Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

La plaignante a formulé une allégation d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé du fait que celui-ci a éliminé sa candidature à la présélection dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé, au motif qu’elle n’aurait pas démontré qu’elle possédait deux qualifications essentielles liées à l’expérience. Elle a affirmé d’autre part que l’intimé n’avait pas tenu une discussion informelle conformément aux Lignes directrices en matière de discussions informelles de la Commission de la fonction publique (CFP). Décision Le Tribunal a jugé que l’annonce de possibilité d’emploi indiquait explicitement aux candidats qu’ils devaient démontrer clairement en quoi ils possédaient les qualifications relatives aux études et à l’expérience par rapport à certaines applications et systèmes logiciels. Les membres du comité de sélection disposaient d’un guide expliquant la façon dont les candidats pouvaient démontrer qu’ils possédaient chacune des qualifications. D’après le guide, les candidats devaient indiquer les applications et systèmes logiciels qu’ils savaient utiliser, la façon dont ils les avaient utilisés, le tout illustré par des exemples. Toutefois, dans son dossier de candidature qui contenait entre autres la lettre d’accompagnement et le curriculum vitae, la plaignante s’est contentée d’affirmer par des formules générales qu’elle possédait l’expérience nécessaire sans fournir de descriptions, détails ou exemples démontrant clairement en quoi elle possédait les qualifications. Il n’était pas déraisonnable de conclure que la plaignante n’avait pas démontré qu’elle possédait les deux qualifications. Par conséquent, l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir. Après être informée de l’élimination de sa candidature à la présélection, la plaignante a envoyé à l’intimé deux courriels demandant une discussion informelle sur le sujet. La seule réponse de l’intimé se présentait sous la forme d’un bref entretien téléphonique de 30 secondes entre la plaignante et un membre du comité d’évaluation, entretien au cours duquel celui-ci a simplement répété sans autre explication que la candidature de la plaignante avait été éliminée à la présélection parce qu’elle ne possédait pas les deux qualifications liées à l’expérience. L’intimé n’a pas fait d’autre suivi. Le Tribunal a jugé que l’intimé n’avait pas respecté les Lignes directrices en matière de discussions informelles de la CFP en vertu desquelles les personnes dont la candidature a été éliminée d’un processus de nomination et qui demandent une discussion informelle doivent avoir accès à suffisamment de renseignements les concernant pour pouvoir comprendre la décision et en discuter. Néanmoins, une telle omission ne suffit pas pour établir la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé dans l’évaluation du mérite en l’espèce et n’avait aucune incidence sur l’issue du processus par rapport à la candidature de la plaignante. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2010-0335
Décision
rendue à :

Ottawa, le 29 décembre 2011

SUSAN LIRETTE
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Maurice Gohier, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Lirette c. le sous-ministre de la Défense nationale
Référence neutre :
2011 TDFP 0042

Motifs de décision


Introduction


1 Le 9 juin 2010, Susan Lirette (la plaignante) a déposé une plainte d'abus de pouvoir auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal). Selonelle, l'intimé aurait commis un abus de pouvoir par la décision de rejeter sa candidature au moment de la présélection dans le cadre d'un processus annoncé, au motif qu'elle n'aurait pas démontré qu'elle possédait deux des qualifications essentielles liées à l'expérience. La plaignante soutient d'autre part que l'intimé n'a pas tenu une discussion informelle conformément aux Lignes directrices en matière de discussions informelles de la Commission de la fonction publique (CFP).

2 Pour sa part, le sous-ministre de la Défense nationale (l'intimé) affirme que la candidature de la plaignante a été rejetée au moment de la présélection parce qu'elle n'avait pas présenté des exemples concrets démontrant qu'elle possédait les deux qualifications liées à l'expérience. L'intimé fait valoir que lors de la discussion informelle, il n'a été soulevé – en ce qui le concerne – aucune erreur ni omission susceptible d'amener le comité de sélection à revoir sa décision.

3 La CFP a présenté des observations écrites faisant référence à différentes dispositions législatives ainsi qu'à l'application de ses Lignes directrices en matière d'évaluation et de discussions informelles.

Contexte


4 L'intimé a fait paraître une annonce de possibilité d'emploi sur Publiservice afin de doter le poste d'adjoint/adjointe en ressources humaines, de groupe et niveau-CR-05, au Centre de services des ressources humaines civiles (Atlantique), BFC Gagetown, à Oromocto (Nouveau-Brunswick).

5 La plaignante a soumis sa candidature sous la forme d'un dossier composé d'un curriculum vitae de deux pages et d'une lettre d'accompagnement d'une page.

6 Le comité d'évaluation (le comité) se composait de sept personnes, dont Tricia Gallagher, Cathy Guillemette et Erika Nahm.

7 Le comité a examiné les 72 candidatures reçues en fonction des critères de présélection et a constaté que plusieurs candidats avaient omis de démontrer qu'ils possédaient toutes les qualifications liées à l'expérience. En l'espèce, le comité a conclu que la plaignante n'avait présenté aucun exemple concret démontrant qu'elle possédait les deux qualifications suivantes :

Expérience de l'utilisation de MS Word et Excel (Exp-1)

Expérience de l'utilisation d'un système électronique de gestion de l'information (Exp-3)

8 Le 5 novembre 2009, la plaignante a reçu un courriel l'informant que sa candidature avait été rejetée parce qu'elle n'avait pas démontré qu'elle possédait les deux qualifications liées à l'expérience susmentionnée. Le même jour, la plaignante a envoyé un courriel à deux des membres du comité (Mmes Nahm et Guillemette) pour leur dire qu'elle ne comprenait pas la décision et qu'elle aimerait en discuter. Quelques minutes plus tard, elle leur a adressé un autre courriel mentionnant ce qui suit :

De plus, je voudrais simplement confirmer que vous savez que le SGRH (PeopleSoft) et le SCCS (système de solde militaire) – que j'ai déjà utilisés – sont tous deux des systèmes électroniques de  gestion de l'information. [traduction]

9 La plaignante affirme avoir eu un bref entretien téléphonique d'une trentaine de secondes avec Mme Nahm, l'agente de ressources humaines responsable du processus, le 6 novembre 2009. Au cours de cet entretien, Mme Nahm lui a simplement répété, sans autre explication, que sa candidature avait été rejetée à la présélection parce qu'il lui manquait deux qualifications essentielles. L'intimé n'a assuré aucun autre suivi, et la décision de rejeter la candidature de la plaignante est restée inchangée.

10 Le 1er juin 2010, l'intimé a fait paraître une notification de nomination ou de proposition de nomination afin d'annoncer la nomination de la candidate retenue, Jacinthe Belliveau, au poste d'adjointe en ressources humaines.

11 Le 9 juin 2010, la plaignante a présenté une plainte au Tribunal en vertu de l'article 77 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). L'instruction a eu lieu sur dossier.

Questions en litige


12 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en rejetant la candidature de la plaignante au moment de la présélection?
  2. L'intimé a-t-il omis de tenir une discussion informelle conformément aux lignes directrices applicables de la CFP et, dans l'affirmative, cette omission constitue-t-elle un abus de pouvoir?

Éléments de preuve pertinents et analyse


Question I :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en rejetant la candidature de la plaignante au moment de la présélection?

13 L'intimé a déterminé que la plaignante n'avait pas démontré qu'elle répondait aux critères liés à l'expérience, et c'est pourquoi il a rejeté sa candidature au moment de la présélection. L'annonce de possibilité d'emploi comprenait deux instructions indiquant aux candidats comment présenter leurs qualifications. L'énoncé ci-après figurait sous la rubrique Qualifications essentielles :

Les candidats doivent démontrer clairement sur leur demande qu'ils répondent à tous les critères essentiels suivants et qu'ils sont dans la zone de sélection. À défaut de le faire, cela peut entraîner le rejet de leur demande.

14 De plus, le dernier paragraphe sous la rubrique Autre information (Remarques) était libellé comme suit :

Les candidats doivent démontrer clairement, dans leur lettre d'accompagnement, en quoi ils satisfont aux facteurs de scolarité et d'expérience indiqués dans les qualifications essentielles. Les candidats doivent utiliser les facteurs d'études/expérience comme en-tête, puis rédiger un ou deux paragraphes expliquant en quoi ils satisfont à ces exigences. Les curriculum vitae seront utilisés comme source secondaire pour valider l'expérience décrite dans la lettre d'accompagnement. LES DEMANDES QUI NE DÉMONTRENT PAS CLAIREMENT LA CONFORMITÉ AUX CRITÈRES DE PRÉSÉLECTION NE SERONT PAS RETENUES. LES CANDIDATS NE SERONT PAS CONTACTÉS SI L'INFORMATION EST INCOMPLÈTE OU S'IL MANQUE DES RENSEIGNEMENTS.

[en majuscules dans le texte original]

15 Selon la plaignante, sa lettre d'accompagnement et son curriculum vitae contenaient suffisamment de renseignements pour que le comité puisse conclure qu'elle possédait les qualifications liées à l'expérience exigées dans l'annonce. Plus précisément, sa lettre d'accompagnement contenait un paragraphe intitulé « Études/expérience », que voici :

J'ai occupé différents postes au sein du MDN et acquis un riche bagage de connaissances et une vaste expérience de la gestion des ressources humaines, notamment des services de soutien administratif et financier, pour le personnel militaire et civil. À titre d'agente administrative au sein de la section G1 Personnel, je suis chargée de lancer différents types de mesures de dotation pour des postes civils, et j'ai rédigé la description de travail de deux nouveaux postes au sein de notre section. J'ai déjà travaillé avec diverses applications logicielles, ce qui comprend, sans s'y limiter, les systèmes suivants : SGRH (PeopleSoft), MS Word, Excel, MS Outlook, PowerPoint et SCCS (système de solde militaire). Je possède de l'expérience dans la prestation de services à la clientèle étant donné que je fais partie de l'équipe actuellement chargée de l'administration des dossiers d'environ 115 employés militaires et 5 employés civils. Pour assumer mes fonctions efficacement, il est essentiel que je me tienne au courant des politiques et des directives applicables à nos procédures administratives et financières. Ma capacité d'organiser, d'établir les priorités et de communiquer efficacement, tant à l'oral qu'à l'écrit, est primordiale dans mon travail. Je possède les qualités que vous recherchez chez un employé, à savoir un esprit d'équipe, de l'entregent, le sens des responsabilités, du jugement, de l'initiative et de la souplesse.

[caractères gras ajoutés]

16 De plus, la plaignante a fourni un curriculum vitae de deux pages, qui comprenait notamment un résumé détaillé de son expérience professionnelle et de ses connaissances, de même qu'une liste intitulée « Expérience/connaissances en informatique » :

Microsoft Outlook/Excel/PowerPoint/Word/Access Peoplesoft ClaimsX
Système de solde militaire SCCS ACCPAC Plus Gestion SSAM

17 La plaignante avance que c'était un abus de pouvoir de la part de l'intimé que de faire sciemment abstraction du fait qu'elle possédait les qualifications liées à l'expérience. Pour exécuter les tâches décrites dans sa lettre d'accompagnement, elle doit utiliser les outils à sa disposition dans son milieu de travail, comme MS Word et Excel, de même qu'un système électronique de gestion de l'information.

18 La plaignante soutient également qu'il était injuste de la part de l'intimé de demander aux candidats de décrire en seulement un ou deux paragraphes dans une lettre d'accompagnement en quoi ils possédaient les qualifications. La plaignante a suivi les instructions de l'intimé dans la préparation de son dossier de candidature, mais les restrictions imposées l'ont contrainte à seulement affirmer par des formules générales qu'elle possédait l'expérience nécessaire sans fournir de précisions sur son expérience professionnelle.

19 Enfin, la plaignante affirme que l'administrateur général est tenu, en vertu des Lignes directrices en matière d'évaluation de la CFP, d'employer des méthodes qui permettent « d'évaluer efficacement les qualifications essentielles et autres critères du mérite qui sont déterminés, et [de s'assurer que les processus et les méthodes] sont administrés de façon juste ». La CFP a adressé aux chefs des ressources humaines une lettre (numéro 10-14) précisant que chaque qualification essentielle doit être évaluée sur la base d'une note de passage établie spécifiquement à cette fin. Dans ses observations écrites, la plaignante soutient qu'aucune grille de cotation, ni aucune note de passage n'ont été établies en l'espèce. L'évaluation des deux qualifications liées à l'expérience ne reposait sur aucune grille de cotation, mais seulement sur le jugement de l'évaluateur à qui il revenait de déterminer si les candidats satisfaisaient ou non au critère. Selon la plaignante, l'intimé a manqué de transparence en agissant de la sorte et ne s'est fondé que sur sa propre évaluation subjective.

20 Dans sa réplique, l'intimé rappelle que l'annonce invitait les candidats à « démontrer clairement dans leur lettre d'accompagnement en quoi ils [satisfaisaient] aux facteurs de scolarité et d'expérience indiqués dans les qualifications essentielles ».

21 Pour effectuer la présélection des candidatures en fonction des qualifications essentielles liées à l'expérience, les membres du comité pouvaient consulter un document intitulé Critères de présélection liés à l'expérience [traduction], et qui expliquait la façon dont les candidats pouvaient démontrer qu'ils possédaient chacune des qualifications. Les critères pertinents en l'espèce sont les suivants :

EXPÉRIENCE 1 : Expérience de l'utilisation de MS Word et Excel

  • La personne doit indiquer précisément : MS Word ET Excel/Suite MS Office/applications-programmes MS, ET la façon dont ils ont été utilisés (p. ex. quand, où, à quel titre; des exemples peuvent aussi être fournis).
  • Sera acceptée une affirmation selon laquelle la personne a suivi une formation sur MS Word/Excel ou MS Office, ou possède une attestation d'études ou des compétences en la matière, SI elle est accompagnée d'une description ou d'exemples de la façon dont ces compétences ont été utilisées.

* L'expérience peut avoir été acquise dans le cadre d'études, d'un travail bénévole, d'un ancien poste, d'une formation ou de travaux de cours.

* Une affirmation comme « je maîtrise bien l'informatique », « tous les programmes informatiques/différents logiciels » ou « j'ai déjà utilisé les logiciels MS Word et Excel (ou suivi une formation sur ces logiciels) » sans description/détails/exemples ne sera PAS acceptée (affirmation trop générale; ne constitue pas une démonstration CLAIRE).

[…]

EXPÉRIENCE 3 : Expérience de l'utilisation d'un système électronique de gestion de l'information

  • La personne doit indiquer précisément le nom du système utilisé (p. ex. MS Access, PeopleSoft, SGRH, SCFG, SGIM, SGC) ET la façon dont il a été utilisé (p. ex. quand, où, à quel titre; des exemples peuvent aussi être fournis).
  • Sera acceptée une affirmation selon laquelle la personne a suivi une formation ou possède une attestation d'études ou des compétences en la matière, SI elle est accompagnée d'une description ou d'exemples de la façon dont ces compétences ont été utilisées.

* L'expérience peut avoir été acquise dans le cadre d'études, d'un travail bénévole, d'un ancien poste, d'une formation ou de travaux de cours.
* Une affirmation comme « j'ai déjà utilisé un système électronique de gestion de l'information » sans description/détails/exemples ne sera PAS acceptée (affirmation trop générale; ne constitue pas une démonstration CLAIRE).

[traduction] – [en caractères gras et en majuscules dans l'original]

22 L'intimé soutient que le comité a appliqué ces critères de façon uniforme pour tous les candidats au moment de la présélection.

23 Dans ses observations, la CFP fait référence à ses Lignes directrices en matière d'évaluation, précisant qu'elles permettent d'évaluer les qualifications d'une personne selon le mode « satisfait/ne satisfait pas », et ce, d'après les critères de présélection établis par le gestionnaire, notamment pour ce qui est des études, de l'expérience et des attestations professionnelles. Selon la CFP, les candidats ont été informés qu'ils devaient expliquer clairement « en quoi » ils possédaient chacune des qualifications essentielles liées à l'expérience, comme l'annonce en témoigne. Toujours selon elle, ce n'est pas le rôle du Tribunal de substituer son évaluation des qualifications d'un candidat à celle de l'intimé.

24 La plaignante s'oppose à la présentation du document intitulé Critères de présélection liés à l'expérience, car l'intimé ne lui en a jamais remis d'exemplaire et n'en a jamais discuté avec elle avant la présentation de ses observations écrites. Le Tribunal reconnaît que l'intimé n'a pas communiqué le document à la plaignante et n'en a pas discuté avec elle en temps opportun, mais l'objection est rejetée pour des raisons qui seront expliquées plus loin dans la présente décision. En outre, le fait que l'intimé ait omis de communiquer le document à la plaignante et d'en discuter avec elle ne change en rien la question fondamentale qui se pose en l'espèce, c'est-à-dire : la plaignante a-t-elle démontré clairement qu'elle possédait les deux qualifications liées à l'expérience?

25 L'obligation pour les candidats de démontrer clairement qu'ils possèdent une qualification liée à l'expérience a fait l'objet de plusieurs décisions du Tribunal. Voir, par exemple, Charter c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2007 TDFP 0048, et Edwards c. le sous-minstre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 2011 TDFP 0010. Le Tribunal s'est prononcé comme suit dans la décision Edwards, au paragraphe 36 :

Selon le Tribunal, l'annonce de possibilité d'emploi précisait clairement les critères liés à l'expérience, et les candidats savaient ce qu'ils avaient à démontrer. Les candidats ne pouvaient se contenter d'énumérer les postes qu'ils avaient occupés et d'affirmer qu'ils possédaient l'expérience nécessaire. Ils devaient expliquer clairement en quoi ils répondaient à chacun des critères de qualification essentielle. Le guide de présélection, qui précisait en détail le type d'expérience souhaité, le confirme d'ailleurs.

[caractères gras ajoutés]

26 En l'espèce, le Tribunal estime que l'annonce énonçait explicitement les qualifications liées à l'expérience. Les candidats devaient démontrer clairement en quoi ils possédaient les qualifications relatives aux études et à l'expérience. D'après le Canadian Oxford Dictionary, deuxième édition (2004), le terme « démontrer » (« demonstrate » en anglais) signifie « décrire et expliquer à l'aide d'exemples, d'expériences, d'utilisations pratiques, etc. ». [traduction]

27 Un examen de la lettre d'accompagnement et du curriculum vitae; de la plaignante montre qu'elle s'est contentée d'affirmer par des formules générales qu'elle possédait l'expérience nécessaire, sans fournir de descriptions, détails ou exemples démontrant clairement en quoi elle possédait chacune des deux qualifications. Dans un cas, la plaignante a tout bonnement déclaré qu'elle possédait l'expérience nécessaire et dans l'autre, elle a simplement dressé la liste des systèmes qu'elle avait déjà utilisés. Parmi les éléments de preuve présentés, à savoir la lettre d'accompagnement et le curriculum vitae de la plaignante, rien n'indique que les conclusions du comité étaient erronées. Selon le Tribunal, il n'était pas déraisonnable de la part du comité de conclure que la plaignante n'avait pas démontré qu'elle possédait les deux qualifications liées à l'expérience dont il est ici question.

28 La plaignante fait valoir que certains énoncés de l'annonce sont contradictoires, ce qui est source de confusion; en effet, il est indiqué sous la rubrique Qualifications essentielles que le fait pour une personne de ne pas démontrer clairement qu'elle répond aux critères « peut » entraîner le rejet de sa candidature tandis que sous la rubrique Autre information (Remarques), il est précisé qu'un tel manquement « entraînera » le rejet de la candidature. Le Tribunal juge que cette différence entre les deux formulations n'a aucune incidence; ce qui importe, c'est que les candidats aient été bien avertis du fait qu'ils devaient démontrer clairement en quoi ils possédaient les qualifications essentielles, sans quoi ils risquaient de voir leur candidature rejetée.

29 Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal juge que la plaignante n'a pas établi la preuve d'un abus de pouvoir de la part de l'intimé du fait de la conclusion selon laquelle elle n'avait pas démontré qu'elle possédait les qualifications essentielles liées à l'expérience.

30 Bien qu'aucun abus de pouvoir n'ait été commis, le Tribunal souligne que le libellé de l'annonce ne devrait comporter aucune ambiguïté afin d'éviter pareils malentendus dans le futur.

Question II :  L'intimé a-t-il omis de tenir une discussion informelle conformément aux lignes directrices applicables de la CFP et, dans l'affirmative, cette omission constitue-t-elle un abus de pouvoir?

31 Selon la plaignante, l'intimé aurait abusé de son pouvoir au sens de l'article 77(1)a) de la LEFP du fait de n'avoir pas tenu une discussion informelle conformément aux exigences des Lignes directrices en matière de discussions informelles de la CFP.

32 La plaignante affirme qu'on ne lui a pas expliqué en détail les raisons pour lesquelles sa candidature a été rejetée du processus de nomination au moment de la présélection. Dans une brève conversation téléphonique d'une trentaine de secondes, Mme Nahm lui a simplement répété qu'il lui manquait les deux qualifications, sans expliquer pourquoi ou comment une telle décision avait été prise. Par la suite, l'intimé n'a assuré aucun autre suivi. La plaignante soutient que les mesures prises par le comité vont à l'encontre de l'entente de délégation, laquelle exige de l'administrateur général et, par extension, de ses délégués, qu'ils respectent toutes les lignes directrices de la CFP en matière de nomination.

33 Dans sa réponse, l'intimé fait remarquer que la discussion informelle n'a pour but ni de réévaluer les candidats, ni de leur permettre d'étoffer leur dossier de candidature, mais plutôt de leur donner l'occasion de corriger des erreurs ou d'apporter des précisions à ce qui est déjà écrit dans leur dossier de candidature. L'intimé soutient qu'il n'y a pas grand-chose à corriger au cours d'une discussion informelle lorsque les renseignements fournis par un candidat dans son dossier de candidature sont manifestement insuffisants, comme c'est le cas en l'espèce.

34 Enfin, l'intimé fait valoir que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'exercer de contrôle sur l'entente de délégation ni d'assurer sa mise en application et que, quoi qu'il en soit, la plaignante n'a pas démontré qu'elle avait fait l'objet d'une évaluation injuste.

35 Conformément à l'article 47 de la LEFP, l'intimé peut discuter de façon informelle de sa décision avec toute personne dont la candidature est rejetée. En cas de discussion informelle, les Lignes directrices en matière de discussions informelles de la CFP précisent que la discussion a pour but d'assurer la transparence et la communication pendant le processus de nomination, ce qui contribue à favoriser un milieu de travail sain, et de corriger toute erreur ou omission, le cas échéant. La discussion informelle est un moyen de communication qui vise à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d'un processus. Si elle donne au gestionnaire l'occasion de corriger une erreur, elle n'est pas un moyen de demander que le comité d'évaluation réévalue les qualifications d'un candidat. Voir la décision Rozka c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 0046, para. 76.

36 Comme la CFP l'a fait remarquer, les administrateurs généraux sont tenus de se conformer aux lignes directrices de la CFP (art. 16 de la LEFP), mais le non-respect de ces lignes directrices, quoique problématique, n'est pas nécessairement le signe d'un abus de pouvoir. Le fait qu'il y ait eu ou non violation des lignes directrices de la CFP n'est que l'un des facteurs dont le Tribunal tient compte pour déterminer s'il y a eu abus de pouvoir.

37 En l'espèce, la plaignante a communiqué avec l'une des personnes (Mme Nahm) qui faisait partie du comité chargé d'examiner son dossier de candidature par rapport aux critères de présélection. L'intimé n'a pas nié l'affirmation de la plaignante selon laquelle l'entretien téléphonique a été bref. Il ne serait pas réaliste de croire que Mme Nahm ait pu offrir des explications détaillées dans un entretien téléphonique d'une si courte durée. Ce qui est fort probable, c'est que Mme Nahm n'ait pu que répéter les conclusions du comité, c'est-à-dire qu'il manquait à la plaignante deux des qualifications liées à l'expérience, sans avoir le temps d'exposer le raisonnement du comité ou de répondre aux préoccupations de la plaignante.

38 En l'espèce, personne ne conteste le fait que le document intitulé Critères de présélection liés à l'expérience n'a pas été expliqué à la plaignante lors de son entretien téléphonique avec Mme Nahm et ne lui a pas non plus été fourni à l'étape de la communication des renseignements du processus de plainte. Ce document a été déterminant dans la décision d'éliminer la candidature de la plaignante au moment de la présélection dans la mesure où il servait de guide au comité durant le processus de présélection; comme la CFP l'a souligné, le document en question aurait donc dû être communiqué à la plaignante et lui être expliqué en détail. En omettant d'en remettre un exemplaire à la plaignante en temps utile et de lui expliquer les raisons qui l'ont amené à tirer ses conclusions, l'intimé n'a pas respecté les Lignes directrices en matière de discussions informelles de la CFP en vertu desquelles les personnes dont la candidature a été éliminée d'un processus de nomination et qui demandent une discussion informelle doivent avoir accès à suffisamment de renseignements les concernant pour pouvoir comprendre la décision et en discuter. Voir, par exemple, la décision Ammirante c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2010 TDFP 0003, para. 126.

39 Toutefois, le Tribunal estime qu'une telle omission ne suffit pas pour établir la preuve d'un abus de pouvoir de la part de l'intimé dans l'évaluation du mérite en l'espèce, au sens de l'article 77(1)a) de la LEFP. Le fait que l'intimé n'ait pas tenu de discussion informelle comme il se doit après l'élimination de la candidature de la plaignante à la présélection n'avait aucune incidence sur l'issue du processus par rapport à la candidature de la plaignante. Comme le Tribunal l'a établi plus haut, la plaignante n'a pas démontré clairement dans son dossier de candidature qu'elle possédait les qualifications essentielles liées à l'expérience. La tenue d'une discussion informelle appropriée n'aurait rien réglé puisqu'il n'y avait aucune erreur ou omission dans le processus d'évaluation.

40 Cela dit, le Tribunal estime que l'intimé aurait dû engager un meilleur dialogue avec la plaignante lors de la discussion informelle, car une telle pratique assure généralement la transparence du processus de dotation. En outre, un meilleur dialogue aurait pu permettre de régler les problèmes liés à la dotation en l'espèce, et éviter du même coup le dépôt de la plainte.

Décision


41 Pour les motifs qui précèdent, la plainte est rejetée.


Maurice Gohier
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2010-0335
Intitulé de la cause :
Susan Lirette et le sous-ministre de la Défense nationale
Audience :
Instruction sur dossier
Date des motifs :
Le 29 décembre 2011

COMPARUTIONS

Pour la plaignante :
Louis Bisson
Pour l'intimé :
Josh Alcock
Pour la Commission
de la fonction publique :
Trish Heffernan
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