Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

La plaignante a affirmé que comme l’indiquait le contenu de son dossier de candidature, son expérience dépassait les exigences énoncées et les détails comportaient les exemples concrets nécessaires. Elle a ajouté que l’intimé avait évalué sa candidature avec plus de rigueur par rapport à celle des autres candidats. L’intimé a soutenu que le gestionnaire délégataire avait fait preuve du même degré de souplesse et de discrétion pour l’évaluation de l’expérience des candidats, bien que la plaignante ait contesté les résultats de son évaluation. L’intimé a nié toute allégation d’abus de pouvoir. Décision Il incombe aux candidats de démontrer clairement dans leur dossier de candidature qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles. Le Tribunal a jugé qu’il n’a pas été démontré en preuve que l’intimé avait évalué de façon inadéquate la candidature de la plaignante ni qu’il l’avait soumise à une norme différente de celle appliquée aux autres candidatures. Les candidats avaient reçu des instructions claires; ils devaient fournir suffisamment de détails pour démontrer qu’ils possédaient l’expérience requise au moment de soumettre leur candidature, ce que la plaignante n’avait pas fait. La plaignante a affirmé d’autre part que l’un des membres du comité d’évaluation ne maîtrisait pas suffisamment l’anglais pour évaluer sa candidature. Toutefois, elle n’a pas renouvelé cette allégation dans son argumentation. Celle-ci ne repose donc sur aucun fondement factuel. La plaignante et le membre de comité en question ont déclaré tous les deux que la discussion informelle avait été insatisfaisante. Le Tribunal a établi dans nombre de ses décisions que les discussions informelles n’étaient pas une réévaluation. Il était clair que la discussion informelle n’avait pas donné les résultats escomptés. Cela dit, l’issue de la plainte ne reposait pas sur l’échec de la discussion informelle. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2010-0350
Décision
rendue à :

Ottawa, le 12 décembre 2011

KIM WALKER-MCTAGGART
Plaignante
ET
LE PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE PASSEPORT CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Merri Beattie, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Walker-McTaggart c. le président-directeur général de Passeport Canada
Référence neutre :
2011 TDFP 0039

Motifs de décision


Introduction


1 La plaignante, Kim Walker-McTaggart, a posé sa candidature dans le cadre d'un processus de nomination interne annoncé visant à doter des postes d'enquêteur/analyste au groupe et niveau PM-03, à Passeport Canada. Selon Mme Walker-McTaggart, l'intimé aurait fait preuve de souplesse dans l'évaluation des qualifications essentielles liées à l'expérience des autres candidats, mais se serait montré inflexible en ce qui concerne les siennes. Elle soutient que son expérience a été évaluée de façon incorrecte et injuste, ce qui constitue un abus de pouvoir.

2 L'intimé, le président-directeur général de Passeport Canada, affirme pour sa part que le gestionnaire délégataire a fait preuve du même degré de souplesse et de discrétion pour l'évaluation de l'expérience des candidats, bien que la plaignante conteste les résultats de son évaluation. L'intimé nie toute allégation d'abus de pouvoir.

3 La Commission de la fonction publique n'a pas assisté à l'audience, mais a présenté des observations écrites dans lesquelles elle fournit une analyse de ses lignes directrices en matière d'évaluation et de ses lignes directrices en matière de langues officielles dans le processus de nomination.

Contexte


4 Le 2 mars 2010, la plaignante a été informée par écrit que son dossier de candidature montrait qu'il lui manquait les deux qualifications essentielles liées à l'expérience, qui s'appliquaient au processus de nomination pour des postes de groupe et niveau PM-03. Sa candidature a donc été éliminée du processus.

5 Le 2 juin 2010, une notification de nomination ou de proposition de nomination a été publiée pour deux personnes. Le 16 juin 2010, la plaignante a déposé une plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal).

Question en litige


6 Le Tribunal doit déterminer si l'intimé a abusé de son pouvoir dans l'évaluation de l'expérience de la plaignante.

Analyse


7 La LEFP ne définit pas ce qu'est un abus de pouvoir; toutefois, l'article 2(4) de la LEFP est libellé comme suit : « […] pour l'application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

8 Dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, le Tribunal a établi que l'abus de pouvoir comprend toujours une conduite irrégulière, mais que la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non.

9 Deux qualifications essentielles liées à l'expérience ont été établies pour le processus de nomination dont il est ici question, à savoir :

Expérience récente (acquise depuis les trois dernières années) et appréciable (acquise sur une période continue minimale d'une année) de l'analyse, l'interprétation ou l'application des lois, décrets, politiques ou procédures. (Exp. 1)

Expérience notable (pour une période continue minimale d'une année) à effectuer des recherches, analyser de l'information et élaborer des documents dans lesquels les recommandations sont présentées et motivées. (Exp. 2)

[Les expressions « Exp. 1 » et « Exp. 2 » ont été ajoutées par le Tribunal]

10 Les instructions ci-après figuraient dans l'annonce de possibilité d'emploi :

Les candidats doivent démontrer clairement sur leur demande qu'ils répondent à tous les critères essentiels suivants et qu'ils sont dans la zone de sélection. À défaut de le faire, cela peut entraîner le rejet de leur demande.

À l'aide d'exemples concrets, les candidats doivent démontrer clairement sur leur lettre de présentation et leur curriculum vitæ qu'ils répondent à toutes les qualifications essentielles liées à l'éducation et à l'expérience.

11 La plaignante affirme que son expérience, telle qu'elle l'a décrite dans son dossier de candidature, dépasse les exigences énoncées, et elle soutient avoir fourni les exemples concrets nécessaires. Pour appuyer sa position selon laquelle l'intimé aurait évalué sa candidature avec plus de rigueur qu'il n'a évalué celle des autres postulants, la plaignante a produit en preuve son propre dossier de candidature et celui de 2 des 22 personnes dont la candidature a été retenue à la présélection. Les renseignements permettant d'identifier ces deux personnes ont été retirés des dossiers, et leur identité n'a pas été dévoilée au Tribunal.

12 Dans plusieurs décisions, le Tribunal a maintenu que son rôle ne consiste pas à réévaluer les candidats ayant participé à un processus de nomination, mais bien à examiner la façon dont s'est déroulée l'évaluation et à déterminer s'il y a eu abus de pouvoir. Voir, par exemple, la décision Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 0020.

13 En l'espèce, Martin Dufault, gestionnaire de la Direction du renseignement, Passeport Canada, a mené le processus de nomination avec un collègue d'une autre direction, qui avait des postes similaires à doter. M. Dufault a examiné les dossiers de candidature afin d'évaluer l'expérience des postulants.

14 M. Dufault a déclaré avoir examiné les demandes dans leur ensemble afin de trouver des exemples précis se rapportant aux qualifications essentielles liées à l'expérience. Il a expliqué que les candidats n'étaient pas tenus de posséder de l'expérience au sein de Passeport Canada; il acceptait, par exemple, que des candidats possèdent une expérience de l'analyse, de l'interprétation et de l'application de lois, pas seulement en matière de délivrance ou d'annulation des passeports. M. Dufault a précisé qu'il était important que l'expérience décrite par les candidats soit pertinente pour les postes à doter, et que les candidats décrivent clairement les tâches qu'ils avaient eux-mêmes exécutées.

15 La plaignante a déclaré avoir fourni des exemples concrets qui se rapportaient aux deux qualifications liées à l'expérience en décrivant son expérience à titre d'agente d'admissibilité et d'examinatrice de passeports au sein de Passeport Canada. Elle a ajouté que le fait d'avoir indiqué qu'elle avait été travailleuse en soins directs auprès des jeunes démontrait qu'elle possédait de l'expérience dans la formulation de recommandations.

16 M. Dufault a quant à lui affirmé que la plaignante avait fait mention de sa connaissance, par exemple, du Décret sur les passeports canadiens et des lois applicables. Selon lui, la plaignante a démontré qu'elle possédait une certaine expérience de l'interprétation de lois, mais n'a pas démontré qu'il s'agissait de l'une de ses tâches régulières, courantes. Toujours selon M. Dufault, la plaignante a fait mention de l'analyse d'information et de l'analyse de cas, mais n'a pas démontré qu'elle possédait de l'expérience dans l'analyse de lois. M. Dufault a déclaré que la plaignante avait démontré qu'elle possédait de l'expérience dans la recherche et l'analyse d'information, mais n'a pas démontré qu'elle possédait de l'expérience dans la préparation de recommandations écrites avec justifications.

17 La plaignante a contesté le fait que les deux personnes dont la candidature avait été retenue à la présélection possédaient, tel qu'il était demandé, une expérience continue; d'après elle, une telle expérience devait être acquise dans un seul poste. M. Dufault a expliqué que, pour répondre au critère, les candidats devaient démontrer qu'ils avaient effectué les tâches demandées de façon régulière, dans le cadre de leurs fonctions quotidiennes. Il n'exigeait pas des candidats qu'ils aient acquis une telle expérience dans un seul poste. Pour le critère « Exp. 2 », M. Dufault acceptait une expérience régulière et quotidienne de plus de huit mois, comme dans le cas des processus de nomination antérieurs pour des postes de groupe et niveau PM-03.

18 Selon la plaignante, seule l'expérience acquise par une personne qui occupe un poste rémunéré est acceptable. La plaignante a signalé que l'une des candidatures retenues à la présélection qu'elle avait déposées en preuve faisait état d'expérience acquise durant les études universitaires.

19 M. Dufault a déclaré qu'il acceptait toute expérience acquise dans le cadre d'un poste rémunéré, d'un travail bénévole ou d'études universitaires, dans la mesure où l'expérience en question était pertinente et utile pour les postes à doter. Il a expliqué que Passeport Canada participe activement aux programmes d'embauche d'étudiants et accepte toute expérience pertinente acquise lors d'études universitaires afin de favoriser l'accessibilité des anciens étudiants. L'approche de Passeport Canada lui permet notamment d'augmenter le nombre de candidats potentiels aux postes qui présentent un taux élevé de roulement.

20 La plaignante estime qu'elle possède l'expérience nécessaire pour assumer les fonctions d'un poste PM-03 et qu'elle en a fait la démonstration dans son dossier de candidature. Dans son témoignage, elle a fourni plus de détails sur son expérience et a affirmé que M. Dufault, en tant que gestionnaire à Passeport Canada, aurait dû être au courant de ses fonctions ou aurait pu consulter sa description de travail pour se renseigner à ce sujet.

21 À plusieurs reprises, le Tribunal a confirmé que c'est aux candidats qu'il incombe de démontrer clairement dans leur dossier de candidature qu'ils possèdent toutes les qualifications essentielles. Voir, par exemple, la décision Edwards c. le sous‑ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 2011 TDFP 0010. En l'espèce, les instructions à l'intention des candidats étaient claires; l'annonce de possibilité d'emploi indiquait clairement que les postulants devaient démontrer dans leur dossier de candidature qu'ils possédaient les qualifications requises, sans quoi leur candidature pouvait être rejetée du processus de nomination.

22 Le Tribunal estime que M. Dufault a adopté une approche rationnelle et raisonnable lorsqu'il a évalué les qualifications des candidats en matière d'expérience. Dans son témoignage, M. Dufault a expliqué en détail la façon dont il a évalué la candidature de la plaignante et les deux autres candidatures présentées au Tribunal. Il a expliqué clairement ses décisions, et son raisonnement est conforme à l'approche qu'il a affirmé avoir adoptée pour l'évaluation des qualifications essentielles liées à l'expérience.

23 En l'espèce, il n'a pas été démontré en preuve que l'intimé avait évalué de façon inadéquate la candidature de la plaignante ni qu'il l'a soumise à une norme différente de celle appliquée aux autres candidatures. Les candidats avaient reçu des instructions claires : ils devaient fournir suffisamment de détails pour démontrer qu'ils possédaient l'expérience requise au moment de soumettre leur candidature, ce que n'a pas fait la plaignante.

24 La plaignante a affirmé d'autre part que M. Dufault ne maîtrisait pas suffisamment l'anglais pour évaluer sa candidature. M. Dufault a d'ailleurs été questionné à ce sujet. Toutefois, la plaignante n'a pas renouvelé cette allégation dans son argumentation. M. Dufault a offert un témoignage détaillé, en anglais, dans lequel il a parlé de son évaluation de la demande de la plaignante. Il a affirmé être exempté des tests de langue en anglais, ce qui correspond au niveau le plus élevé possible, une affirmation qui n'a pas été contestée. Compte tenu des éléments de preuve présentés au Tribunal, cette allégation de la plaignante ne repose sur aucun fondement factuel.

25 La plaignante et M. Dufault ont déclaré tous les deux que la discussion informelle avait été insatisfaisante. Le Tribunal a établi dans nombre de ses décisions que les discussions informelles n'étaient pas une réévaluation. Voir, par exemple, la décision Rozka c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 0046, au paragraphe 76.

26 La discussion informelle est un moyen de communication qui permet aux parties concernées de discuter des raisons du rejet de la candidature d'une personne. Si l'on découvre qu'une erreur a été commise lors de l'évaluation, cette erreur peut alors être corrigée; ce n'est toutefois pas le cas en l'espèce. Les éléments de preuve présentés à l'audience ne démontrent pas qu'une erreur a été commise lors de l'évaluation de la candidature de la plaignante. Il est clair que la discussion informelle n'a pas donné les résultats escomptés. Cela dit, l'issue de la plainte ne reposait pas sur l'échec de la discussion informelle.

27 La plaignante a également remis en question le libellé de la lettre l'informant du rejet de sa candidature. L'intimé convient que le libellé de la lettre pourrait être amélioré. Toutefois, cet état de choses n'a aucune incidence sur l'issue de la plainte.

28 Comme le Tribunal l'a confirmé à de nombreuses reprises, c'est au plaignant d'établir la preuve d'un abus de pouvoir. En l'espèce, la plaignante n'a pas établi cette preuve. M. Dufault a expliqué de façon rationnelle pourquoi il avait décidé de rejeter la candidature de la plaignante du processus de nomination en cause.

29 À la lumière des éléments de preuve qui lui ont été présentés, le Tribunal conclut que l'intimé n'a pas abusé de son pouvoir dans l'évaluation de l'expérience de la plaignante.

Décision


30 Pour les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Merri Beattie
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2010-0350
Intitulé de la cause :
Kim Walker-McTaggart et le président-directeur général de Passeport Canada
Audience :
Les 21 et 22 juin 2011
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 12 décembre 2011

COMPARUTIONS

Pour la plaignant :
Jean Pierre Ouellette
Pour l'intimé :
Maureen Crocker
Pour la Commission
de la fonction publique :
Trish Heffernan (observations écrites)
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