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Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a affirmé que l’intimé l’a délibérément fait échouer à l’examen écrit par deux points et que la personne nommée n’avait pas l’expérience requise. Elle a formulé une allégation d’abus de pouvoir et de favoritisme personnel à l’encontre de l’intimé au motif que c’était après l’examen écrit et non au moment de la présélection que celui-ci avait vérifié l’expérience de la personne nommée. Elle a aussi soutenu que l’intimé avait enfreint la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) et les Lignes directrices en matière de nomination de la Commission de la fonction publique (CFP). L’intimé a nié tout abus de pouvoir. Le CV de la plaignante n’était pas clair et manquait d’information quant au genre de travail qu’elle effectuait avec le Système d’incidents de rapport de police. Le comité lui a donc demandé de fournir des exemples concrets de son expérience. Le CV de la personne nommée ne nécessitait pas de clarification. L’intimé a ajouté que c’est après avoir pris connaissance des allégations de la plaignante, lors de la discussion informelle, que le comité avait décidé de vérifier si la personne nommée avait l’expérience requise. Décision Lors de la discussion informelle, la plaignante a reconnu qu’il lui manquait deux points pour réussir à l’examen. Le Tribunal a conclu qu’elle n’avait présenté ni document ni témoignage démontrant en quoi l’intimé aurait abusé de son pouvoir dans son évaluation. De plus, la preuve a démontré que la personne nommée avait fourni les renseignements demandés quant à son expérience, et cette information a été corroborée par son surveillant et le gestionnaire délégué. La plaignante n’a pas démontré en quoi le comité avait manqué de transparence ou d’intégrité du fait de vérifier l’expérience de la personne nommée après avoir pris connaissance des allégations de la plaignante. La preuve a également démontré que le comité d’évaluation avait élaboré le processus de nomination et préparé les outils d’évaluation. La plaignante n’a donc pas démontré que l’un des membres du comité d’évaluation avait évalué tout seul les candidats, pas plus qu’elle n’a établi la preuve que le comité n’était pas en mesure de s’acquitter de ses fonctions. Le Tribunal a conclu que la plaignante n’avait pas établi la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé du fait que celui-ci avait jugé que la plaignante n’était pas qualifiée pour le poste. Elle n’avait pas démontré non plus que l’intimé avait fait preuve de favoritisme personnel ni qu’il avait enfreint la LEFP et les lignes directrices de la CFP. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossiers :
2008-0782/2009-0623
Décision
rendue à :
Ottawa, le 17 octobre, 2011

JOSÉE BRUNET
Plaignante
ET
LE COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir aux termes de l'article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Lyette Babin-MacKay, membre
Langue de la décision :
Français
Répertoriée :
Brunet c. le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada
Référence neutre :
2011 TDFP 0030

Motifs de décision


Introduction


1 La plaignante, Josée Brunet, est adjointe aux services administratifs et opérationnels de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), à Montréal, Québec. Elle a participé à un processus de nomination interne annoncé pour le poste d'analyste de systèmes (AS-01), aux Services informatiques locaux de la GRC. L'annonce stipulait que dans l'immédiat, le poste serait doté de façon déterminée. Elle indiquait aussi que le bassin pourrait servir à doter ce poste pour une période indéterminée et à doter des postes semblables pour des nominations indéterminées, déterminées et intérimaires. La candidature de Mme Brunet a été rejetée car elle n'a pas démontré, à l'examen écrit, qu'elle satisfaisait à toutes les qualifications essentielles.

2 Le 5 décembre 2008, elle a déposé une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l'art. 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), concernant la première nomination intérimaire de Medgine Jean pour la période du 24 novembre 2008 au 31 mars 2009. L'intimé a prolongé cette nomination intérimaire à quelques reprises, notamment pour la période du 30 septembre 2009 au 30 octobre 2009. Le 9 octobre 2009, la plaignante a déposé une plainte au même motif concernant cette nouvelle nomination intérimaire.

3Le 9 novembre 2009, l'intimé a publié une Notification de nomination ou de proposition de nomination pour la nomination de Mme Jean pour une période indéterminée. La période de clôture de la plainte prenait fin le 24 novembre 2009. Ce n'est que le 7 mai 2010 que la plaignante a déposé une plainte concernant cette nomination.

4En vertu de l'art. 10 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, mod. par DORS/2011-116 (le Règlement du TDFP), une plainte doit être reçue par le Tribunal dans les quinze jours suivant la date de l'avis de nomination ou de proposition de nomination. L'art. 5 du Règlement du TDFP permet au Tribunal de proroger ce délai, par souci d'équité. Dans sa lettre de décision du 21 mai 2010, le Tribunal a rejeté la plainte du 7 mai 2010 parce que la plaignante n'a fourni aucune raison ou circonstance exceptionnelle pouvant expliquer le dépôt tardif. Le Tribunal n'examinera donc que les plaintes qui concernent les deux nominations intérimaires mentionnées ci-haut.

5La plaignante allègue que l'intimé l'a délibérément fait échouer l'examen écrit par deux points. Elle soutient en outre que Mme Jean a fourni des renseignements erronés sur son curriculum vitae (CV) en ce qui a trait à son expérience. Ainsi, elle allègue que Mme Jean n'a pas l'expérience minimale essentielle de six mois du Système d'incidents de rapport de police (SIRP) ni une connaissance approfondie de ce système et des politiques s'y rattachant, et que c'est par favoritisme personnel que l'intimé en a conclu autrement. Finalement, elle soutient que l'intimé a manqué de transparence et n'a pas respecté les objectifs et principes de la LEFP.

6 L'intimé, le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, nie tout abus de pouvoir. Il affirme qu'en l'espèce, la compétence du Tribunal se limite à déterminer si la plaignante a démontré qu'elle n'a pas été nommée en raison d'un abus de pouvoir dans l'évaluation de ses connaissances. Il soutient d'autre part que la plaignante n'a pas démontré qu'il y a eu abus de pouvoir et favoritisme personnel.

7 La Commission de la fonction publique (la CFP) n'a pas assisté à toute l'audience mais dans ses représentations écrites, elle revoit les concepts d'abus de pouvoir et de favoritisme personnel, et discute des exigences des Lignes directrices en matière de nomination de la CFP et de l'importance des valeurs de nomination.

Questions en litige


8 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu'il a conclu que la plaignante n'a pas satisfait à la qualification essentielle « Connaissance générale du Système de récupération des renseignements judiciaires (SRRJ) et du Système de rapports statistiques sur les opérations (RSO) »?
  2. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir et fait preuve de favoritisme personnel lorsqu'il a conclu que la personne nommée possède l'expérience requise pour le poste?
  3. L'intimé a-t-il enfreint la LEFP et les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP?

Contexte et éléments de preuve pertinents


9 Le 17 juin 2008, l'intimé a publié une Annonce de possibilité d'emploi (l'annonce) pour le poste en litige. Douze candidats ont présenté leur candidature, dont la plaignante et Mme Jean, la personne éventuellement nommée.

10 L'annonce indiquait que les candidats devaient démontrer clairement sur leur demande qu'ils satisfaisaient aux critères d'éducation et d'expérience suivants :

Diplôme d'études secondaires ou les alternatives approuvées par l'employeur.

Expérience minimale de 6 mois du Système d'incident de rapport de police (SIRP)

Expérience de l'utilisation d'un ordinateur personnel et d'outils technologiques tels que le traitement de texte, tableur, base de données et courrier électronique.

11 Le comité d'évaluation (le comité) était composé du gendarme Sylvain Pillenière, gestionnaire responsable du processus, et de Carole Perrault, conseillère en ressources humaines et dotation. Le gendarme Pillenière est membre de la GRC depuis 1980 et est affecté aux Services informatiques locaux, à Montréal, depuis environ 2004. Il a été très impliqué dans l'élaboration et la mise en place du programme de formation des utilisateurs du SIRP lorsque ce logiciel informatiquea été créé. Quant à Mme Perrault, elle a plus de 25 années de service à la GRC et s'est occupée de plus de 50 processus de nomination de toutes sortes au cours de sa carrière. Elle a complété avec succès le test de la CFP sur la LEFP.

12 Le gendarme Pillenière et Mme Perrault ont élaboré le processus de nomination, établi les critères de mérite et préparé les outils d'évaluation. C'est le gendarme Pillenière qui a fixé les exigences d'expérience, dont l'expérience minimale de six mois du SIRP. Ces six mois n'avaient pas à être consécutifs, ils pouvaient avoir été accumulés. Cette expérience pouvait avoir été obtenue par la recherche ou par l'entrée de données dans le SIRP.

Analyse


13 La plaignante a déposé une plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'art. 77(1)a) de la LEFP. La LEFP ne définit pas l'expression « abus de pouvoir », mais l'art. 2(4) précise qu'elle inclut « la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

14 Comme le Tribunal l'a affirmé dans nombre de décisions, il incombe à un plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le processus de nomination est entaché d'abus de pouvoir (Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008 aux para. 49 et 55).

15 Dans ses arguments, l'intimé soutient qu'en l'espèce, la compétence du Tribunal se limite à déterminer si la plaignante a démontré qu'elle n'a pas été nommée en raison d'un abus de pouvoir dans l'évaluation de ses connaissances.

16 La LEFP précise qu'une personne dans la zone de recours d'une nomination interne annoncée peut se plaindre auprès du Tribunal, en vertu de l'art. 77(1)a) de la LEFP, qu'elle n'a pas été nommée ou proposée en vue d'une nomination en raison d'un abus de pouvoir. Le Tribunal a donc compétence d'examiner toute la preuve liée à une allégation d'abus de pouvoir ou de favoritisme personnel.

Question I :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu'il a conclu que la plaignante n'a pas satisfait à la qualification essentielle « Connaissance générale du Système de récupération des renseignements judiciaires (SRRJ) et du Système de rapports statistiques sur les opérations (RSO) »?

17 La plaignante allègue que l'intimé l'a fait échouer par deux points à une question de l'examen écrit, dans le but de favoriser Mme Jean.

18 L'intimé avait établi comme critère de mérite la « connaissance générale du Système de récupération des renseignements judiciaires (SRRJ) et du Système de rapports statistiques sur les opérations (RSO) » et décidé que cette qualification serait évaluée par l'examen écrit.

19 La plaignante et Mme Jean ont été invitées à un examen écrit tenu le 4 septembre 2008. Cet examen, conçu par le gendarme Pillenière, évaluait certaines des capacités et des qualités personnelles et les connaissances suivantes :

Connaissance approfondie du système de rapport de police (SIRP)

Connaissance générale du système de récupération des renseignements judiciaires (SRRJ) et du système de rapport statistiques sur les opérations (RSO)

20 La note de passage de chaque connaissance était de 50 %.

21 Le gendarme Pillenière a expliqué que les questions reliées à la connaissance du SIRP étaient tirées des questions des examens de certification des utilisateurs de ce système. Les candidats qui le désiraient pouvaient communiquer avec lui pour se préparer et la plaignante l'a fait.

22 Mme Perrault et le gendarme Pillenière ont évalué les résultats de l'examen écrit à l'aide du guide de correction. Toutefois, la plaignante n'a pas obtenu la note de passage pour la connaissance générale du SRRJ et du RSO. Il lui manquait deux points pour réussir l'examen et ainsi se qualifier. Ils ont revu la copie d'examen de la plaignante une deuxième fois pour s'assurer qu'aucune erreur ne s'était glissée dans leur correction. Les résultats n'ont pas changé. La plaignante a donc été avisée que sa candidature ne serait plus considérée. L'évaluation s'est poursuivie et seule Mme Jean a été jugée qualifiée.

23 Lors de la discussion informelle, le comité a présenté à la plaignante les questions et les réponses de l'examen, lui a expliqué ses résultats et a passé son examen en revue avec elle. Lors de cette discussion informelle, la plaignante a acquiescé qu'il lui manquait deux points pour réussir l'examen. Dans son témoignage, elle a affirmé : « je peux assumer le fait qu'il me manque deux points ».

24 La plaignante n'a présenté ni document ni témoignage à l'appui de son allégation et, par conséquent, n'a donc pas démontré en quoi l'intimé aurait abusé de son pouvoir dans son évaluation. Par conséquent, le Tribunal conclut que cette allégation n'est pas fondée.

Question II :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir et fait preuve de favoritisme personnel lorsqu'il a conclu que la personne nommée possède l'expérience requise pour le poste ?

25 La plaignante allègue un abus de pouvoir et du favoritisme personnel parce que c'est après l'examen écrit et non au moment de la présélection que l'intimé a vérifié l'expérience de Mme Jean. La plaignante allègue aussi que Mme Jean n'a pas l'expérience requise du SIRP, ni une connaissance approfondie de ce système et des politiques s'y rattachant. Elle soutient que c'est par favoritisme personnel qu'on a jugé Mme Jean qualifiée.

26 C'est à la plaignante qu'il revient de prouver que Mme Jean a été nommée par favoritisme personnel et que la nomination était fondée sur des facteurs autres que le mérite. (voir Carlson-Needham et Borden c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2007 TDFP 0038 aux para. 52 et 54).

27 Lors de la discussion informelle, la plaignante a affirmé au comité qu'elle détenait la preuve que Mme Jean n'avait pas l'expérience requise du SIRP. Elle a fondé ses dires sur trois choses :

  1. un commentaire que lui a fait Mme Jean à l'examen écrit ;
  2. les résultats d'une vérification qu'elle a faite dans le SIRP ;
  3. un commentaire que Mme Jean aurait fait lors d'une conférence téléphonique du personnel en décembre 2008.

28 Selon Mme Perrault, c'est après avoir entendu l'allégation de la plaignante au sujet de l'expérience de Mme Jean qu'elle a convoqué cette dernière et l'en a informée. Mme Jean lui a confirmé qu'elle avait bel et bien l'expérience du SIRP. Mme Perrault lui a demandé d'envoyer une explication écrite de son expérience, et a demandé au superviseur de Mme Jean, le sergent André Moisan, de confirmer cette expérience. Mme Jean a fourni l'explication écrite demandée par courriel, le 23 septembre 2008. Le sergent Moisan a vérifié cette expérience et l'a confirmée dans un courriel du 23 septembre 2008, déposé en preuve. Le sergent Moisan n'a pas été en mesure de témoigner.

29 Mme Perrault a envoyé toute cette information au gendarme Pillenière et au sergent Patrice Dallaire, qui est le gestionnaire du Secteur des services informatiques locaux et le gestionnaire délégué pour ce processus. Tous deux lui ont confirmé que Mme Jean satisfaisait au critère d'expérience essentielle en question. Le gendarme Pillenière a corroboré ce témoignage de Mme Perrault, et affirmé que le CV et les explications que Mme Jean a fournies l'ont satisfait qu'elle avait l'expérience requise. Commentant les divers points du CV de Mme Jean, il a indiqué ce qui y confirmait son expérience.

30 La plaignante affirme que tout juste avant le début de l'examen écrit, elle a eu un bref échange avec Mme Jean au cours duquel elle a demandé à cette dernière si elle travaillait dans le SIRP, si elle accédait au système et si elle y ouvrait des dossiers. Elle dit que Mme Jean lui a répondu qu'elle avait reçu sa formation en 2005 mais qu'elle n'était « jamais entrée dans le système ». Selon la plaignante, c'est en travaillant dans le SIRP à chaque jour qu'on acquiert de l'expérience. Elle affirme qu'accéder au système pour le consulter et y faire des recherches n'est pas la même chose que « travailler dans le système ».

31 Interrogée sur cet incident, Mme Jean a déclaré que la plaignante lui a dit qu'elle « ouvrait » déjà des incidents pour son enquêteur dans son secteur. La plaignante lui a demandé si elle avait déjà « ouvert des incidents » dans le SIRP et Mme Jean lui a répondu qu'elle ne l'avait jamais fait. Mme Jean a expliqué qu'ouvrir un incident, c'est ouvrir une fenêtre, cliquer sur un bouton, donner un numéro de dossier. Dans son secteur, ce sont les enquêteurs qui faisaient cela. Ouvrir un dossier n'est pas la même chose qu'accéder au système. Sans numéro de dossier, on ne peut inscrire et sauvegarder de l'information dans un dossier.

32 Lors de la discussion informelle, la plaignante a présenté au comité le résultat d'une recherche qu'elle a effectué dans le SIRP Protégé B le 18 septembre 2008, afin de démontrer que Mme Jean n'étais jamais « entrée » dans le SIRP. Elle dit que cette recherche n'a révélé aucun rapport d'entrée d'incident par Mme Jean avant cette date. Cela prouve, selon elle, que Mme Jean n'a fait aucune entrée dans le SIRP avant l'examen écrit du 4 septembre 2008.

33 Michelle St-Laurent a témoigné pour la plaignante. Elle est analyste des systèmes à la GRC depuis 2007. Elle donne de la formation sur ce système de gestion de l'information des dossiers, s'occupe du contrôle de la qualité et répond aux questions des utilisateurs. Elle a donné des exemples du type d'information que l'on peut retrouver dans chaque colonne d'un rapport du SIRP. Interrogée sur le rapport de la recherche du 18 septembre 2008 par la plaignante, Mme St-Laurent a affirmé qu'il aurait dû indiquer les incidents sur lesquels Mme Jean a travaillé. Selon elle, étant donné que le rapport est vierge, il démontre que Mme Jean n'a pas fait d'entrée de données dans le SIRP avant et jusqu'au 18 septembre 2008.

34 Elle a par la suite noté que le rapport n'indique pas précisément que Mme Jean n'a fait aucune action dans le SIRP depuis qu'elle a accès à ce système. Elle a expliqué que les politiques de la GRC requièrent qu'un utilisateur se lie à un incident lorsqu'il entre des données au SIRP, et qu'il s'identifie en se donnant une catégorie telle « autre employé de soutien ». Elle a confirmé que le SIRP ne génère pas de ligne dans un rapport quand un utilisateur y a simplement recherché de l'information sans se lier à un dossier.

35 Mme Jean a réitéré qu'elle n'avait jamais « ouvert d'incident » dans le SIRP et qu'une simple consultation du SIRP ne pouvait apparaître dans le rapport qui a été présenté. Mme Jean a reconnu qu'un usager est supposé montrer qu'il a accédé au système. Elle a indiqué qu'avant octobre 2009, beaucoup d'utilisateurs ne le faisaient pas et qu'elle ne le faisait probablement pas toujours non plus.

36 Le gendarme Pillenière a expliqué que le document qu'a présenté la plaignante n'indique rien car il provient du SIRP Protégé B et non du SIRP Restreint. Il y a deux types de SIRP : le SIRP Protégé B, que tous les adjoints administratifs (AA) au pays peuvent utiliser, et le SIRP Restreint, système que seule utilisait jusqu'à 2008 l'Équipe intégrée de sécurité nationale (l'EISN) de la GRC, un secteur restreint qui s'occupe des enquêtes de sécurité nationale. Les deux SIRP utilisent la même base de données, mais seuls ceux qui ont accès au SIRP Restreint peuvent consulter les données particulières qui y ont été entrées. Il a précisé que Mme Jean travaillait à l'EISN avant d'être nommée au poste en litige. C'est pourquoi le rapport présenté par la plaignante n'indique pas d'accès par Mme Jean pour la période visée par cette recherche.

37 Le gendarme Pillenière a confirmé que lorsqu'un AA accède aux dossiers d'incidents du SIRP, il doit s'inscrire et se donner la classification « autre employé de soutien ». Le gendarme Pillenière a affirmé qu'il est possible d'accéder au SIRP sans s'enregistrer, ce qui ne laisse alors aucune trace. Les accès non enregistrés peuvent être détectés au niveau de la programmation mais il n'a pas fait de vérification informatique pour cette allégation. Il a expliqué que le furetage du SIRP, comme l'a fait la plaignante pour produire ce rapport, n'est pas permis et que seul un superviseur a le droit de faire de telles recherches.

38 À la discussion informelle, la plaignante a aussi affirmé qu'à une conférence téléphonique des Services informatiques locaux de la Région du Centre, tenue le 3 décembre 2008, quelqu'un avait entendu Mme Jean admettre qu'elle n'avait aucune expérience dans le SIRP. La plaignante n'était pas à cette réunion. À l'audience, elle a révélé que Mme St-Laurent y était et que c'est elle qui avait entendu Mme Jean faire cette affirmation.

39 Ont aussi participé à la conférence téléphonique le gendarme Pillenière, Mme Jean et d'autres employés. Mme St-Laurent a relaté que durant la réunion, une des employées a dit que les AA n'avaient pas toutes les connaissances informatiques nécessaires pour travailler dans le SIRP. Selon Mme St-Laurent, Mme Jean serait alors intervenue et aurait appuyé ce commentaire, ajoutant qu'elle-même n'avait pas eu la chance de travailler dans le SIRP après avoir reçu ses autorisations d'accès.

40 Mme Jean soutient qu'une telle affirmation est insensée et elle ne peut comprendre pourquoi elle aurait dit ne jamais avoir travaillé dans le SIRP. Quand cette réunion a eu lieu, elle était une gestionnaire de l'information (GI) et venait d'arriver à la section. Elle soutient qu'elle a dit durant la réunion : « il paraît que beaucoup de GI n'ont pas le support de leur superviseur ». Elle est certaine qu'elle n'a pas dit autre chose, à part se présenter à toute l'équipe. Elle a expliqué qu'avant la réunion, elle a dit à Mme St-Laurent que c'était la première fois qu'elle prenait des notes à une réunion.

41 Le gendarme Pillenière a affirmé que Mme Jean n'a pas dit qu'elle n'avait jamais travaillé dans le SIRP. Il a affirmé que Mme Jean a plutôt dit qu'elle n'avait jamais fait de procès-verbal. Il a expliqué qu'elle avait été chargée de préparer le procès-verbal de la réunion et que c'était une tâche dont chacun devait s'acquitter à tour de rôle.

42 Mme Jean a décrit son expérience avec le SIRP de façon détaillée. Elle est analyste de systèmes (AS-01) depuis le 24 novembre 2008. Du 21 mars 2005 jusqu'à sa nomination au poste en litige en novembre 2008, elle était AA opérationnelle (CR-04) à l'EISN, où elle faisait des entrées de données, des recherches, des mises à jour, des corrections à des rapports d'enquêteurs et des modifications dans plusieurs systèmes dont le SRRJ, le SIRP et le CPIC. À l'EISN, elle n'utilisait que le SIRP Restreint.

43 Le Tribunal a entendu différentes versions des commentaires que Mme Jean aurait faits, à l'examen écrit et à la réunion de décembre 2008. Il a revu le témoignage de Mme Jean concernant l'expérience qu'elle a acquise au sein de l'EISN. Elle y a donné une abondance de détails sur son travail. Le surveillant de Mme Jean, le sergent Moisan, a aussi confirmé que Mme Jean avait l'expérience requise. Mme Jean a affirmé, et le gendarme Pillenière l'a confirmé, qu'elle travaille avec le SIRP Restreint.

44 La preuve démontre qu'il est peu probable que Mme Jean ait affirmé n'être jamais « entrée dans le système » ou n'avoir jamais travaillé dans le SIRP depuis sa formation sur ce système. Il semble que la plaignante et Mme St-Laurent ont donné des interprétations différentes aux commentaires de Mme Jean, et que la plaignante a tiré ses propres conclusions sur ce que Mme Jean a fait, ou non, dans le SIRP.

45 La plaignante a aussi allégué qu'à la discussion informelle, le gendarme Pillenière a dit « de toute manière, c'est la même personne qui va avoir le poste ». Elle affirme que cela démontre du favoritisme personnel de sa part. Le gendarme Pillenière n'a pas été appelé à témoigner sur cette question. Il aurait été utile d'entendre sa version pour vérifier s'il avait fait ce commentaire et le cas échéant, ce qu'il avait voulu dire. Par ailleurs, le Tribunal estime que cette allégation particulière n'a pas été prouvée.

46 Le Tribunal juge que la plaignante n'a pas démontré que l'intimé a fait preuve de favoritisme personnel lorsqu'il a conclu que Mme Jean possède l'expérience requise pour le poste. Cette expérience a été confirmée par le sergent Moisan et acceptée par le gendarme Pillenière et le sergent Dallaire à la suite des affirmations de la plaignante à la discussion informelle.

Question III :  L'intimé a-t-il enfreint la LEFP et les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP ?

47 La plaignante allègue que Mme Perrault a évalué les candidats sans le gendarme Pillenière et que le rôle de ce dernier s'est limité à fournir le matériel pour l'examen écrit et à signer les documents du processus.

48 La preuve démontre que le gendarme Pillenière et Mme Perrault ont élaboré le processus de nomination et préparé les outils d'évaluation. Le gendarme Pillenière a fixé le critère d'expérience et Mme Perrault a fait la présélection à partir de ces critères, en examinant les demandes d'emploi et les CV des candidats. Elle a ensuite fait un compte-rendu des résultats au gendarme Pillenière. Ces deux membres du comité ont par la suite corrigé l'examen écrit ensemble. Ainsi, la plaignante n'a pas démontré que Mme Perrault a évalué seule les candidats.

49 La plaignante soutient aussi que le comité a fait preuve d'un manque de transparence et d'intégrité parce qu'il s'est fié au CV de Mme Jean et qu'il ne l'a pas vérifié de la même façon que le sien. Elle affirme que le comité a fait preuve de favoritisme personnel envers Mme Jean parce qu'il a accepté l'information qu'elle a fournie dans son CV alors que la plaignante a elle-même dû fournir des renseignements additionnels dans un délai de deux jours. Elle est d'avis que cela démontre qu'elle a été traitée différemment de Mme Jean. Selon la plaignante, on aurait dû aussi demander à Mme Jean de fournir des renseignements additionnels.

50 L'article 30(2) de la LEFP précise que c'est à l'administrateur général (AG) d'établir les qualifications essentielles pour le travail à accomplir. L'article 36 de la LEFP permet à l'AG d'avoir recours à toute méthode d'évaluation qu'il estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications essentielles visées à l'art. 30(2). Dans nombre de décisions, le Tribunal a statué que son rôle est de déterminer s'il y a eu abus de pouvoir dans un processus de nomination, et non pas d'en réévaluer les candidats (voir Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2007 TDFP 0020).

51 C'est le gendarme Pillenière, en tant que gestionnaire responsable du processus, qui a établi et défini la qualification essentielle d'expérience du SIRP. Mme Perrault s'est guidée sur cette définition pour effectuer la présélection. Elle a revu les CV pour déterminer si les candidats satisfaisaient aux qualifications essentielles d'éducation et d'expérience. Elle a ensuite donné un compte-rendu des résultats au gendarme Pillenière.

52 L'annonce avisait les candidats qu'ils devaient démontrer clairement sur leur demande qu'ils répondaient à tous les critères essentiels. Mme Perrault a expliqué que le CV de Mme Jean était suffisamment complet. Il indiquait clairement qu'elle effectuait, depuis mars 2005, des recherches et de l'entrée de données dans des bases de données organisationnelles qu'elle a énumérées et qui incluaient le SIRP. De même, Mme Perrault a expliqué pourquoi le CV de la plaignante manquait de détails et pourquoi elle lui a demandé de fournir des exemples à l'appui.

53 Le préambule de la LEFP affirme qu'il est attendu que « la fonction publique se distingue par ses pratiques d'emploi…transparentes… ». Les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP précisent que « les valeurs directrices de la CFP en matière de nomination…serviront de guide aux gestionnaires pour prendre des décisions en matière de nomination… ». La transparence est une valeur directrice.

54 La preuve démontre que le CV de la plaignante n'était pas clair et manquait d'information quant au genre de travail qu'elle effectuait avec le SIRP. Le comité lui a demandé de fournir des exemples concrets de son expérience dans un délai de deux jours. Ce court délai a été fixé pour que le processus de nomination ne soit pas retardé. Mme Perrault était satisfaite que le CV de Mme Jean démontrait qu'elle avait l'expérience recherchée. Il n'était donc pas nécessaire d'effectuer une vérification plus poussée de son expérience.

55 C'est après avoir pris connaissance des allégations de la plaignante, lors de la discussion informelle, que le comité a décidé de vérifier si Mme Jean détenait l'expérience requise. La preuve démontre que Mme Jean a fourni les renseignements demandés quant à son expérience et cette information a été corroborée par son surveillant, le sergent Moisan, par le gendarme Pillenière et par M. Dallaire, le gestionnaire délégué. Tous ont confirmé que Mme Jean avait l'expérience demandée.

56 La plaignante n'a pas démontré en quoi le comité a manqué de transparence ou d'intégrité en procédant ainsi. Le Tribunal juge qu'il relevait du pouvoir discrétionnaire de Mme Perrault en sa capacité de membre du comité d'évaluation, de demander à la plaignante des précisions à l'appui de sa demande. Le comité n'était pas tenu de le faire mais cette demande de précision a été utile à la plaignante puisqu'elle a pu satisfaire à ce critère d'expérience et ainsi passer à l'étape de l'examen écrit. De même, il était raisonnable que la plaignante ait à fournir ces précisions dans un délai de deux jours, évitant ainsi de retarder indûment le processus.

57 Finalement, la plaignante allègue qu'à l'encontre des objectifs et principes de la LEFP, le gendarme Pillenière a peu ou pas de connaissance en matière de dotation.

58 La LEFP n'énonce aucune exigence pour la composition d'un comité d'évaluation. La preuve démontre que le gendarme Pillenière a une grande connaissance et expérience du SIRP, et que Mme Perrault connait bien la LEFP. La plaignante n'a pas démontré que le comité n'était pas en mesure de s'acquitter de ses fonctions.

59 La plaignante a voulu interroger les témoins de l'intimé au sujet d'un rapport de la CFP intitulé Vérification de la Gendarmerie royale du Canada – nominations en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. L'intimé et la CFP se sont objectés à toute question concernant ce rapport, soutenant qu'il n'était pas pertinent.

60 Après examen à l'audience, le Tribunal a constaté que ce rapport couvre une période qui précède la tenue du processus de nomination en litige et que ses auteurs ne pouvaient être interrogés sur son contenu. Le Tribunal a donc conclu que ce rapport n'était pas pertinent en l'espèce.

61 Le Tribunal conclut que la plaignante n'a pas démontré que l'intimé a enfreint la LEFP et les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP.

Décision


62 À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plaignante n'a pas démontré que l'intimé a abusé son pouvoir en jugeant que la plaignante n'était pas qualifiée pour le poste, qu'il a fait preuve de favoritisme personnel lorsqu'il a conclu que Mme Jean possédait l'expérience requise, ou qu'il a enfreint la LEFP et les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP.

63 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.


Lyette Babin-MacKay
Membre

Parties au dossiers


Dossiers du Tribunal :
2008-0782 et 2009-0623
Intitulé de la cause :
Josée Brunet et le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada
Audience :
Les 26, 27 et 28 mai 2010; et
Les 3, 4 et 5 novembre 2010
Montréal (Québec)
Derniers arguments écrits reçus le 20 janvier 2011
Date des motifs :
Le 17 octobre 2011

COMPARUTIONS

Pour la plaignante :
Jean-Yves Lebel
Pour l'intimé :
Martin Charron
Pour la Commission
de la fonction publique :
Lili Ste-Marie
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