Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimé a déposé une requête visant à faire rejeter la plainte au motif que la plaignante n’était pas candidate dans le processus de nomination annoncé en question et qu’elle était de ce fait hors de la zone de recours. La plaignante a déposé sa plainte après la publication de l’avis de nomination ou de proposition de nomination concernant une nomination à durée indéterminée effectuée à la suite d’un processus de sélection interne annoncé. La plaignante a reconnu qu’elle n’était pas candidate dans le processus annoncé en l’espèce. Toutefois, l’annonce de possibilité d’emploi indiquait « Intérimaire, Détachement, Déterminée, Affectation ». La période de nomination portait sur un an. La plaignante a fait valoir que de nombreux employés intéressés par les possibilités d’emploi, elle comprise, ne présentent pas leur candidature lorsqu’il s’agit de postes de courte durée. Elle a soutenu qu’il était injuste de la part de l’intimé de préciser dans l’annonce qu’il s’agissait d’un poste de courte durée pour ensuite le convertir de manière imprévue en un poste à durée indéterminée sans jamais offrir la possibilité de postuler à celles et ceux qui n’avaient pas envisagé au départ de se porter candidats. L’intimé a expliqué que l’annonce initiale portait sur une nomination temporaire en raison de l’avenir incertain du poste. En outre, l’intimé a fait observer qu’il était indiqué sous la rubrique « Autre information (Remarques) » de l’annonce que « […] cette opportunité pourrait devenir indéterminé [sic] ». Décision Le Tribunal a jugé que la nomination à durée indéterminée ne découlait pas du processus annoncé dont il a été fait mention dans l’avis de nomination ou de proposition de nomination, mais plutôt d’un processus non annoncé. Le Tribunal a estimé que la formule « cette opportunité pourrait devenir indéterminé [sic] » manquait de précision, tout en faisant remarquer qu’elle était placée à la toute fin de l’annonce avec d’autres renseignements d’ordre général et qui ne portaient pas sur la durée d’emploi. En revanche, les indications relatives à la courte durée de la nomination se trouvaient au haut de l’annonce, dans des termes tout à fait clairs. En conséquence, il se peut que la plaignante et d’autres candidats potentiels aient raisonnablement conclu que le processus visait simplement une nomination ou autre arrangement portant sur un an. Le Tribunal a fait remarquer, d’autre part, que l’avis de nomination ou de proposition de nomination était destiné aux seules personnes se trouvant dans la zone de sélection et qui avaient participé au processus relatif à la possibilité d’emploi temporaire annoncée pour un an. Vu que la nomination a été en fait effectuée pour une durée indéterminée à la suite d’un processus non annoncé, l’avis en question était incomplet. Seules les personnes qui avaient participé au processus de nomination annoncé ont été informées de leur droit de recours. L’avis est donc considéré comme inadéquat et non transmis en bonne et due forme. Néanmoins, malgré l’absence d’avis adéquat, le Tribunal n’est pas obligé d’attendre la diffusion d’un avis approprié avant d’examiner la plainte. L’article 10 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, stipule que la période de présentation d’une plainte se situe dans les quinze jours suivant la date de réception de l’avis de nomination ou de proposition de nomination en cause, sans mention de la date la plus rapprochée. La plainte a donc été déposée dans les délais. Demande de rejet refusée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2010-0783
Rendue à:
Ottawa, le 27 avril 2011

MONICA MERCIER
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Requête visant à faire rejeter la plainte
Décision:
La requête est rejetée
Décision rendue par:
Guy Giguère
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Mercier c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
Référence neutre:
2011 TDFP 0013

Motifs de décision


Introduction


1 L’intimé, le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), a déposé une requête visant à faire rejeter la plainte de Monica Mercier au motif que la plaignante ne fait pas partie de la zone de recours et ne peut donc se prévaloir du droit de porter plainte. Selon l’intimé, la plaignante n’a pas le droit de porter plainte puisqu’elle n’était pas candidate dans le processus de nomination annoncé.

2 La plaignante occupe un poste de superviseur et d’agente de planification et d’analyse (groupe et niveau AS-02) à la Direction générale des biens immobiliers, Services des opérations en affaires de TPSGC, à Ottawa. Elle a présenté une plainte au Tribunal au motif que l’intimé aurait abusé de son pouvoir en ne respectant pas les valeurs de nomination que sont l’équité, l’accessibilité et la transparence. La plaignante affirme que la personne nommée s’est d’abord vu offrir une nomination intérimaire, qui a par la suite été convertie en nomination à durée indéterminée, sans que le poste soit offert aux autres employés.

Questions en litige


3 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. La nomination à durée indéterminée a-t-elle fait l’objet d’un processus annoncé?
  2. La plainte relative à la nomination à durée indéterminée a-t-elle été présentée au Tribunal en bonne et due forme?

Éléments de preuve et argumentation des parties


4 La plainte vise la nomination de Lorie Brisebois au poste de gestionnaire (groupe et niveau AS-05), Fonds renouvelable d’aliénation des biens immobiliers, à TPSGC. L’avis de nomination ou de proposition de nomination relatif à la nomination de Mme Brisebois a été publié le 15 décembre 2010; cet avis indiquait qu’il s’agissait d’une nomination à durée indéterminée effectuée à la suite d’un processus de sélection interne annoncé (2009-SVC-IA-HQ-45342). L’avis indiquait également que les personnes faisant partie de la zone de sélection et qui avaient pris part au processus annoncé pouvaient porter plainte. La zone de sélection comprenait les fonctionnaires de TPSGC de la Direction générale des biens immobiliers occupant un poste dans la région de la capitale nationale.

5 Le 30 décembre 2010, la plaignante a présenté une plainte au Tribunal en vertu de l’art. 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

6 Le 12 janvier 2011, l’intimé a présenté au Tribunal une requête visant à faire rejeter la plainte. L’intimé fait valoir que la plaignante n’a pas le droit porter plainte en vertu de la LEFP étant donné qu’elle n’était pas candidate dans le processus annoncé. Mme Brisebois figurait parmi les candidats retenus à l’issue du processus annoncé, et il a été établi qu’elle était la bonne personne pour le poste.

7 La plaignante reconnaît qu’elle n’était pas candidate dans ce processus. Toutefois, elle fait remarquer que l’annonce de possibilité d’emploi (l’annonce) qui a été publiée sur Publiservice pour le processus de sélection visé indiquait ce qui suit sous la rubrique « Type d’annonce » : « Intérimaire, Détachement, Déterminée, Affectation ». Sous la même rubrique de l’annonce, il était également indiqué que la « période » visée était de un an. La date limite de candidature était fixée au 4 décembre 2009.

8 La plaignante avance qu’elle-même, ainsi que de nombreux employés intéressés par les possibilités d’emploi, ne présentent pas leur candidature lorsqu’il s’agit de postes de courte durée comme celui décrit dans l’annonce, en raison des interruptions que causent ces types de nominations dans le parcours professionnel. La plaignante est donc d’avis qu’il était injuste de la part de l’intimé de préciser dans l’annonce qu’il s’agissait d’un poste de courte durée pour ensuite le convertir de manière imprévue en un poste à durée indéterminée, sans jamais offrir à ceux et celles qui n’avaient pas envisagé au départ de présenter leur candidature pour le poste de courte durée la possibilité de se porter candidats.

9 L’intimé explique qu’à l’origine, son intention était de doter le poste de façon temporaire, car la titulaire était en congé de maladie prolongé et que la date de son retour au travail n’était pas encore connue. De plus, il y avait de l’incertitude au sujet de l’avenir du fonds. Toutefois, l’intimé a décidé de nommer Mme Brisebois au poste pour une période indéterminée lorsqu’il a reçu la confirmation que la titulaire ne réintégrerait pas ses fonctions. L’intimé affirme qu’il est difficile de maintenir en poste un gestionnaire qualifié dans ce contexte compte tenu de l’avenir incertain du fonds.

10 L’intimé souligne qu’il a indiqué dans l’annonce que cette issue était possible, sous la rubrique « Autre information (Remarques) » placée au bas de l’annonce; cette remarque est libellée comme suit : « Selon les besoins opérationnels, cette opportunité pourrait devenir indéterminé [sic] ». Compte tenu de l’ajout de cette remarque, l’intimé fait valoir qu’il était approprié pour lui d’indiquer dans l’avis de nomination ou de proposition de nomination que la nomination de Mme Brisebois pour une période indéterminée découlait du processus de nomination annoncé susmentionné.

Analyse


Question I :  La nomination à durée indéterminée a-t-elle fait l’objet d’un processus annoncé?

11 Tel qu’il est énoncé dans le préambule de la LEFP, l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de dotation au sein de la fonction publique doit être caractérisé par des « pratiques d’emploi équitables et transparentes » (voir la décision Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, para. 64).

12 La requête de l’intimé renvoie à la question de déterminer si la nomination à durée indéterminée a été effectuée à la suite du processus de nomination interne annoncé visé par l’avis de nomination ou de proposition de nomination. Selon l’intimé, le fait d’avoir indiqué à la section « Autre information (Remarques) » de l’annonce que « [l’]opportunité pourrait devenir indéterminé [sic] » était suffisant pour informer les candidats éventuels, comme la plaignante, que cette possibilité ne se limitait pas à une période déterminée portant sur un an, mais qu’elle pouvait également donner lieu à une nomination à durée indéterminée.

13 La version imprimée de l’annonce – fournie au Tribunal par l’intimé – compte trois pages en tout. La rubrique « Autre information (Remarques) » se trouve seulement à la toute fin de l’annonce, au bas de la troisième page, avec d’autres renseignements d’ordre général qui ne portent pas sur la durée d’emploi, par exemple la mention qu’une vérification des références pourrait avoir lieu et qu’un examen écrit pourrait être administré.

14 La rubrique intitulée « Type d’annonce » se trouve en revanche au haut de l’annonce et elle indique dans des termes très clairs que la possibilité d’emploi est de nature temporaire (« Intérimaire, Détachement, Déterminée, Affectation »). Il n’y a absolument aucune mention de l’intention alléguée de l’intimé d’envisager de convertir le poste en un poste à durée indéterminée. Au contraire, la nature temporaire de la possibilité d’emploi se trouve renforcée par la mention, à cette même rubrique de la première page, seulement neuf lignes plus bas, que la « période » est de « un an ».

15 Dans les circonstances, il n’est pas surprenant que la plaignante et d’autres candidats éventuels se soient attendus que toutes les possibilités de durée d’emploi découlant de ce processus étaient énumérées à cette rubrique. Par conséquent, il était raisonnable que ces personnes concluent que le processus visait simplement une nomination ou autre arrangement temporaire portant sur un an.

16 Même en tenant compte de la remarque à la fin de l’annonce, le Tribunal estime que la formule « cette opportunité pourrait devenir indéterminé [sic] » est imprécise; en effet, il n’est pas spécifié dans quelles circonstances et conditions cette « opportunité » portant sur un an pourrait changer de nature. Cette remarque aurait simplement pu vouloir dire que si les besoins opérationnels venaient à changer dans l’avenir, l’intimé pourrait décider de lancer un processus interne annoncé ou non annoncé en vue de la dotation de ce poste pour une période indéterminée.

17 En outre, l’intimé a lui-même admis que son intention était de doter le poste de façon temporaire, car la titulaire était en congé de maladie prolongé. Mme Brisebois a été sélectionnée parmi les candidats reçus comme étant la bonne personne pour le poste. Ce n’est que lorsque l’intimé a obtenu confirmation que la titulaire ne réintégrerait pas ses fonctions qu’il a été décidé de nommer Mme Brisebois au poste pour une période indéterminée.

18 Le Tribunal juge donc que la nomination de Mme Brisebois pour une période indéterminée ne découlait pas d’un processus annoncé et qu’elle n’a pas été effectuée à la suite du processus de nomination interne annoncé dont il est fait mention dans l’avis de nomination ou de proposition de nomination. Le Tribunal conclut donc que la nomination de Mme Brisebois pour une période indéterminée a été faite à la suite d’un processus non annoncé.

Question II :  La plainte relative à la nomination à durée indéterminée a-t-elle été présentée au Tribunal en bonne et due forme?

19 Aux termes du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, (le Règlement du TDFP), toute plainte doit être présentée au Tribunal dans les 15 jours suivant la date à laquelle la personne est avisée de la nomination ou de la nomination proposée visée par la plainte. L’article 10 du Règlement du TDFP stipule ce qui suit :

10. (1) La plainte est présentée au Tribunal au plus tard quinze jours après la date :

a) où l’avis de mise en disponibilité, de révocation, de nomination ou de proposition de nomination en faisant l’objet [a] été reçu;

b) figurant sur l’avis, s’il s’agit d’un avis public.

20 Étant donné que la nomination à durée indéterminée a été effectuée à la suite d’un processus non annoncé, l’obligation de notification énoncée à l’article 48 de la LEFP dans le cas d’un processus non annoncé s’applique. L’article 48 précise que, dans le cadre d’un processus de nomination interne non annoncé, les personnes qui sont dans la zone de sélection doivent être informées du nom de la personne retenue pour chaque nomination et, par la suite, du nom de la personne nommée ou de la personne proposée en vue d’une nomination.

21 Cette exigence n’a pas été respectée étant donné que l’avis produit par l’intimé n’était destiné qu’aux personnes se trouvant dans la zone de sélection et qui avaient participé au processus de nomination relatif à la possibilité d’emploi temporaire annoncée pour une période de un an. L’avis est une exigence fondamentale établie par la LEFP aux fins de transparence; il s’agit d’informer les personnes qui, en vertu de la loi, ont le droit d’être informées de la nomination. Cette exigence comprend également un avis relatif au droit de porter plainte au Tribunal, et qui indique les motifs, les modalités et les délais prescrits.

22 La question de l’avis a été abordée par la Cour d’appel fédérale sous le régime de l’ancienne LEFP. Dans la décision Bova c. Canada (Commission de la fonction publique), [1990] A.C.F. no 1032 (QL), la Cour a jugé que lorsque l’avis ne satisfaisait pas aux exigences énoncées dans la disposition sur les avis, il ne pouvait pas être considéré comme un avis approprié.

23 Le Tribunal a tranché une question semblable dans l’affaire Sherif c. le sous‑ministre d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2006 TDFP 0003, où il a établi que lorsqu’un avis de nomination est incomplet, on ne peut pas considérer que l’avis requis a été donné. Le Tribunal a déterminé ce qui suit aux paragraphes 18 et 20 :

18 Le même principe s’applique en l’espèce. Mme Sherif devrait avoir reçu non seulement un avis concernant la nomination de M. Hunter, mais aussi concernant son droit de porter plainte et les motifs pour lesquels elle peut le faire. Si l’avis est incomplet, on ne saurait considérer qu’une plainte a été présentée après l’expiration du délai.

19 […]

20 L’article 10 du Règlement du TDFP fixe la date limite pour transmettre une plainte, mais n’arrête pas de date à laquelle il serait trop tôt pour le faire. La plainte est déposée dans les délais et il n’y a pas lieu que le tribunal repousse l’examen de cette nomination avant qu’un avis ait été fourni en vertu de l’article 13 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, soit en l’affichant sur le site Web Publiservice ou ailleurs.

24 Il est possible de tirer la même conclusion en l’espèce. En effet, une nomination à durée indéterminée a été faite, après quoi l’avis concernant la nomination de Mme Brisebois a été affiché sur Publiservice. Toutefois, seules les personnes qui avaient participé au processus de nomination ont été informées de leur droit de recours. Si l’avis est incomplet, il y a alors lieu de considérer qu’il est insuffisant et qu’il n’a pas été fourni en bonne et due forme.

25 L’article 10 du Règlement du TDFP établit la date limite de présentation d’une plainte, mais ne précise pas la date à partir de laquelle la plainte peut être présentée. En l’espèce, une nomination à durée indéterminée a été effectuée à l’issue d’un processus non annoncé et, compte tenu de l’absence d’avis, la plainte a été présentée dans le respect des délais. Il n’est donc pas nécessaire que le Tribunal attende la diffusion d’un avis approprié avant d’examiner la plainte.

Décision


26 Par conséquent, la requête de l’intimé visant à faire rejeter la plainte est rejetée.

27 Par la présente décision, le Tribunal établit de nouveaux délais à respecter en l’espèce. Lorsque la requête de l’intimé a été déposée, ce dernier et la plaignante devaient procéder à la communication des renseignements pertinents avant le 31 janvier 2011. Le Tribunal proroge cette période jusqu’au 16 mai 2011.

28 Toutes les parties sont priées de consulter le Règlement du TDFP et le Guide de procédures afin de calculer les nouvelles dates limites établies par suite de la prorogation de délai accordée et faire les ajustements nécessaires en ce qui concerne leurs délais respectifs.


Guy Giguère
Président


Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2010-0783
Intitulé de la cause :
Monica Mercier et le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
Audience :
Demande écrite : décision rendue sans la comparution des parties
Date des motifs :
Le 27 avril 2011
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