Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que la direction du groupe Vérification, finances et sciences (VFS) de son agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, a appliqué ses normes disciplinaires de manière discriminatoire lorsqu’une mesure disciplinaire a été prise à son égard en éliminant son poste du comité VFS - le plaignant a communiqué à deux reprises avec la Commission pour demander un report de son audience étant donné qu’il n’avait pas eu suffisamment de temps pour se préparer - les deux demandes ont été rejetées - il a alors demandé un report d’audience pour des raisons médicales et il a présenté un certificat médical déclarant simplement qu’il était incapable de travailler les deux semaines suivantes - le plaignant ne s’est pas présenté à une conférence téléphonique préparatoire à l’audience concernant sa plus récente demande; l’arbitre de grief a décidé que l’audience allait se tenir comme prévu et que la demande de report d’audience serait traitée avant l’audience sur le fond - le plaignant ne s’est pas présenté à l’audience, mais il y était représenté par son frère - l’arbitre de grief a rejeté la demande de report de l’audience - le plaignant a refusé l’offre de reporter l’audience pour la journée afin de lui permettre de préparer l’audience sur le fond - il a décidé d’entamer l’audience mais n’a présenté aucune preuve - à la suite de l’audience, le plaignant a écrit à la Commission pour demander que l’arbitre de grief se récuse au motif qu’elle avait déjà été au service de l’Agence du revenu du Canada et qu’elle avait été impliquée dans une affaire concernant l’un de ses principaux témoins - l’arbitre de grief a conclu que le fardeau de la preuve incombait au plaignant, et que celui-ci ne s’est pas acquitté de ce fardeau étant donné qu’il n’a présenté aucune preuve - en ce qui a trait à la question de la récusation, la commissaire a fait valoir qu’elle n’avait pas de relation directe avec le témoin et que la demande de récusation était fondée sur une situation d’emploi qui n’avait pas de lien avec la plainte dont elle est saisie. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-10-15
  • Dossier:  561-34-493
  • Référence:  2012 CRTFP 111

Devant une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique


ENTRE

PETER GILKINSON

plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Gilkinson c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret Shannon, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour le plaignant:
Paul Gilkinson

Pour le défendeur:
Steven Welchner et Martin Ranger, avocats

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 8 août 2012.
(Traduction de la CRTFP)

Plainte devant la Commission

1 Le plaignant, Peter Gilkinson (le « plaignant »), a déposé une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), alléguant que la direction du groupe Vérification, finances et sciences (VFS) avait appliqué de manière discriminatoire à son égard les normes de discipline de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« IPFPC », ou le « défendeur »), lorsque celui-ci a pris une mesure disciplinaire à son endroit lorsqu’il a refusé de retirer une résolution visant à officialiser le droit du représentant des agents professionnels (les « APPA ») de participer aux consultations. La mesure disciplinaire alléguée consiste en la suppression du poste de représentant des APPA au sein du comité exécutif du groupe VFS. Le plaignant allègue de plus que la mesure disciplinaire a été prise de manière discriminatoire, puisque les règlements administratifs du groupe VFS n’ont pas été respectés et qu’on ne lui a pas donné le droit de se faire entendre à ce sujet. Le plaignant a été élu au poste de représentant des APPA en mars 2010.

Requêtes préliminaires

2 Deux questions préliminaires ont dû être traitées avant d’entreprendre l’audience sur le fond. Le plaignant a fait une demande de report d’audience et le défendeur a demandé une copie du certificat médical soumis par le plaignant pour appuyer la demande de report de celui-ci.

3 Le plaignant a présenté deux demandes de report d’audience au motif qu’il n’avait pas eu suffisamment de temps pour se préparer pour l’audience prévue du 8 au 10 août 2012. Le 1er août 2012, ces deux demandes lui ont été refusées. Le plaignant a alors présenté, le 3 août 2012, un certificat médical daté du 2 août 2012 et signé par un médecin établissant que le plaignant était [traduction] « inapte au travail » et que son état serait réévalué deux semaines plus tard.

4 Le défendeur a été avisé de la demande de report et s’y est opposé. J’ai convoqué une conférence téléphonique préparatoire à l’audience afin de discuter de la demande; le plaignant ne s’y est pas présenté. Alors que le défendeur était au téléphone et qu’il attendait la présence du plaignant à la conférence téléphonique, un représentant de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a communiqué avec le plaignant afin de s’enquérir de ses intentions. Le plaignant a alors mentionné au représentant de la Commission qu’il ne participerait pas à la conférence préparatoire, car il voulait tout d’abord obtenir des conseils juridiques qu’il avait tenté d’obtenir jusqu’alors, mais en vain. Il s’agissait de la première fois que le plaignant mentionnait sa volonté d’être représenté par un avocat dans cette affaire.

5 Par conséquent, au lieu d’accorder ou de refuser la demande de report sans donner l’occasion aux parties de s’y pencher, j’ai ordonné que cette demande soit traitée à titre de question préliminaire avant d’entreprendre l’audience sur le fond. Les deux parties ont été avisées que l’affaire serait instruite sur le fond si la demande de report était rejetée et qu’elles devaient se préparer en conséquence. Cela a d’ailleurs été confirmé dans un courriel transmis aux deux parties, lequel se lisait comme suit :

[Traduction]

La présente fait suite à la demande de report d’audience présentée par le plaignant dans l’affaire citée en rubrique.

La commissaire a été saisie de cette demande, et une conférence téléphonique préparatoire à l’audience a été convoquée pour traiter la demande du plaignant. M. Welchner, M. Ranger et la soussignée ont participé à la conférence téléphonique. Il est noté que le plaignant a avisé la Commission par courriel le 3 août 2012, vers l’heure à laquelle la conférence téléphonique devait commencer, qu’il souhaitait obtenir des conseils juridiques avant d’aller de l’avant avec l’instruction de cette affaire.

Vu l’absence du plaignant, la conférence téléphonique n’a pas été tenue et la commissaire m’a donné instruction d’aviser les parties qu’elle examinerait la demande du plaignant en personne en début d’audience.

La commissaire entendra les arguments des parties portant sur les diverses questions ayant trait à la demande de report pour des raisons médicales, au délai requis pour obtenir des conseils juridiques, et à la remise d’une copie du certificat médical présenté par le plaignant au défendeur. Les parties sont priées de noter qu’elles doivent être prêtes à procéder sur le fond de cette affaire dans l’éventualité où la commissaire reporte le prononcé d’une décision.

Ainsi, l’audience prévue du 8 au 10 août 2012, à Toronto, aura lieu tel qu’il a été prévu.

[le passage en évidence l’est dans l’original]

6 Le plaignant ne s’est pas présenté à l’audience; il y était plutôt représenté par Paul Gilkinson, lequel a fait valoir la demande de report au nom du plaignant. Il a soutenu que, puisque le défendeur s’était déjà vu accorder deux reports sans opposition, le défendeur devrait accorder la même considération envers le plaignant. Il a également soutenu que le processus d’audience était très énervant. Il a ajouté la nervosité était exacerbée en raison des exigences documentaires du processus et des notions juridiques inconnues pour quelqu’un qui n’en avait pas l’expérience. Il a aussi soutenu que le défendeur avait imposé des contraintes indues au plaignant dans le but de le faire céder. Enfin, il a fait valoir qu’il y allait de la santé de son frère et que sa demande de report devait être accordée.

7 Le défendeur a soutenu que les circonstances entourant la demande de report suscitaient des préoccupations quant à la véracité ou à la portée des motifs liés à la demande du plaignant. Le 1er août 2012, le plaignant a fait deux demandes de report, lesquelles ont été refusées. À ces occasions, le plaignant n’a pas invoqué ses troubles médicaux. Or, deux jours plus tard, la même demande de report a été présentée, cette fois accompagnée d’un certificat médical daté du jour suivant la date à laquelle ses demandes initiales avaient été refusées. Le plaignant a refusé de remettre une copie du certificat original au défendeur, mais ce dernier était au courant de sa teneur générale. L’avocat du défendeur a fait valoir que le certificat médical était insuffisant parce qu’il ne contenait pas certaines informations essentielles, à savoir si le plaignant avait subi un examen médical et, le cas échéant, quand; si une mesure d’adaptation pouvait aider le plaignant à participer au processus; s’il avait informé le médecin de l’audience imminente; si la nature de sa maladie pouvait affecter sa capacité de participer à l’audience.

8 Le défendeur a fait valoir que la demande du plaignant était douteuse, étant donné les deux demandes qu’il avait présentées avant l’audience. Aucun élément de preuve n’a été présenté permettant d’étayer l’allégation du plaignant selon laquelle il n’était pas en mesure d’être présent à l’audience. La demande de report devait être fondée sur une attestation médicale convaincante; or, le plaignant, bien qu’avisé du fait qu’il était possible que l’on procède à l’audience dans l’éventualité où sa demande serait refusée, ne l’a pas fournie. Le plaignant était pourtant au courant des conséquences d’un rejet de sa demande de report. Il a néanmoins choisi de ne pas présenter une attestation médicale complémentaire au soutien de sa demande. Il incombe à la Commission d’établir si l’attestation médicale présentée est suffisante dans ces circonstances.

9  Le défendeur a souligné que les affirmations du plaignant au sujet des reports accordés précédemment à l’égard du défendeur étaient inexactes. Le défendeur avait refusé à deux reprises les dates d’audience proposées parce qu’il n’était pas disponible à ces dates. Aucune demande de report n’avait été faite par le défendeur à ces deux occasions. D’ailleurs, une fois l’audience mise au rôle, le défendeur n’a jamais demandé le report de l’audience. Le défendeur a également nié avoir imposé une contrainte indue ou superflue au plaignant dans le but de le faire céder. Il n’y a aucune preuve de conduite déraisonnable ou de mauvaise foi de la part du défendeur dans le cadre de ses interactions avec le plaignant. L’IPFPC a demandé de recevoir des documents quelque temps avant de finalement demander à la Commission de rendre une ordonnance de divulgation.

10 Il incombe au plaignant de présenter les preuves à l’appui de sa demande. Selon le défendeur, le plaignant ne s’est pas acquitté de cette obligation.

11 Le défendeur m’a renvoyée à Re Providence Care, Mental Health Services v. Ontario Public Service Employees Union, Local 431 (2011), 204 L.A.C. (4e) 345, au soutien de son argument voulant que le fardeau incombe au plaignant de justifier le report de l’affaire. Dans l’affaire précitée, l’arbitre de grief a conclu qu’un certificat médical indiquant simplement que le plaignant était absent à certaines dates pour des raisons médicales était, de toute évidence, insuffisant et suspect, compte tenu des circonstances entourant la demande. Le défendeur m’a également renvoyée à Balkan Glass & Aluminum Inc., [1996] O.L.R.D. no 3172 (QL), à titre de décision faisant autorité relativement à la question de procéder sur le fond et à la décision d’un arbitre de grief de reporter de prononcé de la décision relativement à la demande de report, et ce, jusqu’à ce qu’une attestation médicale complémentaire soit présentée à l’appui d’une telle demande.

12 Le plaignant a eu l’occasion de réfuter les arguments du défendeur. J’ai demandé à son représentant de me dire si le plaignant pouvait fournir et, le cas échéant, quand il pouvait fournir, une attestation médicale complémentaire lui permettant de s’acquitter de l'obligation de présenter une preuve médicale suffisante de son incapacité de se présenter à l’audience. L’audience a été suspendue afin de permettre au représentant du plaignant d’obtenir les renseignements requis. À la reprise de l’audience, quinze minutes plus tard, on m’a informée que ces renseignements ne pouvaient être obtenus que l’après-midi du vendredi suivant, nécessitant ainsi que la demande de report soit accordée.

13 J’ai ajourné l’audience afin d’examiner le bien-fondé de la demande de report, laquelle s’était transformée en demande d’ajournement. Avant d’y donner suite, j’ai avisé le représentant du plaignant que si je refusais d’accorder sa demande de report, je procéderais sur le fond de l’affaire et que le fardeau de la preuve incomberait au plaignant. Je l’ai ensuite informé du niveau de preuve requis afin d’étayer ses allégations, c’est-à-dire qu’il devait établir qu’il s’était conformé aux dispositions impératives de la Loi, et en quoi la mesure prise à son égard était un acte de nature disciplinaire et discriminatoire. Il devait également formuler le type de redressement qu’il demandait à titre de mesure corrective. Je lui ai aussi expliqué qu’il fallait présenter une preuve suffisante pour atteindre le niveau de preuve requis. Il a été avisé que je pouvais le guider dans le cheminement de ce processus, mais qu’il lui revenait, à lui ou au plaignant, de procéder à la présentation de l’affaire et de la preuve requise en convoquant des témoins ou en déposant des documents. Il a également été informé de son droit de contre-interroger les témoins que le défendeur pourrait citer à comparaître.

14 Pendant l’ajournement, j’ai consulté les Opérations du greffe afin de vérifier si le plaignant avait reçu la documentation remise aux personnes qui se représentent elles-mêmes, ce qui me fut confirmé. Une copie papier de cette documentation lui a été envoyée le 2 décembre 2010 en même temps que l’accusé de réception de sa plainte. Ces documents se trouvent également sur le site Internet de la Commission. Dans cette documentation, on précise les droits et les obligations des parties qui se représentent elles-mêmes devant la Commission. On y traite notamment de manière assez détaillée de la mise au rôle des audiences :

[…]

Préparation à l’audience

Introduction

Règle générale, le processus d’audience de la Commission est identique à celui d’une cour de justice, quoique moins formel. Les parties peuvent présenter des pièces justificatives en preuve ainsi qu’interroger et contre–interroger les témoins. L’audience leur offre la possibilité de présenter leurs arguments afin d’établir leurs allégations.

Établissement de la date d’audience

La Commission établit habituellement les dates d’audience quatre mois à l’avance à titre provisoire, en communiquant avec les parties pour qu’elles confirment si elles seront disponibles.

Avis d’audience

Quand le président renvoie une plainte à une audience, on envoie un avis d’audience à chacune des personnes dont le nom figure sur la liste de la Commission pour l’informer de la date, de l’heure et du lieu où l’audience se déroulera. L’avis d’audience est normalement envoyé un mois avant la date de l’audience.

Remise et retrait

Une audience peut être reportée à titre exceptionnel si l’une ou l’autre des parties, ou les deux, estiment qu’elles ne peuvent s’y présenter. En pareil cas, il est nécessaire de présenter une demande motivée par écrit au directeur général pour que l’audience soit reportée. La demande doit être accompagnée des raisons pour lesquelles l’audience devrait être reportée. La partie qui présente la demande doit en faire parvenir à toutes les personnes dont les noms figurent sur la liste de la Commission. La demande de report de l’audience ne devrait être présentée à la formation de la Commission qu’en cas de circonstances exceptionnelles (p.ex. : une blessure grave le matin de l’audience).

La Commission obtient l’avis de l’autre partie avant de se prononcer sur la demande de report de l’audience; toutes les personnes dont les noms figurent sur la liste de la Commission sont informées de sa décision à cet égard.

[…]

15 Il ressort également des documents précités qu’un avis d’audience a été envoyé aux parties le 4 juillet 2012. Une conférence préparatoire à l’audience a eu lieu le 26 juillet 2012 pour s’assurer que les parties étaient prêtes à entamer la procédure. À cette conférence, le plaignant a fait savoir qu’il aurait besoin de deux citations à comparaître pour ses témoins. On a aussi demandé aux parties si elles étaient d’accord sur certains faits ou documents pertinents. Pour le moment, elles ne l’étaient pas; on a demandé aux parties d’aviser la Commission, d’ici le 3 août 2012, si elles arrivaient à un accord.

16 Le 1er août 2012, le plaignant a officiellement demandé deux assignations à comparaître. L’une des assignations a d’abord été refusée par la Commission, mais elle a ensuite été délivrée au vu des arguments supplémentaires soumis par le plaignant. Le même jour, le plaignant a produit ce qu’il présentait comme une ébauche d’énoncé conjoint des faits. Les deux parties ont également demandé et obtenu, ce jour-là, les ordonnances de divulgation.

17 Tout au long de la journée du 2 août 2012, le plaignant a communiqué avec la Commission afin d’obtenir des conseils au sujet de diverses questions, notamment la possibilité que les dépens soient adjugés contre lui. En outre, un différend est survenu entre les parties au sujet de la tentative de remise de documents par le plaignant à un des avocats du défendeur dont le bureau se trouvait à Toronto, où résidait également le plaignant.

18 À aucun moment, il n’a été fait mention d’une demande de report pour des raisons médicales.

19 Le 3 août 2012, le plaignant a envoyé un courriel à la Commission, avisant celle-ci qu’il ne pourrait pas se présenter à l’audience pour des raisons médicales. Durant la pause du midi, le 3 août 2012, le plaignant a transmis à la Commission, par télécopieur, une note d’un médecin inscrite sur une feuille d’ordonnance médicale à l’effet qu’il était [traduction] « inapte au travail » pour deux semaines. Un échange de courriels a eu lieu par la suite entre la Commission et le plaignant afin de s’enquérir de ses intentions. Il a confirmé qu’il demandait un report de l’audience dont la tenue était prévue du 8 au 10 août 2012. La Commission a avisé le défendeur de cette demande, lequel a répondu qu’il s’y opposait et qu’il souhaitait être entendu à ce sujet.

20 Une conférence préparatoire à l’audience a alors été convoquée pour le 3 août 2012, à 15 h, afin de discuter de la demande de report et de régler le différend au sujet de la remise des documents. Les parties ont été avisées par courriel de l’heure de la conférence préparatoire et des directives pour y participer. Le défendeur s’est joint à la conférence téléphonique à l’heure indiquée, mais non le plaignant. La Commission a été avisée par la suite que le plaignant ne se joindrait pas à la conférence téléphonique convoquée par la Commission, puisqu’il n’avait pas pu obtenir les services d’un conseiller juridique.

21 J’ai également examiné le dossier de la Commission, dans lequel on retrouve une multitude de courriels échangés entre la Commission et le plaignant tout au long de la période précédant la tenue de l’audience. Le plaignant a présenté à la Commission sa première demande de report à 10 h 6, le 1er août 2012. Cette demande se lisait comme suit :

[Traduction]

Je voudrais demander un report de l’audience à une date ultérieure […]

Les raisons de ma demande sont les suivantes […]

J’estime que la rédaction de l’énoncé conjoint des faits a été commencée trop tardivement, qu’il est élaboré sous la pression et qu’il n’y a pas suffisamment de temps, compte tenu de ma situation décrite ci-dessous, pour préparer un énoncé conjoint des faits approprié […]

Il y a plusieurs problèmes avec lesquels je dois composer […]

J’enseigne le soir au Collège Sheridan et je m’étais engagé à corriger deux séries d’examens à mon retour. J’ai dû accomplir cette tâche le soir, car je travaille durant le jour.

Je viens de passer deux semaines à Vancouver. J’ai travaillé durant la première semaine et, la deuxième, j’ai participé à une croisière en Alaska […]

J’ai récemment commencé à occuper un nouveau poste à titre d’instructeur contractuel en droit fiscal à l’ARC. Le poste consiste en une affectation renouvelable. La reconduction de ce mandat est fondée sur le rendement, et le rendement est évalué chaque session.

Ce travail nécessite la préparation des cours un trimestre à l’avance. J’ai demandé un congé du 7 au 10 août. Je prévoyais me préparer le 6 et le 7 août et me présenter à l’audience du 8 au 10 août. J’avais planifié cela en pensant que je n’avais pas d’autres démarches à effectuer et que je devais simplement me présenter avec mon document le 8 août.

J’étais inscrit à l’horaire pour travailler la semaine dernière ainsi que cette semaine. Je dois travailler.

J’enseigne un nouveau cours à Halifax après ce semestre. Règle générale, lorsqu’il s’agit d’un nouveau cours le temps de préparation accordé est insuffisant, et il faut donc y consacrer plus de temps. J’accomplis ce travail les soirs et les fins de semaine, sans être rémunéré […]

Cela ne me dérange pas de faire tout le boulot, encore faut-il que j’aie le temps de le faire […]

Si l’audience était reportée, maintenant que je comprends mieux les rouages du système, je conviendrais d’un rendez-vous avec l’IPFPC, suffisamment à l’avance de la date d’audience, je prendrais congé de mon travail, et je ferais tout le nécessaire au moins trois semaines à l’avance

22 Le défendeur s’est opposé à la demande pour diverses raisons. Les parties ont été avisées à 11 h 39, le 1er août 2012, que la demande de report avait été refusée. À 12 h 45, le même jour, le plaignant a de nouveau demandé un report de l’audience au moyen d’un courriel envoyé à la Commission, dans lequel il écrit ce qui suit :

[Traduction]

Il m’est impossible de consacrer plus de temps non-planifié à cette affaire.

Tel que je l’ai expliqué, et à ce que je sache, je comptais me présenter mercredi prochain avec mes cartables. Je me demandais comment tout cela fonctionnait, puisqu’il y des centaines de pages de documents […]

Voici une idée de mon horaire de travail :

Semaine du 29 juin Kitchener – Enseignement
Semaine du 6 juillet Toronto (est) – Enseignement
Semaine du 13 juillet Vancouver – Enseignement
Semaine du 20 juillet Vancouver – Croisière en Alaska
[…]

Un énoncé conjoint des faits prend du temps à développer; comme vous pouvez le constater de ce qui précède, je n’ai pas eu de temps à y consacrer. Je dois planifier mon temps trois mois à l’avance et je dois savoir ce dont il s’agit afin de me préparer. Il m’aurait fait plaisir de prendre congé de mon travail si j’avais su […].

Durant la soirée, pendant que j’enseignais à Kitchener et à Toronto (est), je devais préparer mes cours du lendemain. Je n’avais littéralement qu’une seule journée d’avance par rapport aux connaissances que je devais enseigner à mes élèves le lendemain.

Il ne me restait pas de temps à consacrer à des activités non planifiées […].

Et maintenant, à la dernière minute, l’IPFPC veut faire exactement ce que j’avais suggéré un an auparavant.

J’aurais pu m’organiser pour y arriver, car je n’ai pas de problème à travailler avec des délais serrés, mais encore faut-il que je le sache et que je puisse demander un congé de mon travail pour y arriver.

Cela ne pourrait pas fonctionner si je travaillais le soir et qu’ils travaillent pendant la journée […].

C’est l’IPFPC qui a retardé le processus par le passé. Après qu’on leur ait accordé leur deuxième occasion de refuser les dates d’audience proposées, je leur ai dit que l’affaire tirait en longueur et qu’il fallait arriver à une conclusion […].

Je sais que l’IPFPC utilise des laissez-passer d’Air Canada et ne subirait donc aucune perte en raison de l’annulation des réservations. Il reste suffisamment de temps pour annuler sans frais les réservations d’hôtel.

23 La demande de report a été refusée encore une fois, après quoi le plaignant a soumis une ébauche d’énoncé conjoint des faits qu’il a rédigé. Dans sa correspondance avec la Commission, il mentionne notamment ce qui suit :

[Traduction]

Il ne me reste plus de temps non prévu à mon horaire pour m’occuper de cela. J’ai pris beaucoup de retard dans mon travail.

24 Le lendemain, le 2 août 2012, le plaignant a demandé un certificat médical pour pouvoir s’absenter de son travail. Il n’y était pas indiqué en quoi son état de santé l’empêchait de participer à une procédure juridique ou à l’audience en l’espèce.

25 En me fondant sur les communications précitées, les excuses divergentes données pour expliquer son absence à la conférence préparatoire du 3 août 2012, et la conduite du plaignant, je conclus que le certificat médical est douteux. En l’absence de preuve permettant de réfuter cette conclusion, laquelle pouvait être obtenue dans les plus brefs délais, j’ai refusé la demande de report, devenue dans l’intérim une demande d’ajournement. J’ai également rejeté la demande du défendeur pour que lui soit fournie une copie du certificat médical du plaignant, car il suffit que le défendeur ait été avisé que ce document avait été fourni à la Commission.

26 Par la même occasion, j’ai offert au représentant du plaignant la possibilité d’ajourner l’audience pour quelques heures ou même jusqu’au lendemain pour qu’il puisse se préparer en vue de l’audience sur le fond de l’affaire. Il a clairement rejeté cette offre. Après un bref ajournement, dont la durée a été déterminée par le représentant du plaignant, il a choisi de commencer l’audience sur le fond l’après-midi même. Je lui ai à nouveau rappelé le niveau de preuve requis pour établir le bien-fondé de la cause pour le compte du plaignant et pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui incombe au plaignant.

27 Le 10 août 2012, alors que l’audience était terminée et que les deux parties avaient terminé leurs présentations respectives, le plaignant a communiqué avec la Commission demandant que je me récuse au motif que j’avais déjà été au service de l’Agence du revenu du Canada et que j’avais été impliquée dans un dossier se rapportant à un de ses principaux témoins. Le plaignant n’a pas fait parvenir de copie de cette demande au défendeur.

Résumé de la preuve

28 Dans son exposé introductif, le représentant du plaignant a évoqué ce qu’il considérait comme étant les faits à la base du litige. Il a indiqué que le plaignant avait été élu au poste de représentant des APPA en avril 2010. (Cette affirmation ne concorde toutefois pas avec les documents déposés auprès de la Commission, dans lesquels il est précisé que le plaignant avait été élu en mars 2010; toutefois, ce fait n’a pas d’impact en l’espèce). Par la suite, le plaignant a présenté une résolution à l’assemblée générale annuelle du groupe VFS voulant que le représentant des APPA ait le droit de participer aux réunions du comité exécutif du groupe VFS à titre de représentant des membres faisant partie de l’APPA. Le président du groupe VFS lui a demandé de retirer sa motion; le plaignant a refusé d’obtempérer. Le président du groupe VFS a présenté une résolution au cours de la même assemblée générale visant à supprimer le poste de représentant des APPA. La résolution proposant de supprimer le poste de représentant des APPA a été débattue avant celle déposée par le plaignant. Selon le plaignant, sa résolution avait pour but de favoriser la transparence au sein du comité exécutif du groupe VFS.

29 La décision de soumettre la résolution visant à supprimer le poste de représentant des APPA au comité des règlements du groupe VFS a été annulée par le conseil d’administration de l’IPFPC.

30 Son poste supprimé, le plaignant a été écarté de toute participation au comité exécutif du groupe VFS, ce qui, selon lui, est une mesure disciplinaire extrême. La résolution visant à supprimer le poste de représentant des APPA a été proposée uniquement à la suite du refus du plaignant de retirer sa résolution.

31 Le représentant du plaignant a ensuite terminé la présentation de son dossier sans présenter de preuve, et ce, en dépit du fait qu’il avait cité deux témoins à comparaître et que l’un de ces témoins était présent dans la salle d’audience. J’ai averti le fonctionnaire qu’il aurait intérêt à revenir sur cette décision et je l’ai fortement incité à faire entendre ses témoins. Il a toutefois choisi de conclure son argumentation. Je souligne au passage que le représentant du plaignant a également choisi de ne pas présenter de preuve documentaire au soutien de sa cause, bien qu’il avait en sa possession, dans la salle d’audience, des cartables remplis de documents.

32 L’avocat du défendeur n’a pas fait d’exposé introductif. Il a plutôt présenté une requête de non-lieu en invoquant le fait que le plaignant n’avait présenté aucune preuve, signifiant par le fait même qu’il n’avait aucune charge de preuve à assumer. Du coup, le défendeur n’avait rien à réfuter. Lors de sa plaidoirie, l’avocat du défendeur m’a rappelé les conseils que j’avais donnés plus tôt au représentant du plaignant au sujet du fardeau de la preuve qui lui incombait, ce qui nécessitait qu’il fasse entendre un ou des témoins.

33 Le représentant du plaignant a alors abordé la question de la requête de non-lieu et a affirmé que la preuve était évidente : le plaignant avait été élu au poste de représentant des APPA, il a présenté une résolution à l’assemblée générale annuelle, et son poste a été supprimé. Les faits parlent d’eux-mêmes.

34 J’ai pris ma décision en délibéré en ce qui concerne la requête et j’ai demandé à l’avocat du défendeur s’il était prêt à présenter sa cause. Ils m’ont fait savoir qu’ils ne feraient pas entendre de témoins.

Résumé de l’argumentation

35 Le représentant du plaignant a fait valoir qu’il y avait suffisamment de preuve démontrant qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire. Le plaignant a cherché à promouvoir la transparence du comité exécutif du groupe VFS, et on a aussitôt supprimé son poste.

36 Le défendeur a soutenu qu’un exposé introductif n’était pas une preuve. La description du préjudice occasionné au plaignant ne constitue pas non plus un élément de preuve. Lorsque le plaignant ne s’est pas présenté, le fardeau de la preuve n’est pas pour autant retombé sur le défendeur, il n’incombait pas à ce dernier de prouver qu’il n’avait pas contrevenu à l’article 190 de la Loi. En effet, il incombait au plaignant d’établir le bien-fondé de sa plainte; ce fardeau n’est pas retombé sur le défendeur en raison de l’absence du plaignant à l’audience.

37 En guise de réfutation, le plaignant a fait valoir que le défendeur avait la possibilité de citer son témoin qui était présent dans la salle d’audience à comparaître et de présenter son témoignage en preuve, ce qui m’aurait aidée à rendre ma décision sur le fond. Or, il ne l’a pas fait. Selon la preuve, le plaignant occupait le poste de représentant des APPA jusqu’au moment où le président du groupe VFS a présenté sa résolution visant à supprimer ce poste.

Motifs

38 La demande de récusation : J’examinerai en premier lieu la demande de récusation, car si je devais l’accueillir, il n’y aurait pas lieu pour moi d’aller plus loin dans l’analyse sur le fond de la présente affaire.

39 Dans Evidence and Procedure in Canadian Labour Arbitration, aux pages 5-3 à 5-6, les auteurs font état de la neutralité attendue d’un conseil d’arbitrage :

[Traduction]

Bien qu’il puisse y avoir un débat pour déterminer dans quelle mesure une personne nommée à un conseil d’arbitrage puisse entretenir des rapports avec une partie au point de remettre en cause son impartialité et son objectivité, la personne désignée pour présider le conseil ou pour y agir à titre d’arbitre unique dans le cadre d’une affaire doit assurément être neutre. […] Il est d’emblée reconnu que le critère à retenir afin d’établir la neutralité de la personne qui préside un conseil d’arbitrage est celui d’une « crainte raisonnable de partialité », d’une « vraisemblance de partialité » ou d’un « soupçon de partialité ». Cette appréhension doit être le fait « d’une personne sensée et raisonnable, qui se poserait elle-même la question », « d’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique ». […] Par ailleurs, la vraisemblance de partialité doit être véritable, et non une question « d’hypothèses ou de conjectures ». La neutralité d’un arbitre a été contestée dans des cas où, avant d’être nommé à titre de personne neutre, il avait été impliqué d’une façon ou d’une autre à titre de « partisan » dans des questions de relations de travail. […] [Toutefois], si l’association de cette personne avec une partie était inscrite dans un contexte n’impliquant pas un lien d’adversité avec l’autre partie, ou si ce lien avait pris fin quelque temps avant la nomination de l’arbitre, on ne pourrait conclure à une crainte raisonnable de partialité de sa part.

40 Aucune copie de la correspondance entre le plaignant et la Commission n’a été envoyée au défendeur. Dans cette correspondance, le plaignant fonde sa demande de récusation sur une prétendue relation antérieure que j’ai pu entretenir avec un de ses témoins. La demande ne suggère aucunement l’existence d’une relation antérieure avec une des parties, mais plutôt avec un de ses témoins. Or, il n’existe aucun lien direct avec le témoin en question. J’ai fourni des conseils relativement à une situation professionnelle impliquant le témoin en question. À l’époque, le témoin et moi-même étions tous les deux au service de l’Agence du revenu du Canada, quoique dans des directions et des villes différentes.

41 Le critère applicable pour déterminer s’il existe un motif raisonnable de crainte de partialité ou de vraisemblance raisonnable de partialité a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369 :

[…]

La Cour d’appel a défini avec justesse le critère applicable dans une affaire de ce genre. Selon le passage précité, la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique […] »

[…]

42 Dans Adams v. British Columbia (Workers’ Compensation Board) (1989), 42 B.C.L.R. (2e) 228, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique s’est également penchée sur la nature de la preuve requise pour démontrer l’existence d’une apparence de partialité :

[Traduction]

[…]

[…] des preuves suffisantes pour démontrer que, pour une personne raisonnable, il y a tout lieu de craindre que la personne contre qui elle [l’allégation] est formulée ne fera pas montre d’un esprit impartial […] les soupçons ne sont pas suffisants.

[…]

43 La demande de récusation présentée par le plaignant est fondée sur des informations obtenues auprès d’autres personnes affirmant qu’il pourrait exister un conflit d’intérêts relativement à une personne citée à témoigner dans cette affaire, et non sur une connaissance personnelle que je pourrais avoir de cette affaire en particulier. Puisque le plaignant n’a pas soulevé cette question avant la tenue de l’audience et qu’il ne s’est pas présenté à l’audience, aucune autre information ne vient étayer sa demande de récusation.

44 La demande de récusation du plaignant repose sur un soupçon qui n’a aucun rapport avec lui ou quelque partie visée par sa plainte. Elle repose également sur une situation professionnelle qui n’a aucun rapport avec le contexte factuel de l’affaire dont je suis saisie. De toute évidence, il n’existe aucun lien entre la plainte dont je suis saisie et les motifs sur lesquels la demande de récusation est fondée.

45 Dans Nelson c. Service canadien du renseignement, 2012 CRTFP 65, la vice-présidente Linda Gobeil s’est exprimée comme suit sur cette question, à la page 4 :

[J]’estime que la fonctionnaire doit démontrer au-delà des simples soupçons, qu’une personne raisonnable et bien renseignée pourrait croire que, selon toute vraisemblance, je serais partiale dans le traitement du dossier de grief de la fonctionnaire et ne rendrais pas une décision juste.

46 À la différence de la demande dont je suis saisie, la demande de récusation dans Nelson était fondée sur l’existence de liens personnels entre l’arbitre de grief et un cadre supérieur de l’une des parties visée par le grief. Même dans ces circonstances, les soupçons entretenus par le fonctionnaire s’estimant lésé n’étaient pas suffisants pour démontrer que ce lien était de nature à influer sur la partialité de l’arbitre de grief appelée à instruire le grief.

47 Il n’existe aucun lien entre le témoin et moi; il n’en a d’ailleurs jamais existé. En fait, le témoin et moi ne nous sommes jamais rencontrés et n’avons jamais communiqué l’un avec l’autre. J’ai fourni des conseils relativement à une situation professionnelle qui mettait en cause le témoin à l’employeur de celui-ci. La situation professionnelle en question avait été soulevée par le représentant syndical du témoin, avec qui j’ai communiqué par téléphone à la demande de l’employeur. Je n’ai jamais rencontré le représentant syndical à qui j’ai parlé à cette occasion. D’ailleurs, peu après la conversation précitée avec le représentant syndical, ma participation dans cette affaire a cessé alors que je suis partie en vacances au moins dix-huit mois avant que je sois saisie de l’affaire en l’espèce.

48 La prestation de conseils auprès de l’employeur faisait partie des tâches habituelles des fonctions que j’exerçais à l’époque, et la situation évoquée s’inscrivait parmi les centaines de situations professionnelles au sujet desquelles on me consultait. Il n’existe aucunement, ni présentement ni auparavant, quelque lien entre le témoin et moi-même pouvant justifier de quelque manière ma récusation. Son dossier compte parmi les milliers de dossiers qu’il m’a été donné de traiter au cours de ma carrière dans le domaine des relations de travail. Les soupçons du plaignant à l’effet qu’une question sans aucun rapport avec la présente affaire et qui a pu faire en sorte que le destin de l’un de ses témoins et mon propre destin se soient croisés à un certain moment par le passé ne sont aucunement suffisants pour démontrer l’existence de quelque partialité de ma part.

49 Un juge est présumé impartial (voir Taylor Ventures Ltd. (Trustee of) v. Taylor, 2005 BCCA 350, au paragraphe 7). Cela dit, et lorsque saisie d’une demande de récusation fondée sur un soupçon de partialité et n’ayant aucun rapport avec une partie visée par l’affaire en question, je conclus que les allégations de partialité formulées par le plaignant ne sont pas fondées. À l’instar de l’arbitre de grief dans Scharf c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 89, citant un extrait du paragraphe 9 de Taylor, je suis rassurée par l’avis exprimé par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique :

[Traduction]

[…]

Toute personne raisonnable, bien informée, accepterait l’assurance donnée par le juge qu’il ou elle déciderait de la cause uniquement en se fondant sur la preuve admise lors du procès. Cette obligation est à ce point intrinsèque à la fonction judiciaire que les préoccupations de l’appelant ne constituent rien de plus que des soupçons sans fondement.

50 Pour ces motifs, je conclus qu’il n’existe aucun fondement permettant d’étayer la demande de récusation formulée par le plaignant à mon endroit.

51 La plainte : Afin d’étayer une allégation à l’effet qu’une organisation syndicale a contrevenu à l’alinéa 190(1)g) de la Loi, le plaignant doit démontrer qu’il ou elle a suivi la procédure de son organisation syndicale à laquelle il avait accès en matière de présentation de grief ou d’appel, que l’organisation syndicale a traité le grief ou l’appel, ou que six mois se sont écoulés depuis la présentation du grief ou de l’appel et que l’organisation syndicale ne l’a toujours pas traité. Toute plainte doit être adressée à la Commission dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la décision, ou à l’expiration de la période de six mois lorsque l’organisation syndicale ne tranche pas la question.

52 Le plaignant doit également fournir la preuve de l’existence de la mesure disciplinaire alléguée et démontrer, le cas échéant, que cette mesure était injuste ou déraisonnable. Il ne suffit pas d’alléguer qu’il ou elle a fait l’objet d’une pratique discriminatoire. Le plaignant doit établir en preuve l’existence d’un traitement préjudiciable à son égard. À elle seule, une allégation ne constitue aucunement une preuve (voir Tshibangu c. Administrateur général (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2011 CRTFP 143).

53 Dans le cas qui nous occupe, aucune preuve de cette nature ne m’a été présentée. Le représentant du plaignant a choisi de conclure sa preuve sans faire entendre quelque témoin, bien que deux témoins avaient été dûment cités à comparaître et qu’un d’eux était effectivement présent à l’audience, et bien que je lui aie demandé de reconsidérer sa décision. Le défendeur n’a pas non plus présenté de preuve. Le fardeau de la preuve incombait cependant au plaignant. Je ne peux faire retomber la charge de la preuve sur le défendeur au motif que le représentant du plaignant a choisi de présenter la cause du plaignant d’une manière plutôt que d’une autre.

54 Je ne peux non plus recueillir moi-même des preuves ou formuler des hypothèses de faits, à moins dans ce dernier cas que de telles hypothèses proviennent de la preuve dûment présentée en l’espèce, tel qu’il est énoncé au paragraphe 9 de National Association of Broadcast Employees and Technicians v. Baton Broadcasting (1970), 21 L.A.C. 7 :

[Traduction]

[…] Il incombe à la partie de présenter en preuve ce qui est nécessaire afin d’établir tous les faits requis afin que présentation de cela cause de cette partie soit une réussite […] À moins que les parties aient convenu de l’existence de certains faits ou que ceux-ci aient été établis en preuve, il n’y a aucune cause devant moi.

55 Il revient aux parties seules de présenter les éléments de preuve permettant d’atteindre le niveau de preuve requis dans leur cas. À moins qu’il n’existe un exposé conjoint des faits ou quelque décision pertinente d’un tribunal compétent en la matière, ou encore lorsqu’il pourrait y avoir lieu d’appliquer le principe de préclusion, tous les autres faits doivent être dûment établis au moyen de preuves documentaires ou par des témoignages verbaux, voir United Steelworkers, Local 958 v. Consolidated Canadian Faraday Ltd. (1969), 20 L.A.C. 425).

56 L’exposé introductif du représentant du plaignant, tout comme les arguments qu’il a présentés, ne sauraient constituer de la preuve. Il en va de même pour les plaidoiries. Lorsqu’aucune preuve n’est présentée, hormis les arguments présentés par le représentant d’une partie ou son avocat, il y a lieu de rejeter la plainte au motif qu’aucune preuve ne permet d’étayer les allégations sur lesquelles la plainte est fondée (voir Re International Association of Machinists, Lodge 1922 v. Hawker Siddeley Canada Ltd. (1963), 14 L.A.C. 219).

57 Le plaignant n’a pas présenté de témoignage ou de preuve documentaire permettant d’étayer ses allégations. En conséquence, la plainte est rejetée au motif qu’aucune preuve ne permet d’étayer les allégations sur lesquelles la plainte est fondée.

58 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

59 La demande de récusation est rejetée.

60 La plainte est rejetée.

Le 15 octobre 2012.

Traduction de la CRTFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique

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