ministère et non à la personne qui désire bénéficier d’une telle nomination.

36 Le témoignage non contredit des deux témoins est que le directeur national - Application de la loi sur la faune préférait avoir l’option de pouvoir doter un des postes de directeur/trice régional(e), aux groupe et niveau GT-08, de façon non impérative, mais que cette façon de procéder n’avait pas reçu l’approbation de la haute gestion.

37 Selon le plaignant, l’utilisation du conditionnel dans l’expression « un bassin pourrait être établi à la suite de ce processus et servir à doter, des postes semblables dans d’autres régions avec des profils linguistiques divers : » (le souligné est ajouté) dans l’Annonce de possibilité d’emploi s’applique uniquement à la décision de créer un bassin. Selon lui, une fois que cette décision est prise, alors le ministère doit s’assurer de rendre disponibles et de doter des postes ayant les divers profils linguistiques indiqués, c’est-à-dire : bilingue impératif CBC/CBC, bilingue non impératif CBC/CBC, et anglais essentiel.

38 Le Tribunal ne peut accepter l’interprétation proposée par le plaignant. Établir ou non un bassin de candidats qualifiés est une première décision. Se servir des résultats de ce processus pour faire des nominations à des postes prévus dans d’autres endroits ayant diverses exigences linguistiques est une deuxième décision qui s’avère être complètement indépendante de la première. Cette interprétation concorde avec le libellé de la version anglaise de l’Annonce de possibilité d’emploi qui prévoyait que « A pool may be established from this process and may be used to staff, in other regions, similar positions (…) » (le souligné est ajouté). De toute façon, le Tribunal estime que le langage utilisé dans l’Annonce de possibilité d’emploi ne peut prendre préséance sur le niveau d’approbation requis dans les circonstances (le sous-ministre adjoint ou son équivalent). L’approbation de la dotation non impérative doit être le résultat d’une décision délibérée, prise de pleine conscience par une personne dûment autorisée. En l’absence de ladite autorisation, le directeur national - Application de la loi sur la faune ne possédait pas l’autorité d’effectuer une nomination bilingue non impérative. Il s’ensuit que l’argument du plaignant ne peut réussir dans les circonstances.

39 Cela dit, certains agissements du ministère laissent le Tribunal perplexe. Toute cette affaire découle du fait qu’on essayait de rectifier une erreur qui avait eu lieu lors de la correction de l’examen écrit du processus de 2005. Le ministère a encouragé le plaignant à participer au processus de 2008, un processus pour lequel l’Annonce de possibilité d’emploi indiquait la possibilité d’établir un bassin de candidats qualifiés avec divers profils linguistiques, dont celui de bilingue non impératif CBC/CBC. Le Tribunal note que la Directive sur la dotation des postes bilingues est en vigueur depuis le 1er avril 2004. Les restrictions prévues par cette directive étaient connues, ou au moins auraient dû l’être, par ceux qui ont fait cette offre au plaignant. La preuve documentaire et testimoniale présentée à l’audience démontre que les directeurs impliqués dans cette affaire n’avaient pas obtenu l’approbation du sous-ministre adjoint responsable pour une dotation non impérative avant d’aller de l’avant avec l’affichage de l’Annonce de possibilité d’emploi pour le processus de 2008. Selon le Tribunal, il aurait été préférable d’obtenir cette approbation avant de faire une offre semblable au plaignant et de mettre en marche ce processus de nomination.

40 Malgré ces observations quant aux agissements de l’intimé dans cette affaire, le Tribunal conclut néanmoins que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir en refusant de créer un bassin de candidats qualifiés avec un profil linguistique bilingue non impératif CBC/CBC suite au processus mené en 2008. Étant donné ce résultat, il n’y a pas lieu d’examiner les mesures correctives demandées par le plaignant.

Décision


41 Pour les raisons susmentionnées, la plainte est rejetée.


Maurice Gohier
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2009-0601
Intitulé de la cause :
Jean Desaulniers c. le sous-ministre d'Environnement Canada
Audience :
Le 4 novembre 2010
Chicoutimi (Québec)
Date des motifs :
Le 30 juin 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Jean Desaulniers
Pour l'intimé :
Pierre Marc Champagne
Pour la Commission
de la fonction publique :
Marc Séguin
(représentations écrites)
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