Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Dans une décision antérieure, un arbitre de grief a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient pas droit au remboursement de traitements médicaux durant un congé saisonnier - en contrôle judiciaire, la Cour fédérale a statué que l’arbitre de grief avait fait une interprétation déraisonnable de la PPI - le deuxième arbitre de grief a déterminé si les employés saisonniers étaient considérés comme des employés ordinaires, auquel cas ils auraient droit aux mêmes avantages - il a jugé qu’ils avaient ce droit. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-07-21
  • Dossier:  166-33-37507 et 37508
  • Référence:  2011 CRTFP 94

Devant le président


ENTRE

SCOTT BURDEN ET MARTIN CYR

fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE PARCS CANADA

employeur

Répertorié
Burden et Cyr c. Agence Parcs Canada

Affaire concernant des griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
David Yazbeck, avocat

Pour l'employeur:
Anne-Marie Duquette, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 7, 23 et 30 juin 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 Scott Burden et Martin Cyr, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), étaient des employés saisonniers nommés pour une période indéterminée de l’Agence Parcs Canada (l’« employeur »). Ils ont déposé des griefs pour contester l’interprétation de la Politique sur les postes isolés (la « PPI ») par l’employeur. L’employeur a refusé de leur rembourser des dépenses qu’ils avaient engagées pendant qu’ils étaient en congé saisonnier. Les fonctionnaires ont allégué que l’employeur avait contrevenu à la PPI, qui est en vigueur depuis le 1er avril 2003 et qui fait partie de la convention collective conclue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») et l’employeur (la « convention collective »). M. Cyr a déposé son grief le 15 décembre 2002 et M. Burden, le 6 avril 2004. L’employeur a rejeté les deux griefs à chaque palier de la procédure de règlement des griefs. L’agent négociateur a renvoyé les deux griefs à l’arbitrage le 2 avril 2007.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l’arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

3 Les griefs ont été entendus en arbitrage et un arbitre de grief les a rejetés le 21 avril 2010 (voir Burden et Cyr c. Agence Parcs Canada, 2010 CRTFP 55) pour le motif que l’employeur avait appliqué correctement la PPI. Les fonctionnaires ont déposé, auprès de la Cour fédérale, une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre de grief. Le 2 mars 2011, la Cour fédérale (voir Burden et Cyr c. Agence Parcs Canada, 2011 CF 251) a accueilli la demande des fonctionnaires et a ordonné que la question soit soumise à un autre arbitre de grief, pour que celui-ci tranche la question en se conformant aux motifs énoncés dans la décision de la Cour.

4 Puisqu’il n’y avait pas de faits contestés et qu’il n’était pas nécessaire pour les parties de déposer des preuves, j’ai décidé, après en avoir discuté avec les parties, de rendre ma décision sur la base d’arguments écrits. Je commencerai par résumer les griefs, ensuite la décision de l’arbitre de grief et celle de la Cour fédérale.

A. Les faits pertinents entourant les griefs

5 Lorsque cette affaire a été entendue en 2009 et 2010, les parties avaient présenté un exposé conjoint des faits. Cet exposé a été reproduit entièrement dans la décision de l’arbitre de grief. Je me contenterai de résumer cet exposé ou d’en utiliser les parties qui sont essentielles à ma décision.

6 M. Burden et M. Cyr travaillaient dans des lieux isolés du Canada durant l’été. Ils étaient tous deux membres de l’agent négociateur et visés par la PPI et la convention collective. Sous réserve de certaines conditions, l’article 2.1.2 de la PPIautorise le remboursement, aux fonctionnaires ou aux personnes à leur charge, des frais de voyage engagés en vue de subir un traitement médical. L’article 2.1.2 de la PPI est formulé comme suit :

 2.1.2 Sous réserve du présent article, lorsque les fonctionnaires ou les personnes à leur charge subissent un traitement médical ou dentaire dans la localité canadienne la plus proche où un traitement approprié peut être obtenu, de l’avis du dentiste ou du médecin, et qu’ils convainquent leur DUG [directeur d’unité de gestion], au moyen d’un certificat délivré par le dentiste ou le médecin, que le traitement

 a) n’était pas facultatif,

b) n’était pas offert à leur lieu d’affectation et

c) s’imposait de toute urgence,

le DUG autorise le remboursement des frais de voyage et de transport engagés à l’égard de ce traitement.

7 M. Burden était employé saisonnier au lieu historique national du Canada de l’Anse aux Meadows, à Terre-Neuve. Cette localité correspondait à la définition d’un poste isolé en vertu de la PPI. En juillet 2003, sa fille est tombée gravement malade. Après avoir été hospitalisée, elle a dû consulter un spécialiste à St. John’s. Le premier rendez-vous disponible avec le spécialiste était le 27 octobre 2003, soit deux semaines après la fin de l’emploi saisonnier de M. Burden pour l’année. M. Burden était donc en congé saisonnier au moment où sa fille a eu son rendez-vous chez le médecin. M. Burden a amené sa fille à St. John’s le 26 octobre 2003 et de nouveau le 27 novembre 2003, aux fins de réexamen par le spécialiste.

8  M. Burden s’est entretenu initialement avec la superviseure du site, qui lui a indiqué de vive voix et par écrit qu’il pourrait se prévaloir des prestations accordées en vertu de la PPI même s’il ne faisait « pas partie de l’effectif », c’est-à-dire même s’il était en congé saisonnier à ce moment-là. Par la suite, la superviseure du site a reçu un courriel du gestionnaire des Services administratifs l’informant que les employés en congé saisonnier ne pouvaient pas se prévaloir des prestations accordées par la PPI. Par conséquent, M. Burden n’a pas obtenu un remboursement en vertu de la PPI.

9 M. Cyr est un employé saisonnier à la réserve du parc national du Canada de l’Archipel-de-Mingan. Ce lieu est également considéré comme un poste isolé conformément à la PPI.  Dans l’unité de gestion de M. Cyr, des employés avaient eu droit, par le passé, au remboursement de certains frais de voyage engagés à l’égard de traitements médicaux et dentaires non facultatifs pendant qu’ils étaient en congé saisonnier.  Cependant, le 17 juin 2002, tous les employés de l’unité, y compris M. Cyr, ont été informés par une note de service qu’ils n’avaient pas droit au remboursement des frais de voyage engagés à l’égard de traitements pendant leur congé saisonnier.

10 Le 29 novembre 2002, M. Cyr s’est rendu à Sept-Îles (Québec) avec son enfant, pour rencontrer un orthodontiste. Son congé saisonnier était commencé depuis le 5 octobre 2002. Il a satisfait aux exigences de la PPI en établissant que le traitement n’était pas facultatif, qu’il n’était pas disponible à son lieu d’affectation et qu’il s’imposait de toute urgence. Sa demande de remboursement de frais de voyage a été rejetée pour le motif que le déplacement avait eu lieu pendant qu’il était en congé saisonnier. 

11 Les parties ont convenu que les deux fonctionnaires répondaient aux conditions énoncées à l’article 2.1.2 de la PPI, à savoir que les traitements en question n’étaient pas facultatifs, n’étaient pas offerts à leur lieu d’affectation et s’imposaient de toute urgence. Or, l’employeur a rejeté leurs réclamations pour le motif que les deux employés étaient en congé saisonnier quand les traitements médicaux ont été prodigués.

B. Décision rendue par l’arbitre de grief dans 2010 CRTFP 55

12 L’arbitre de grief a rejeté les griefs. Dans son analyse de la convention collective, elle a conclu qu’il n’y avait pas de comparaison possible entre la situation des employés saisonniers et celle des employés en congé non payé qui ont droit aux prestations. Les deux articles suivants de la PPI s’appliquent directement à ces deux catégories d’employés :

2.1.1 Les fonctionnaires qui obtiennent un congé non payé pour les raisons suivantes ont droit aux prestations mentionnées au présent article : maladie, accident de travail ou congé de maternité/parental.

[…]

2.7.3 Quand un fonctionnaire saisonnier nommé pour une période indéterminée résidant au lieu d’affectation ne peut pas se prévaloir des prestations accordées en vertu du présent article pendant sa saison de travail, en raison des nécessités du service, l’employeur les lui accorde pendant sa période de congé, s’il en fait la demande.

13 Selon l’arbitre de grief, les prestations prévues par la PPI ne sont payables que durant la période de travail saisonnier, sauf quand l’employeur ne peut pas approuver la demande de l’employé pendant sa saison de travail en raison des nécessités du service. Or, aucune preuve n’a été présentée à l’arbitre de grief que les demandes présentées par les fonctionnaires concernaient la période de congé saisonnier en raison des nécessités du service. M. Burden a fixé le rendez-vous durant la période de congé saisonnier parce qu’il ne pouvait pas en obtenir un durant sa période de travail saisonnier. M. Cyr s’est appuyé sur l’ancienne interprétation de l’employeur autorisant le paiement de cette prestation durant la période de congé saisonnier.

C. Décision rendue par la Cour fédérale

14 La Cour a déclaré que l’arbitre de grief avait commis une erreur en accordant trop d’importance à l’article 2.7.3 de la PPI qui, selon la Cour, ne s’applique pas aux frais reliés aux soins médicaux et dentaires en cause dans ces griefs. La Cour a énuméré les 10 articles de la partie 2 de la PPI et a entièrement reproduit le libellé de l’article 2.7. Voici ces extraits de la PPI (y compris l’article 2.7.3 déjà cité) :

Partie II – Frais et congé

Frais de transport et de voyage

2.1 Recours non facultatif à un traitement médical ou dentaire

2.2 Raisons familiales : voyage et frais

2.3 Frais de voyage à l’occasion d’un décès

2.4 Aide au titre des voyages pour congé annuel

2.5 Aide de 100 % au titre des voyages pour congé annuel accordée sur justification

2.6 Aide de 80 % au titre des voyages pour congé annuel accordée sans justification

2.7 Emplois à temps partiel et saisonniers

2.8 Report du remboursement des frais

2.9 Voyages aux fins des études postsecondaires

2.10 Adoption d’un enfant

[…]

2.7 Emplois à temps partiel et saisonniers

2.7.1 Sous réserve de l’article sur le Champ d’application, un fonctionnaire à temps partiel ou saisonnier est admissible aux avantages décrits à l’Appendice I ou J, proportionnellement au nombre total des heures annuelles de travail dudit fonctionnaire, par rapport à celui d’un fonctionnaire à temps plein occupant un poste de même groupe et niveau (calcul au prorata).

2.7.2 Le fonctionnaire est admissible à un remboursement équivalant au moindre des montants suivants :

a) le montant maximal auquel le fonctionnaire a droit calculé au prorata (Appendice I), ou

b) les dépenses remboursables engagées (Appendice J).

2.7.3 Quand un fonctionnaire saisonnier nommé pour une période indéterminée résidant au lieu d’affectation ne peut pas se prévaloir des prestations accordées en vertu du présent article pendant sa saison de travail, en raison des nécessités du service, l’employeur les lui accorde pendant sa période de congé, s’il en fait la demande.

2.7.4 Un fonctionnaire à temps partiel ou saisonnier peut choisir de demander de l’aide à 80 % au titre des voyages pour congé annuel qui sera alors calculée au prorata.

15 La Cour n’était pas d’accord avec l’interprétation donnée par l’arbitre de grief à l’article 2.7.3 de la PPI. Elle a énoncé ses motifs de la manière suivante :

[22] […] l’article 2.7 ne semble pas établir de différence entre les prestations offertes aux fonctionnaires saisonniers et à temps plein pour ce qui est de tous les articles de la partie II, dont les prestations prévues à l’article 2.1 en cause en l’espèce. Si l’article 2.7 avait pour but d’établir une distinction entre les fonctionnaires saisonniers et les fonctionnaires à temps plein pour ce qui est de toutes les prestations de la partie II, il aurait été logiquement placé au tout début de la partie II.

[23] Il est évident que l’article 2.7 aurait pu être rédigé en termes plus clairs. Cependant, il est possible d’affirmer que cet article a, à première vue, uniquement pour objet de s’appliquer aux seules prestations pour congé annuel, et non pas à toutes les prestations mentionnées dans la partie II. Cela s’explique pour plusieurs raisons : premièrement, l’article 2.7 mentionne les appendices I (Calcul de la prestation maximale) et J (Frais remboursables), qui concernent tous les deux clairement les prestations relatives aux voyages pour congé annuel. Deuxièmement, les articles précédents et suivants traitent tous des prestations pour congé annuel : 2.4 (Aide au titre des voyages pour congé annuel), 2.5 (Aide de 100 % au titre des voyages pour congé annuel accordée sur justification), 2.6 (Aide de 80 % au titre des voyages pour congé annuel accordée sans justification) et 2.8 (Report du remboursement des frais). Troisièmement, un des paragraphes de l’article 2.7 (p. ex., le par. 2.7.4) fait expressément référence à l’aide au titre des voyages pour congé annuel.

[24] Il est, en fait, logique d’interpréter de cette façon la disposition, parce qu’il existe un motif clair qui explique l’ajout du paragraphe 2.7.3; le but était d’établir une différence entre les indemnités de voyage reliées aux congés annuels accordés aux fonctionnaires permanents et celles qui sont accordées aux employés saisonniers (même si les employés saisonniers ont droit aux prestations prévues par la PPI). Étant donné que les employés saisonniers ne travaillent pas pendant le même nombre d’heures annuellement que les employés à temps plein, l’article 2.7 leur accorde des prestations pour congé annuel calculées au prorata. Cependant, en raison de la nature du travail saisonnier, qui est accompli uniquement durant la période où ces fonctionnaires sont le plus demandés, il peut arriver que certaines personnes ne soient pas en mesure de prendre les congés prévus pendant leur emploi saisonnier. Par conséquent, le paragraphe 2.7.3 avait pour but d’autoriser les employés saisonniers à obtenir certaines prestations de nature financière durant leur période de congé dans le cas où ils n’ont pas été en mesure de prendre tous leurs congés pendant la saison.

[25] Les demandeurs ont donc raison de soutenir qu’il était déraisonnable que l’arbitre se fonde uniquement sur l’art. 2.7.3, un article tout à fait distinct des dispositions régissant les frais de transport reliés aux traitements médicaux et dentaires non facultatifs, pour conclure que les travailleurs saisonniers embauchés pour une période indéterminée n’avaient pas droit à ces prestations.

16 La Cour a également reproché à l’arbitre de grief de ne pas avoir tenu compte de l’article intitulé « Champ d’application » de la PPI et de ne pas s’être demandé si, en leur qualité de « fonctionnaires », les fonctionnaires avaient droit aux prestations pour lesquelles ils avaient demandé un remboursement. Les parties pertinentes des articles « Champ d’application » et « Définitions » de la PPI sont formulées comme suit :

Généralités

[…]

Champ d’application :

La présente politique s’applique à tous les fonctionnaires éligibles de Parcs Canada; l’Agence est inscrite à la Partie II de l’annexe 1 la Loi sur les relations de travail dans la fonction Publique; l’Agence a choisi de suivre cette politique.

Les personnes employées :

a) pour une durée déterminée de moins de trois (3) mois ou

b) qui travaillent moins d’un tiers des heures normalement exigées d’un fonctionnaire à plein temps nommé pour une période indéterminée à un poste du même groupe et du même niveau

Ne peuvent se prévaloir des avantages prévus à la Partie II (Frais et congé) ou au paragraphe 3.3.2 ou à l’article 3.6 de la Partie III (Réinstallation dans un poste isolé) de la présente politique.

[…]

Définitions

[…]

Fonctionnaire (employee) – désigne, sous réserve des dispositions du Champ d’application, une personne :

 a) visée par la présente politique,

b) touchant un traitement tiré à même le Trésor.

17 Selon la Cour, il semble que les employés saisonniers soient des fonctionnaires aux fins de la PPI. Quant à la question de savoir si les employés saisonniers sont des fonctionnaires aux fins de la PPI pendant qu’ils sont en congé saisonnier, la Cour a déclaré que l’objectif de la PPI milite en faveur de l’application de la PPI aux employés saisonniers comme des « fonctionnaires » à temps plein. L’article de la PPI intitulé « Objet et portée » se lit comme suit : « La présente politique vise à faciliter le recrutement et le maintien en place du personnel chargé d’exécuter les programmes gouvernementaux dans des localités isolées ».

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

18 Les fonctionnaires ont fait valoir que la structure de la PPI accorde aux employés admissibles des prestations, sous forme d’indemnités, de dépenses et d’avantages. Il ne fait aucun doute que l’expression « employés éligibles » inclut les employés saisonniers. Il va sans dire que les préoccupations concernant le recrutement et le maintien en poste s’appliquent aux employés saisonniers engagés pour une période indéterminée autant qu’aux autres employés. En accordant ces avantages aux employés admissibles, l’employeur respecte davantage l’objectif de la PPI qui consiste à recruter et à maintenir en poste les employés en assumant certains des frais qu’entraîne la nécessité d’habiter et de travailler dans des localités isolées. Toute exception par rapport à ces avantages devrait être clairement énoncée dans la PPI.

19 L’article « Champ d’application » précise que la PPI s’applique à tous les employés « éligibles ». Seulement deux catégories de fonctionnaires sont exclues des avantages énoncés dans la partie 2 de la PPI : les personnes employées pour une durée déterminée de moins de trois mois et les employés qui travaillent moins d’un tiers des heures normalement exigées. Il est bien établi qu’en excluant expressément deux catégories d’employés, la conclusion logique est que toutes les autres catégories d’employés sont incluses et ont par conséquent droit aux prestations prévues dans la partie 2 de la PPI.

20 Comme l’a affirmé la Cour, il y a une raison précise pour l’inclusion de l’article 2.7.3 dans la PPI. Il se peut qu’en raison des nécessités du service, l’employeur refuse d’accorder un congé annuel, auquel cas un employé saisonnier n’aurait droit à aucun congé annuel. La raison en est qu’il ne serait pas logique pour un employé saisonnier de prendre un congé annuel une fois la saison terminée, puisque cet employé ne travaillerait pas à ce moment-là.

21 Les fonctionnaires ont déclaré que ces griefs devraient être accueillis. En premier lieu, la vaste majorité des arguments qui pourraient être avancés par l’employeur ont été rejetés par la Cour fédérale. De plus, la Cour fédérale a confirmé que les fonctionnaires étaient visés par l’article énonçant le champ d’application de la PPI. Ainsi, la seule façon dont les fonctionnaires pourraient être exclus de la PPI serait si le libellé précis de celle-ci l’indiquait. Or, l’employeur n’a pas réussi à trouver un tel libellé.

B. Pour l’employeur

22 Selon les fonctionnaires, la Cour a confirmé que la PPI s’applique aux employés saisonniers pendant qu’ils sont en congé saisonnier, à moins que celle-ci affirme clairement le contraire. Or, ce n’est pas ce que la Cour a écrit. Elle a simplement déclaré qu’en soi, l’article « Champ d’application » de la PPI ne semblait pas exclure les fonctionnaires de l’application de la PPI.

23 La position de l’employeur est que l’intention des parties est claire : la PPI accorde des avantages aux employés qui font partie de l’effectif uniquement, à moins que le contraire soit clairement indiqué. Le but de la PPI est de faciliter le recrutement et le maintien en fonction d’employés lorsque des programmes sont offerts dans des localités isolées. Le fait que les employés saisonniers engagés pour une période indéterminée ne bénéficient pas de la PPI pendant toute l’année, par opposition aux employés engagés pour une période indéterminée qui travaillent à temps plein, ne contredit pas l’objectif de la PPI, au contraire. Lorsque les employés ne font pas partie de l’effectif, ils ne dispensent pas des programmes dans des localités isolées. De plus, les employés saisonniers ne sont pas obligés par l’employeur de demeurer à la localité isolée en dehors de la saison de travail, par opposition aux employés engagés pour une période indéterminée qui y travaillent toute l’année.

24 Une indication claire que les parties entendaient appliquer la PPI aux employés saisonniers uniquement durant la période d’emploi saisonnier est fournie dans la définition du terme « fonctionnaire ». Selon cette définition, un fonctionnaire est une personne touchant un traitement tiré à même le Trésor. Dans la version anglaise, un fonctionnaire est une personne « whose salary is paid out of the Consolidated Revenue Fund » ([traduction] « touchant un traitement tiré à même le Trésor »). Tous les employés qui travaillent pour l’employeur touchent un salaire qui en fin d’analyse est tiré à même le Trésor.

25 Les parties ont choisi une définition différente pour le terme « fonctionnaire » dans la PPI que dans la convention collective. Les parties auraient aisément pu décider d’utiliser dans la PPI la définition que l’on trouve dans la convention collective. Elles ont décidé de ne pas le faire. Les parties ont décidé de préciser dans la définition qu’un « fonctionnaire » est une personne « visée par la présente politique » et « touchant un traitement tiré à même le Trésor ». En anglais, la définition renferme le bout de phrase « whose salary is paid » ([traduction] « touchant un salaire »). Chaque mot utilisé dans la politique l’est pour une raison. L’employeur prétend que les mots choisis par les parties indiquent qu’un « fonctionnaire » est quelqu’un qui fait partie de l’effectif et non pas simplement quelqu’un qui maintient son statut de « fonctionnaire » en dehors de la période de travail

26 Dans un contexte de relations de travail, il est assez inhabituel d’indiquer explicitement, dans la définition du mot « fonctionnaire », que la personne doit être rémunérée. En effet, les parties ont décidé de ne pas le préciser dans la convention collective. Dans le cadre de la PPI, cependant, la présence de ces mots (« touchant un salaire », « paid ») est justifiée et utile, puisque cela va dans le sens de l’objet de la PPI. De nouveau, en dehors de la période de travail, un employé saisonnier ne dispense pas des programmes gouvernementaux et n’est pas obligé de demeurer dans la localité isolée. Par ailleurs, il faut reconnaître que les parties désignent généralement la saison de travail comme la période d’« emploi ». Il n’est donc pas surprenant de constater que, dans la PPI, le terme « fonctionnaire » désigne  quelqu’un qui fait partie de l’effectif et pas simplement quelqu’un qui maintient son statut de « fonctionnaire » en vertu de la convention collective.

27 L’employeur estime que les fonctionnaires n’ont pas réussi à prouver que l’employeur avait contrevenu à la PPI. Les fonctionnaires n’avaient pas droit aux avantages énoncés à l’article 2.1 de la PPI parce qu’ils étaient en congé saisonnier au moment pertinent. Cette interprétation de la PPI est conforme à son intention. Les employés engagés pour une période indéterminée à qui l’on demande de travailler pendant toute l’année peuvent bénéficier de la politique à l’année. Ceux qui sont des employés saisonniers et qui sont libres de se rendre où ils veulent durant leur période de congé peuvent seulement en bénéficier durant leur emploi saisonnier.

Motifs

28 L’employeur a admis que les fonctionnaires satisfaisaient à la condition énoncée à l’article 2.1.2 de la PPI. L’employeur a également admis que la seule raison pour laquelle il refusait de rembourser aux fonctionnaires les frais de transport et de déplacement engagés pour des personnes à charge subissant un traitement médical ou dentaire était que les fonctionnaires étaient en congé saisonnier. Donc, la seule question à trancher est celle de savoir si un employé saisonnier engagé pour une période indéterminée a droit à cette prestation en vertu de la PPI pendant qu’il est en congé saisonnier.

29 L’arbitre de grief, dans 2010 CRTFP 55, a décidé que les fonctionnaires n’avaient pas droit à cet avantage aux termes de la PPI pendant qu’ils étaient en congé saisonnier. La Cour fédérale, dans 2011 CF 251, a annulé la décision de l’arbitre de grief. En bref, la Cour a déclaré que l’article 2.7.3 s’appliquaient aux prestations de voyage pour congé annuel, pas au traitement médical ou dentaire non facultatif. En d’autres termes, l’article 2.7.3 est sans pertinence lorsqu’il s’agit de trancher ces griefs. La Cour a également affirmé que l’arbitre de grief avait commis une erreur en ne tenant pas compte de l’article intitulé « Champ d’application » de la PPI et en omettant  de déterminer si les fonctionnaires étaient en fait des fonctionnaires au sens de l’article « Définitions » de la PPI lorsqu’ils ont demandé le remboursement des frais.

30 Compte tenu de la décision rendue par la Cour, la question qui m’est soumise se limite maintenant à la question de savoir si les fonctionnaires étaient effectivement des fonctionnaires aux fins de l’article 2.1.2 de la PPI pendant qu’ils étaient en congé saisonnier. S’ils étaient des fonctionnaires pendant leur congé saisonnier, les avantages prévus à l’article 2.1.2 s’appliquaient à eux, et leurs griefs devraient être accueillis. S’ils n’étaient pas des fonctionnaires à ce moment-là, leurs griefs devraient être rejetés.

31 Je ne suis pas d’accord avec l’argument de l’employeur selon lequel les employés saisonniers, pendant leur congé saisonnier, ne sont pas des fonctionnaires aux fins de l’application de la PPI. Si l’intention des parties était de les exclure de l’application de la PPI, elles auraient dû le mentionner dans les dispositions de l’article intitulé « Généralités » au début de la PPI ou le préciser dans les articles appropriés de celle-ci.

32 Il n’y a aucun doute dans mon esprit que les articles « Champ d’application » et « Définitions » s’appliquent à toute la politique. Les articles précis de la PPI n’empêchent pas les fonctionnaires, pendant qu’ils sont en congé saisonnier, de toucher les prestations prévues à l’article 2.1.2. Pour que l’employeur puisse leur refuser ces prestations, il doit y avoir un élément dans les articles généraux qui les exclut.

33 L’article « Champ d’application » précise que la PPI ne s’applique pas aux personnes employées pour une période déterminée de moins de trois mois ou qui travaillent moins d’un tiers des heures normalement exigées d’un fonctionnaire à plein temps. Il n’exclut pas les employés saisonniers qui sont en congé saisonnier.

34 La PPI définit un fonctionnaire comme une personne visée par la politique et touchant un traitement tiré à même le Trésor. La première partie de cette définition est tautologique et ne permet aucunement de savoir si les employés saisonniers sont des fonctionnaires aux fins de la PPI pendant leur congé saisonnier.

35 L’employeur a fait valoir que la deuxième partie de la définition pourrait signifier qu’un employé en congé saisonnier ne reçoit pas un chèque de paie et que, par conséquent, n’est pas payé à même le Trésor. L’employeur a ajouté que la version en français le souligne encore plus clairement que la version en anglais en utilisant les mots « touchant un traitement » (« whose salary is paid » dans la version anglaise). Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation de l’employeur, qui estime que lorsqu’un employé est en congé saisonnier, il n’est pas un fonctionnaire aux fins de la PPI.

36  L’employeur n’a pas indiqué que les fonctionnaires n’étaient pas ses employés. Au lieu de cela, il a prétendu qu’aux fins de la PPI, ils perdaient leur statut de fonctionnaire pendant qu’ils étaient en congé saisonnier. Ce n’est pas la façon dont j’interprète le bout de phrase « tiré à même le Trésor » (« paid out of the Consolidated Revenue Fund », en anglais). Cette expression désigne une source de paiement plutôt que le fait d’être rémunéré ou de ne pas être rémunéré. Elle sert à faire la distinction entre les personnes dont l’employeur est l’Agence Parcs Canada et les personnes qui travaillent pour un entrepreneur ou un autre employeur dont les activités peuvent être étroitement liées à celles de l’Agence Parcs Canada. Durant la saison de travail, les fonctionnaires sont payés à même le Trésor. Lorsqu’ils ne travaillent pas, ils ne touchent pas un traitement, comme les employés qui sont en congé sans solde.

37 À mon avis, la version française de la PPI n’apporte pas un éclairage différent à l’interprétation de la version anglaise. Les mots « touchant un traitement » correspondent simplement aux mots « being paid ».

38 Cette conclusion selon laquelle les employés saisonniers en congé saisonnier sont des fonctionnaires aux fins de la PPI correspond au fait que les parties n’ont pas exclu ces employés comme elles l’ont fait à l’article « Champ d’application » pour les autres catégories d’employés. Si l’intention était d’exclure ces employés pendant qu’ils étaient en congé saisonnier, je crois que les parties l’auraient mentionné clairement.

39 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

40 Les griefs des fonctionnaires sont accueillis.

Le 21 juillet 2011.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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