Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant s’est porté candidat à un poste au cours d’un processus de nomination interne annoncé; sa candidature n’a pas été retenue pour cause d’échec à l’examen (il lui manquait un point pour obtenir la note de passage). Selon lui l’intimé aurait incorrectement administré et corrigé l’examen : a) l’intimé n’a pas donné le signal du début de l’examen en dépit du laps de temps déjà écoulé sur le délai accordé pour le test; b) l’intimé a rejeté une de ses réponses, la considérant comme incorrecte, alors que des réponses semblables données par deux autres candidats ont été acceptées. Le plaignant a soutenu qu’il était incorrect de la part de l’intimé d’inclure dans le processus visé par cette plainte huit personnes jugées qualifiées dans le cadre d’un processus de nomination antérieur. Le plaignant a ajouté que l’une des personnes nommées n’était pas qualifiée et que sa nomination était entachée de favoritisme personnel. Il a soutenu enfin que l’intimé avait essayé de le contraindre à retirer sa plainte, ce qui démontre du parti pris et de la mauvaise foi. Décision Le Tribunal s’est penché sur deux questions préliminaires dans sa décision. Selon lui, rien n’interdisait à la Commission de la fonction publique de faire des observations écrites sur des questions qui n’étaient pas mentionnées dans sa réponse initiale aux allégations du plaignant, mais qui résultaient des éléments de preuve produits à l’audience. Le Tribunal a jugé qu’il n’était pas interdit à l’intimé de produire des preuves relatives aux allégations qu’il n’avait pas abordées de façon spécifique dans sa réplique aux allégations du plaignant. Pour ce qui concerne le bien-fondé de la plainte, les éléments de preuve produits n’ont pas convaincu le Tribunal que le plaignant n’avait pas une chance égale de commencer l’examen en même temps que les autres candidats ou qu’il était désavantagé par rapport à ces derniers. Néanmoins, s’agissant de la deuxième allégation du plaignant, le Tribunal a estimé que l’examen n’avait pas été corrigé de manière uniforme. La réponse du plaignant à la question qu’il a ratée ne différait en rien de celles de deux autres candidats qui ont pourtant obtenu une bonne note pour ladite question. L’intimé a donc commis une erreur avec des répercussions considérables pour le plaignant : ce dernier n’a pas obtenu la note de passage finale nécessaire à sa qualification. Tous les candidats ont le droit d’être évalués selon les mêmes critères, appliqués uniformément. Les mesures administratives prises par l’intimé étaient déraisonnables et donnaient lieu à un résultat inéquitable, constitutif d’un abus de pouvoir. Après le dépôt de la plainte, l’intimé a changé sa décision et accordé au plaignant le point manquant pour la question. Il n’en demeure pas moins que l’intimé a éliminé la candidature du plaignant de façon inappropriée sur la base d’un examen qui n’avait pas été corrigé équitablement et uniformément. Le Tribunal a donc conclu que l’intimé avait abusé de son pouvoir par la correction de l’examen de vérification et d’exactitude de manière inéquitable et non uniforme. S’agissant des huit candidats jugés qualifiés dans le cadre d’un processus de nomination antérieur, le Tribunal a jugé que les énoncés des critères de mérite étaient identiques pour les deux processus et qu’en dépit du fait que les examens de vérification et d’exactitude n’étaient pas pareils, ils avaient suffisamment de points communs. Le Tribunal a fait remarquer que l’article 36 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique confère à l’administrateur général un vaste pouvoir discrétionnaire dans le choix, l’administration et l’application des méthodes d’évaluation. Il n’a pas été établi en preuve que l’examen antérieur n’évaluait pas en fait la qualification essentielle en cause ni qu’il y avait des erreurs ou incohérences dans la correction dudit examen. L’inclusion par l’intimé des huit candidats qualifiés sur la base du processus antérieur dans le second processus ne constituait donc pas un abus de pouvoir. Par ailleurs, les éléments de preuve produits n’appuient pas l’allégation du plaignant selon laquelle une des personnes nommées n’avait pas les qualifications requises ou que sa nomination était entachée de favoritisme personnel. Pour ce qui concerne l’allégation de parti pris et de mauvaise foi, le Tribunal a jugé que les faits ne corroboraient pas l’affirmation du plaignant selon laquelle l’intimé aurait essayé d’utiliser la contrainte ou de le priver de ses droits. Plainte accueillie. Mesures correctives Compte tenu du fait que, suite au dépôt de la plainte, l’intimé avait réévalué la réponse du plaignant et décidé de lui donner une bonne note pour la question, le Tribunal a ordonné à l’intimé d’offrir au plaignant la possibilité de passer à l’étape de l’entrevue du processus de nomination et de terminer l’évaluation. Si le plaignant était jugé qualifié, il serait admissible à une nomination à un poste jusqu’à l’expiration du bassin de candidats qualifiés établi dans le cadre de ce processus ou – en cas d’expiration déjà survenue – jusqu’au terme d’une période de deux ans à partir de la date de la décision, en prenant la plus longue échéance.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2008-0673/0674/2010-0630
Rendue à:
Ottawa, le 14 juin 2011

CHRIS HUGHES
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE RESSOURCES HUMAINES ET DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont accueillies
Décision rendue par:
Kenneth J. Gibson, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Hughes c. le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada
Référence neutre:
2011 TDFP 0016

Motifs de la décision


Introduction


1 Le plaignant, Chris Hughes, soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite. Plus particulièrement, il affirme que l’intimé a agi de manière irrégulière dans l’administration et la notation d’un examen, quand il a déplacé des candidatures d’un bassin de candidats qualifiés à un autre et quand il a effectué des nominations à partir d’un bassin contenant les candidatures de deux processus distincts. Il ajoute qu’après le dépôt de sa plainte, l’intimé a négocié avec lui de mauvaise foi, n’a pas pris en considération ses offres raisonnables de règlement et a tenté de le contraindre à retirer ses plaintes.

2 L’intimé, le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), nie tout abus de pouvoir. Il affirme qu’après avoir passé en revue les résultats, il a accordé au plaignant la note de passage. Il soutient qu’il a par la suite convoqué le plaignant à une entrevue, mais que celui-ci a refusé de s’y présenter. L’intimé est également d’avis qu’il n’y avait pas d’abus de pouvoir dans le fait d’inclure des personnes provenant d’un bassin de candidats qualifiés dans un autre bassin et de procéder à des nominations à partir de celui-ci. Enfin, l’intimé affirme qu’il n’a pas négocié de mauvaise foi ni tenté de contraindre le plaignant à retirer sa plainte, et qu’il n’était pas non plus dans l’obligation d’accepter ses offres de règlement.

Contexte


3 En janvier 2008, l’intimé a lancé un processus de nomination interne annoncé afin de doter des postes d’agent des prestations au groupe et au niveau PM-02 à Service Canada en Colombie-Britannique.

4 Les candidats ont été évalués au moyen d’examens écrits – dont un examen chronométré de huit minutes sur la vérification et l’exactitude –, d’une entrevue et d’une vérification des références.

5 Quatre-vingt-douze personnes ont posé leur candidature dans le processus de nomination. Vingt-cinq d’entre elles ont été jugées qualifiées, dont huit personnes qui ont postulé après avoir été jugées qualifiées dans un processus précédent visant le même type de poste.

6 Le plaignant a effectué l’examen de vérification et d’exactitude le 28 février 2008. Le 19 mars 2008, il a été informé qu’il avait échoué à l’examen et que sa candidature avait été éliminée. Il a ensuite participé à une discussion informelle avec deux membres du comité d’évaluation le 26 mars 2008.

7 Un avis de nomination intérimaire de trois personnes a été publié le 23 septembre 2008, et une notification de nomination ou de proposition de nomination concernant 17 personnes a été publiée le 24 septembre 2008. Ces avis portaient sur des nominations à des postes d’agent des prestations à Service Canada.

8 Le 8 octobre 2008, le plaignant a présenté deux plaintes en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) à l’égard de ces nominations ou propositions de nomination. Le 8 octobre 2010, le plaignant a déposé une troisième plainte relativement à une autre nomination ou proposition de nomination découlant du processus de nomination en question. Les plaintes ont été jointes en vertu de l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS-2006/6 (le Règlement).

9 Le 14 janvier 2009, le plaignant a rencontré le gestionnaire subdélégataire, Don Campbell. Au cours de cette rencontre, chaque partie a présenté une offre de règlement, mais aucune entente n’a été conclue. Les négociations tenues à cette occasion ont amené le plaignant à affirmer que l’intimé avait abusé de son pouvoir et utilisé la contrainte à son endroit.

10 Le 19 février 2009, le plaignant a été informé par courriel qu’à la suite d’une nouvelle correction de son examen de vérification et d’exactitude, il avait obtenu la note de passage. Dans le même courriel, il était convoqué à une entrevue le 27 février 2009.

11 L’entrevue a été reportée. Le plaignant souhaitait être évalué par d’autres moyens qu’une entrevue et il avait des préoccupations au sujet des mesures d’accommodement. Les parties ont échangé des courriels à ce sujet, mais ne sont pas parvenues à une entente, et l’entrevue n’a jamais eu lieu.

12 Le 16 septembre 2009, le plaignant a présenté ses allégations officielles en vertu de l’article 22(1) du Règlement. Dans son courriel d’accompagnement, il a indiqué qu’il retirait les allégations qui figuraient dans sa plainte initiale par rapport aux droits de la personne, au parti pris antisyndical et à l’inscription sur une liste noire, et qu’il préférait plutôt aborder ces questions devant la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) et la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP).

13 L’intimé a maintenu sa position selon laquelle l’évaluation du plaignant devait comprendre une entrevue et, le 17 décembre 2009, il a avisé celui-ci que, entre autres parce qu’il refusait de se présenter en entrevue, le comité d’évaluation considérait sa candidature comme retirée.

Questions préliminaires


14 Le plaignant a présenté deux requêtes préliminaires au début de l’audience. En premier lieu, il conteste l’admissibilité des observations de la Commission de la fonction publique (CFP). Il affirme qu’elles n’ont pas été présentées comme il se doit au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) et que celui-ci ne devrait pas en tenir compte pour rendre sa décision. En second lieu, il avance que l’intimé a reconnu le bien-fondé de certaines de ses allégations et la possibilité d’opposer une défense à celles-ci à l’audience devrait lui être interdite.

15 La CFP n’était pas représentée à l’audience, mais elle a fourni des observations écrites concernant ces requêtes.

a) Objection aux observations de la CFP

16 Le plaignant avance que, dans sa réponse à ses allégations du 14 novembre 2009, la CFP n’a pas répondu à toutes ses allégations et à toutes les questions soulevées dans sa plainte, comme l’exige pourtant l’article 25 du Règlement. Il demande qu’à l’audience la CFP limite ses observations aux points abordés dans sa réponse initiale. Il soutient également qu’il a été « pris au dépourvu » [traduction] par les observations de la CFP, car il ne les a reçues que quelques jours avant l’audience. Il considère que ces observations sont grandement préjudiciables à son dossier et qu’elles portent sur des événements survenus après la présentation de ses allégations. Le plaignant avance donc que les observations de la CFP n’ont pas été présentées en bonne et due forme au Tribunal et doivent être entièrement rejetées.

17 La CFP affirme que le délai dont disposait le plaignant pour formuler une telle objection est expiré. Elle soutient que le plaignant avait sa réponse à ses allégations en main depuis plus d’un an et qu’il n’a jamais émis d’objection. En outre, elle souligne que le plaignant n’a jamais communiqué ses préoccupations au cours de la conférence préparatoire, le 21 septembre 2010. De plus, la CFP affirme qu’au moment où elle devait fournir sa réponse selon le Règlement du Tribunal, elle ne disposait pas de l’information obtenue par le plaignant et l’administrateur général à l’étape de la communication des renseignements du processus de plainte. La CFP explique qu’habituellement, elle examine les renseignements obtenus du plaignant et de l’administrateur général à l’étape de la communication des renseignements, à la suite de la conférence préparatoire, et elle décide ensuite si elle doit participer à l’audience ou fournir ses observations par écrit. Enfin, la CFP affirme qu’elle a le droit d’être entendue en vertu de l’article 79(1) de la LEFP et qu’il serait contraire au sens de celle-ci d’accueillir l’objection du plaignant.

18 En réponse à l’argumentation de la CFP, le plaignant soutient que celle-ci aurait pu demander à participer à la communication des renseignements, mais qu’elle a choisi de ne pas le faire.

19 Le Tribunal souligne que d’après l’article 16(1) du Règlement, la communication des renseignements vise à faciliter le règlement de la plainte entre le plaignant et l’intimé. La communication a lieu après la présentation de la plainte, et la CFP n’y participe pas à moins qu’elle ne soit l’intimé dans une affaire. En l’espèce, c’est l’administrateur général qui est l’intimé, et non la CFP.

20 Si la CFP souhaitait participer à l’audience, elle serait tenue, en qualité « d’autre partie », de fournir une réponse aux allégations, comme le stipule l’article 25 du Règlement. L’alinéa 25(2)d) du Règlement précise qu’une réponse doit comprendre « la réponse complète aux allégations et aux questions soulevées dans la plainte et un exposé complet des faits pertinents supplémentaires sur lesquels la partie visée entend se fonder ». Dans sa réponse aux allégations, la CFP a indiqué que d’après les plaintes, les allégations et la réponse de l’administrateur général, elle ne pouvait se prononcer sur l’intégrité du processus de nomination; elle se réservait le droit de formuler ses observations finales après la présentation de la preuve.

21 Le Tribunal souscrit à la position de la CFP selon laquelle elle n’était pas en mesure de répondre de manière plus complète aux allégations au moment où elle devait fournir sa réponse aux parties à la lumière des renseignements à sa disposition. Selon la CFP, ses observations écrites sur le bien-fondé des plaintes découlent des documents que les parties ont échangés à la suite de la conférence préparatoire, ainsi que des allégations et de la réponse de l’administrateur général. La CFP ne disposait pas de tous ces renseignements au moment où elle était tenue de répondre aux allégations.

22 Le Tribunal est convaincu que la CFP s’est conformée à l’article 25 du Règlement. Par conséquent, elle a le droit de participer à l’audience, par l’entremise d’un représentant ou d’observations écrites.

23 Le Tribunal estime également que si le plaignant souhaitait s’opposer à la réponse de la CFP, il aurait dû le faire beaucoup plus tôt que cinq jours civils avant l’audience. Le Tribunal souligne que le plaignant n’a pas demandé le report de l’audience pour régler cette question.

24 Si la CFP avait décidé de participer à l’audience et n’avait pas présenté ses observations à l’avance, alors le plaignant n’en aurait pris connaissance qu’au moment où elle les aurait formulées de vive voix, après la présentation de la preuve. Le plaignant a eu l’avantage de prendre connaissance des observations avant l’audience.

25 Comme la CFP le fait remarquer, selon l’article 79(1) de la LEFP, elle a le droit d’être entendue relativement à une plainte présentée en vertu de l’article 77. Étant donné que la CFP s’est conformée à l’article 25 du Règlement, ce serait un manquement à l’esprit de la LEFP et à l’équité procédurale que d’empêcher la CFP de fournir des observations écrites à l’audience. Pour ces motifs, l’objection du plaignant concernant les observations de la CFP est rejetée.

b) Limitation proposée de la portée de la défense de l’intimé

26 Le plaignant avance que la réponse que l’intimé a fournie le 8 octobre 2009 aux allégations et aux questions soulevées dans les plaintes était incomplète, contrairement à ce qui est exigé à l’article 24(2)d) du Règlement. Le plaignant affirme que la réponse de l’intimé comptait deux pages et n’était pas complète. Plus particulièrement, il souligne que l’intimé a omis d’aborder les allégations concernant le début de l’examen écrit, la façon stricte dont l’examen a été noté et le fait que l’intimé n’a pas pris de mesures correctives, a utilisé la contrainte et a fait preuve de mauvaise foi, éléments qui, selon le plaignant, prouvent que l’intimé a abusé de son pouvoir. Par conséquent, le plaignant soutient que l’intimé a reconnu le bien-fondé de ces allégations et qu’il faudrait donc lui interdire de présenter une défense à cet égard à l’audience.

27 L’intimé estime que le plaignant aurait dû soulever cette question à la conférence préparatoire. Il estime également que, par souci d’équité procédurale, il faut lui permettre de se défendre contre toutes les allégations du plaignant.

28 Dans sa réponse du 8 octobre 2009, l’intimé a affirmé qu’il n’y avait pas eu abus de pouvoir dans le processus de nomination. Le fait que l’intimé nie tout abus de pouvoir montre qu’il n’a pas reconnu le bien-fondé des allégations du plaignant. En outre, l’intimé a indiqué dans sa réponse qu’au moment où celle-ci a été rédigée, le plaignant avait obtenu la note de passage à l’examen écrit et qu’il avait réintégré le processus de nomination. Ainsi, l’intimé est d’avis que les allégations se rapportant à l’examen et à la mauvaise foi dans les négociations ne sont plus pertinentes. L’intimé a demandé dans sa réponse que la plainte soit mise en suspens afin qu’il puisse terminer son évaluation du plaignant.

29 Dans une décision-lettre datée du 20 octobre 2009, le Tribunal a souligné que l’intimé et la CFP avaient répondu aux allégations, et il a décidé que la mise en suspens de la plainte n’inciterait pas à un règlement rapide de celle-ci. Il a également indiqué qu’étant donné que l’audience n’aurait pas lieu avant quelques mois, l’intimé devrait profiter de cette période pour terminer l’évaluation du plaignant; les parties pourraient donc réévaluer leur position avant l’audience, si nécessaire. Aucune des parties n’a formulé de commentaire à la suite de cette décision. Dans les circonstances, le Tribunal est convaincu que l’intimé s’est conformé à l’article 24(2)d) du Règlement quand il a fourni sa réponse.

30 En vertu de l’article 79(1) de la LEFP, l’administrateur général a le droit de se faire entendre relativement à la plainte. Par ailleurs, rien ne prouve que l’intimé ait reconnu le bien-fondé de quelque allégation du plaignant que ce soit. En l’espèce, le Tribunal convient qu’il serait injuste d’empêcher l’intimé de présenter une réponse complète aux allégations du plaignant à l’audience. Par conséquent, la requête du plaignant est rejetée.

Questions en litige


31 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il-abusé de son pouvoir dans l’administration et la notation de l’examen de vérification et d’exactitude?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir quand il a intégré des personnes provenant d’un bassin antérieur de candidats qualifiés dans le bassin découlant du processus de nomination visé par la plainte?
  3. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir quand il a nommé une personne à l’issue du processus de nomination visé par la plainte?
  4. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de parti pris contre le plaignant ou de mauvaise foi à son endroit au cours du processus de nomination?

Résumé des éléments de preuve pertinents


a) Le fait que le surveillant a omis de dire « commencez » au début de l’examen

32 Le plaignant a déclaré que le surveillant de l’examen de vérification et d’exactitude, John Johnson, a dit aux candidats de « tourner la page » [traduction], mais pas de « commencer » [traduction] ou d’« effectuer » [traduction] l’examen. Le plaignant a affirmé qu’il avait passé des dizaines d’examens du même type et qu’il avait toujours attendu que ces mots soient prononcés. Il a vu les autres commencer à écrire, alors il a fait de même. Il soutient qu’en raison de ce retard, il a perdu 30 précieuses secondes pour effectuer l’examen de huit minutes.

33 Le plaignant a échoué à l’examen, et sa candidature a été éliminée du processus de nomination. Il a demandé la tenue d’une discussion informelle et, le 26 mars 2008, il a rencontré deux membres du comité d’évaluation, M. Johnson et Don Woodward. À la rencontre, il a indiqué que M. Johnson avait omis de dire « commencez » au début de l’examen, ce que celui-ci a nié.

34 M. Johnson a déclaré qu’au moment de la tenue du processus de nomination, il était chef d’équipe dans la section de la Sécurité de la vieillesse de RHDCC et membre du comité d’évaluation. Il a affirmé que pour l’examen de vérification et d’exactitude, il disposait d’une page de directives où figuraient environ 15 points. L’un d’entre eux précisait qu’il fallait dire « commencez » [traduction] ou « allez-y » [traduction] pour signifier aux candidats de commencer l’examen. Il a déclaré qu’il avait donné exactement les mêmes instructions chaque fois qu’il avait administré l’examen. M. Johnson a été surveillant pour quatre des neuf examens écrits.

35 M. Campbell est gestionnaire de la section du Régime des pensions du Canada de RHDCC à Victoria. C’était le gestionnaire subdélégataire responsable du processus de nomination. À l’audience, le plaignant a montré un document à MM. Johnson et Campbell et leur a demandé s’il s’agissait de la fiche d’instructions utilisée pour l’examen. La source du document n’a pas été précisée. Les mots « commencez » ou « allez-y » ne figuraient pas sur le document. M. Campbell a déclaré qu’il ne s’agissait pas du document utilisé pour l’examen. M. Johnson a indiqué qu’il semblait manquer des renseignements sur la feuille et que celle qu’il avait utilisée comportait d’autres détails sur l’identification des candidats, les sorties de secours, etc.

36 M. Campbell a déclaré que M. Johnson l’avait assuré qu’il avait suivi les directives à la lettre et qu’il avait indiqué aux candidats, y compris au plaignant, de commencer l’examen. M. Campbell a affirmé qu’il avait envisagé la possibilité que M. Johnson ait tort, mais personne d’autre ne s’était plaint, et le plaignant n’avait pas soulevé la question avant la discussion informelle. Il a passé en revue les instructions relatives à l’examen et a conclu que c’était probablement le plaignant, et non M. Johnson, qui était dans l’erreur.

b) Preuve relative à la correction de l’examen de vérification et d’exactitude

37 Le plaignant a décrit son expérience à l’examen de vérification et d’exactitude. L’examen consistait en une feuille où figuraient des chiffres, des noms et des adresses. Les candidats ne devaient encercler que la lettre ou le chiffre erroné. Les instructions fournies sur le document d’examen indiquaient qu’il ne fallait pas encercler un mot ou une suite de chiffres en entier. Le plaignant a obtenu une note de 18 sur 23; la note de passage était fixée à 19.

38 Une des erreurs que les candidats devaient repérer se trouvait dans le nom d’une rue. L’orthographe exacte était « Shimareata », tandis que sur la feuille de réponses, il était écrit « Shimareita ». Les candidats devaient encercler le deuxième « i ». Le comité d’évaluation a enlevé un point au plaignant, car il a jugé que celui-ci avait encerclé la lettre « t » en plus de la lettre « i ». La perte de ce point a suffi à le faire échouer à l’examen. Le plaignant estimait que les membres du comité d’évaluation avaient fait preuve de rigueur excessive et il leur a demandé, au cours de la discussion informelle, de changer la notation de son examen. À ce moment-là, le comité a maintenu que sa réponse était incorrecte et a refusé de changer la note.

39 À l’étape de la communication des renseignements, le plaignant a obtenu les feuilles de réponses des autres candidats. Il s’est surtout attardé sur les feuilles des candidats qu’il a appelés II et IX. Il a souligné que ces candidats avaient également encerclé plus d’une lettre, mais que leur réponse n’avait pas été jugée incorrecte.

40 Connie Booty est chef d’équipe à la section du Régime des pensions du Canada de RHDCC. Elle s’est décrite comme la principale responsable du comité d’évaluation. Elle a déclaré qu’elle avait corrigé certaines copies de l’examen de vérification et d’exactitude. Selon Mme Booty, le candidat II avait encerclé le deuxième « i », et le « e » adjacent n’était que partiellement encerclé. Elle avait donc jugé que sa réponse était correcte. Or, elle avait estimé que sur sa copie, le plaignant avait à tort encerclé entièrement les lettres « i » et « t ». Elle a toutefois reconnu que le candidat IX avait aussi encerclé entièrement les lettres « i » et « t », mais qu’elle avait considéré cette réponse comme correcte à ce moment-là.

41 Mme Booty a déclaré qu’un membre du comité corrigeait une copie d’examen et qu’un autre membre vérifiait la correction. Elle a affirmé qu’il n’y avait eu aucun désaccord entre eux. Elle a indiqué qu’à un moment donné, M. Campbell avait demandé au comité de revoir tous les examens et de changer le barème afin qu’il soit acceptable que les lettres avant et après l’erreur soient aussi encerclées. À la suite de cette modification, la réponse du plaignant n’était plus considérée comme erronée, et celui-ci a obtenu la note de passage.

42 M. Johnson a affirmé qu’il avait corrigé l’examen du plaignant, mais que l’écriture sur les copies des candidats II et IX n’était pas la sienne. Il a étudié les trois copies et a convenu que les candidats II et IX avaient encerclé plus de lettres que nécessaire. Il a déclaré que les réponses des trois candidats auraient dû être jugées incorrectes d’après le barème de notation original, mais qu’une fois celui-ci modifié, la réponse du plaignant et celles des deux autres candidats étaient considérées correctes.

c) Preuve liée à l’inclusion de candidats provenant du bassin PM-02 antérieur dans le bassin PM-02 découlant du processus de nomination en cause

43 Le processus de nomination visé par la plainte a donné lieu à la création de ce qui est couramment appelé un « bassin » de candidats qualifiés. Le plaignant avance que l’inclusion de huit personnes provenant d’un bassin de candidats qualifiés de niveau PM-02 antérieur dans le bassin découlant du processus de nomination susmentionné était inappropriée, car les critères d’évaluation pour les deux processus n’étaient pas pareils. Le plaignant a décrit cette mesure comme un « transfert » [traduction] des candidats ou une « fusion » [traduction] des deux bassins; toutefois, comme il est expliqué plus loin dans la décision, il serait plus exact d’affirmer que les candidats du premier processus ont été invités à participer au second.

44 M. Campbell a déclaré que le processus de nomination précédent visant des postes de niveau PM-02 n’avait pas permis de trouver suffisamment de candidats qualifiés pour doter tous les postes vacants. Par conséquent, il a été décidé de mener un deuxième processus de nomination pour ces postes. M. Campbell n’était pas le gestionnaire subdélégataire responsable du premier processus de nomination visant des postes PM-02, mais il a examiné l’énoncé des critères de mérite (ECM) utilisé pour celui-ci et a déterminé qu’il était encore valide; il l’a donc utilisé pour le second processus. Il a affirmé qu’il avait examiné les outils utilisés pour le premier processus et qu’il avait consulté les membres du comité d’évaluation et le personnel des ressources humaines au sujet des outils à utiliser pour le second processus. Il n’a pas examiné en détail les outils du processus antérieur, car il était plus préoccupé par les outils qui allaient être utilisés pour le second processus.

45 M. Campbell a déclaré qu’il avait exercé son pouvoir discrétionnaire afin d’inclure huit personnes provenant du premier bassin PM-02 et qui n’avaient pas encore été nommées dans le second bassin PM-02. Selon M. Campbell, le premier bassin était encore valide, les ECM étaient identiques, et étant donné que les deux processus s’étaient déroulés dans un intervalle très rapproché, il était approprié d’inclure les huit personnes dans le nouveau bassin sans les évaluer davantage.

46 Le Rapport sur le processus de dotation décrit les étapes suivies dans le cadre du second processus de nomination visant des postes PM-02. M. Campbell a reconnu qu’il avait signé le rapport, lequel indique que le comité d’évaluation avait reçu pour consigne de ne pas évaluer les huit personnes provenant du bassin antérieur. Il ne se rappelait ni comment ni quand les huit personnes avaient été informées qu’elles allaient être intégrées dans le nouveau bassin. Il ne se souvenait d’aucune note ni d’aucun courriel à ce sujet.

47 Elaine Li est agente de dotation pour la région de l’Ouest de RHDCC. Elle a déclaré qu’il n’est pas très fréquent que le ministère déplace des candidats d’un bassin à l’autre, mais qu’il est possible de le faire si c’est équitable. Elle a affirmé qu’il est acceptable de procéder ainsi pourvu que les ECM soient identiques et qu’un court laps de temps sépare les deux processus. Elle a indiqué qu’il serait malaisé de demander aux personnes de reprendre essentiellement le même processus d’évaluation après une si courte période. Mme Li a déclaré que RHDCC ne disposait d’aucune politique concernant le transfert des candidats d’un bassin à un autre et qu’elle ignorait si la CFP en avait établi une à cet égard.

48 Le plaignant a fait remarquer que la note de passage pour l’examen de vérification et d’exactitude du premier processus de nomination visant des postes PM-02 était de 24 sur 30, ou 80 %, alors qu’elle était de 19 sur 23, ou 82,6 %, pour le deuxième. Il a également souligné qu’il n’y avait aucune restriction quant à la taille des cercles devant entourer les erreurs d’orthographe dans le premier examen, ce qui n’était pas le cas pour le second. Compte tenu de ces différences, le plaignant se demande s’il était approprié de considérer que les personnes qui avaient réussi l’examen de vérification et d’exactitude au cours du premier processus PM-02 avaient également réussi l’examen du second processus.

49 Mme Li a déclaré qu’il n’était pas nécessaire que les examens soient identiques, dans la mesure où ils étaient comparables. Elle a expliqué qu’un examen pouvait avoir une note de passage plus élevée, mais qu’il pouvait en contrepartie être plus facile. Il faut prendre tous les éléments en considération, pas seulement les notes de passage.

50 Les parties ont consenti à la présentation d’une feuille de calcul Excel intitulée « Sommaire du bassin » [traduction]. Ce document résume les résultats d’évaluation de tous les candidats du second processus de nomination PM-02. La liste des candidats comprend les huit personnes qui avaient participé au processus de nomination antérieur et précise seulement si celles-ci possédaient les qualifications relatives à l’expérience, pas les connaissances, les capacités ni les qualités personnelles. Mme Booty a déclaré que la feuille de calcul ne montre pas l’évaluation de ces huit personnes pour ces autres qualifications, car elles avaient déjà été évaluées à cet égard dans le processus de nomination précédent et il n’était pas nécessaire de les évaluer de nouveau.

51 Mme Booty a affirmé que c’était M. Campbell qui avait demandé au comité d’évaluation de ne pas évaluer les huit candidats dans le cadre du second processus de nomination. Toutefois, elle ne se souvient pas du moyen de communication qu’il a utilisé pour transmettre cette information au comité. Elle a confirmé que bien qu’elles n’aient pas été évaluées, les huit personnes avaient dû postuler pour le second processus, car le comité voulait savoir si elles avaient acquis de nouvelles qualifications constituant un atout depuis qu’elles avaient été évaluées dans le cadre du processus précédent.

d) Preuve liée aux nominations effectuées à partir du nouveau bassin PM-02

52 Levan Turner et Melissa Anstice, deux des huit personnes jugées qualifiées dans le premier processus de nomination, ont été intégrés dans le bassin du second processus et ont ensuite été nommées à un poste. Le plaignant a fait remarquer que le document « Sommaire du bassin » ne précise pas la note obtenue par M. Turner et Mme Anstice pour deux qualifications (« évolution et apprentissage » et « esprit de décision »), même si la justification de leur nomination indique que la décision a été prise d’après la note globale qu’ils ont obtenue pour ces deux qualifications.

53 Mme Li a expliqué que quand un gestionnaire procède à une nomination à partir d’un bassin, il examine les compétences requises pour le poste, puis cherche dans le bassin les personnes qui les possèdent. Elle a convenu qu’il aurait été plus facile d’expliquer la nomination de Mme Anstice, par exemple, si le sommaire du bassin avait précisé la note qu’elle avait obtenue pour ces qualifications. Toutefois, elle a souligné qu’il n’existe aucune exigence sur le plan légal à l’égard de ce document; ce qui était important, c’était que les personnes nommées possèdent les qualifications essentielles pour le poste, et non que leurs notes figurent sur ce document en particulier.

54 Le plaignant a évoqué la nomination de Susan Humphreys qui, tout comme lui, était candidate dans le cadre du second processus de nomination PM-02. Il a souligné que selon le sommaire du bassin, Mme Humphreys possédait toutes les qualifications relatives à l’expérience. Toutefois, il a fait référence à la lettre d’accompagnement qui figurait dans sa demande d’emploi et a remis en question le passage démontrant qu’elle possédait la qualification essentielle « expérience à interpréter et appliquer la législation » [traduction].

55 Mme Booty a déclaré qu’elle comparait généralement les critères relatifs aux études et à l’expérience de l’ECM aux renseignements figurant dans le curriculum vitæ des candidats. Si elle n’y trouvait pas les qualifications requises, elle communiquait avec les répondants des candidats afin d’obtenir de plus amples renseignements de manière à déterminer s’ils possédaient ces qualifications. Elle a reconnu que la lettre d’accompagnement était le seul document se rapportant à Mme Humphreys à avoir été pris en considération dans le processus de nomination. Mme Booty n’a pas précisé si elle avait communiqué avec un répondant nommé par celle-ci, mais elle a déclaré qu’elle avait une connaissance directe du travail de Mme Humphreys et qu’elle savait qu’elle possédait toutes les qualifications liées à l’expérience. Elle a affirmé que Mme Humphreys avait indiqué dans sa lettre d’accompagnement qu’elle répondait aux demandes de renseignements des clients concernant le « Paiement d’expérience commune ». Selon Mme Booty, pour exécuter cette tâche, elle devait interpréter et appliquer la législation. Elle a également affirmé que Mme Humphreys savait interpréter la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C., 1985, ch. P-21.

56 Un courriel daté du 19 mars 2008 a été présenté en preuve. Il était destiné aux postulants dont la candidature avait été éliminée du second processus de nomination parce qu’ils avaient échoué à un examen. Mme Booty ne pouvait pas expliquer pourquoi le nom de Mme Humphreys figurait dans la liste des destinataires jointe au courriel. Elle a déclaré qu’elle avait corrigé l’examen de Mme Humphreys et préparé le sommaire du bassin sur lequel figuraient les notes obtenues par les candidats pour chaque qualification. D’après ce document, elle pouvait voir que Mme Humphreys avait obtenu la note de passage pour chacune des qualifications. Mme Booty a affirmé que le nom de Mme Humphreys avait sûrement été ajouté par erreur sur la liste des candidats dont la candidature n’avait pas été retenue. Elle n’a pas pu expliquer comment cette erreur avait pu se produire ni comment elle avait été rectifiée.

e) Preuve liée à la contrainte, au parti pris et à la mauvaise foi

57 Le plaignant affirme que l’intimé avait un parti pris contre sa nomination en raison de la réputation qu’il avait acquise pour avoir dénoncé des activités illicites survenues à l’Agence du revenu du Canada (ARC). Il affirme qu’à la suite de cette dénonciation, il a subi des représailles et de la discrimination pendant des années, ce qui l’a finalement amené à démissionner de l’ARC en 2005. Il a déclaré qu’il avait été mis sur la liste noire de l’Agence des services frontaliers du Canada, ce qui a donné lieu à deux enquêtes de la CFP, lesquelles se sont soldées en sa faveur. Il a indiqué qu’il avait informé le frère de Don Campbell, Ken Campbell, qui occupait également un poste de gestionnaire à RHDCC, de ces questions en 2006. Par ailleurs, il a affirmé qu’il avait été reçu en entrevue au bulletin de nouvelles nationales de la Canadian Broadcasting Corporation (CBC) en octobre 2007; il avait alors été question de ses activités de dénonciation. Bien qu’il ait retiré l’allégation relative à l’inscription sur une liste noire qu’il avait formulée à l’encontre de RHDCC dans les présentes plaintes, le plaignant estime toujours que le ministère l’a placé sur une liste noire, ce qui explique la coercition, le parti pris et la mauvaise foi pratiqués à son encontre au cours du processus de nomination en l’espèce.

58 Le plaignant travaillait à l’ARC avec un autre dénonciateur, Levan Turner. M. Turner a paru avec le plaignant au bulletin de nouvelles de la CBC. M. Turner faisait partie des huit personnes jugées qualifiées dans le cadre du premier processus PM-02; il a été intégré dans le second bassin et a ensuite été nommé à un poste d’agent des prestations à Service Canada. Or, le plaignant affirme que contrairement à lui, M. Turner avait été nommé à un poste à RHDCC en 2004 et qu’il avait pu nouer une bonne relation avec le ministère au cours des trois années ayant précédé son passage aux nouvelles de la CBC.

59 M. Campbell a affirmé qu’il estimait que placer une personne sur une liste noire signifie de ne pas l’embaucher en raison de ses antécédents, et qu’un dénonciateur était une personne qui est témoin d’une conduite irrégulière et qui la signale. Il a reconnu que son frère était gestionnaire à RHDCC au même niveau que lui, mais a affirmé qu’il n’avait jamais discuté avec lui du plaignant et qu’il ne se rappelait aucun courriel échangé avec lui à son sujet.

60 Selon M. Campbell, quand il a rencontré le plaignant le 14 janvier 2009, il lui a offert de réintégrer le processus. Il a indiqué que le plaignant avait affirmé que le ministère l’avait mis sur une liste noire et que s’il réintégrait le processus, il ne serait pas traité de manière équitable en entrevue. M. Campbell a déclaré que le plaignant n’était pas entré dans les détails concernant la liste noire. Il a nié avoir eu connaissance des activités de dénonciation du plaignant ou de son passage au bulletin de nouvelles de la CBC avant la rencontre. De plus, il a déclaré qu’une liste noire n’avait rien à voir avec le processus PM-02 en l’espèce. Il était au courant du fait que le plaignant avait fait part à d’autres personnes de ses préoccupations en ce qui concerne la manière dont il était traité par le ministère, mais ne connaissait pas les détails. M. Campbell a également souligné que le plaignant ne lui avait fait aucune suggestion quant à la façon de constituer le comité d’entrevue de manière à atténuer ses préoccupations relatives à l’inscription sur une liste noire.

61 Mme Li a déclaré qu’elle n’avait joué aucun rôle dans le second processus de nomination visant des postes PM-02 avant que le bassin ait été établi. Elle a affirmé qu’elle n’a été mise au courant des préoccupations du plaignant quant à l’inscription sur une liste noire qu’après que celui-ci a présenté sa plainte.

62 Mme Booty a indiqué qu’au moment de la tenue du processus de nomination PM-02, elle ignorait que le plaignant avait déposé d’autres plaintes. Elle a affirmé qu’elle n’avait eu aucune conversation avec Mme Li ou M. Campbell au sujet de l’inscription du plaignant sur une liste noire.

63 Le plaignant affirme que l’intimé avait tenté d’utiliser des tactiques de coercition contre lui après la présentation de la plainte. Il soutient que les éléments de preuve appuient son affirmation selon laquelle l’intimé était partial et de mauvaise foi dans l’évaluation de sa candidature. Le plaignant a déclaré qu’il avait compris que la rencontre du 14 janvier 2009 avait été organisée afin de lui permettre d’examiner les copies d’examen de vérification et d’exactitude des huit candidats issus du premier processus et qui avaient été intégrés dans le nouveau bassin; le Tribunal avait ordonné à l’intimé de fournir ces renseignements au plaignant. Celui-ci a déclaré que Mme Booty l’avait conduit au bureau de M. Campbell, puis qu’elle était partie.

64 Toutefois, selon le plaignant, M. Campbell voulait négocier un règlement avant de lui montrer les huit copies d’examen. Il convient de noter en l’occurrence que le plaignant a fourni une grande quantité d’éléments de preuve concernant les discussions de conciliation ayant eu lieu à cette rencontre. Tout au long du processus menant à l’audience, de même que dans ses allégations, le plaignant avait indiqué son intention de soulever cette question et de présenter une preuve s’y rapportant. À aucun moment l’intimé ne s’est opposé à ce que cette preuve soit présentée à titre de communication privilégiée; en fait, il a même présenté sa propre preuve sur cette question par l’entremise d’un contre-interrogatoire des témoins du plaignant (aucune autre partie, à part le plaignant, n’a appelé de témoins à l’audience).

65 Le plaignant a déclaré que M. Campbell lui avait proposé de lui accorder un point de plus à l’examen de vérification et d’exactitude (ce qui lui suffisait pour obtenir la note de passage) s’il retirait sa plainte et renonçait à voir les huit autres copies d’examen. Autrement, M. Campbell a affirmé qu’il était prêt à se rendre à une audience afin de défendre la façon dont le comité d’évaluation avait noté l’examen. Le plaignant a demandé à voir les huit examens avant de prendre une décision, mais M. Campbell a refusé.

66 Le plaignant a affirmé que son objectif était d’être admis dans le bassin. Par conséquent, il a offert de retirer sa plainte si M. Campbell lui accordait la note de passage pour l’examen et pour l’entrevue. Comme il a été mentionné plus haut, il a fait savoir à M. Campbell qu’il estimait que le ministère l’avait placé sur une liste noire et qu’il était certain que M. Campbell recevrait pour consigne de le faire échouer à l’entrevue.

67 M. Campbell a expliqué qu’avant la rencontre du 14 janvier 2009, il avait discuté avec le personnel des ressources humaines de la possibilité d’accorder au plaignant le bénéfice du doute sur le point qu’il avait perdu à l’examen de vérification et d’exactitude à condition qu’il retire sa plainte et renonce à voir les copies d’examen des huit personnes qui avaient été déplacées de l’ancien au nouveau bassin. Il a fait cette offre au plaignant en précisant qu’il ne s’agissait que d’une proposition, et qu’il ne le forçait aucunement à l’accepter. Il a déclaré que le plaignant avait répondu qu’il souhaitait être placé directement dans le bassin PM-02. Le plaignant a suggéré que son évaluation pour le présent processus soit fondée sur les résultats qu’il avait obtenus dans le cadre de processus antérieurs auxquels il avait participé. Cependant, M. Campbell a préféré s’en tenir aux conditions de l’offre qu’il venait de lui faire.

68 Le plaignant a produit un nombre important d’éléments de preuve sur les méthodes d’évaluation qu’il proposait pour remplacer l’entrevue. Le Tribunal fait remarquer que les discussions du plaignant avec l’intimé sur les solutions à utiliser à la place d’une entrevue ont commencé à la rencontre du 14 janvier 2009, quelque trois mois après la présentation des plaintes initiales. À ce moment-là, la candidature du plaignant avait été éliminée du processus de nomination en raison du résultat qu’il avait obtenu à l’examen de vérification et d’exactitude, et celui-ci n’avait pas été convoqué en entrevue. Par conséquent, les détails concernant les méthodes d’évaluation que le plaignant a proposées en remplacement de l’entrevue ne sont pas pertinents pour le Tribunal au moment de statuer sur ces plaintes.

69 Les négociations ont échoué, et M. Campbell a fourni au plaignant les copies d’examen de vérification et d’exactitude qu’il avait demandées. Les résultats d’examen ont amené le plaignant à se demander (comme il est expliqué en détail à la section c) ci-dessus) s’il était approprié d’utiliser ces examens pour déterminer que les huit candidats étaient qualifiés et les inclure dans le nouveau bassin.

70 M. Campbell a déclaré qu’à la suite de la réunion du 14 janvier 2009, il avait rencontré les trois surveillants afin d’examiner toutes les copies d’examen; il n’a toutefois pas précisé la date de cette rencontre. Il a expliqué qu’ils avaient trouvé quelques copies, dont celle du plaignant, pour lesquelles l’évaluation de certaines des réponses du candidat « aurait pu pencher d’un côté comme de l’autre » [traduction]. Ils ont donc décidé d’accorder la note de passage au plaignant et de le convoquer en entrevue. Le 19 février 2009, Mme Booty a envoyé un courriel au plaignant pour l’informer que sa copie avait été recorrigée et qu’un point additionnel lui avait été accordé. De plus, elle le convoquait en entrevue le 27 février 2009.

71 Mme Booty a affirmé que M. Campbell lui avait expliqué que la rencontre du 14 janvier 2009 visait à montrer au plaignant les copies de l’examen de vérification et d’exactitude que les huit personnes avaient passé dans le cadre du premier processus de nomination visant des postes PM-02. Elle a indiqué que M. Campbell n’avait rien mentionné au sujet d’une offre au plaignant avant ou après la rencontre.

72 M. Johnson a déclaré qu’il se trouvait avec Mme Booty et M. Campbell juste avant la rencontre de ce dernier avec le plaignant, le 14 janvier 2009. Il a affirmé que Mme Booty et lui-même avaient écouté la discussion tenue au téléphone par M. Campbell avec un membre du personnel des ressources humaines de Vancouver au sujet de ladite rencontre. M. Campbell a ensuite rencontré le plaignant. Après la rencontre, M. Campbell a informé M. Johnson qu’il avait proposé au plaignant de réintégrer sa candidature dans le processus ou de lui montrer les copies d’examen des huit autres personnes, et que le plaignant avait choisi de voir les copies d’examen. M. Johnson avait compris que l’employé des ressources humaines avait précisé qu’il n’y aurait pas d’entente si le plaignant insistait pour voir les examens. Il se rappelait que Mme Booty était également présente quand M. Campbell a raconté comment s’était déroulée sa rencontre avec le plaignant.

73 Le plaignant estime que le refus de l’intimé de prendre part à la médiation constitue une autre preuve de sa mauvaise foi. Une séance de médiation devait avoir lieu les 28 et 29 avril 2009; or, le 20 avril 2009, le plaignant a été informé que l’intimé ne souhaitait plus y participer. Il en a été grandement contrarié et, le même jour, il a envoyé un courriel à M. Campbell dans lequel il sollicitait le ministère de revenir sur sa décision d’annuler la médiation. Dans ce courriel, il mentionnait également sa mise présumée sur liste noire. En outre, il a informé l’intimé qu’il s’abstenait d’entreprendre des actions en justice auprès de la CCDP, de la CRTFP et du Tribunal, mais qu’il irait de l’avant si l’intimé refusait de participer à la médiation. En fin de compte, la médiation n’a pas eu lieu.

Décision concernant l’admissibilité d’éléments de preuve additionnels

74 Vers la fin de la présentation de son argumentation finale, le plaignant a demandé la permission de déposer en preuve un nouveau document. Il a indiqué qu’il avait ce document en sa possession avant l’audience, mais qu’il ne l’avait pas apporté, car il n’avait pas l’intention de s’en servir. Il a expliqué qu’il ne s’était rendu compte de son importance que la veille, après la clôture de la preuve et l’ajournement de l’audience.

75 L’intimé s’est opposé à l’introduction d’éléments de preuve supplémentaires à ce stade. Il a fait valoir qu’il serait inapproprié de rouvrir la preuve chaque fois qu’une des parties a « une nouvelle idée » [traduction] après que celle-ci a été close.

76 Le Tribunal a rejeté la requête du plaignant. Il a fait remarquer que celui-ci était en possession du document avant l’audience et qu’il aurait pu demander à le présenter avant que la preuve soit close.

77 Le 27 octobre 2010, le plaignant a envoyé un courriel au Tribunal le sollicitant de revenir sur sa décision concernant l’admissibilité de la preuve pour les raisons suivantes : il était malade depuis le 13 août 2010; certains problèmes, notamment une défaillance de son imprimante, l’ont empêché de produire le document à l’audience; le Tribunal avait établi la date de l’audience de manière arbitraire, sans consulter les parties; l’intimé n’avait pas présenté certains éléments de preuve clés avant le 12 octobre 2010; enfin, il s’était rendu compte de la pertinence du document seulement une fois que les derniers éléments de preuve avaient été présentés à l’audience.

78 Le plaignant a joint à son courriel deux documents qu’il souhaitait produire en preuve. Le Tribunal ignore si l’un ou l’autre de ces documents faisait partie de celui que le plaignant avait tenté de présenter pendant son argumentation finale. Le premier document est un résumé des résultats d’évaluation du premier processus de nomination PM-02 obtenus par les huit personnes qui ont subséquemment participé au second processus. Le deuxième document est une justification de la décision de sélection concernant la nomination de quatre personnes à l’issue du second processus PM-02, dont trois faisaient partie du groupe de huit personnes susmentionné.

79 Les autres parties n’ont pas répondu à ce courriel.

80 Le Tribunal considère que le plaignant demande la réouverture de l’audience afin de présenter de nouveaux éléments de preuve. Cette question a été abordée dans la décision Vermette c. CBC, (1994) 28 C.H.R.R. D/89, une décision du Tribunal canadien des droits de la personne subséquemment confirmée par la Cour fédérale (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. la Société Radio-Canada (re Vermette), [1996] F.C.J. No 1274 (Q.L.) (C.F. 1re inst.)). Cette décision appliquait le critère établi par le juge Ritchie dans la décision Gass c. Childs (1959), 43 M.P.R. 87 (N.B.C.A.) en ce qui concerne l’admission d’éléments de preuve additionnels. Dans la décision Gass, la Cour avait établi qu’avant d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour rouvrir l’audience, un tribunal doit notamment déterminer s’il a été démontré que l’élément de preuve n’aurait pas pu être obtenu à temps pour être utilisé à l’instruction en dépit d’une diligence raisonnable.

81 Le Tribunal conclut que non seulement les documents que le plaignant souhaitait présenter avaient été obtenus avec diligence raisonnable par celui-ci, mais, comme le plaignant l’a affirmé lui-même, il disposait également de cette information avant le début de l’audience le 19 octobre 2010. Il avait simplement décidé de ne pas apporter les documents à l’audience, car il n’avait pas l’intention de les utiliser. Le Tribunal souligne également que même s’il a affirmé qu’il était malade, le plaignant n’a pas demandé que l’audience soit remise ou que des mesures d’accommodement soient prises pour cause de maladie ou autre. En fait, dans un courriel qu’il a envoyé au Tribunal le 7 octobre 2010, soit moins de deux semaines avant l’audience, le plaignant a indiqué qu’il ne voulait pas le report de l’audience.

82 Par conséquent, la demande de réouverture de l’audience présentée par le plaignant pour qu’il puisse présenter de nouveaux éléments de preuve est rejetée.

Analyse


Question I :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’administration et la notation de l’examen de vérification et d’exactitude?

83 Le plaignant a soulevé deux points en ce qui concerne l’examen de vérification et d’exactitude : premièrement, le fait qu’il estime que M. Johnson a omis de dire « commencez » au début de l’examen; deuxièmement, son opinion selon laquelle les examens ont été corrigés avec une sévérité excessive.

84 Par rapport au premier point, le plaignant avance que l’intimé n’a pas présenté de copie du document que M. Johnson affirme avoir utilisé afin de donner des instructions aux candidats au début de l’examen et n’a posé à ce dernier aucune question sur le sujet à l’audience. Il soutient que compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal devrait accueillir son allégation et conclure que le processus d’évaluation était entaché d’irrégularité. En outre, il fait valoir que la question de savoir s’il a obtenu la note de passage par la suite n’a pas de pertinence en l’espèce.

85 L’intimé soutient qu’après le dépôt de la plainte, M. Campbell a demandé à M. Johnson s’il avait bien dit « commencez » ou « allez-y » au début de l’examen, et que celui-ci a répondu par l’affirmative. Selon l’intimé, le plaignant a seulement demandé à M. Campbell si le document qu’il lui avait montré était la liste de directives utilisée pour l’examen. Il a eu l’occasion de poser davantage de questions à ce sujet, mais a choisi de ne pas le faire.

86 Le Tribunal juge que la preuve quant à la question de savoir si M. Johnson a bien dit « commencez » au début de l’examen du plaignant n’est pas concluante. MM. Campbell et Johnson ont expliqué qu’un document était utilisé chaque fois que l’examen était administré. M. Campbell a déclaré que le document que le plaignant lui avait montré n’était pas celui qui était utilisé pour les examens. M. Johnson a affirmé que ce document semblait incomplet. Selon lui, le document présenté par le plaignant contenait sept points et aucune directive indiquant de dire « commencez » ou « allez-y », tandis que le document utilisé à l’examen comptait 15 points, dont la directive indiquant de dire « commencez » ou « allez-y ». L’origine du document présenté par le plaignant n’a pas été précisée, et l’intimé n’a pas produit en preuve le document qu’il affirme avoir utilisé pour les examens.

87 Le plaignant a déclaré qu’il avait commencé l’examen après avoir constaté que les autres candidats l’avaient déjà entamé. Cela montre que même si M. Johnson n’a pas dit « commencez » ou « allez-y », indépendamment du fait que le document ait mentionné ou non que le surveillant devait dire « commencez », un signal a forcément dû être donné aux candidats afin qu’ils commencent l’examen. Il ressort des éléments de preuve versés au dossier que le plaignant n’est pas parvenu à convaincre le Tribunal que, selon la prépondérance des probabilités, il n’a pas eu une chance égale de commencer l’examen en même temps que les autres candidats ou qu’il était désavantagé par rapport à ceux-ci à l’examen de vérification et d’exactitude.

88 Le second point soulevé par le plaignant se rapporte à la correction de sa copie d’examen de vérification et d’exactitude. Le plaignant soutient que selon la preuve, certaines réponses données par d’autres candidats à cet examen auraient dû être considérées comme incorrectes, mais ont été acceptées. Selon lui, ou ces candidats auraient dû perdre des points, ou lui-même aurait dû obtenir la note de passage. Il soutient que l’intimé a corrigé son examen de manière plus sévère que celui des autres candidats. Il affirme qu’il a demandé à plusieurs reprises à l’intimé de rectifier la situation, mais que celui-ci a toujours refusé.

89 L’intimé a expliqué que les examens avaient été corrigés par plusieurs personnes. Après le dépôt des plaintes, l’intimé a décidé de changer la notation pour tous les candidats. Il estimait qu’il était important que tous les candidats soient traités équitablement. En conséquence de ces changements, l’examen a été corrigé à nouveau en faveur du plaignant qui a ainsi pu réintégrer le processus. L’intimé fait valoir que s’il y avait eu erreur dans l’administration de l’examen, celle-ci a été corrigée quand le plaignant a obtenu le point qui lui manquait et qu’il a réintégré le processus de nomination. Étant donné que l’intimé a remédié à cette erreur, les éléments de preuve qui s’y rapportent ne sont pas pertinents, et le Tribunal ne peut conclure que l’intimé a abusé de son pouvoir.

90 Il convient de se demander si la réponse du plaignant aurait dû être considérée comme incorrecte du fait qu’il avait encerclé d’autres lettres que le deuxième « i » du mot « Shimareita ». Les instructions qui accompagnaient l’examen précisaient que les candidats devaient « encercler uniquement la lettre ou le chiffre incorrect » [traduction]. En examinant la copie du plaignant, il est possible de constater que celui-ci a encerclé la lettre « i » incorrecte dans « Shimareita ». Toutefois, son cercle touche en partie les lettres « e » et « a » et entoure la quasi-totalité de la lettre « t ».

91 Dans son témoignage, Mme Booty a affirmé qu’elle avait estimé que la réponse du plaignant était incorrecte, car celui-ci avait encerclé les lettres « i » et « t ». M. Johnson a déclaré que, pour les mêmes raisons, il avait considéré le cercle tracé par le plaignant comme incorrect.

92 M. Campbell a déclaré que quand il s’était réuni avec les autres membres du comité d’évaluation afin de passer en revue toutes les copies d’examen en février 2009, tous avaient convenu que dans certaines copies, il était difficile de déterminer si la réponse était correcte ou non. Les membres du comité d’évaluation ont donc décidé de changer le barème et d’accepter les réponses pour lesquelles la lettre précédant et la lettre suivant la lettre incorrecte avaient été encerclées. Une fois le nouveau barème appliqué, la réponse litigieuse du plaignant a été acceptée, et celui-ci a obtenu la note de passage.

93 Le Tribunal fait remarquer qu’il y a très peu d’espace entre les lettres et les chiffres dans chacune des adresses, et que les copies d’examen fournies par le plaignant (la sienne et celles d’autres candidats) contiennent de nombreux exemples pour lesquels les cercles tracés touchent ou entourent des lettres ou des chiffres adjacents, et pas seulement dans le mot « Shimareita ».

94 En évaluant la réponse du plaignant au regard des instructions uniquement, le Tribunal conclut que le comité d’évaluation pouvait considérer que le plaignant avait encerclé les lettres « i » et « t » et que sa réponse était incorrecte. Toutefois, afin que son évaluation soit équitable, le comité d’évaluation doit corriger toutes les copies de manière uniforme.

95 Le Tribunal juge que la réponse du plaignant pour le mot « Shimareita » n’est pas plus incorrecte que celle fournie par le candidat II, laquelle a été jugée correcte. En outre, la réponse du candidat IX a été acceptée, même si le cercle tracé par celui-ci semble entourer la totalité des lettres « i » et « t ». À l’audience, quand M. Johnson, un des membres du comité d’évaluation, a examiné les trois copies d’examen présentées par le plaignant, il a déclaré que les trois réponses auraient dû être considérées comme incorrectes. Mme Booty a admis que, comme le plaignant, le candidat IX avait encerclé les lettres « i » et « t », mais qu’elle avait accepté cette réponse au moment où elle avait corrigé les examens.

96 À la lumière de ces éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que les examens n’ont pas été corrigés de manière uniforme. Cette erreur a eu des répercussions considérables pour le plaignant : le point perdu faisait pour lui la différence entre voir sa candidature éliminée du processus de nomination et être convoqué en entrevue.

97 Dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, au paragraphe 70, le Tribunal a établi cinq catégories d’abus de pouvoir applicables aux décisions administratives discrétionnaires. L’une de ces catégories concerne un résultat inéquitable attribuable à des mesures déraisonnables. En l’espèce, le résultat inéquitable est l’élimination de la candidature du plaignant en raison de la correction non uniforme des examens. Dans la décision Chiasson c. Sous-ministre de Patrimoine canadien, 2008 TDFP 0027, au paragraphe 48, le Tribunal a établi que tous les candidats ont le droit d’être évalués selon les mêmes critères, lesquels doivent être appliqués de manière uniforme. Toutefois, cela n’a pas été le cas en l’espèce, car même si les réponses étaient semblables, celle du plaignant a été considérée comme incorrecte alors que celles fournies par d’autres candidats ont été acceptées, et ce, pour la même partie de l’examen.

98 Après le dépôt des plaintes initiales, l’intimé a reconnu que l’évaluation de certaines réponses « aurait pu pencher d’un côté comme de l’autre » [traduction] et a décidé d’assouplir le barème de correction. Par suite de cette décision, la réponse du plaignant a été jugée tout à fait correcte. Le plaignant a obtenu la note de passage et a été convoqué en entrevue. Selon l’intimé, s’il y avait une erreur dans la notation de l’examen, il l’a corrigée, et il ne peut donc pas y avoir de jugement d’abus de pouvoir à son encontre.

99 À la suite de la présentation des plaintes initiales, l’intimé a tenté de négocier un règlement, mais les négociations ont échoué et les plaintes n’ont pas été retirées. En l’absence d’un règlement ou du retrait des plaintes, le Tribunal reste compétent pour statuer sur les plaintes même si l’intimé a pris des mesures par la suite (voir la décision Morgenstern c. le commissaire du Service correctionnel du Canada, 2010 TDFP 0018, para. 39 et 40). Par ailleurs, bien que l’intimé ait permis au plaignant de réintégrer le processus de nomination, il n’en demeure pas moins qu’il a éliminé sa candidature de façon inappropriée, sur la base d’un examen qui n’avait pas été corrigé de manière équitable et uniforme.

100 D’après les éléments de preuve dont il est saisi, le Tribunal conclut que l’intimé a abusé de son pouvoir en corrigeant l’examen de vérification et d’exactitude de manière inéquitable et non uniforme.

Question 2 :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir quand il a intégré des personnes provenant d’un bassin antérieur de candidats qualifiés dans le bassin découlant du processus de nomination visé par la plainte?

101 L’argumentation du plaignant porte essentiellement sur le fait qu’il était inapproprié d’inclure les huit personnes provenant de l’ancien bassin de candidats qualifiés PM-02 dans le nouveau bassin PM-02. Il avance qu’il n’a pas été démontré que l’évaluation des candidats dans le cadre des deux processus de nomination était comparable, qu’aucune politique ne permet la fusion de bassins et qu’il y a eu manque de transparence en raison de l’absence de documentation se rapportant à la fusion des deux bassins.

102 Le plaignant fonde son argumentation sur le fait que l’intimé n’a pas prouvé, à l’audience, qu’il était approprié ou justifié d’inclure dans le second bassin des candidats qualifiés provenant du premier bassin. En premier lieu, comme l’a établi le Tribunal dans la décision Tibbs, au paragraphe 55, c’est le plaignant qui a le fardeau de la preuve en ce qui a trait aux plaintes d’abus de pouvoir présentées en vertu de la LEFP. En second lieu, l’article 77(1)a) de la LEFP porte sur les nominations à des postes en vertu de l’article 30(2), non pas sur l’inclusion de personnes dans des bassins de candidats qualifiés. Le fait de placer quelqu’un dans un bassin ne constitue pas une nomination.

103 Le Tribunal fait remarquer que selon le témoignage de Mme Booty, les huit personnes provenant du premier processus PM-02 ont été invitées à postuler pour le second processus. L’intimé a déterminé que d’après leur évaluation au cours du premier processus, elles étaient qualifiées en vue d’une nomination dans le cadre du second processus sans qu’il soit nécessaire de les évaluer de nouveau. Les notifications de nomination ou de proposition de nomination concernant les personnes provenant du premier processus et qui ont ensuite été nommées à l’issue du second processus se rapportent uniquement au second processus PM-02, soit le processus 2007-CSD-IA-BC-SC-846.

104 Le Tribunal constate que les personnes jugées qualifiées dans le premier processus PM-02 n’ont pas été « transférées » [traduction] de l’ancien vers le nouveau bassin, et que les deux bassins n’ont pas été « fusionnés » [traduction]. Les huit personnes ont posé leur candidature au second processus de nomination PM-02, ont été jugées qualifiées et ont été nommées à des postes par suite de ce processus.

105 L’article 30(2)a) de la LEFP stipule que la Commission, ou l’administrateur général délégataire, peut effectuer une nomination si la personne à nommer possède les qualifications essentielles établies pour le poste par l’administrateur général. Comme l’a souligné le Tribunal dans bon nombre de décisions, l’article 36 de la LEFP accorde un vaste pouvoir discrétionnaire dans le choix, l’administration et l’application des méthodes d’évaluation (voir, par exemple, les décisions Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0011, para. 26-27, et Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, para. 51).

106 En l’espèce, l’intimé a décidé que les huit candidats n’étaient pas tenus de passer l’examen de vérification et d’exactitude, car ils avaient déjà réussi un examen semblable dans le cadre du processus précédent visant des postes PM-02. Le plaignant conteste la comparabilité des examens, car le nombre de questions et le barème de notation étaient différents.

107 En l’espèce, la preuve montre que les huit personnes qui ont été intégrées dans le nouveau bassin possédaient les qualifications essentielles pour le poste PM-02 dans le premier processus, et que l’ECM décrivant les qualifications essentielles pour le second processus était identique. Bien que l’examen de vérification et d’exactitude passé par les huit personnes au cours du premier processus de nomination PM-02 ait été différent de celui utilisé dans le second processus, il n’a pas été démontré en preuve que celui-ci n’évaluait pas en fait la qualification essentielle « souci du détail ». De plus, il n’y a aucune preuve d’erreurs ou d’incohérences dans la correction de l’examen précédent, contrairement à l’examen utilisé pour le second processus de nomination PM-02. Enfin, rien ne montre dans les éléments de preuve versés au dossier que quelqu’un a été désavantagé parce que les huit personnes n’ont pas eu à passer l’examen utilisé dans le second processus.

108 Les huit personnes avaient été jugées qualifiées en vue d’une nomination à l’issue du premier processus, et il n’était pas nécessaire de les évaluer davantage ou de les inclure dans le second processus afin de les nommer à un poste. Bien que ces personnes n’aient pas été évaluées au cours du second processus, les ECM des deux processus étaient identiques, et les méthodes d’évaluation étaient suffisamment semblables. En l’absence d’une preuve montrant que les huit personnes ne possédaient pas les qualifications essentielles pour les postes, le Tribunal ne constate aucun abus de pouvoir dans la nomination de ces personnes par suite du second processus de nomination.

109 Le plaignant affirme également que l’absence de documentation concernant l’inclusion des huit personnes dans le second bassin constitue un abus de pouvoir. Le plaignant souligne qu’aucun document n’a été présenté afin de montrer que les huit personnes jugées qualifiées dans le premier processus PM-02 avaient été informées que leurs résultats d’évaluation pouvaient être utilisés dans d’autres processus. Or, ce n’est pas surprenant, étant donné qu’il n’a pas été démontré en preuve que l’intimé prévoyait mener un second processus au moment où le premier processus PM-02 a eu lieu. La preuve montre que l’intimé a lancé le second processus quand il a déterminé que le premier processus n’avait pas permis de trouver suffisamment de candidats qualifiés pour doter tous les postes vacants prévus.

110 Le plaignant s’est dit mécontent que M. Campbell et Mme Booty n’aient pu préciser, dans leur témoignage, quand ou comment les huit personnes ont été informées qu’elles feraient partie du nouveau bassin. Toutefois, le fait qu’ils ne s’en souviennent pas n’étaye pas l’allégation d’abus de pouvoir formulée par le plaignant. L’inclusion des huit personnes dans le second processus est consignée dans le Rapport sur le processus de dotation pour le second processus de nomination PM-02, lequel est signé par M. Campbell. Quoi qu’il en soit, le point soulevé par le plaignant n’est pas significatif, étant donné que les huit personnes avaient été jugées qualifiées en vue d’une nomination et pouvaient être nommées à un poste PM-02 en vertu du premier comme du second processus.

111 Le plaignant a fait remarquer que ni Mme Booty ni Mme Li ne pouvaient nommer une politique du ministère ou de la CFP habilitant l’intimé à fusionner deux bassins de candidats. Le Tribunal estime que cette question n’est pas pertinente, étant donné que la preuve montre que les bassins n’ont pas été fusionnés, mais que les huit personnes ont postulé pour le second processus PM-02.

112 Par conséquent, le Tribunal conclut que les préoccupations du plaignant concernant l’inclusion de personnes provenant du bassin antérieur dans le nouveau bassin ne sont pas fondées et que les faits qui s’y rapportent ne constituent pas un abus de pouvoir en l’espèce.

Question 3 :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir quand il a nommé une personne à l’issue du processus de nomination visé par la plainte?

113 Le plaignant soutient que l’intimé n’a pas pu expliquer de manière satisfaisante comment le nom de Mme Humphreys avait été déplacé d’une liste de candidats dont la candidature avait été éliminée à une liste de candidats retenus. Il soutient également que la lettre d’accompagnement de Mme Humphreys n’expliquait pas en quoi elle possédait la qualification relative à l’expérience se rapportant à l’interprétation et à l’application de la législation. Selon lui, il incombait aux candidats de démontrer dans leur dossier de candidature qu’ils possédaient cette qualification. Il souligne que le document « Plan d’évaluation – Qualifications et outils et méthodes d’évaluation » [traduction], présenté avec le consentement des parties, précise que le curriculum vitæ sera utilisé pour vérifier cette qualification liée à l’expérience. Il avance que si Mme Booty a communiqué avec le superviseur de Mme Humphreys, elle n’a pas agi de manière conforme au plan d’évaluation et elle a accordé un traitement préférentiel à cette dernière.

114 Le plaignant s’appuie sur la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Jeethan c. le procureur général du Canada, 2006 CF 135, aux paragraphes 15 et 16, pour avancer que l’incapacité de l’intimé d’expliquer le raisonnement qui sous-tend la décision du comité d’évaluation constitue une violation du principe du mérite. L’affaire Jeethan portait sur une décision du Comité d’appel de la Commission de la fonction publique (le Comité d’appel) en vertu de l’ancienne LEFP, L.R.C 1985, ch. P-33. Le Comité d’appel avait conclu que les membres du comité de sélection qui avaient mené un concours interne n’avaient pas été en mesure d’expliquer, de se rappeler ou de reconstituer la justification des notes accordées à l’appelante. Le Comité d’appel n’était donc pas convaincu que le comité de sélection avait évalué les candidats en fonction du principe du mérite, et la Cour fédérale a confirmé sa décision.

115 Le plaignant affirme que les principes qui sous-tendent cette affaire s’appliquent à la nomination de Mme Humphreys. Mme Booty n’a pas été en mesure d’expliquer en quoi Mme Humphreys possédait les qualifications liées à l’expérience. Selon le plaignant, Mme Booty ne pouvait présenter ni document ni note à l’appui de ses décisions.

116 L’intimé fait valoir que quand le plaignant a demandé des éclaircissements à Mme Booty, celle-ci a été en mesure de justifier sa façon de procéder à l’évaluation des qualifications relatives à l’expérience. Elle a déclaré qu’elle savait que les fonctions de Mme Humphreys nécessitaient l’interprétation et l’application de la législation. Elle a également indiqué que, si nécessaire, elle communiquait avec les répondants afin d’obtenir de plus amples renseignements. Bien que le plaignant affirme que le comité d’évaluation ne pouvait se fier qu’aux curriculum vitæ pour déterminer si les candidats possédaient les qualifications essentielles, l’intimé soutient que le comité avait le droit de modifier sa méthode d’évaluation, dans la mesure où ce changement n’était pas motivé par une intention illégitime. Enfin, l’intimé avance que cette question concerne Mme Humphreys, et non le plaignant, et qu’elle n’est pas pertinente pour le règlement des plaintes en l’espèce.

117 La situation vécue par d’autres candidats dans un processus de nomination peut être pertinente pour ce qui est de statuer sur une plainte. La LEFP a été établie afin de fournir un cadre aux nominations dans la fonction publique. Ce cadre comprend la responsabilisation des gestionnaires délégataires et un engagement à respecter les valeurs énoncées dans le préambule de la LEFP. L’article 77(1) de la LEFP stipule que la personne qui est dans la zone de recours peut présenter une plainte au Tribunal selon laquelle elle n’a pas été nommée ou elle n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir. Plus précisément, l’article 10 du Règlement du Tribunal stipule qu’une plainte peut être présentée à la suite d’une nomination ou d’une proposition de nomination visant une autre personne. Ainsi, la nomination d’une autre personne constitue l’élément déclencheur d’un processus de plainte et permet de demander des comptes aux gestionnaires. Une plainte permet de relever des problèmes – favoritisme personnel par exemple – qui démontrent qu’un processus comportait des lacunes si importantes que celui-ci n’aurait pas dû donner lieu à la nomination d’une ou de plusieurs personnes. (Voir, par exemple, la décision Rochon c. le sous-ministre des Pêches et des Océans, 2011 TDFP 0007, para. 60.)

118 En l’espèce, le plaignant a relevé ce qu’il estime être de graves lacunes relativement à la nomination de Mme Humphreys. Si ces lacunes sont avérées et selon leur nature, elles pourraient avoir une incidence sur la validité de toutes les décisions prises par rapport aux candidats dans le déroulement du processus. La véracité et la nature de ces lacunes ne peuvent être établies qu’à la suite d’un examen des éléments de preuve présentés à l’égard du traitement réservé à Mme Humphreys.

119 Selon le document Plan d’évaluation – Qualifications et outils et méthodes d’évaluation concernant le processus PM-02 visé par la plainte, l’expérience de l’interprétation et de l’application de la législation devait être évaluée au moyen du curriculum vitæ des candidats. Mme Booty a déclaré qu’elle avait examiné les curriculum vitæ des candidats et que si elle n’y trouvait pas les qualifications relatives à l’expérience souhaitées, elle communiquait avec les répondants des candidats afin de déterminer si ces derniers possédaient bien l’expérience requise. Le plaignant soutient qu’il était inapproprié de la part de l’intimé de fonder sa décision sur d’autres éléments que le curriculum vitæ.

120 Mme Booty n’a pas indiqué qu’elle avait communiqué avec un des répondants de Mme Humphreys. Elle a affirmé que compte tenu de sa connaissance personnelle des fonctions de Mme Humphreys, elle était convaincue que les renseignements figurant dans son curriculum vitæ démontraient que celle-ci interprétait et appliquait la législation dans le cadre de son travail. Si Mme Booty avait communiqué avec un des répondants de Mme Humphreys afin de confirmer son interprétation des qualifications relatives à l’expérience, cela aurait pu constituer une entorse au plan d’évaluation original, mais il semble que son action visait à vérifier si le comité disposait des renseignements nécessaires pour évaluer adéquatement les qualifications relatives à l’expérience. Cette pratique a été appliquée, si nécessaire, à tous les candidats, et il n’a pas été démontré en preuve que cela aurait constitué du favoritisme personnel de la part de Mme Booty à l’égard de Mme Humphreys. Bien que le plaignant ne souscrive pas à l’évaluation de l’expérience de Mme Humphreys par Mme Booty, il ne disposait pas de tous les renseignements qui étaient à la base de la décision de présélection.

121 Le nom de Mme Humphreys figure dans la liste jointe au courriel envoyé le 19 mars 2008 aux postulants dont la candidature avait été éliminée du second processus de nomination PM-02, car il avait été établi qu’ils ne possédaient pas les capacités et les compétences évaluées à l’examen. Le document Sommaire du bassin, daté du 29 avril 2008, répertorie les personnes dont la candidature avait été retenue ainsi que les notes obtenues pour les qualifications essentielles et les qualifications constituant un atout. Le nom de Mme Humphreys figure également dans cette liste. Les notes indiquées pour Mme Humphreys dans ce document montrent qu’elle a obtenu la note de passage pour toutes les qualifications évaluées.

122 Mme Booty a déclaré qu’elle estimait que le nom de Mme Humphreys s’était glissé par erreur dans la liste des candidats dont la candidature avait été éliminée. Elle a fait valoir qu’il ressortait clairement du Sommaire du bassin que Mme Humphreys avait obtenu la note de passage pour toutes les qualifications évaluées. Elle n’était pas certaine de la façon dont l’erreur avait pu se produire ou des mesures prises pour la corriger. Le plaignant, invoquant la décision Jeethan, avance que l’incapacité de l’intimé d’expliquer comment Mme Humphreys a pu passer de candidate éliminée à candidate qualifiée constitue une irrégularité dans le processus et appuie son allégation globale d’abus de pouvoir.

123 Comme il a été mentionné au paragraphe 65 de la décision Tibbs, il faut plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir. La présence de Mme Humphreys sur la liste des candidats éliminés du processus de nomination constitue bel et bien une irrégularité. Or, rien ne prouve que ce soit autre chose qu’une erreur, comme l’a expliqué Mme Booty. En l’espèce, il existe un Sommaire du bassin, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire Jeethan, et, comme Mme Booty l’a précisé, ce document montre que Mme Humphreys a obtenu la note de passage pour chacune des qualifications essentielles et des qualifications constituant un atout pour le poste PM-02. En l’absence d’autres éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que l’inclusion du nom de Mme Humphreys dans la liste des candidats dont la candidature avait été éliminée était une erreur, et non la preuve d’un acte répréhensible qui constituerait un abus de pouvoir.

Question 4 :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de parti pris contre le plaignant ou de mauvaise foi à son endroit au cours du processus de nomination?

124 Au départ, le plaignant avait formulé des allégations selon lesquelles RHDCC l’aurait placé sur une liste noire dans le cadre du processus de nomination, mais il les a ensuite retirées. Toutefois, il a maintenu ses allégations de partialité et de mauvaise foi, qu’il fonde sur la rencontre qu’il a eue avec M. Campbell le 14 janvier 2009, le refus de l’intimé de l’évaluer par d’autres moyens qu’une entrevue, le temps qu’a mis l’intimé à reconnaître qu’il avait réussi l’examen de vérification et d’exactitude et le refus de celui-ci de participer à la médiation. Par ailleurs, le plaignant soutient que le Tribunal devrait conclure que son témoignage concernant la rencontre du 14 janvier 2009 est plus crédible que celui de l’intimé, compte tenu des témoignages contradictoires livrés par MM. Campbell et Johnson et Mme Booty.

a) La rencontre du 14 janvier 2009

125 Normalement, les négociations en vue d’un règlement sont privilégiées, et les détails les concernant ne peuvent être produits en preuve à une audience d’un tribunal administratif. Étant donné que le plaignant a présenté des éléments de preuve à cet égard et que l’intimé ne s’y est pas opposé, le Tribunal estime que les deux parties ont volontairement renoncé à tout privilège à l’égard des éléments de preuve liés à leurs discussions en vue d’un règlement.

126 Les principaux faits se rapportant à la rencontre ne sont pas contestés. À cette occasion, M. Campbell a fait une offre au plaignant : s’il retirait sa plainte et renonçait à voir les résultats d’examen du premier processus PM-02, il lui accorderait un point supplémentaire à l’examen de vérification et d’exactitude et lui permettrait de passer à l’étape de l’entrevue. Au cours de la discussion qui a suivi, le plaignant a formulé une contre-offre : il acceptait de retirer ses plaintes à condition que l’intimé accepte de l’évaluer au moyen de méthodes qu’il proposerait en remplacement d’une entrevue. Le plaignant a formulé cette offre sur la base de sa conviction d’avoir été placé sur une liste noire, estimant que son entrevue ne serait pas équitable et que le traitement qu’il demandait était comparable à celui qui avait été accordé aux huit personnes invitées à participer au second processus de nomination PM-02. M. Campbell a déclaré qu’il n’était pas convaincu que le processus d’entrevue ne serait pas équitable ou que les méthodes d’évaluation proposées par le plaignant étaient appropriées ou justifiées. Il a indiqué que sa proposition était la seule qu’il était disposé à appliquer. À la fin de la rencontre, aucune entente n’a été conclue, le plaignant a obtenu les résultats d’examen du processus antérieur qu’il avait demandés et il n’a pas été réintégré au processus.

127 Dans son allégation de mauvaise foi, le plaignant soutient que M. Campbell a tenté de le contraindre à retirer ses plaintes et de lui refuser son droit reconnu par la loi de voir les copies d’examen que le Tribunal avait ordonné à l’intimé de lui fournir. Comme il sera expliqué ci-après, l’offre proposée par l’intimé n’aurait pas été conforme aux exigences liées aux nominations fondées sur le mérite énoncées à l’article 30 de la LEFP, mais il n’a pas été démontré en preuve que ce qui s’est produit à la réunion du 14 janvier 2009 pourrait constituer un abus de pouvoir, comme l’affirme le plaignant.

128 Au moment de la rencontre, le processus de plainte était en cours et aucune des parties n’était tenue de faire une offre de règlement ou d’en accepter une de la part de l’autre. Néanmoins, M. Campbell a choisi de profiter de la rencontre pour présenter une offre de règlement au plaignant. Le plaignant n’était pas satisfait de l’offre et a fait au moins une contre-offre à M. Campbell. La contre-offre ne convenait pas à M. Campbell; la négociation a donc échoué, le plaignant a obtenu les documents qu’il voulait et le processus de plainte s’est poursuivi.

129 L’article 30 de la LEFP stipule que les nominations doivent être fondées sur le mérite et que les personnes à nommer doivent posséder les qualifications essentielles pour le travail à accomplir. Comme l’a établi le Tribunal aux paragraphes 51 à 53 de la décision Visca, l’intimé dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable dans la sélection et l’utilisation des méthodes d’évaluation. Toutefois, la LEFP n’envisage pas qu’une personne puisse être censée posséder les qualifications établies pour un poste donné sur la base de sa disposition à accepter de retirer une plainte ou à renoncer à voir des renseignements que l’intimé était tenu de lui fournir.

130 L’objectif de la LEFP est d’offrir aux personnes la possibilité que leur candidature soit prise en considération en vue d’une nomination dans la fonction publique sur la base d’une évaluation équitable et transparente relative au travail à accomplir. Si le plaignant avait accepté l’offre de l’intimé et qu’il ait été reçu à l’étape suivante du processus de nomination, il l’aurait fait sans avoir établi clairement qu’il possédait la qualification essentielle évaluée par l’examen de vérification et d’exactitude. Même si sur ce point l’offre était inappropriée, elle ne prouve pas que l’intimé ait fait preuve de mauvaise foi à l’égard du plaignant. Au contraire, elle témoigne de la volonté de l’intimé de faire passer le plaignant à l’étape suivante du processus de nomination sans qu’il ait à démontrer qu’il possédait la qualification essentielle évaluée au moyen de l’examen de vérification et d’exactitude. En fait, un tel arrangement aurait plutôt procuré un avantage indu au plaignant dans le processus de nomination.

131 Par ailleurs, les faits n’appuient pas l’affirmation du plaignant selon laquelle l’intimé aurait utilisé la contrainte ou lui aurait refusé ses droits. Bien entendu, il y aurait eu un problème si l’intimé n’avait pas fourni les documents au plaignant comme le Tribunal le lui avait ordonné. Or, dans le contexte des négociations, il ressort clairement que l’intimé offrait un choix au plaignant. Quand le plaignant a rejeté la proposition de l’intimé, celui-ci lui a fourni les documents demandés, et il a conservé son droit de poursuivre le processus de plainte.

b) Le refus d’avoir recours à d’autres méthodes d’évaluation suite à l’allégation de placement sur liste noire

132 Le plaignant a proposé d’être évalué au moyen d’autres méthodes, car il estimait qu’il ne pourrait bénéficier d’une entrevue équitable et objective à RHDCC. Il soutient que sa conviction d’avoir été placé sur une liste noire par RHDCC suscite une crainte raisonnable de partialité et justifie le recours à des méthodes d’évaluation exceptionnelles.

133 Le Tribunal s’est penché sur la question de la crainte raisonnable de partialité dans la décision Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029; au paragraphe 125, il fait référence au critère établi dans la décision Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369 :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet […] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

134 En l’espèce, le plaignant n’a pas prouvé ni même tenté de prouver que RHDCC l’avait mis sur une liste noire. Il croit fermement que M. Campbell et Mme Booty devaient être au courant de ses allégations au moment du processus de nomination et auraient dû lui proposer d’autres méthodes d’évaluation, car il estimait qu’il ne pourrait pas bénéficier d’une entrevue équitable. Toutefois, M. Campbell et Mme Booty ont tous deux nié avoir eu une connaissance directe de ses allégations avant que le plaignant leur en fasse part à la suite de l’élimination de sa candidature. Bien que le plaignant soutienne que « tout le monde au bureau avait dû parler » [traduction] de son passage à CBC, il n’a pas été démontré en preuve que c’était le cas. Et même, à supposer qu’il en ait été ainsi, rien ne prouve que les activités menées par le plaignant à l’ARC auraient amené M. Campbell ou Mme Booty à faire preuve de parti pris contre lui et à lui refuser des possibilités d’emploi à RHDCC. Le Tribunal souligne par ailleurs que des éléments de preuve montrent que M. Turner, qui a également joué un rôle dans la dénonciation d’activités irrégulières à l’ARC et qui a participé à l’émission de CBC avec le plaignant, a posé sa candidature avec succès et a été nommé à un des postes d’agent des prestations à Service Canada au sein de RHDCC.

135 Comme le Tribunal l’a établi au paragraphe 124 de la décision Denny, « [i]l ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y ait eu partialité : celle-ci doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente ». Le Tribunal estime que le plaignant n’a pas démontré qu’il a été traité de manière défavorable par RHDCC au moment du processus de nomination en raison de sa présumée mauvaise réputation découlant de ses démêlés passés avec l’ARC, ou que les représentants de l’intimé ayant joué un rôle dans le processus de nomination ont fait preuve de parti pris contre lui. Une personne raisonnablement bien renseignée qui devrait considérer uniquement l’affirmation non étayée du plaignant aurait de la difficulté à tenir pour avéré que RHDCC a placé le plaignant sur une liste noire et que cette situation, à supposer qu’elle soit vraie, aurait eu une incidence sur une entrevue menée aux fins du processus de nomination susmentionné. Le Tribunal conclut que l’intimé n’était pas tenu d’adopter les méthodes d’évaluation de rechange proposées par le plaignant.

136 Dans la décision Trites c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2009 TDFP 0016, au paragraphe 42, le Tribunal a affirmé ce qui suit : « Aux termes de l’article 36 de la LEFP, la CFP et les personnes à qui elle délègue des pouvoirs peuvent avoir recours à toute méthode d’évaluation qu’elles estiment indiquée pour déterminer si une personne possède les qualifications établies pour le travail à accomplir ». Au paragraphe 45 de la même décision, le Tribunal a établi que « [l]e plaignant souhaitait être évalué au moyen d’un outil différent, mais il n’a fourni aucun élément de preuve attestant que la méthode d’évaluation était déficiente, déraisonnable ou discriminatoire ». Le même raisonnement s’applique en l’espèce; en effet, le plaignant n’a présenté qu’une conviction non étayée, à savoir qu’il avait été placé sur une liste noire, pour appuyer son affirmation selon laquelle RHDCC ne l’évaluerait pas de manière équitable en entrevue. L’intimé avait le droit d’utiliser l’entrevue comme méthode d’évaluation en l’espèce.

137 Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas prouvé son allégation selon laquelle il ne pourrait obtenir une entrevue équitable et il avait le droit d’être évalué par des méthodes différentes.

c) Le temps écoulé avant que le plaignant puisse réintégrer le processus de nomination et le refus de l’intimé de prendre part à la médiation

138 Le plaignant avance que le fait que presque une année se soit écoulée entre le moment où il a effectué l’examen de vérification et d’exactitude et celui où il a pu réintégrer le processus de nomination, de même que le refus de l’intimé de prendre part à la médiation, tous ces éléments constituent des preuves supplémentaires de mauvaise foi et de partialité de la part de l’intimé.

139 L’intimé affirme que le plaignant a passé l’examen le 28 février 2008, qu’il a été informé de son échec le 19 mars 2008 et qu’une discussion informelle a eu lieu le 26 mars 2008. Il a réintégré le processus de nomination le 18 février 2009. L’intimé soutient que le processus de communication des renseignements entre les parties a été très long et ardu, et que le dossier du plaignant n’était pas le seul à nécessiter l’attention de RHDCC au cours de cette période.

140 Les lignes directrices en matière de discussions informelles de la CFP, lesquelles s’appliquent à l’intimé en vertu de l’article 16 de la LEFP, prévoient le recours à des discussions informelles afin de corriger des erreurs dans le processus d’évaluation, s’il y a lieu. En l’espèce, le plaignant a pris part à une discussion informelle au cours de laquelle il a d’abord exposé ses préoccupations concernant la notation de l’examen. À ce moment-là, il ne disposait pas des copies d’examen des autres candidats, qu’il souhaitait obtenir afin de les comparer. Sa position se fondait uniquement sur ses résultats à l’examen au regard des instructions fournies pour celui-ci. La discussion informelle n’a pas abouti à la réintégration du plaignant dans le processus de nomination, car l’intimé a nié qu’il avait corrigé les examens de manière erronée.

141 À l’audience, Mme Booty et M. Johnson ont tous deux affirmé qu’ils estimaient que le cercle que le plaignant avait tracé autour de la lettre « i » était incorrect, ce qui est demeuré le cas jusqu’à ce que le barème de notation soit changé à la suite de la rencontre du plaignant avec M. Campbell le 14 janvier 2009. Ainsi, le comité d’évaluation n’avait aucune raison d’accepter la réponse du plaignant avant cette rencontre. Le 19 février 2009, un peu plus d’un mois après sa rencontre avec M. Campbell, le plaignant a été informé qu’il avait réussi l’examen et qu’il était convoqué en entrevue. Il n’y a pas de preuve convaincante que le temps mis par l’intimé pour corriger les irrégularités dans la notation de l’examen était attribuable à la mauvaise foi.

142 En ce qui concerne la médiation, les services de médiation offerts par le Tribunal reposent sur la participation volontaire des parties. Le rôle du Tribunal se limite à la facilitation. Si l’une ou l’autre des parties ne souhaite pas prendre part à la médiation, alors celle-ci n’aura pas lieu. Le 20 avril 2009, l’intimé a informé le Tribunal et le plaignant qu’il ne souhaitait pas participer à la séance de médiation prévue pour les 28 et 29 avril 2009. L’intimé avait le droit de refuser la médiation; par conséquent, il n’est pas possible de conclure que sa décision constitue une preuve de partialité ou de mauvaise foi.

143 Le Tribunal juge que ce n’était pas chez l’intimé un acte de mauvaise foi ou de parti pris que de refuser de participer à la médiation et de ne pas permettre au plaignant de réintégrer le processus de nomination avant le 19 février 2009.

d) Les contradictions entre le témoignage de Mme Booty et celui de M. Johnson au sujet de la rencontre du 14 janvier 2009

144 Mme Booty a déclaré qu’au moment où le plaignant s’est présenté pour rencontrer M. Campbell le 14 janvier 2009, elle pensait que l’entretien avait pour but de montrer au plaignant les copies d’examen de vérification et d’exactitude des huit candidats provenant du premier processus de nomination PM-02. Elle a affirmé que M. Campbell ne lui avait pas mentionné qu’il ferait une offre au plaignant, ni avant ni après la rencontre. Cette affirmation est contredite par le témoignage de M. Johnson, qui a déclaré que Mme Booty et lui avaient discuté avec M. Campbell juste avant sa rencontre avec le plaignant et qu’ils avaient écouté M. Campbell discuter de la rencontre avec un membre du personnel des ressources humaines. M. Johnson a indiqué qu’après la rencontre, M. Campbell lui avait raconté ce qui s’était passé. Il se rappelait que Mme Booty était également présente à ce moment-là.

145 Selon le plaignant, cette incohérence remet en question la crédibilité du témoignage de M. Campbell et de Mme Booty. Il avance que du fait de leurs rôles respectifs de gestionnaire subdélégataire et de présidente du comité d’évaluation, ce sont les deux personnes qui ont le plus à perdre si la plainte est accueillie.

146 Le Tribunal juge que la crédibilité de M. Campbell n’est pas remise en question sur ce point. Il n’a pas été questionné quant à savoir s’il avait discuté de l’offre et du résultat de la rencontre avec Mme Booty ou M. Johnson. Le Tribunal convient toutefois que le témoignage de M. Johnson contredit celui de Mme Booty. Or, quelle importance accorder à cette contradiction?

147 M. Campbell a déclaré qu’il avait fait une offre au plaignant après avoir consulté un membre du personnel des ressources humaines. Aucun élément de preuve n’a été présenté sur la question de savoir s’il était approprié ou non de la part de M. Campbell de mettre Mme Booty et M. Johnson au courant de son offre au moment où il l’a formulée. La décision de communiquer ou de ne pas communiquer les renseignements sur l’offre ne semble pas avantager ni désavantager M. Campbell, Mme Booty ou M. Johnson, et ne semble pas non plus avantager ni désavantager le plaignant. S’il y a contradiction entre le récit de Mme Booty et celui de M. Johnson concernant les conversations qu’ils ont eues avec M. Campbell, celle-ci n’est pas suffisamment importante pour remettre en question l’ensemble de la preuve qui a été présentée.

148 Pour tous les motifs susmentionnés, le Tribunal estime qu’en l’espèce il n’y avait pas de parti pris contre le plaignant ni mauvaise foi à son endroit de la part de l’intimé; celui-ci n’a donc pas abusé de son pouvoir par rapport à ces éléments.

Décision


149 Le Tribunal conclut que l’intimé n’a pas corrigé la copie d’examen de vérification et d’exactitude du plaignant de la même manière que les autres dans le cadre du processus de nomination visé, ce qui était inéquitable et a directement causé l’élimination de la candidature du plaignant. Il s’agit là d’un abus de pouvoir; par conséquent, les plaintes sont accueillies.

Mesures correctives


150 Les dispositions pertinentes concernant les mesures correctives figurent aux articles 81(1) et 82 de la LEFP, qui stipulent :

81. (1) S’il juge la plainte fondée, le Tribunal peut ordonner à la Commission ou à l’administrateur général de révoquer la nomination ou de ne pas faire la nomination, selon le cas, et de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées.

[…]

82. Le Tribunal ne peut ordonner à la Commission de faire une nomination ou d’entreprendre un nouveau processus de nomination.

151Le plaignant a demandé que, si la plainte est accueillie, le Tribunal ordonne les mesures correctives suivantes :

  1. La révocation de toutes les nominations découlant de ce processus de nomination;
  2. Une recommandation exigeant la révocation du pouvoir de dotation de M. Campbell et de Mme Booty;
  3. Une recommandation exigeant que M. Campbell et Mme Booty suivent un cours de formation sur le mérite et la LEFP;
  4. Une recommandation exigeant que RHDCC cesse de déplacer des personnes d’un bassin à l’autre sans que des critères nationaux aient été établis et approuvés par la CFP à cet égard;
  5. Toute autre recommandation que le Tribunal juge appropriée.

152 D’après ses constatations en l’espèce, le Tribunal juge que les mesures correctives doivent se limiter à la situation du plaignant. S’il est vrai que l’intimé aurait dû évaluer les résultats de l’examen de vérification et d’exactitude de manière plus uniforme et équitable, le Tribunal estime que l’incidence de cette négligence se rapporte uniquement au plaignant et n’entache pas le processus dans son ensemble. Les éléments de preuve n’appuient pas l’affirmation selon laquelle les personnes qui ont été nommées à la suite du processus de nomination ne possédaient pas les qualifications essentielles pour le poste auquel elles ont été nommées. Le Tribunal conclut que l’erreur commise en l’espèce n’est pas suffisamment grave ou répandue pour justifier la révocation de toutes les nominations et la prise des autres mesures proposées par le plaignant. Le plaignant a fait l’objet d’une grave erreur dans la notation de sa copie d’examen de vérification et d’exactitude, et la mesure corrective devrait se limiter à la rectification de cette erreur.

153 Dans les circonstances, le Tribunal pourrait ordonner à l’intimé de corriger de nouveau la copie d’examen de vérification et d’exactitude du plaignant en tenant compte de la façon dont il a corrigé celles des autres candidats dans le processus de nomination. Toutefois, après le dépôt de la plainte, l’intimé a réexaminé la copie du plaignant et a informé celui-ci qu’il lui avait accordé la note de passage. Ainsi, le Tribunal estime que la mesure corrective appropriée consiste pour l’intimé à convoquer le plaignant en entrevue et à poursuivre le processus de nomination.

154 Une période assez longue s’est écoulée depuis l’élimination de la candidature du plaignant du processus de nomination le 19 mars 2008. Le Tribunal ne sait pas si le bassin découlant du processus de nomination est toujours en vigueur. Par conséquent, en vertu du pouvoir que lui confère l’article 81(1) de la LEFP, Tribunal prévoira dans son ordonnance que le plaignant ne soit pas désavantagé par le seul délai nécessaire à l’achèvement du processus de plainte et qu’il ait l’occasion, dans la mesure où il est jugé qualifié, de voir sa candidature prise en considération pour un poste d’agent des prestations à Service Canada pendant une période raisonnable.

Ordonnance


155 Le Tribunal ordonne à l’intimé, dans les trois semaines suivant la date de la décision, d’offrir au plaignant la possibilité de passer à l’étape de l’entrevue du processus de nomination et de terminer son évaluation de manière conforme au plan d’évaluation établi pour le processus. Si le plaignant est jugé qualifié, il sera admissible à un poste d’agent des prestations à Service Canada au niveau PM-02 jusqu’à l’expiration du bassin établi à la suite du processus ou jusqu’au terme d’une période de deux ans à partir de la date de la décision, en prenant la plus longue échéance.


Kenneth J. Gibson
Membre

Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2008-0673/0674/2010-0630
Intitulé de la cause :
Chris Hughes et le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada
Audience :
Les 19, 20 et 21 octobre 2010
Victoria (Colombie-Britannique)
Date des motifs :
Le 14 juin 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Chris Hughes
Pour l'intimé :
Pierre Marc Champagne
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau (représentations écrites)
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