Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant s’était porté candidat à un poste d’enquêteur dans le cadre d’un processus de nomination annoncé. Sa candidature a été éliminée du processus pour n’avoir pas obtenu la note de passage à un examen écrit évaluant une des qualifications essentielles pour le poste, la capacité de raisonnement analytique et prise de décisions. Selon le plaignant, l’examen aurait contenu des erreurs dans la façon d’évaluer cette capacité, erreurs que l’intimé aurait refusé de corriger lorsqu’il en a été avisé. Le plaignant a affirmé d’autre part que l’intimé avait abusé de son pouvoir en déterminant qu’il ne répondait pas à ladite qualification essentielle. Décision Le Tribunal a jugé qu’en dépit des diverses incongruités et incohérences relevées dans le texte de l’examen et celui du corrigé utilisé par le comité d’évaluation, le plaignant n’a pas su démontrer que ces simples erreurs constituaient un abus de pouvoir de la part de l’intimé. Le Tribunal était convaincu que l’examen permettait une évaluation adéquate de la capacité de raisonnement analytique et prise de décisions. En outre, le plaignant n’a pas démontré que l’intimé avait fait preuve d’abus de pouvoir dans l’évaluation de ses réponses à l’examen. Le Tribunal a estimé que les réponses attendues et les notes attribuées aux réponses du plaignant étaient raisonnables. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2008-0649
Rendu à:
Ottawa, le 4 février 2011

YVES DENIS
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir aux termes de l'article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Maurice Gohier, membre
Langue de la décision:
Français
Répertoriée:
Denis c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada
Référence neutre:
2011 TDFP 0004

Motifs de la décision


Introduction


1 En juillet 2007, le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a tenu un processus de nomination interne annoncé pour doter des postes d’enquêteurs de groupe et niveau FB-05 dans les villes de Montréal, Sherbrooke et Québec.

2 Yves Denis, le plaignant, a posé sa candidature pour ce processus. Il n’a pas obtenu la note de passage de 70 % pour l’une des qualifications essentielles pour le poste, soit la capacité de « raisonnement analytique et prise de décisions ».

3 Le 30 septembre 2008, le plaignant a déposé une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) alléguant que l’ASFC (l’intimé) a abusé de son pouvoir lors de l’évaluation de ses réponses à l’examen écrit utilisé pour évaluer cette capacité. Plus précisément, le plaignant allègue que l’examen utilisé ne permettait pas une évaluation adéquate de la capacité de raisonnement analytique et de prise de décisions. Il ajoute que l’intimé aurait abusé de son pouvoir en décidant qu’il ne satisfaisait pas à ce critère.

Résumé de la preuve pertinente


4 Le plaignant occupe de façon intérimaire le poste d’enquêteur pour l’ASFC depuis avril 2006. Avant cela, il a œuvré comme inspecteur des douanes pendant près d’une dizaine d’années, de 1997 à 2006. Au cours de ces années, il a suivi plusieurs cours de formation dans différents domaines reliés aux tâches d’enquêteur, tels que : entrevues judiciaires et interrogatoires, enquêteur senior, armes prohibées et immigration (infractions et procédures).

5 Robert Langlois est le directeur des programmes régionaux, enquêtes criminelles pour l’ensemble de la province de Québec. Une soixantaine d’employés relèvent de lui par l’entremise de cinq gestionnaires. Les enquêteurs jouent un rôle important dans l’administration de plusieurs lois touchant, entre autres, l’immigration, l’importation et l’exportation de marchandises et la protection des plantes et des animaux. Leur rôle est de décourager les activités qui posent un risque pour la santé et la sécurité du public ou peuvent être susceptibles de porter préjudice à l’économie canadienne. Dans l’exercice de leurs fonctions, il est essentiel que les enquêteurs démontrent une capacité d’analyse et de prise de décision. M. Langlois a établi les critères essentiels utilisés pour ce processus de sélection et il a fixé la note de passage pour la capacité de « raisonnement analytique et prise de décisions » à 70 %.

6 M. Langlois a choisi Claude Harvey comme président du comité d’évaluation pour ce processus. Depuis 1994, M. Harvey est gestionnaire des programmes régionaux et il possède plus de 30 ans d’expérience à la fonction publique fédérale. Il est responsable d’une équipe de 14 enquêteurs pour la région Sherbrooke/Québec.

7 Le comité d’évaluation (le comité) de ce processus était aussi composé de deux autres membres : Patrick Scott et Élisa Quanwu.

8 Le comité avait déterminé que les qualifications essentielles décrites à l’énoncé de critère de mérite seraient évaluées par un premier examen écrit portant sur les connaissances, par un deuxième examen écrit portant sur deux capacités (raisonnement analytique et prise de décisions, et communiquer par écrit), ainsi que par une entrevue et une vérification de références.

9 Les candidats ayant réussi à l’examen de connaissances ont été invités au second examen écrit dans lequel la capacité de « raisonnement analytique et prise de décisions » était définie comme suit :

Raisonnement analytique et prise de décisions signifient comprendre une situation en la réduisant à ses plus simples éléments ou en déterminant les conséquences, les questions ou les problèmes en procédant par étapes, et la capacité de prendre une décision appropriée et de s’engager quand la situation l’exige.

10 La portion de l’examen écrit qui évaluait cette capacité était composée de dix mises en situation. La page d’instructions répétait la définition de la capacité de « raisonnement analytique et prise de décisions » et précisait que les candidats, pour chacune des questions, devaient prendre une décision et expliquer les raisons pour lesquelles ils l’avaient prise.

11 Le comité a évalué les réponses des candidats sur la base des critères établis à l’avance dans le guide de cotation. Chaque question valait 10 points, le pointage étant accordé selon le barème suivant :

Prend la décision appropriée : 5
Va rapidement à l’essentiel : 1
Cerne les éléments d’informations déterminants : 1
Dégage différentes alternatives : 1
Démontre une approche structurée et cohérente : 1
Définit la nature et la portée du problème : 1

12 Lors d’une rencontre de communication de renseignements tenue le 23 octobre 2008, le comité d’évaluation a remis au plaignant un addenda à l’égard du premier indicateur. Cet addenda spécifiait que :

La décision appropriée se définit comme suit :

La décision recherchée est égale à 5 points;
Une décision acceptable est égale à 3 points;
Une mauvaise décision est égale à 0 point; et
Ne pas prendre de décision égale à 0 point.

Les autres indicateurs sont basés sur un système binaire, lorsque le candidat rencontre l’indicateur, il gagne un point, dans le cas contraire, il a 0 point.

13 Dans une lettre en date du 8 février 2008, le plaignant a appris qu’il n’avait pas obtenu la note de passage requise pour la capacité de raisonnement analytique et prise de décisions. Cette lettre l’informait aussi qu’on ne donnerait plus suite à sa candidature dans le cadre de ce processus.

14 Le 30 septembre 2008, le plaignant a déposé une plainte au Tribunal. Il demande la révocation des nominations, et l’imposition de toute autre mesure jugée appropriée par le Tribunal dans les circonstances.

Questions en litige


15 Le Tribunal doit statuer sur les questions suivantes :

  1. L’examen utilisé permettait-il une évaluation adéquate de la capacité de raisonnement analytique et prise de décisions?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en décidant que le plaignant ne possédait pas la capacité de raisonnement analytique et prise de décisions?

Analyse


16 L’article 36 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP),donne à l’administrateur général un large pouvoir discrétionnaire quant au choix et à l’utilisation des outils qu’il estime indiqués pour évaluer si les candidats possèdent les qualifications établies en vertu de l’art. 30(2) de la LEFP. Toutefois ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu, et le Tribunal pourrait considérer qu’il y a eu abus de pouvoir si le plaignant prouve que la méthode utilisée pour l’évaluation de ses qualifications est déraisonnable ou qu’elle ne permet pas l’évaluation des qualifications inscrites sur l’énoncé des critères de mérite. L’outil d’évaluation doit permettre une évaluation adéquate de la qualification recherchée; si l’outil est vicié, alors on ne peut se fier à ses résultats (voir Jogarajah c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada, 2008 TDFP 0015 et Chiasson c. le sous-ministre de Patrimoine canadien, 2008 TDFP 0027, au para. 50).

Question I :  L’examen utilisé permettait-t-il une évaluation adéquate de la capacité de raisonnement analytique et prise de décisions?

17 Le plaignant allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir en utilisant un examen qui ne permettait pas une évaluation adéquate de la capacité recherchée. Selon le plaignant, l’examen écrit contenait des erreurs dans sa méthode d’évaluation de la capacité de raisonnement analytique et prise de décisions. De plus, le plaignant allègue que l’intimé a aussi abusé de son pouvoir en refusant de corriger ces erreurs après qu’elles furent portées à son attention.

18 La Commission de la fonction publique (la CFP) n’a pas comparu à l’audience mais a remis des représentations écrites. La CFP y souligne que selon les Lignes directrices de la CFP sur l’évaluation, le processus et les méthodes d’évaluation utilisés doivent permettre d’évaluer efficacement les critères de mérite. Il est important pour assurer une évaluation efficace que les méthodes et les outils d’évaluation aient un lien clair avec les critères de mérite établis et qu’ils puissent servir à mesurer les critères de façon précise. Selon la CFP, l’examen identifiait clairement la qualification essentielle évaluée – Raisonnement analytique et prise de décision – et donnait une définition de ce que constituait cette qualification.

19 Lors de son témoignage, le plaignant fait mention de plusieurs incongruités et incohérences dans le texte de l’examen et du corrigé. Entre autres, le plaignant note :

- qu’il y avait une différence dans la façon dont les questions étaient posées. Par exemple, pour les situations décrites aux questions 1 à 3, la question est : « Que devriez-vous faire et pourquoi? » tandis qu’aux questions 4 à 10, la question est : « Que feriez-vous et pourquoi? » Le plaignant note qu’en comparaison, toutes les questions de la version anglaise de l’examen étaient posées de la même façon : « What would you do and why? ».

- que la correction de l’examen mettait l’emphase sur « la » décision appropriée plutôt qu’« une » décision. Dans certains cas, le corrigé dit qu’il existe seulement une solution, cependant ce même corrigé prévoyait accorder 1 point additionnel pour dégager des alternatives. Le plaignant soutient que le corrigé est fautif puisqu’il existe des situations où ce point additionnel ne peut jamais être obtenu.

- que le libellé de la question 3 était différent dans l’examen et dans le corrigé. L’examen dit : « Vous pensez que c’est injuste » tandis que le corrigé dit : « Vous pensez que la situation est injuste ».

- que la personne affectée à la question 9 était une femme dans la mise en situation tandis que dans le corrigé c’était un homme.

- que puisque les réponses au corrigé pour la question 10 commencent par « oui » ou « non », il se pourrait que la question originale ait été « Devez-vous en faire rapport? » et non pas « Que devriez-vous faire et pourquoi? »

20 M. Harvey a expliqué que le comité d’évaluation s’était inspiré du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et du Code de conduite de l’ASFC pour l’élaboration des mises en situations et que l’examen écrit visait à évaluer la capacité de « raisonnement analytique et prise de décisions ». Selon lui, les quelques variations mineures soulevées par le plaignant ne changent pas le fait que l’examen évaluait comment les candidats réagiraient dans des situations précises.

21 Quant à l’argument soulevé par le plaignant comme quoi le libellé de certaines questions était différent sur l’examen comparé au corrigé, le Tribunal estime que la variation mineure dans la formulation de ces questions ne change rien ni au contexte de la situation, ni à la réponse attendue. De plus, le Tribunal note que lors de l’examen les candidats n’étaient pas au courant des différences apparaissant dans le corrigé et donc celles-ci n’ont eu aucune incidence sur leur manière d’analyser la situation ou d’y réagir.

22 L’existence du concept d’une décision recherchée par rapport à une décision acceptable, dans le corrigé, démontre que le comité d’évaluation était ouvert à la possibilité qu’il y ait plus d’une réponse pour certaines des mises en situation. Il ne serait pas raisonnable de s’attendre à ce qu’un corrigé d’examen prévoie toutes les réponses possibles, particulièrement celles qui sont inattendues.

23 Le Tribunal conclut que les arguments soulevés par le plaignant en ce qui concerne les questions 9 et 10 sont sans conséquence. Que le corrigé de la question 9 réfère à une personne de sexe différent n’a pas d’importance, soit dans le contexte ou dans l’analyse de la situation. Il en va aussi de soi pour le raisonnement du corrigé pour la question 10.

24 Le plaignant n’a pas démontré que ces simples erreurs constituent un abus de pouvoir de la part de l’intimé. Comme l’a statué le Tribunal dans Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, au para. 65 : « Il ressort clairement du préambule et de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur était qu’il fallait plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir. »

25 L’examen était composé d’une dizaine de mises en situation et exigeait que le candidat analyse chaque situation et qu’il explique comment il réagirait face à chacune des situations. La structure de l’examen permettait à l’intimé d’examiner de près le raisonnement utilisé par le candidat pour appuyer sa prise de décision. Le Tribunal est convaincu que la preuve démontre que l’examen permettait une évaluation adéquate de la qualification recherchée, soit la capacité « raisonnement analytique et prise de décisions ».

Question II :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en décidant que le plaignant ne possédait pas la capacité de raisonnement analytique et prise de décisions?

26 Lors de son témoignage, le plaignant a passé en revue chacune des dix questions utilisées pour évaluer la capacité de « raisonnement analytique et prise de décisions » ainsi que ses réponses afin de faire ressortir ce qu’il perçoit comme étant l’illogisme de la réponse attendue dans le corrigé de l’examen. Il allègue également que certaines de ses réponses n’ont pas été reconnues comme étant appropriées en dépit du fait qu’elles étaient conformes au Code de conduite de l’ASFC ou au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique.

27 Le comité d’évaluation avait corrigé les réponses du plaignant suite à l’examen et lui avait accordé une note de 53 %; il n’a donc pas obtenu la note de passage de 70 %. Dans quatre des situations (1, 4, 9 et 10), le plaignant a reçu une note de 9/10. Dans deux situations (3 et 8), on lui a accordé une note de 7/10 et 6/10 respectivement. Pour les autres (2, 5, 6 et 7), il a reçu une note de 1/10.

28 Le rôle du Tribunal consiste à examiner le processus de nomination utilisé afin de s’assurer qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir. Son rôle n’est pas de réévaluer les notes attribuées à un plaignant pour ses réponses ou de réviser ses réponses, mais de considérer si la correction de ses réponses démontre un abus de pouvoir. (Voir Costello c. le sous-ministre de Pêches et Océans Canada, 2009 TDFP 0032, au para. 69 et Oddie c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2007 TDFP 0030, au para. 66).

29 Ainsi, dans Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007,le Tribunal a examiné les réponses de la plaignante et de la personne nommée où il y avait allégation de favoritisme personnel qui se serait reflétée dans la correction.

30 Le Tribunal juge que le plaignant n’a pas démontré qu’il y a eu abus de pouvoir lors de la correction de ses réponses. Les réponses attendues étaient raisonnables ainsi que la correction faite de ses réponses.

31 Par exemple, à la question 2, le candidat est mis dans une situation où il croise un collègue de travail dans le stationnement d’un centre commercial et constate qu’il utilise un véhicule de l’ASFC à des fins personnelles. Le plaignant a répondu qu’il aborderait directement l’employé en question, mais sans rien soulever avec le gestionnaire responsable. La réponse attendue dans le corrigé de cette question indique que le gestionnaire doit être avisé de la situation. Lors de son témoignage à l’audience, le plaignant a ajouté plusieurs autres considérations qui ne faisaient pas partie du scénario prévu et qui n’étaient pas nécessaires pour y répondre. Selon le témoignage de M. Harvey, le comité d’évaluation a conclu qu’en n’avisant pas le gestionnaire responsable, le plaignant laissait le tout entre les mains de l’employé qui a commis l’infraction; un choix qui n’était pas acceptable. L’utilisation d’un véhicule à des fins personnelles est une inconduite sérieuse et un risque à la sécurité de l’employé ainsi que celle du public.

32 Un autre exemple, aux questions 5 et 7, où les réponses attendues s’appuyaient sur le Code de conduite de l’ASFC et sur le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique, le candidat était mis dans deux situations où on lui offrait dans ses fonctions un prix de présence puis un cadeau de remerciement, tous deux de grande valeur. Dans les deux cas, le plaignant répond qu’il les accepterait et ferait une déclaration soit à son gestionnaire ou au gestionnaire responsable des décisions sur les conflits d’intérêts, tandis que la réponse attendue dans le corrigé prévoit que ceux-ci soient refusés poliment. Le plaignant allègue que les réponses attendues étaient basées sur les préférences personnelles du comité d’évaluation et non pas sur les politiques applicables en l’espèce. Lors d’une rencontre, un des membres du comité d’évaluation lui aurait dit : « On savait le genre de personne qu’on voulait. » Selon le plaignant, le commentaire démontre que le comité était en train de choisir un genre de personne et non pas d’évaluer les capacités des candidats. Il allègue aussi que le comité n’a pas jugé ses réponses appropriées en dépit du fait qu’elles étaient conformes au Code de conduite de l’ASFC ou au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique.

33 Le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique donne en exemple une situation semblable à celle-ci et suggère l’approche suivante :

Dans la situation où vous gagnez un prix de présence, les options suivantes peuvent être considérées. Selon le contexte, il peut y avoir une façon polie et diplomate de décliner le cadeau au moment du tirage et demander qu’un autre nom soit tiré. Comme le prix de présence n’est pas en relation directe avec votre poste au gouvernement fédéral, les risques que cette situation soit perçue comme un conflit d’intérêts sont moindres.

Si vous avez acheté avec votre propre argent un billet pour assister à un événement, la perception de conflit est moins grande puisque le fait de gagner dépend uniquement de votre achat et non pas d’une conséquence de l’exercice de vos fonctions.  Toutefois, l’on pourrait alléguer que la seule raison pour laquelle vous avez acheté le billet réside dans le fait que le gouvernement fédéral a payé pour que vous preniez part à la conférence.

Ici encore, dans le doute, refusez et si vous acceptez, déclarez immédiatement la situation à votre superviseur immédiat ou à l’administrateur désigné à votre retour au bureau.

(le souligné est ajouté)

34 Le Code de conduite de l’ASFC prévoit ce qui suit par rapport à l’acceptation d’un tel cadeau, d’une marque d’hospitalité ou d’un autre avantage :

L’acceptation d’un cadeau, d’une marque d’hospitalité ou d’un autre avantage est admissible seulement si :

  1. la valeur est minime et si cela se produit rarement, par exemple des objets promotionnels peu coûteux, repas légers ou des souvenirs non-monnayables;
  2. l’offre se produit lors d’une activité ou d’un événement lié à l’exercice des fonctions officielles du fonctionnaire visé;
  3. cela est conforme aux règles normales de courtoisie, de l’hospitalité ou du protocole; et
  4. cela ne compromet ou ne semble pas compromettre, en aucune façon, votre intégrité ou celle de l’ASFC.

En cas de doute, vous devriez refuser le cadeau, la marque d’hospitalité ou tout autre avantage.

Lorsqu’il est impossible de refuser un cadeau, une marque d’hospitalité ou tout autre avantage ne répondant pas aux critères d’acceptabilité précités, ou si vous estimez qu’il serait suffisamment avantageux pour l’ASFC d’accepter certains types de marques d’hospitalité, vous devez en discuter avec votre gestionnaire qui demandera une directive écrite, au gestionnaire responsable des décisions sur les conflits d’intérêts.  Vous serez par la suite avisé par écrit, si le cadeau, la marque d’hospitalité ou l’avantage doit être conservé par l’ASFC, remis à une œuvre de charité, cédé, ou encore s’il vous est possible de le conserver.

(les caractères gras font partie de la version originale, le souligné est ajouté)

35 Le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique prévoit que l’option préférable est de décliner le prix d’une façon polie et diplomatique. Les conditions prévues au deuxième paragraphe ne s’appliquent pas dans les circonstances, et au troisième paragraphe on précise « dans le doute, refusez ». Dans le Code de conduite de l’ASFC, le premier critère à satisfaire est que le prix/cadeau soit de valeur minime.

36 Le prix de présence à la question 5, deux billets aller-retour n’importe où au Canada, n’est pas de valeur minime. Dans sa réponse, le plaignant ne considère aucunement la possibilité de refuser le cadeau. La réponse attendue dans le corrigé n’était pas basée sur les préférences personnelles du comité d’évaluation, tel qu’allégué par le plaignant, mais elle était conforme aux dispositions du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et du Code de conduite de l’ASFC.

37 À la question 7, c’est un lecteur de disque de grande valeur qui est offert comme cadeau de remerciement par le représentant d’une compagnie d’entretien des ordinateurs. Le plaignant a répondu qu’il accepterait le cadeau et ferait une déclaration au gestionnaire responsable des décisions sur les conflits d’intérêts. Dans le corrigé, la réponse attendue était de dire au représentant, devant le gestionnaire, qu’accepter le cadeau irait à l’encontre de la politique du ministère et de le refuser poliment. Les mêmes dispositions du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et du Code de conduite de l’ASFC s’appliquent. Le cadeau de remerciement est « de grande valeur », ce qui va à l’encontre du tout premier critère du Code de conduite de l’ASFC que le cadeau soit de « valeur minime ». Le plaignant ne considère pas la possibilité de refuser le cadeau. La réponse attendue était une réponse qui est conforme aux divers codes.

38 À la question 6, comme le dernier exemple, il s’agit de voir comment le candidat réagirait face à un commentaire déplacé fait par un gestionnaire lors d’une rencontre à l’égard d’un collègue qui n’est pas présent. La meilleure réponse indiquée au corrigé est de ne pas interpeller le gestionnaire, mais plutôt aviser l’employé concerné de la situation et lui laisser choisir s’il veut poursuivre. Lors de son témoignage, le plaignant s’est plaint que lorsqu’il s’agit d’une personne en autorité, toute mesure pour vérifier doit être prise mais que si c’est un collègue, tel qu’il est le cas à la question 2, alors on doit agir. Il souligne que l’objectif du corrigé pour la question 6 semble être de ne pas embarrasser le gestionnaire durant la réunion.

39 M. Harvey note que le raisonnement du plaignant est incomplet et fautif.  Il est insuffisant d’arrêter l’analyse à ne pas vouloir embarrasser le gestionnaire; il faut plutôt se pencher sur « pourquoi » procéder ainsi. De toute apparence, l’objectif de la réponse attendue dans le corrigé est de remettre le tout entre les mains des personnes qui ont un intérêt ou un rôle direct à jouer dans cette histoire, c’est-à-dire le gestionnaire et le collègue. Rencontrer le gestionnaire seul, à part, aurait été une réponse acceptable, mais demande énormément de tact car cela « pourrait faire explosion » selon M. Harvey. Il est fort probable que prendre l’action proposée par le plaignant et interpeller le gestionnaire durant la réunion résulterait en la création de conflits additionnels entre le gestionnaire, lui-même et les autres membres de son équipe, et cela sans régler aucunement la situation entre le gestionnaire et le collègue. Le comité d’évaluation a conclu que l’option choisie par le plaignant envenimerait la situation et donc n’était pas une démarche acceptable. Le plaignant n’a pas démontré que conclure ainsi équivaut à un abus de pouvoir de la part du comité d’évaluation.

40 Le Tribunal juge pour toutes ces raisons que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir en décidant qu’il ne possédait pas la capacité de raisonnement analytique et prise de décisions.

Décision


41 Pour les raisons susmentionnées, la plainte est rejetée.


Maurice Gohier
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2008-0649
Intitulé de la cause :
Yves Denis et le président de l’Agence des services frontaliers du Canada
Audience :
Les 27, 28 et 29 avril 2010
Montréal, Québec
Date des motifs :
Le 4 février 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Érik Lupien
Pour l'intimé :
Martin Desmeules
Pour la Commission
de la fonction publique :
Marie-Josée Montreuil (représentations écrites)
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