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Résumé :

La plainte portait sur un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste d’analyste principal des politiques (EC-06). La personne embauchée à contrat pour corriger la copie d’examen écrit du plaignant a conclu – après la correction – que celui-ci n’avait pas obtenu la note de passage pour trois des quatre qualifications essentielles. D’après le plaignant, l’intimé aurait abusé de son pouvoir dans la façon d’évaluer l’examen écrit. Il a soutenu que celui-ci comportait de sérieuses lacunes (entre autres, non-indication du sujet à traiter) et que le guide de cotation ne permettait pas une évaluation appropriée des réponses. Décision Le Tribunal a fait remarquer que l’article 36 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique autorise l’intimé à avoir recours à toute méthode d’évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues – qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications. Le Tribunal a jugé que le plaignant n’avait pas réussi à établir la preuve d’un abus de pouvoir dans l’utilisation de l’examen comme méthode d’évaluation ou dans l’utilisation du guide de cotation qui l’accompagnait. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2010-0644
Décision
rendue à :

Ottawa, le 13 décembre 2011

XIANG HE
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
He c. le président de l’Agence canadienne de développement international
Référence neutre :
2011 TDFP 0040

Motifs de décision


Introduction


1 Le plaignant, Xiang He, a présenté sa candidature pour un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste d'analyste principal des politiques (EC-06) à l'Agence canadienne de développement international (ACDI). Sa candidature a été éliminée du processus au motif qu'il lui manquait trois qualifications essentielles. Lorsqu'il en a été avisé, le plaignant a présenté une plainte d'abus de pouvoir au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l'article 77 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Le plaignant soutient que le président de l'ACDI (l'intimé) a abusé de son pouvoir dans l'évaluation des candidats en utilisant un examen qui comportait de sérieuses lacunes ainsi qu'un guide de cotation qui ne permettait pas une évaluation appropriée des réponses.

2 L'intimé affirme ne pas avoir outrepassé son pouvoir dans le choix des méthodes d'évaluation. De plus, le comité d'évaluation a agi de façon raisonnable, dans les limites de son pouvoir discrétionnaire, et s'est assuré que l'examen était conçu de façon appropriée et que les réponses des candidats étaient corrigées convenablement.

Contexte


3 L'ACDI a affiché sur le site Web Publiservice une annonce de possibilité d'emploi portant la date de clôture du 22 janvier 2010. Le plaignant a présenté sa candidature, et celle-ci a été retenue à la présélection du processus de nomination. L'examen écrit (l'examen) auquel le plaignant a été convoqué visait à évaluer quatre qualifications essentielles pour le poste : connaissance des tendances, des théories et des principes en matière de développement international; connaissance du mandat et des priorités de l'Agence; capacité de communiquer efficacement par écrit; et capacité d'analyser, de synthétiser et d'évaluer des politiques. Les réponses des candidats ont été corrigées par une personne embauchée à contrat pour assumer cette fonction.

4 À la suite de l'évaluation de la réponse du plaignant, il a été conclu que celui-ci ne possédait que la première des quatre qualifications. Informé du résultat, le plaignant a sollicité une discussion informelle. Il a donc rencontré Patricia Peña, directrice de la section Gouvernance démocratique et droits de la personne à l'ACDI. Après cette rencontre, l'examen du plaignant a été corrigé de nouveau. Les notes accordées au plaignant ont été quelque peu modifiées, mais elles n'étaient pas suffisantes pour atteindre le minimum requis; sa situation de candidat non reçu n'a donc pas changé.

Question en litige


5 Le Tribunal doit déterminer si l'intimé a abusé de son pouvoir dans le choix de la question d'examen ou du guide de cotation utilisé pour la correction.

Preuve pertinente et analyse


6 Pour l'examen, les candidats disposaient d'un texte extrait d'un document d'information préparé par le Overseas Development Institute [Institut de développement à l'étranger]. Les candidats étaient également informés des quatre qualifications essentielles évaluées par l'examen. Celui-ci comportait une question formulée comme suit :

Rédigez une note d'information de 2 ou 3 pages (note d'information de format standard) au sujet du document de politique ci-joint et indiquez 3 enjeux importants pour le service d'aide au développement de l'ACDI, en faisant référence au mandat et aux priorités de l'agence. [traduction]

7 Le plaignant est d'avis que la question d'examen manquait de rigueur parce qu'elle ne précisait pas le sujet à traiter dans la note d'information. Il croit que cette précision lui aurait permis de structurer le contenu de sa note d'information de façon logique. Il affirme que la question était très spécifique et qu'elle amenait les candidats à se concentrer sur le document qui l'accompagnait, tandis que la grille de correction, selon le plaignant, portait plutôt sur les priorités de l'ACDI. Il ajoute qu'il croyait que la réponse devait porter sur la position de l'ACDI. À son avis, sa réponse comportait les points précis et pertinents permettant à la haute direction de se préparer pour répondre au public en cas de critiques. Selon lui, puisque le comité d'évaluation a jugé que le sujet de sa réponse n'était pas valide, il n'a pas tenu compte des liens logiques qui y figuraient. Le plaignant n'a pas présenté sa réponse ni les résultats de la correction du comité d'évaluation au Tribunal pour appuyer ses affirmations. Comme aucun document n'a été présenté au Tribunal, avec l'accord des parties, le Tribunal a demandé à l'intimé de produire des documents en preuve pour aider le plaignant. Par conséquent, la question d'examen, le guide de cotation ainsi que la première et la deuxième copie corrigée de la réponse du plaignant ont été présentés. Or, malgré ces preuves documentaires, le plaignant n'a fourni aucun témoignage concernant sa réponse ou le guide de cotation et n'a pas dirigé le Tribunal vers des parties de ces documents qui auraient pu appuyer sa position.

8 Mme Peña a déclaré qu'elle avait surveillé le processus de nomination à titre de l'un des six membres du comité. Elle a affirmé qu'au début du processus de nomination, l'ACDI prévoyait qu'il y aurait six postes de groupe et de niveau EC-06 à doter, assortis de fonctions différentes. Comme tous ces postes avaient des caractéristiques communes, ils ont été regroupés pour le processus de nomination. L'énoncé des critères de mérite, l'examen et le guide de cotation ont été élaborés conjointement par les membres du comité d'évaluation, avec la contribution d'autres personnes. Les réponses attendues correspondaient aux renseignements qui devaient figurer dans la réponse des candidats, mais d'autres réponses étaient également acceptables.

9 Compte tenu du grand nombre de candidats qui ont passé l'examen, une consultante a été embauchée pour corriger les réponses. Celle-ci a donc reçu des explications sur le guide de cotation, et elle pouvait consulter le comité d'évaluation, au besoin. Mme Peña a expliqué que le comité d'évaluation supervisait le travail de la consultante et demeurait responsable des résultats de la correction.

10 Mme Peña a expliqué qu'au début du processus de correction, pour s'assurer de la validité du guide de cotation, la consultante avait examiné les réponses d'une douzaine de candidats, sans disposer d'aucun renseignement lui permettant d'identifier les candidats visés. Mme Peña a affirmé que la consultante avait confirmé au comité d'évaluation que le guide de cotation était bien structuré, mais qu'elle estimait que la note de passage de 3/5 était trop élevée, ce qui limiterait le taux de réussite à l'examen. Le comité d'évaluation a tenu compte de son opinion et a décidé de ramener la note de passage à 2,5/5. Une fois la correction entièrement terminée, le comité d'évaluation a examiné les réponses des candidats pour s'assurer que le travail était bien fait. Mme Peña a précisé que la consultante avait ajouté des remarques aux réponses des candidats au moyen d'une fonction de traitement de texte lui permettant d'insérer des commentaires, sans toutefois modifier le travail des candidats. C'est le comité d'évaluation qui lui avait demandé de procéder ainsi. Selon Mme Peña, le comité d'évaluation avait ainsi une bonne idée des éléments pris en compte par la consultante.

11 Le plaignant a rencontré Mme Peña pour une discussion informelle après avoir été avisé que sa candidature n'avait pas été retenue. Mme Peña a déclaré qu'elle avait ensuite discuté de l'évaluation du plaignant avec le comité d'évaluation et qu'il avait été décidé de soumettre la réponse du plaignant à la consultante pour qu'elle fasse l'objet d'une nouvelle correction. La consultante ne disposait d'aucun renseignement lui permettant d'identifier le candidat, étant donné que le comité d'évaluation ne voulait pas introduire d'élément extérieur au processus de correction. À la suite de la nouvelle correction, le résultat du plaignant a été quelque peu modifié, mais pas suffisamment pour justifier la présélection de sa candidature, étant donné qu'il n'avait pas atteint la note de passage pour trois qualifications essentielles. Le comité d'évaluation a examiné le résultat et jugé que la nouvelle correction avait été effectuée de façon appropriée. Le plaignant a ensuite été avisé du résultat.

12 Pour ce qui est de l'affirmation du plaignant selon laquelle aucun sujet n'avait été précisé dans la question d'examen, Mme Peña a affirmé qu'elle n'était pas d'accord avec le plaignant. Elle a expliqué que le sujet portait sur l'incidence de l'aide sur les donateurs. Les candidats devaient déduire ce sujet à partir de la lecture du document d'information qui faisait partie de l'examen. Toutefois, même si un candidat ne réussissait pas à délimiter le sujet, les qualifications essentielles pouvaient toujours être évaluées à partir du contenu de la réponse. De plus, Mme Peña a affirmé que la question précisait que la note d'information devait être présentée dans le format standard, mais qu'aucun format précis n'était exigé. Le comité d'évaluation a tenu compte du fait que les candidats pouvaient provenir de différents ministères et que le format de la note d'information pouvait donc varier. Après l'examen des réponses, le comité d'évaluation a jugé que le format n'avait aucune incidence sur le contenu ni sur la qualité de celles-ci. Chaque personne a donc répondu à sa manière, et 56 % des personnes évaluées ont réussi à l'examen.

13 L'intimé fait valoir qu'aux termes de l'article 36 de la LEFP, il jouit d'un vaste pouvoir discrétionnaire dans le choix des méthodes d'évaluation. Si le plaignant n'a pas compris ce qui était attendu de lui, les résultats démontrent que la plupart des candidats qui ont effectué l'examen ont obtenu la note de passage. Selon l'intimé, il n'a pas été démontré en preuve que la question d'examen était inappropriée, qu'elle a mené à un résultat inéquitable ou que la méthode employée était déraisonnable.

14 L'intimé soutient que le plaignant n'a pas réussi à prouver qu'il y avait des lacunes dans le processus de cotation ni que des actes répréhensibles ont été commis. Comme l'a expliqué Mme Peña, l'intimé a pris des mesures pour assurer l'utilisation appropriée du guide de cotation et l'intégrité du processus. Selon l'intimé, le plaignant n'a produit aucune preuve d'erreur, d'omission, de conduite irrégulière ou d'actes répréhensibles graves, susceptibles d'amener le Tribunal à conclure à l'abus de pouvoir.

15 La Commission de la fonction publique (CFP) n'a pas comparu en l'espèce, mais elle a présenté des observations écrites, expliquant les lignes directrices et les politiques pertinentes de la CFP en matière d'évaluation et de sélection. Elle n'a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte, mais a fait remarquer que les méthodes d'évaluation doivent permettre d'évaluer les qualifications pour lesquelles elles ont été conçues.

16 Pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal a déterminé que le plaignant n'a pas réussi à établir la preuve d'un abus de pouvoir au sens de l'article 77(1)a) de la LEFP.

17 L'allégation d'abus de pouvoir est sérieuse, et c'est au plaignant qu'il incombe d'apporter la preuve d'un abus de pouvoir. (Voir la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, para. 50.) Pour qu'une plainte d'abus de pouvoir soit considérée comme fondée, il faut prouver que les actes commis ne sont pas que de simples erreurs ou omissions. (Voir la décision Tibbs, para. 65.) Il faut produire des éléments de preuve concordants pour amener le Tribunal à conclure à l'abus de pouvoir, selon la prépondérance des probabilités. Il ne suffit pas d'affirmer simplement qu'un abus de pouvoir a eu lieu.

18 L'article 36 de la LEFP autorise la CFP ou son délégataire, en l'espèce l'intimé, à avoir recours « à toute méthode d'évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues – qu'elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications » pour le poste visé. Le Tribunal n'est pas convaincu que l'utilisation de l'examen susmentionné dans le processus d'évaluation constituait un abus de pouvoir. Les éléments de preuve démontrent que l'examen a été administré et que le plaignant s'y est soumis. Après l'évaluation de sa réponse, la note obtenue n'était pas suffisante et le plaignant a échoué par rapport à trois des qualifications essentielles évaluées. Selon l'argumentation de celui-ci, il est clair que s'il avait fait partie du comité d'évaluation, il aurait modifié la question et l'aurait corrigée différemment. Toutefois, ce n'est pas suffisant pour établir la preuve d'un abus de pouvoir.

19 Le plaignant a répété plusieurs fois que la question d'examen aurait dû préciser le sujet à traiter dans la réponse. Toutefois, il n'a fourni aucune explication de son point de vue, pas plus qu'il n'a présenté de preuve à l'appui. Mme Peña a affirmé que le comité d'évaluation avait prévu que les candidats déduiraient le sujet à partir de la lecture du document d'information qui accompagnait la question. Le plaignant n'a pas convaincu le Tribunal qu'il s'agissait là d'une approche déraisonnable. Le plaignant n'a pas non plus démontré que le guide de cotation ou son utilisation dans l'évaluation de la réponse comportaient des lacunes.

20 À la lumière des éléments de preuve présentés par Mme Peña, il est également clair que le processus d'évaluation visait à évaluer le contenu de la réponse des candidats. Il n'a pas été démontré que l'examen ou le guide de cotation étaient défectueux, que ce soit dans leur structure ou dans leur application.

21 Le Tribunal juge que le plaignant n'a pas réussi à établir la preuve d'un abus de pouvoir dans l'utilisation de l'examen à titre de méthode d'évaluation ou dans l'utilisation du guide de cotation qui l'accompagnait.

Décision


22 Pour les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Joanne B. Archibald
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2010-0644
Intitulé de la cause :
Xiang He et le président de l’Agence canadienne de développement international
Audience :
Le 24 octobre 2011
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 13 décembre 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Xiang He
Pour l'intimé :
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique :
Tricia Heffernan (observations écrites)
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