Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, un employé nommé pour une période déterminée, a allégué que la décision de ne pas renouveler son contrat d’une période déterminée était discriminatoire - l’employeur avait informé le syndicat du fonctionnaire s’estimant lésé qu’il y aurait une réduction du nombre d’employés dans la section en raison d’une diminution de la charge de travail - les critères pour déterminer quels contrats ne seraient pas renouvelés n’étaient pas clairs, puisque certaines preuves démontraient que la décision pourrait être fondée sur l’assiduité au travail et le rendement, alors que d’autres laissaient croire qu’elle serait basée sur le principe du [traduction] <<dernier entré, premier sorti>> - le fonctionnaire s’estimant lésé a été en congé de maladie pendant un moment, mais il était de retour au travail - lors d’une réunion prévue pour discuter des préoccupations du fonctionnaire s’estimant lésé à l’égard de son milieu de travail, ce dernier a reçu un préavis l’informant que son contrat ne serait pas renouvelé - une offre d’emploi pour le poste qu'il avait occupé a été affichée plusieurs semaines après l’expiration de son contrat - même si le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas le [traduction] <<dernier [à] entr[er]>>, le gestionnaire par intérim a affirmé que le contrat du fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas été renouvelé parce qu’il était le prochain à venir à échéance - un arbitre de grief n’a pas compétence pour trancher des griefs qui contestent le non-renouvellement d’un contrat, à moins que le fonctionnaire s’estimant lésé ne démontre que la décision de ne pas renouveler son contrat était de mauvaise foi - le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas acquitté de cette charge - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait fait aucune demande de mesure d’adaptation et qu’aucun élément de preuve n'indiquait que la décision était fondée sur l’invalidité du fonctionnaire s’estimant lésé - l’offre d’emploi était nécessaire pour créer un bassin de candidats qualifiés pour répondre aux besoins futurs lorsque la charge de travail augmenterait - le gestionnaire par intérim qui a pris la décision de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais été informé par l’employeur que l’assiduité au travail pouvait être un motif de décision - étant donné qu’il n’a pas été démontré que l’employeur avait fait preuve de mauvaise foi, l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence pour instruire l’affaire. Griefs rejetés. Dossiers clos.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-10-04
  • Dossier:  566-02-6153 à 6156
  • Référence:  2012 CRTFP 104

Devant un arbitre de grief


ENTRE

BURT MEDEIROS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

employeur

et

Administrateur général
(ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

défendeur

Répertorié
Medeiros c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) et Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
Ray Domeij, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur et défendeur:
Karen Clifford, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 20 au 22 août 2012.
(Arguments écrits supplémentaires déposés les 22 et 28 août 2012).
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1  Burt Medeiros, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») occupait un poste d’examinateur téléphonique à Passeport Canada, une agence du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (l’« employeur »). Il travaillait à Gatineau (Québec). Le 28 mai 2008, le fonctionnaire a été embauché pour une période déterminée. Il a travaillé pour l’employeur pendant deux ans. Son dernier contrat d’une période déterminée allait du 10 mai 2009 au 10 mai 2010. Ce contrat n’a pas été renouvelé.

2 Le 20 avril 2010, le fonctionnaire a présenté un premier grief contre le non-renouvellement de son contrat d’une durée déterminée. Dans ce grief, il a demandé que son contrat soit renouvelé. Dans son second grief, présenté le 7 juin 2010, le fonctionnaire a affirmé que, selon de nouveaux éléments de preuve qu’il avait reçus, il estimait le non-renouvellement de son contrat par l’employeur constituait de la discrimination. Il a demandé que l’employeur respecte la convention collective, cesse de faire preuve de discrimination à son égard et renouvelle son contrat.

3 Chaque grief a été renvoyé deux fois à l’arbitrage, tout d’abord en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») et ensuite en vertu de l’alinéa 209(1)b) en tant que violation de la clause sur l’élimination de la discrimination de la convention collective conclue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat ») et le Conseil du Trésor, pour le groupe Services des programmes et de l’administration (échéance : le 20 juin 2011) (la « convention collective »). Le fonctionnaire a donné un avis approprié à la Commission canadienne des droits de la personne concernant le fait qu’il soulevait une question ayant trait à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C (1985), ch. H-6 (la « LCDP »).

4 Le 9 février 2012, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre les griefs, puisque ceux-ci concernent le non-renouvellement d’un contrat d’une durée déterminée. L’employeur a allégué que le paragraphe 58(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la « LEFP ») stipulait qu’un fonctionnaire perdait sa qualité de fonctionnaire à la fin de son contrat, à moins que ce contrat soit renouvelé. Selon l’employeur, un arbitre de grief ne peut pas remettre en question la décision de l’employeur de ne pas renouveler le contrat d’un employé nommé pour une période déterminée. Il a aussi indiqué que je n’avais pas compétence pour entendre le second grief, puisque le fonctionnaire n’avait pas établi une preuve prima facie. Le fonctionnaire n’a pas souscrit à la position de l’employeur. Le 27 février 2012, il a répondu qu’un arbitre de grief avait compétence pour trancher un grief portant sur la discrimination et que l’employeur avait l’obligation d’agir de bonne foi relativement à sa décision de ne pas renouveler un contrat d’une durée déterminée.

5 Le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a informé les parties qu’une audience serait fixée et qu’elles pourraient défendre leurs positions relativement à l’objection de l’employeur lors de cette audience.

II. Résumé de la preuve

6 Le fonctionnaire a témoigné. Il a aussi cité Rose Touhey et Karl Lafrenière à témoigner. Mme Touhey et M. Lafrenière travaillent pour l’employeur. Ils sont aussi dirigeants syndicaux. Mme Touhey est la présidente de la section locale du syndicat, et M. Lafrenière en est le vice-président. Le fonctionnaire a présenté 20 documents en preuve. L’employeur a cité Louise Sabourin comme témoin. Entre mars et mai 2010, Mme Sabourin était la gestionnaire par intérim de l’unité où travaillait le fonctionnaire. Elle a pris la décision de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire. L’employeur a présenté neuf documents en preuve.

7 Le fonctionnaire travaillait dans la section des agents réceptionnaires de l’employeur, à Gatineau. Cette section dessert des organismes gouvernementaux comme Service Canada ou Postes Canada, qui distribuent ou reçoivent les demandes de passeports des citoyens. En mai 2010, six examinateurs téléphoniques travaillaient dans cette section, dont quatre étaient des employés nommés pour une période déterminée. D’autres examinateurs téléphoniques travaillaient dans la section du courrier, dans la section des députés et dans la section internationale. Selon le fonctionnaire, par le passé, les employés de sa section faisaient des heures supplémentaires dans d’autres sections.

8 En février 2009, le fonctionnaire a commencé à prendre du Champix pour tenter de cesser de fumer. Ce traitement l’a grandement affecté. Quelques-uns de ses collègues se sont plaints à son sujet, et il leur a fait des excuses. Après avoir cessé de prendre du Champix, il a commencé à se sentir déprimé. Avec le temps, sa santé s’est détériorée. Il a consulté son médecin et a pris un congé de maladie du 16 novembre 2009 au 7 février 2010. Son absence était justifiée par deux certificats médicaux qui ont été fournis à l’employeur. L’employeur ne connaissait pas la nature de la maladie du fonctionnaire. Il a approuvé son absence, mais lorsque le fonctionnaire a épuisé ses congés de maladie payés, il a refusé de lui payer des congés anticipés.

9 En février 2010, lorsque le fonctionnaire est retourné travailler, un bureau ou espace de travail différent lui a été attribué. Ce bureau était situé entre celui de son superviseur et celui de « A.B ». À sa première journée, le fonctionnaire a demandé à A.B. s’il était heureux de son retour. A.B. a répondu que ça lui était égal. Le fonctionnaire ne s’est pas senti le bienvenue, ce qui a augmenté la pression qu’il ressentait déjà relativement à l’accomplissement de son travail. Le fait que son superviseur se trouve juste à côté de lui ajoutait également de la pression. Il a commencé à souffrir d’anxiété. Un jour, A.B. lui a brusquement remis un dossier en lui disant de s’en occuper parce qu’il était rédigé en portugais. Une réunion a été organisée entre l’employeur, A.B. et le fonctionnaire, au cours duquel A.B. s’est excusé.

10 Après son retour au travail, en février 2010, le fonctionnaire voyait toujours son médecin, car il avait encore quelques problèmes de santé. Afin de diminuer son niveau d’anxiété, le fonctionnaire a demandé à son superviseur s’il pouvait travailler quatre jours par semaine et prendre un congé annuel tous les lundis. Sa demande a été acceptée.

11 Le 3 mars 2010, le fonctionnaire a écrit à M. Lafrenière. Il lui a mentionné la pression qu’il ressentait parce qu’il travaillait dans le bureau situé juste à côté de celui de son superviseur, qui pouvait entendre tout ce qu’il disait au téléphone. Selon le fonctionnaire, son superviseur lui aurait dit une fois : [traduction] « Je te surveille ». Le fonctionnaire a écrit à M. Lafrenière qu’il se sentait paranoïaque et suicidaire depuis que son superviseur lui avait tenu ces propos, et que sa souffrance morale était quotidienne. M. Lafrenière a discuté de la question avec Maryse Allain, une agente des relations de travail de l’employeur, et lui a remis une copie du courriel du fonctionnaire. Selon M. Lafrenière, l’employeur n’a rien fait.

12 Plus tard, M. Lafrenière a demandé à l’employeur de déménager l’employeur dans un bureau qui n’était pas situé à côté de celui de son superviseur. L’employeur n’a jamais accepté, même si à un certain moment un bureau était vacant et que le fonctionnaire aurait pu y être installé. Selon M. Lafrenière, l’employeur n’a rien fait pour aider le fonctionnaire et n’a pas accédé à sa demande. Le 1er avril 2010, une réunion a été organisée avec l’employeur afin de discuter des problèmes du fonctionnaire. Plutôt que de discuter des questions précédemment soulevées par le fonctionnaire, l’employeur lui a donné une lettre de licenciement. Cela a énormément stressé le fonctionnaire, qui était bouleversé. Mme Sabourin a déclaré qu’elle avait remis la lettre de licenciement au fonctionnaire à ce moment-là, parce qu’elle souhaitait lui donner un préavis d’un mois et qu’elle avait prévu un congé annuel pour les jours suivants le 1er avril 2010.

13 Lors de son contre-interrogatoire, le fonctionnaire a confirmé qu’il n’avait présenté à l’employeur aucune demande de mesures d’adaptation à l’égard de sa santé. Il n’a pas fourni de certificat médical appuyant son souhait d’être réinstallé dans un bureau situé loin de celui de son superviseur pour des raisons médicales. Il n’a jamais dit qu’il ne pouvait pas faire son travail. En février 2010, lors de son retour au travail, il n’a fourni aucune information médicale à propos de toute restriction liée à son retour.

14 Le fonctionnaire a affirmé que, avant l’automne 2009, il ne prenait pas beaucoup de congés de maladie. Son employeur n’avait jamais questionné ses absences, et ce, même lorsqu’il a été en congé pour une plus longue période, soit de la fin de 2009 au début de 2010. Selon le fonctionnaire, son contrat n’a pas été renouvelé parce qu’il a été malade et qu’il a pris un congé de maladie. Selon lui, d’autres employés embauchés en même temps que lui travaillent toujours pour l’employeur.

15 Selon Mme Touhey, 200 employés nommés pour une période déterminée travaillaient pour l’employeur en 2010. Ce grand nombre s’explique par une augmentation du nombre de demandes de passeport de la part des Canadiennes et Canadiens, depuis 2007. Au début d’avril 2010, lors d’une réunion du comité de consultation patronale-syndicale, l’employeur a informé le syndicat qu’il y aurait une diminution du nombre d’employés en raison d’une diminution de la charge de travail causée par la réduction du nombre de demandes de passeports et que cette diminution inclurait le non-renouvellement d’employés nommés pour une période déterminée. À la réunion du Comité de consultation patronale-syndicale des services opérationnels de ressources humaines du 30 avril 2010, le syndicat a soulevé des préoccupations quant au fait que l’employeur pourrait utiliser les antécédents médicaux comme critère pour licencier les employés nommés pour une période déterminée. L’employeur a répondu que le critère habituel serait [traduction] « dernier entré, premier sorti ». L’employeur a mentionné que, dans certains cas, le rendement serait utilisé comme critère pour mettre fin à un emploi d’une durée déterminée. Lorsqu’elle a été interrogée, Mme Sabourin a affirmé qu’elle n’avait jamais entendu dire que l’assiduité au travail devrait être utilisée comme critère pour ne pas renouveler un emploi d’une durée déterminée.

16 Mme Touhey a souligné qu’un représentant de l’employeur lui avait dit que l’employeur se servirait du rendement et de l’assiduité au travail comme critères de licenciement des employés nommés pour une période déterminée. Elle a aussi indiqué qu’à sa connaissance, les contrats de trois employés nommés pour une période déterminée n’avaient pas été renouvelés et que ces trois employés avaient pris beaucoup plus de congés de maladie que la moyenne, parce qu’ils avaient des problèmes de santé. Selon Mme Touhey, ces trois employés n’étaient manifestement pas les trois derniers employés embauchés. Toujours selon Mme Touhey, l’employeur n’a jamais donné de raison au syndicat pour ne pas avoir renouvelé le contrat du fonctionnaire. Selon Mme Sabourin, l’assiduité au travail n’a pas été utilisée comme critère dans la décision de ne pas renouveler le contrat d’une durée déterminée du fonctionnaire.

17 Mme Sabourin a déclaré qu’il y avait eu une importante diminution du nombre de demandes de passeport en 2010 et que les prévisions mensuelles et annuelles du nombre de demandes étaient à la baisse. Par conséquent, il fallait réduire le nombre d’employés. Le 22 mars 2010, Mme Sabourin a écrit à son directeur que le nombre moyen d’appels par jour effectués par les examinateurs téléphoniques était à la baisse. Habituellement, un examinateur effectue 25 appels par jour et en reçoit 25. Le nombre d’appels était passé à environ 100 appels pour l’ensemble de la section. Elle a aussi indiqué que la quantité de courrier reçu mensuellement avait considérablement diminué. De plus, Mme Sabourin a mentionné à son directeur que l’un des six examinateurs occuperait un poste intérimaire dans une autre section. Elle a indiqué que le contrat du fonctionnaire tirait à sa fin et qu’elle avait proposé de ne pas renouveler son contrat. Ainsi, il serait resté quatre examinateurs téléphoniques, ce qui aurait été suffisant vu la charge de travail à ce moment-là.

18 L’employeur a présenté en preuve un courriel rédigé le 22 mars 2010 par Mme Sabourin. Dans ce courriel, elle a écrit à ses supérieurs qu’elle n’avait pas l’intention de renouveler le contrat de M. Medeiros. Elle a ensuite expliqué qu’elle avait vérifié auprès de la section des relations de travail et qu’on lui avait indiqué que le dossier était bien documenté et qu’il ne devrait pas y avoir de problème à ne pas renouveler le contrat. Elle a expliqué, chiffres à l’appui, que la charge de travail ne justifiait pas le renouvellement du contrat du fonctionnaire.  

19 Mme Sabourin a déclaré qu’elle avait décidé de ne pas renouveler le contrat d’une durée déterminée du fonctionnaire et que personne ne lui avait demandé de le faire. Elle a aussi déclaré qu’on lui avait demandé de réduire le nombre d’employés de sa section. Elle savait que le fonctionnaire avait pris des congés de maladie, mais elle a affirmé que cela n’avait joué aucun rôle dans sa décision de ne pas renouveler son contrat. Elle a choisi le fonctionnaire parce qu’il était le premier des quatre employés nommés pour une durée déterminée dont le contrat arrivait à échéance. Mme Sabourin n’avait rien à voir avec le non-renouvellement des contrats des autres employés nommés pour une période déterminée.

20 En mai 2010, l’employeur a publié une offre d’emploi pour des postes d’examinateurs téléphoniques, c’est-à-dire pour le poste qu’occupait le fonctionnaire. L’offre d’emploi indiquait que l’employeur cherchait à élargir le bassin de candidats qualifiés afin de doter des postes de différentes durées par la suite. Mme Sabourin a expliqué que, lorsque l’offre a été publiée, il n’existait aucun besoin immédiat pour des examinateurs. L’employeur voulait plutôt créer un bassin de candidats qualifiés et l’utiliser plus tard, quand la charge de travail augmenterait. Mme Sabourin n’a jamais dit au fonctionnaire de ne pas postuler à ces postes. De plus, elle n’a jamais demandé à quelqu’un d’autre de lui dire de ne pas postuler. Enfin, Mme Sabourin a indiqué que le poste qu’occupait le fonctionnaire n’avait été doté que le 28 février 2011.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

21 Le fonctionnaire a déclaré que les seuls employés nommés pour une période déterminée qui n’ont pas été renouvelés en 2010 sont ceux ayant un certain niveau d’incapacité. L’employeur a informé la section locale du syndicat que l’assiduité au travail et le rendement feraient partie des critères utilisés pour décider quels contrats ne seraient pas renouvelés. L’employeur n’a appelé aucun témoin pour nier qu’il avait donné cette information à la section locale du syndicat. De plus, l’employeur a également informé le syndicat que les employés nommés pour une période déterminée seraient licenciés selon la règle du [traduction] « dernier entré, premier sorti ». Le fonctionnaire n’était pas le dernier employé à avoir été embauché, mais il a été licencié. En outre, au moment où le fonctionnaire a été licencié, une offre d’emploi a été préparée pour afficher son poste. Tout cela revient à une forme de discrimination visant à se débarrasser des employés ayant des problèmes de santé.

22 L’employeur était au courant que le fonctionnaire avait de la difficulté à son retour de congé de maladie. Le fonctionnaire était nerveux et souffrait d’anxiété. Le syndicat a communiqué avec le fonctionnaire à ce sujet, mais aucune mesure n’a été prise pour aider le fonctionnaire. Une réunion a été organisée le 1er avril 2010, mais plutôt que de proposer des solutions aux problèmes du fonctionnaire, l’employeur lui a remis une lettre de licenciement.

23 Il n’y avait aucun problème avec le rendement du fonctionnaire en tant qu’examinateur téléphonique. L’employeur n’avait jamais eu de problème avec la qualité du travail du fonctionnaire. De plus, le fonctionnaire a tenu l’employeur informé de sa situation médicale en tout temps. À son retour de congé de maladie, le fonctionnaire a demandé, comme mesure d’adaptation, à être réinstallé dans un bureau plus éloigné de celui de son superviseur, qui travaillait juste à côté de lui. Cette demande a été traitée de façon cavalière. Un bureau était disponible, mais l’employeur a refusé de l’attribuer au fonctionnaire. Selon le fonctionnaire, il a été traité différemment parce qu’il avait été malade. Son superviseur et son employeur, qui n’ont pas renouvelé son contrat, l’ont traité négativement et ont fait preuve de discrimination à son égard. Puisqu’il n’y avait aucun problème avec la qualité du travail du fonctionnaire, aucun autre motif n’était valable pour justifier ce licenciement.

24 Mme Sabourin a déclaré qu’elle avait pris la décision de licencier le fonctionnaire. Toutefois, elle a admis qu’un de ses supérieurs lui avait dit de diminuer le nombre d’employés. Elle a indiqué que la charge de travail avait diminué, mais elle n’a présenté aucun document à l’appui de cette affirmation. De plus, lors de l’audience, elle n’a présenté aucun élément de preuve indiquant que c’était au tour du contrat du fonctionnaire d’être renouvelé lorsque la décision de ne pas le renouveler a été prise. En outre, rien ne prouvait que Mme Sabourin avait tenté de trouver un autre poste au fonctionnaire parmi les autres secteurs de service de l’employeur.

25 La décision de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire, motivée par le critère de l’assiduité au travail, est un cas évident de discrimination. Le fonctionnaire a demandé une mesure d’adaptation minimale, soit d’être éloigné de son superviseur. Il a plutôt été licencié.

26 Le fonctionnaire a soutenu que j’avais compétence pour entendre ses griefs, parce que l’employeur avait agi de mauvaise foi en faisant preuve de discrimination à son égard. Le fonctionnaire a établi un parallèle entre sa situation et les faits concernant des cas auxquels il m’a renvoyée : Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin); Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536; Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; Otis Canada Inc. v. International Union of Elevator Constructors, Local 50 (2004), 135 L.A.C. (4e) 193; Pepper c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 71.

B. Pour l’employeur

27 L’employeur a indiqué que je n’avais pas compétence pour trancher les griefs, puisque ceux-ci concernent le non-renouvellement d’un contrat pour une période déterminée. En vertu de la LEFP, un employé nommé pour une période déterminée perd sa qualité d’employé à l’expiration de son contrat pour une période déterminée. Le contrat du fonctionnaire expirait le 10 mai 2010, et l’employeur a pris la décision de ne pas le renouveler. Un arbitre de grief n’a pas compétence dans le cas du renouvellement d’un contrat pour une période déterminée.

28 Les faits n’appuient pas les allégations de discrimination du fonctionnaire. Tout d’abord, aucun élément de preuve n’appuie le fait qu’il avait une incapacité. La preuve démontre plutôt qu’il a pris un congé de maladie et qu’il est retourné au travail à temps plein après ce congé. Aucune preuve médicale n’a été soumise lors de l’audience ou présentée à l’employeur indiquant que le fonctionnaire avait des restrictions liées au travail.

29 Au début de 2010, le volume de travail effectué par les examinateurs téléphoniques a considérablement diminué. La décision de réduire le nombre d’employés de l’unité de travail du fonctionnaire est venue des échelons supérieurs, mais Mme Sabourin a décidé que le contrat du fonctionnaire ne serait pas renouvelé. Elle a fondé sa décision sur le fait que, des quatre employés nommés pour une période déterminée, le contrat du fonctionnaire était le prochain à venir à échéance. Ce fait n’a pas été contredit par les éléments de preuve présentés par le fonctionnaire.

30 L’employeur a ouvert un concours d’examinateurs téléphoniques en juin 2010, parce qu’il savait qu’il aurait peut-être besoin de nouveaux examinateurs éventuellement. Cependant, il n’y avait aucun besoin immédiat d’examinateurs au moment où le poste a été affiché. Le processus de dotation est long, tout comme les procédures relatives à l’obtention d’une cote de sécurité. L’employeur avait besoin d’un bassin de candidats qualifiés pour répondre à ses besoins futurs. De plus, les éléments de preuve démontrent que le poste du fonctionnaire était resté vacant pendant de nombreux mois.

31 Le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait refusé de lui attribuer un bureau différent. Aucune preuve médicale n’a été présentée pour appuyer cette mesure d’adaptation. Sa demande était une préférence pour un autre bureau, préférence dont l’employeur a décidé de ne pas tenir compte.

32 L’employeur m’a renvoyée à : Belmar c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2012 CRTFP 20; Chouinard c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2010 CRTFP 133; Dansereau c. L’Office national du film et Lachapelle, [1979] 1 C.F. 100 (QL) (C.A.); Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68; Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43; Ikram c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2012 CRTFP 4; Juba c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 71; Pieters c. Conseil du Trésor (Cour fédérale du Canada), 2001 CRTFP 100.

IV. Motifs

33 Le 20 avril 2010, le fonctionnaire a contesté la décision de l’employeur de ne pas renouveler son contrat pour une période déterminée. Dans le cadre de ce grief, il a demandé que son contrat soit renouvelé. Le 7 juin 2010, le fonctionnaire a déposé un second grief basé sur de nouveaux éléments de preuve qu’il avait reçus. Dans ce second grief, il a déclaré que le non-renouvellement de son contrat par l’employeur constituait de la discrimination. Il a une fois de plus demandé que son contrat soit renouvelé.

34 Je suis d’accord avec l’employeur que je n’ai pas compétence pour trancher des griefs qui contestent simplement le non-renouvellement d’un contrat d’une durée déterminée. En tels cas, le contrat de travail du fonctionnaire était venu à échéance, et l’employeur a décidé de ne pas le renouveler. Je n’ai pas compétence pour remettre en question ou annuler cette décision sur le fondement des dispositions de la Loi et de la LEFP. Les dispositions pertinentes de la Loi et de la LEFP sont respectivement :

[…]

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale,

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

[…]

[de la LEFP]

[…]

58. (1) Sous réserve de l’article 59, le fonctionnaire nommé ou muté pour une durée déterminée perd sa qualité de fonctionnaire à l’expiration de la période fixée ou de toute période de prolongation fixée en vertu du paragraphe (2).

[…]

35 Les éléments de preuve démontrent clairement que le fonctionnaire était un employé nommé pour une période déterminée. Son contrat est venu à échéance le 10 mai 2010. Ces deux faits ne sont pas en litige. Le fonctionnaire n’a pas allégué que la décision de l’employeur était de nature disciplinaire ou qu’il avait été licencié en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11. Par conséquent, je n’aurais normalement pas compétence pour entendre le premier grief, qui conteste la décision de l’employeur de ne pas renouveler le contrat d’une période déterminée du fonctionnaire. Cela est conforme à Dansereau et Belmar. Cependant, j’ai compétence pour entendre les griefs en vertu de l’argument voulant que la décision de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire était de mauvaise foi et discriminatoire.

36 Il incombait au fonctionnaire de prouver que la décision de l’employeur de ne pas renouveler son contrat était entachée de discrimination. Toutefois, il ne s’est pas acquitté de cette charge. Il a uniquement prouvé qu’il était absent, entre novembre 2009 et février 2010, en raison d’un congé de maladie. Même si je croyais qu’un représentant de l’employeur avait dit au syndicat que l’employeur prendrait en considération l’assiduité au travail comme critère pour décider qui serait licencié, les éléments de preuve démontrent que le représentant de l’employeur n’a pas pris la décision de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire. Mme Sabourin a indiqué qu’elle avait pris cette décision, et je la crois. Aucune preuve soumise lors de l’audience ne pourrait m’inciter à croire que l’on devrait douter d’elle et que quelqu’un d’autre a pris cette décision. Elle a témoigné franchement et sans hésitation. Mme Sabourin a aussi indiqué que la charge de travail avait diminué dans sa section. Son témoignage était appuyé par des statistiques précises, et je la crois aussi sur ce point. On lui a demandé de réduire le nombre d’employés, et elle a affirmé qu’elle avait choisi de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire, puisque son contrat était le prochain à venir à échéance. Je crois aussi qu’elle a dit la vérité à ce sujet. Lors d’une réunion patronale-syndicale, il se peut que l’employeur ait mentionné qu’il utiliserait le principe du [traduction] « dernier entré, premier sorti » pour licencier les employés. Toutefois, lorsqu’il a décidé de réduire le nombre d’examinateurs téléphoniques de l’unité des agents réceptionnaires, les éléments de preuve démontrent que Mme Sabourin n’a pas appliqué ce principe.

37 Le fait que l’employeur ait mentionné de façon informelle au syndicat ce qu’il avait l’intention de faire (que les critères seraient la présence au travail et le rendement), qu’il ait changé sa position lors d’une réunion ([traduction] « dernier entré, premier sorti »), pour finalement faire autre chose (utiliser la date du renouvellement de contrat) quand vient le temps d’agir, ne constitue pas une violation de la convention collective. Cependant, j’estime qu’il s’agit d’une mauvaise gestion des relations de travail et des ressources humaines. L’employeur aurait avantage à préciser sa position à l’égard des critères qu’il utilisera pour réduire les effectifs et à la communiquer à la section locale du syndicat. En outre, l’employeur devrait réfléchir aux conséquences potentielles en matière de discrimination liées à l’utilisation de l’assiduité au travail comme critère pour licencier les employés et ne pas renouveler leur contrat d’une période déterminée.

38 Le 22 mars 2010, Mme Sabourin a écrit à ses supérieurs qu’elle n’avait pas l’intention de renouveler le contrat de M. Medeiros. Dans ce courriel, elle a mentionné qu’elle avait vérifié auprès des relations de travail et qu’il ne devrait pas y avoir de problème relativement au non-renouvellement du contrat. Je n’ai pas de preuve que ce courriel reflète une mauvaise intention de l’employeur. Il indique simplement que selon la section des relations de travail, rien n’empêchait l’employeur de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire.

39 Mme Touhey a affirmé que, selon elle, les trois employés nommés pour une période déterminée dont le contrat n’a pas été renouvelé avaient tous pris plus de congés de maladie que la moyenne en raison de problèmes de santé. Elle a aussi indiqué que le représentant de l’employeur avait dit que l’assiduité au travail serait utilisée comme critère pour licencier les employés nommés pour une période déterminée. Ces deux déclarations ne sont pas suffisantes pour conclure que l’employeur a fait preuve de discrimination fondée sur l’incapacité à l’égard du fonctionnaire. D’une part, les éléments de preuve contredisent directement l’allégation voulant que l’incapacité du fonctionnaire ait joué un rôle dans son licenciement. On n’a jamais demandé à Mme Sabourin de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire, et elle n’avait jamais entendu dire que l’assiduité au travail devrait être utilisée comme critère pour licencier les employés nommés pour une période déterminée. D’autre part, il me faudrait beaucoup plus de faits concernant les deux autres employés nommés pour une période déterminée et la relation entre l’utilisation des congés de maladie et le non-renouvellement de leur contrat, pour conclure qu’il y a un schème persistant de discrimination. Dans le cas du fonctionnaire, il existe une certaine logique derrière la décision de l’employeur de ne pas renouveler le contrat, et l’explication de l’employeur a été appuyée par des preuves et est suffisante pour répondre à l’affirmation du fonctionnaire voulant que son incapacité soit le motif de son licenciement.

40 Selon les éléments de preuve, l’employeur a publié une offre d’emploi en mai 2010 pour des postes d’examinateurs téléphoniques. Les éléments de preuve ont également démontré que l’employeur souhaitait créer un bassin de candidats qualifiés pour répondre à ses besoins futurs, même s’il n’avait besoin d’aucun examinateur téléphonique à ce moment-là. Il n’y a rien de mal à ce que l’employeur planifie ses besoins de dotation à l’avance. Contrairement à ce qu’a affirmé le fonctionnaire, cela ne prouve pas un schème de discrimination à l’égard du fonctionnaire.

41 Aucun élément de preuve ne m’a été présenté voulant que l’employeur se soit montré discriminatoire à l’égard du fonctionnaire en refusant de lui accorder des mesures d’adaptation. Aucune demande d’accommodement en soi n’a été présentée à l’employeur. En ce qui a trait au bureau, les éléments de preuve ont démontré que le fonctionnaire avait demandé à être réinstallé ailleurs, mais que sa demande n’avait pas eu de résultat. Pour établir la discrimination, il aurait fallu que le fonctionnaire prouve que ses demandes étaient directement liées à une incapacité et que cette information avait été transmise à l’employeur dans le cadre d’une demande de mesure d’adaptation. Ensuite, le fardeau de la preuve serait passé à l’employeur, qui aurait eu à prouver qu’il ne pouvait pas prendre les mesures d’adaptation demandées sans contrainte excessive. Cependant, le fonctionnaire n’a présenté aucun élément de preuve liant ses demandes à une incapacité.

42 Je conclus que l’employeur n’a pas fait preuve de discrimination à l’endroit du fonctionnaire et qu’il n’a pas violé la LCDP, L.R.C., (1985), ch. H-6 ni la clause sur l’élimination de la discrimination de la convention collective.

43 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

44 Les griefs des dossiers 566-02-6153 et 6155 sont rejetés.

45 J’ordonne la fermeture des dossiers concernant les griefs 566-02-6154 et 6156, puisque je n’ai pas compétence pour entendre ces griefs.

Le 4 octobre 2012.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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