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Résumé :

Selon le plaignant, l’intimé aurait abusé de son pouvoir par le choix d’un processus non annoncé pour prolonger une nomination intérimaire initiale de trois semaines additionnelles. Le plaignant a fait valoir que l’intimé aurait dû d’abord songer à nommer une personne issue d’un bassin de candidats admissibles existant. Décision Le Tribunal a jugé qu’il n’y avait aucune preuve d’abus de pouvoir par rapport à la décision d’utiliser un processus de nomination non annoncé. C’était de la part de l’intimé une façon pratique de doter un poste vacant à court terme suite à une communication de la titulaire – en affectation ailleurs – annonçant le report de la date de retour à son poste d’attache. L’intimé a choisi de nommer au poste à titre intérimaire une personne issue du bassin de candidats admissibles existant. Mais vu que cette personne était indisponible pendant trois semaines, l’intimé a prolongé de trois semaines la nomination intérimaire de la personne qui occupait déjà le poste par intérim. La principale préoccupation du plaignant semblait être le fait qu’il n’avait pas pu manifester son intérêt pour la possibilité d’emploi; mais le Tribunal a fait remarquer qu’il n’y a pas de droit d’accès garanti à toutes les possibilités d’emploi. La décision de ne prendre en compte qu’une seule personne est expressément prévue à l’article 30(4) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Pour ces motifs, le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait pas apporté la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé par rapport à la décision de prolonger la nomination intérimaire au moyen d’un processus de nomination non annoncé. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2010-0476
Rendue à:
Ottawa, le 22 septembre 2011

CARL JACK
Plaignant
ET
LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Jack c. le commissaire du Service correctionnel du Canada
Référence neutre:
2011 TDFP 0026

Motifs de décision


Introduction


1 Selon le plaignant Carl Jack, le commissaire du Service correctionnel du Canada (l'intimé) aurait abusé de son pouvoir par sa décision de prolonger une nomination intérimaire au poste de gestionnaire de programme (WP-05) au moyen d'un processus de nomination non annoncé. En outre, il est d'avis qu'un bassin de candidats qualifiés existant, dont il ne fait pas partie, aurait dû être pris en considération avant la décision de prolonger la nomination. Le plaignant ne conteste pas la nomination initiale ayant précédé la prolongation de la nomination intérimaire.

2 L'intimé précise que la décision de prolonger pendant trois semaines la nomination intérimaire visait uniquement à pourvoir au poste jusqu'à ce qu'un candidat du bassin existant soit disponible, et qu'elle ne constituait pas un abus de pouvoir.

Contexte


3 Le 14 avril 2010, l'intimé a nommé à titre intérimaire Tanya Dwyer au poste de gestionnaire de programme à l'Établissement Pittsburgh, pour une période allant jusqu'au 13 août 2010. La nomination de Mme Dwyer visait à remplacer la titulaire du poste pendant son affectation ailleurs. Les parties ne contestent pas le fait qu'au départ, Mme Dwyer avait été nommée pour une période de moins de quatre mois et qu'à ce titre, la nomination ne pouvait faire l'objet d'un recours devant le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») (voir art. 14 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334).

4 Au cours de la période de nomination initiale de Mme Dwyer, l'intimé a été informé que la titulaire du poste en question poursuivrait son affectation jusqu'au 31 mars 2011. Par conséquent, la nomination de Mme Dwyer a été prolongée pour la période du 14 août au 3 septembre 2010, en attendant que d'autres mesures soient prises en vue de doter le poste pendant l'absence de la titulaire. Étant donné que la durée cumulative de la nomination de Mme Dwyer était supérieure à quatre mois, l'intimé a publié un Avis de nomination intérimaire, informant les personnes dans la zone de sélection de leur droit de déposer une plainte à l'encontre de la nomination.

5 Le 19 août 2010, le plaignant a présenté une plainte au Tribunal en vertu de l'article 77(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la « LEFP ») au motif que l'intimé aurait abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé.

Question en litige


6 Le Tribunal doit déterminer si l'intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé pour la nomination en l'espèce.

Éléments de preuve pertinents et analyse


7 Le plaignant, qui travaille comme agent de correction (CX-02) à l'Établissement Pittsburgh, a déclaré qu'il croyait posséder les qualifications essentielles pour le poste de gestionnaire de programme et que si cette possibilité d'emploi avait été offerte, d'autres personnes et lui-même auraient manifesté leur intérêt. Lorsqu'il a rempli son plan de perfectionnement personnel en septembre 2009, le plaignant a indiqué qu'il aimerait occuper une poste de gestionnaire de programme. Il a toutefois reconnu ne pas avoir participé aux processus de nomination annoncés menés pour ce poste en 2007 et en 2010, ni n'avoir fait partie d'un bassin de candidats qualifiés pour le poste de gestionnaire de programme. Néanmoins, il croyait qu'en vertu des « pratiques exemplaires » en vigueur, l'intimé aurait dû annoncer le poste vacant ou demander à d'autres employés de manifester leur intérêt avant de prolonger la nomination de Mme Dwyer, d'autant plus que l'intimé semblait avoir appris en juin 2010 que l'absence de la titulaire serait plus longue que ce qui avait été prévu au départ.

8 Crystal Thompson a affirmé avoir occupé le poste de sous-directrice à l'Établissement Pittsburgh du 31 mai au 6 septembre 2010. Peu de temps après son arrivée, elle a appris que la titulaire du poste de gestionnaire de programme ne reprendrait pas ses fonctions avant le 31 mars 2011. Elle a compris qu'il faudrait alors prolonger la nomination intérimaire, et elle a sollicité les conseils des Ressources humaines. Mme Thompson savait qu'il existait un bassin de candidats qualifiés et que Mme Dwyer n'en faisait pas partie. Elle souhaitait nommer un candidat à partir du bassin plutôt que de prolonger la nomination de Mme Dwyer. Mme Thompson a donc fourni certains critères pour le choix de la bonne personne aux Ressources humaines, qui lui ont donné le nom de huit candidats qui pourraient satisfaire à ces critères.

9 Mme Thompson a communiqué avec les candidats, et deux d'entre eux ont manifesté leur intérêt pour le poste intérimaire. Elle a donc choisi une candidate et a communiqué avec elle; cette dernière l'a toutefois informée qu'elle ne serait pas disponible avant le 8 septembre 2010. Étant donné que cette date tombait trois semaines après la fin prévue de la nomination de Mme Dwyer, Mme Thompson a examiné les solutions dont elle disposait pour doter le poste entre-temps. Par souci de stabilité au sein de l'unité de travail, elle a décidé de pourvoir au poste en prolongeant la nomination de Mme Dwyer pendant trois autres semaines. Elle a estimé qu'il n'était ni raisonnable ni possible de nommer une nouvelle personne au poste pendant une brève période. Pour en arriver à sa décision, elle a principalement tenu compte du besoin de stabilité au sein de l'unité de travail étant donné que d'importants changements avaient été apportés au programme exécuté par l'unité, et qu'à ce moment-là, le directeur adjoint, Interventions, et le directeur adjoint, Opérations, étaient tous deux absents. Mme Thompson a mentionné avoir consulté le directeur et avoir obtenu son approbation pour la prolongation de la nomination.

10 Mme Thompson a déclaré avoir évalué Mme Dwyer avant de prolonger sa nomination et l'avoir jugée qualifiée. Elle a donc préparé la demande de dotation afin de prolonger la nomination intérimaire de Mme Dwyer. Dans la demande, elle a consigné le fait que la prolongation n'était pas mentionnée dans le plan des Ressources humaines et a justifié la nomination comme suit : la nomination intérimaire existante était prolongée jusqu'à ce que la personne choisie à partir du bassin de candidats qualifiés pour le poste WP-05 soit disponible pour exercer les fonctions.

11 À l'audience, Mme Thompson a mentionné qu'à la suggestion du directeur, elle avait approché le plaignant en juillet 2010 pour lui offrir une nomination intérimaire à titre d'agent de libération conditionnelle (WP-04) à l'Établissement Millhaven. Le taux de rémunération du poste WP-04 était supérieur à celui que le plaignant touchait dans un autre établissement correctionnel. Mme Thompson a déclaré que le plaignant avait décliné l'offre pour des raisons personnelles. Il n'avait pas manifesté son intérêt pour le poste de gestionnaire de programme ni aucun autre poste. Mme Thompson a ajouté qu'elle n'avait pas encore pris connaissance du plan de perfectionnement personnel du plaignant pour l'année 2009 au moment de communiquer avec lui. Elle a lu pour la première fois le plan de perfectionnement personnel des employés ainsi que leur plan d'apprentissage individuel en septembre 2010, lorsqu'ils ont été présentés pour l'année en cours.

12 La Commission de la fonction publique (CFP) n'a pas comparu en l'espèce, mais elle a présenté des observations écrites dans lesquelles elle a abordé les lignes directrices et les orientations pertinentes de la CFP, notamment en ce qui concerne le choix du processus de nomination, l'évaluation et la sélection. Elle n'a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

13 Pour les motifs énoncés ci-après, le Tribunal a conclu que le plaignant n'a pas réussi à apporter la preuve d'un abus de pouvoir au sens de l'article 77(1)b) de la LEFP.

14 Dans la décision Jarvo c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 0006, le Tribunal a établi ce qui suit au paragraphe 7 :

L'article 33 de la LEFP autorise explicitement l'utilisation de processus de nomination non annoncés. Cependant, l'art. 77(1)b) de la LEFP stipule qu'il est possible de porter plainte relativement au choix discrétionnaire d'utiliser un processus annoncé ou non annoncé, au motif qu'il y a eu abus de pouvoir. Le Tribunal a établi que le simple fait de recourir à un processus non annoncé ne constitue pas un abus de pouvoir en soi. Pour qu'une plainte en vertu de l'art. 77(1)b) de la LEFP soit accueillie, le plaignant doit montrer, selon la prépondérance des probabilités, que le choix d'utiliser un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir.

15 La LEFP n'accorde aucune préférence au processus annoncé par rapport au processus non annoncé. L'article 33 stipule clairement que « [l]a Commission peut, en vue d'une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé ». L'article 48 énonce explicitement que dans le cas d'une nomination découlant d'un processus de nomination non annoncé, un avis approprié ne sera émis par rapport à la disponibilité antérieure d'un poste qu'après l'évaluation et la nomination imminente de la personne retenue. S'agissant d'un processus non annoncé, il n'existe aucune obligation d'émettre un avis de nomination imminente à un poste avant la nomination.

16 Le plaignant est d'avis que l'intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé pour prolonger la nomination au poste de gestionnaire de programme pendant une période de trois semaines parce qu'il croit que d'autres employés, y compris lui-même, auraient pu être qualifiés et intéressés par cette possibilité d'emploi. Il estime que l'intimé aurait dû se servir du bassin de candidats qualifiés établi pour nommer une personne pendant la période en question au lieu de prolonger la nomination de Mme Dwyer. Mme Thompson a expliqué dans les éléments de preuve les motifs de sa décision : la prolongation était de courte durée et elle permettait d'assurer la stabilité du poste de gestionnaire de programme tout en retardant la nomination de la personne provenant du bassin des candidats qualifiés jusqu'à ce que celle-ci soit disponible.

17 Le Tribunal juge qu'il n'y a aucune preuve d'abus de pouvoir dans la décision d'utiliser un processus de nomination non annoncé. Dans les circonstances, c'était une façon pratique de pourvoir à un poste vacant à court terme. La CFP a publié le Guide de mise en œuvre des lignes directrices en matière de choix du processus de nomination, qui précise que « [m]ême avec une planification efficace des ressources humaines, les exigences à court terme dues à des circonstances imprévues ou urgentes peuvent mener à la décision de combler un poste temporairement en utilisant des mécanismes tels que les nominations occasionnelles, intérimaires ou à durée déterminée ». Mme Thompson a bien expliqué les raisons à l'origine de la prolongation de la nomination intérimaire de Mme Dwyer pendant une brève période : elle a notamment mentionné la prolongation imprévue de l'absence de la titulaire du poste, la décision ultérieure d'utiliser un bassin existant de candidats qualifiés pour doter le poste vacant à long terme et le fait que la candidate choisie à partir du bassin n'était pas disponible au moment désiré. Mme Thompson a consigné sa justification dans la demande de dotation. Ses explications n'ont pas été contredites ni contestées.

18 Le plaignant n'a présenté aucune preuve démontrant que la longue période d'absence de la titulaire était prévue dès la nomination initiale de Mme Dwyer. Il n'a pas non plus montré en quoi la décision de prolonger la nomination de Mme Dwyer au moment choisi constituait un abus de pouvoir. La principale préoccupation du plaignant semble être le fait qu'il n'a pas pu manifester son intérêt pour cette possibilité d'emploi; toutefois, comme le Tribunal l'a établi au paragraphe 32 de la décision Jarvo, il n'y a pas de droit d'accès garanti à toutes les possibilités d'emploi. En outre, l'affirmation du plaignant selon laquelle d'autres personnes et lui-même pourraient être qualifiés ne prouve pas que l'intimé ait abusé de son pouvoir dans ce processus de nomination (voir la décision Clout c. le Sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 0022, para. 31). La décision de ne prendre en compte qu'une seule personne, comme cela a été le cas en l'espèce, est expressément prévue à l'article 30(4) de la LEFP.

19 Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le plaignant n'a pas apporté la preuve d'un abus de pouvoir de la part de l'intimé par rapport à la décision de prolonger la nomination intérimaire de Mme Dwyer au moyen d'un processus de nomination non annoncé.

Décision


20 La plainte est rejetée.


Joanne B. Archibald
Membre


Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2010-0476
Intitulé de la cause :
Carl Jack et le commissaire du Service correctionnel du Canada
Audience :
Le 26 juillet 2011
Kingston (Ontario)
Date des motifs :
Le 22 septembre 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Sheryl Ferguson
Pour l'intimé :
Allison Sephton
Pour la Commission
de la fonction publique :
John Unrau (observations écrites)
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