Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a participé à un processus de nomination interne annoncé. Selon lui, la personne nommée ne serait pas qualifiée pour le poste et l’expérience de six mois acquise par celle-ci en région serait insuffisante par rapport au critère relatif à l’expérience. Il a ajouté que la personne nommée aurait dû obtenir l’autorisation de mener des inspections de la sécurité maritime, en qualité d’inspecteur de la sécurité maritime aux termes de l’article 11 de la Loi sur la marine marchande du Canada (LMMC). Décision Le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait pas apporté la preuve d’un abus de pouvoir dans la façon dont le comité d’évaluation avait examiné l’expérience de la personne nommée. L’intimé dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’établissement des qualifications essentielles pour le poste. Il a établi relativement à l’expérience un critère qui n’indiquait pas de durée minimale, ni l’obligation d’obtenir l’autorisation conférée par l’article 11 de la LMMC, ni le nombre d’inspections de la sécurité maritime réalisées. Le fait pour le plaignant de ne pas souscrire au critère relatif à l’expérience n’est pas une raison valable pour conclure à l’abus de pouvoir. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2009‑0584
Rendue à:
Ottawa, le 10 août 2011

SRUTIDEB MAHAKUL
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Mahakul c. le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Référence neutre:
2011 TDFP 0023

Motifs de décision


Introduction


1 Le plaignant, Srutideb Mahakul, s'est porté candidat au poste de gestionnaire, Programme national de formation, à l'occasion d'un processus de nomination interne annoncé. Il s'agit d'un poste classifié au groupe et au niveau TI-08 (« le poste TI-08 »). Selon lui, le sous-ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités (l'intimé) aurait abusé de son pouvoir en nommant Rajiv Deengar, qui n'était pas qualifié, au poste.

2 L'intimé a nié avoir abusé de son pouvoir et a déclaré que M. Deengar possédait les qualifications essentielles pour le poste.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) du Canada n'a pas comparu devant le Tribunal, mais a présenté des observations écrites. Bien qu'elle n'ait pas pris position quant au bien-fondé de l'affaire, elle a souligné qu'il est essentiel que les processus de nomination respectent les Lignes directrices en matière d'évaluation de la CFP, notamment en ce qui concerne la conception de processus et de méthodes permettant d'évaluer de manière équitable et efficace les qualifications des candidats.

Contexte


4 Les candidats au poste TI-08 ont été présélectionnés par rapport aux qualifications essentielles relatives aux études, aux accréditations professionnelles et à l'expérience. Les candidatures de M. Deengar et d'un autre postulant ont été retenues à cette étape de présélection. Ces derniers se sont alors soumis à un examen écrit et à une entrevue visant à évaluer les qualifications essentielles « connaissances » et « capacités ». M. Deengar était la seule personne à passer avec succès l'examen et l'entrevue. Il a par la suite fait l'objet d'une autre évaluation portant sur les qualités personnelles et a été jugé entièrement qualifié.

5 Le 25 août 2009, l'intimé a publié une notification de candidature retenue indiquant que la candidature de M. Deengar avait été retenue aux fins de nomination. Le 1er septembre 2009, un avis de nomination ou de proposition de nomination a été publié concernant la nomination de M. Deengar au poste TI‑08.

6 Le 11 septembre 2009, le plaignant a présenté une plainte au Tribunal. Il a affirmé que M. Deengar ne possédait pas l'une des qualifications essentielles relatives à l'expérience établies pour le poste TI-08 et que sa nomination par l'intimé constituait un abus de pouvoir. Le plaignant avait initialement formulé des allégations de partialité et de favoritisme personnel dans sa plainte, mais les a retirées au début de l'audience.

Questions en litige


7 Le Tribunal doit déterminer si l'intimé a abusé de son pouvoir du fait de considérer que M. Deengar possédait la qualification essentielle relative à l'expérience établie pour le poste TI-08.

Analyse


8 L'énoncé des critères de mérite établi pour le poste TI-08 comprenait la qualification essentielle relative à l'expérience suivante : « Expérience en tant qu'inspecteur ou inspectrice de la sécurité maritime acquise à l'administration centrale et en région. »

9 Selon une lettre d'offre versée en preuve, M. Deengar a été nommé, le 3 juillet 2007, au poste d'inspecteur maritime principal (IMP), au sein de la Direction de la sécurité maritime de Transports Canada, à Winnipeg. Environ six mois plus tard, il est allé travailler à l'administration centrale. Le plaignant a indiqué que selon lui, la période de six mois durant laquelle M. Deengar a travaillé au bureau régional de Winnipeg n'est pas suffisante pour satisfaire au critère concernant l'expérience acquise à titre d'inspecteur de la sécurité maritime en région. Il a affirmé que même s'il n'a jamais travaillé avec M. Deengar et qu'il ne connaît pas son expérience de travail, il met en doute l'expérience que M. Deengar a mentionné avoir acquise lorsqu'il travaillait à titre d'IMP au bureau régional de Winnipeg. Le plaignant a fait remarquer que le dossier de candidature de M. Deengar indiquait qu'il avait inspecté des paquebots, des pétroliers et de petits navires de pêche, notamment six navires spécifiques. Le plaignant a fourni une liste imprimée d'inspections tirée du Système de rapports d'inspection des navires (SIRS) – un système d'information interne du ministère – qui indique que M. Deengar a effectué l'inspection de seulement deux des six navires en question. Le plaignant a laissé entendre qu'étant donné que le nom de deux inspecteurs figurait dans les rapports de ces deux inspections, il est possible que M. Deengar ait participé à l'inspection de ces navires uniquement à titre d'observateur.

10 Le plaignant a ajouté que M. Deengar aurait dû obtenir l'autorisation d'agir en qualité d'inspecteur de la sécurité maritime en vertu de l'article 11 de la Loi sur la marine marchande du Canada, L.C. 2001, ch. 26 (LMMC), pour mener des inspections de la sécurité maritime lorsqu'il travaillaitau bureau de Winnipeg. Alexis Demangelos, qui occupe le poste d'IMP au sein du ministère, a témoigné. Il a décrit le type de formation et la période nécessaires à l'obtention de l'autorisation conférée par l'article 11 de la LMMC. Il a parlé de son expérience personnelle en ce qui concerne la formation ainsi que des procédures liées à la formation qui sont énoncées dans une circulaire d'information ministérielle, puis a indiqué qu'il avait mis environ 18 mois à compléter sa formation et à obtenir l'autorisation conférée par l'article 11 de la LMMC.

11 Le plaignant s'est fondé sur le Manuel en ligne de l'inspecteur maritime de Transports Canada (« le Manuel ») pour appuyer son argumentation selon laquelle il était nécessaire d'obtenir l'autorisation conférée par l'article 11 pour exercer les fonctions d'inspecteur de la sécurité maritime. Dans le Manuel, il est indiqué que les inspecteurs maritimes sont visés par « une nomination ou désignation ou plus », c'est ‑ à ‑ dire qu'ils ont l'autorisation d'exercer des fonctions et des tâches particulières en vertu d'une loi précise. En ce qui concerne les inspecteurs de la sécurité maritime, il est plus particulièrement mentionné ce qui suit dans le Manuel :

La nomination est effectuée en vertu de l'article 29 de la [LEFP], au sens de l'article 11.(1) de la [LMMC]. L'article 11.(2) de la [LMMC] donne au ministère des Transports le pouvoir d'autoriser l'inspecteur à exercer certains pouvoirs.

12 En examinant les renseignements fournis dans le dossier de candidature de M. Deengar, le plaignant a constaté qu'il y était mentionné une présentation sur la sensibilisation à la sécurité offerte par M. Deengar et traduite en inuktitut. Le plaignant a indiqué avoir effectué des recherches dans le Système de gestion des dossiers, des documents et de l'information (SGDDI) et n'avoir trouvé aucun dossier électronique au sujet de cette présentation.

13 Ruth Romkey (qui est maintenant retraitée) était, au cours de la période visée, directrice, Services des programmes et de formation technique, à Transports Canada. Elle était la gestionnaire d'embauche pour le poste TI-08 et a contribué à l'établissement des qualifications essentielles pour le poste. Elle a indiqué que la combinaison d'expérience acquise à l'administration centrale et en région était une exigence qui avait été examinée attentivement au moment d'établir les qualifications. Elle cherchait une personne qui comprenait ce qui se passait en région ainsi que le rôle et les responsabilités fonctionnelles exercées dans les régions. En outre, elle voulait une personne qui possédait l'expérience nécessaire pour comprendre le rôle de l'administration centrale en ce qui a trait à la surveillance au ministère et à l'élaboration de règlements, de politiques et de normes.

14 Mme Romkey a décrit les renseignements dont elle a tenu compte au moment d'évaluer l'expérience de M. Deengar à l'étape de la présélection. À ce moment-là, M. Deengar occupait le poste d'IMP, et Mme Romkey a indiqué que toute nomination à ce poste nécessite la possession de certaines compétences. Elle a mentionné que le dossier de candidature de M. Deengar indiquait qu'il avait effectué des inspections de la sécurité maritime et qu'il avait traité de la question de la sensibilisation à la sécurité. Ces deux activités s'inscrivaient l'éventail des tâches des IMP. Le comité d'évaluation a donc accepté ses déclarations en ce qui concerne son expérience.

15 Mme Romkey a affirmé qu'à Transports Canada les IMP n'étaient pas tenus d'obtenir l'autorisation conférée par l'article 11 pour exercer leurs fonctions. Elle a expliqué que d'un point de vue opérationnel, les IMP pouvaient mener des inspections de la sécurité maritime et signer des rapports d'inspection. Toutefois, ils ne pouvaient délivrer de certificats d'inspection, à moins d'avoir reçu l'autorisation conférée par l'article 11. Le témoignage de Mme Romkey en ce qui concerne les pratiques opérationnelles de Transports Canada n'a pas été contesté.

16 Au sujet du rapport du SIRS que le plaignant a fourni, Mme Romkey a indiqué que les inspections menées par le ministère n'étaient pas toutes consignées dans ce système, notamment les inspections de petits navires. Selon elle, seulement un quart des inspections étaient consignées dans le SIRS. Quant au dossier du SIRS qui montre que M. Deengar était l'un des deux inspecteurs à avoir effectué certaines inspections, elle a affirmé que si M. Deengar avait mené conjointement une inspection de sécurité maritime avec un autre inspecteur de la sécurité maritime, le nom de ces deux personnes serait indiqué. Le fait qu'il y ait deux noms ne permet pas de conclure que M. Deengar n'était qu'un simple observateur.

17 En en ce qui concerne le SGDDI, Mme Romkey a affirmé que celui-ci ne constituait pas une base de données exhaustive de tous les documents produits par le ministère. En outre, son utilisation n'était pas uniforme à l'échelle du pays, et certains dossiers étaient encore conservés en format imprimé.

18 Après avoir entendu et examiné les éléments de preuve présentés, le Tribunal conclut ce qui suit.

19 D'abord, le Tribunal estime que le plaignant n'a pas établi de fondement quant à sa conviction qu'une expérience de six mois acquise en région était insuffisante pour satisfaire au critère relatif à l'expérience. En dehors de cette affirmation, aucun élément de preuve n'a été fourni à l'appui de sa cause. Comme le Tribunal l'a fait remarquer dans des décisions antérieures, les idées que peut se faire une personne par rapport à une situation ne constituent pas une preuve. (Voir Carnegie c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration, 2009 TDFP 0006, para. 89; Robert et Sabourin c. le Sous - ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2008 TDFP 0024, para. 83.)

20 Ensuite, le Tribunal n'est pas convaincu par l'argumentation du plaignant selon laquelle sans l'autorisation conférée par l'article 11 de la LMMC, M. Deengar ne pouvait exercer les fonctions d'inspecteur de la sécurité maritime. Ce poste n'est pas précisément défini dans la LMMC. Même si le plaignant fait référence aux dispositions de la LMMC indiquant qu'il est nécessaire d'obtenir cette autorisation, celles-ci portent sur des activités et des inspections spécifiques. Mme Romkey a indiqué qu'à Transports Canada les IMP exercent leurs fonctions même sans obtenir l'autorisation conférée par l'article 11, et la description qu'elle a fournie de l'expérience de M. Deengar concordait avec les fonctions qu'il devait exercer. Le témoignage de cette dernière en ce qui concerne les pratiques opérationnelles de Transports Canada n'a pas été contesté. Compte tenu des éléments de preuve présentés, le Tribunal n'est pas convaincu que le plaignant a établi qu'il y avait abus de pouvoir de la part de l'intimé dans le processus de nomination. L'expérience acquise à titre d'inspecteur de la sécurité maritime décrite dans le dossier de candidature de M. Deengar concordait avec les explications fournies par Mme Romkey au sujet des tâches qu'il devait accomplir en tant qu'IMP. Par conséquent, le Tribunal juge que le comité d'évaluation a tiré une conclusion à partir d'éléments de preuve raisonnables lorsqu'il a retenu la candidature de M. Deengar à l'étape de la présélection du processus d'évaluation.

21 Enfin, le Tribunal n'est pas convaincu que les dossiers du SIRS et du SGDDI constituent des sources de données fiables. Le plaignant a tenté de tirer des conclusions en se fondant sur ce qui n'avait pas été consigné dans ces systèmes. Cependant, les éléments de preuve incontestés que Mme Romkey a présentés indiquent que ni le SIRS ni le SGDDI ne constituent une base de données exhaustive.

22 En conclusion, le Tribunal reconnaît que le plaignant n'a pas établi qu'il y avait abus de pouvoir dans la façon dont le comité d'évaluation a pris en considération l'expérience de la personne nommée. L'intimé jouit d'un vaste pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 30(2) de la LEFP pour établir les qualifications essentielles pour le poste. (Voir Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024.) En l'espèce, l'intimé a établi un critère relatif à l'expérience sans préciser la durée minimale de l'expérience acquise en région et à l'administration centrale, le nombre d'inspections de la sécurité maritime réalisées ni l'obligation d'obtenir l'autorisation conférée par l'article 11 de la LMMC. Le plaignant ne souscrit peut-être pas au critère relatif à l'expérience, mais cela ne permet pas de conclure à l'abus de pouvoir.

23 Il incombe au plaignant de prouver l'existence d'un abus de pouvoir. (Voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, para. 50.) Le Tribunal conclut que le plaignant ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver qu'il y avait abus de pouvoir dans l'évaluation de l'expérience de M. Deengar.

Décision


24 Pour ces motifs, la plainte est rejetée.


Joanne B. Archibald
Membre


Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2009­-0584
Intitulé de la cause :
Srutideb Mahakul et le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Audience :
Le 10 mai 2011
Sarnia (Ontario)
Date des motifs :
Le 10 août 2011

COMPARUTIONS

Pour la plaignant :
Larry Teslyk
Pour l'intimé :
Michel Girard
Pour la Commission
de la fonction publique :
John Unrau
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