Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le défendeur a expulsé le plaignant de son organisation - 300 jours après la date à laquelle le plaignant avait pris connaissance de son expulsion, il a déposé une plainte de pratique déloyale de travail - le défendeur a soulevé une objection selon laquelle la plainte était hors délai - dans une décision antérieure, 2011 CRTFP 29, qui concernait un autre plaignant mais où l’argumentation et les faits étaient identiques, le même arbitre a statué que la rencontre fortuite ne retardait pas la date à laquelle ils avaient pris connaissance de leur expulsion - le plaignant n’a pas fourni des observations pour faire la distinction entre sa plainte et celle à l’origine de la décision antérieure - le fait de réentendre la preuve n’aurait été d’aucune utilité et n’aurait servi qu’à répéter une question déjà close - la Commission a confirmé que le délai de 90jours prévu au paragraphe190(2) de la Loi était de rigueur et qu’elle n’avait pas le pouvoir de le proroger. Objection accueillie. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

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  • Date:  2011-06-24
  • Dossier:  561-34-426
  • Référence:  2011 CRTFP 85

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

REG JOHNSON

plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Johnson c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, commissaire

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour le défendeur:
Lise Leduc, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 18 décembre 2009 et le 4 janvier et les 9 et 17 décembre 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Plainte devant la Commission

1 La présente décision porte sur la recevabilité d’une plainte dans laquelle Reg Johnson (le « plaignant ») allègue que son agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« Institut » ou le « défendeur »), s’est livré à une pratique déloyale de travail.

2 Dans sa plainte, le plaignant a invoqué l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. Cet alinéa se lit comme suit :

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

3 L'article 185 de la LRTFP définit la pratique déloyale comme étant tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) ou (2), l'article 187 ou 188, ou le paragraphe 189(1).

4 Dans sa plainte, le plaignant a précisé que le défendeur avait omis de se conformer à l'alinéa 188d) de la LRTFP, qui se lit comme suit :

188. Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

[…]

d) d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale, de le suspendre, de prendre contre lui des mesures disciplinaires ou de lui imposer une sanction quelconque parce qu’il a exercé un droit prévu par la présente partie ou la partie 2 ou qu’il a refusé d’accomplir un acte contraire à la présente partie;

[…]

5 La plainte du plaignant porte sur une expulsion de cinq ans comme membre de l'Institut. Le 28 janvier 2009, le plaignant a été informé par écrit qu'il était suspendu parce qu'il avait participé à la création d'une nouvelle association d'employés appelée [traduction] « Association des professionnels de l’Agence » (l'« APA »), laquelle cherchait à devenir le nouvel agent négociateur chargé de représenter certains des membres du défendeur. Le plaignant a déposé sa plainte le 23 novembre 2009.

6 Dans sa réponse écrite, le défendeur a soulevé une question préliminaire, à savoir que la plainte était irrecevable et qu’elle devait être rejetée de façon sommaire puisqu’elle n’avait pas été déposée à l’intérieur du délai prévu par le paragraphe 190(2) de la LRTFP, qui se lit comme suit :

190. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

7 Dans sa plainte, le plaignant déclare qu’il a eu connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation ayant donné lieu à sa plainte le 5 septembre 2009 seulement. Il indique qu’une réunion a eu lieu à cette date entre Gaston Lampron, un autre membre, et Edward Gillis, le secrétaire exécutif de l'Institut, et que selon lui, cette réunion marque le début du délai.

8 Le 28 janvier 2009, M. Lampron a été expulsé de façon permanente comme membre de l'Institut en raison de sa participation à l'APA; il a déposé une plainte similaire contre le défendeur, que ce dernier a aussi contesté au motif de non-respect du délai. M. Lampron a lui aussi mentionné que c'est le 5 septembre 2009, soit la date de la réunion, qu'il a eu connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation ayant donné lieu à sa plainte. J'ai entendu la plainte de M. Lampron le 3 février 2011 et demandé aux parties de traiter uniquement la question du respect du délai. Cela m'a donné l'occasion d'examiner soigneusement les circonstances entourant la réunion du 5 septembre 2009.

9 Les faits et les arguments que le plaignant présente dans sa plainte sont, en ce qui a trait à l'affaire dont je suis saisi, identiques à ceux soulevés par M. Lampron. Le 28 février 2011, j'ai tranché la plainte de M. Lampron (voir Lampron c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 29). J'ai alors conclu que je ne pouvais convenir du fait que la réunion du 5 septembre 2009 avait constitué l'élément déclencheur de la violation de l'article 190 de la LRTFP par le défendeur,et que la réunion ne pouvait avoir pour effet de proroger le délai prescrit pour le dépôt d'une plainte aux termes de l'article 190. Dans Lampron, j'ai souscrit à la position du défendeur selon laquelle M. Lampron a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances ayant donné lieu à sa plainte le 28 janvier 2009. J'ai conclu que la plainte était irrecevable en raison du non-respect du délai, et je l'ai rejetée.

10 Comme il semble très probable que les circonstances de la plainte du plaignant aient déjà été évaluées dans Lampron, étant donné leur caractère identique dans les deux affaires, j'ai fourni aux deux parties une copie de Lampron et les ai invitées à soumettre des arguments supplémentaires indiquant si cette décision influait sur leurs positions respectives. Le plaignant n'a soumis aucun argument supplémentaire.

11 La question de la recevabilité de la plainte est entièrement tributaire de la nature de la réunion du 5 septembre 2009 entre MM. Lampron et Gillis. Comme j'ai déjà tranché que la réunion s'était produite par hasard et qu'elle n'avait pas eu pour effet de proroger le délai de 90 jours, et puisque le plaignant n'a pas soumis d'arguments concernant cette question, je conclus qu'elle n'a pas pour effet de proroger le délai de présentation de la présente plainte.

12 La seule preuve directe de la réunion est celle fournie par MM. Lampron et Gillis, étant donné qu'ils sont les seules personnes à y avoir participé. J'ai déjà entendu et examiné cette preuve. Je suis convaincu qu'il serait inutile de réentendre cette preuve dans le contexte de la présente plainte et de reproduire une affaire qui a déjà été tranchée.

13 Pour des motifs identiques à ceux énoncés dans Lampron, je ne peux convenir du fait que le 5 septembre 2009 constitue la date de l'élément déclencheur qui s'applique en l'occurrence. Je suis convaincu, selon la preuve qui m'a été soumise dans Lampron au sujet de la réunion du 5 septembre 2009 et la preuve documentaire présentée par les parties dans le présent cas, que la plainte est fondée sur des événements qui se sont produits le 28 janvier 2009 et que cette date est celle à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances ayant donné lieu à sa plainte. Le plaignant était donc tenu de présenter sa plainte au plus tard le 28 avril 2009, ce qu'il n'a pas fait. La plainte a été déposée le 3 novembre 2009, soit 300 jours après la date à laquelle le plaignant a eu connaissance des circonstances ayant donné lieu à sa plainte et longtemps après l'expiration du délai de 90 jours.

14 Comme je l'ai mentionné dans Lampron, le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la LRTFP est de rigueur et je n’ai pas le pouvoir de le proroger. Le caractère obligatoire de cette disposition a été sans cesse confirmé par la Commission.

15 Encore une fois, étant donné que le plaignant n'a présenté aucun nouvel élément de preuve ni aucun argument supplémentaire permettant de distinguer les circonstances de sa plainte de celles de Lampron, je ne vois rien qui pourrait m'inciter à en arriver à une conclusion différente.

16 Pour les raisons déjà énoncées dans Lampron et celles susmentionnées dans la présente décision, je souscris à l'objection du défendeur selon laquelle la plainte est irrecevable parce qu'elle n'a pas été présentée dans le délai prescrit.

17 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

18 La plainte est rejetée.

Le 24 juin 2011.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
commissaire

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