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Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a formulé une allégation d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé au motif que celui-ci lui aurait refusé l’accès à deux processus non annoncés pour les groupe et niveau GT-04. L’intimé a affirmé que sa décision de limiter l’accès à ces nominations était appropriée dans les circonstances. Il a ajouté que les personnes nommées remplissaient tous les critères de mérite requis pour leurs nominations respectives. Décision Le Tribunal a jugé que la décision d’appliquer temporairement une règle limitant l’accès aux nominations intérimaires était prudente et fondée sur de véritables considérations d’ordre opérationnel, et que le plaignant n’avait pas réussi à établir la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé par rapport au choix d’un processus non annoncé pour effectuer les nominations. Le Tribunal ne doutait pas du fait que l’intimé avait évalué les qualifications des personnes nommées. Il a signalé les lacunes des évaluations écrites effectuées par l’intimé au sujet de la candidature des deux personnes nommées, mais il a fait observer que de simples erreurs ou omissions ne suffisent pas pour conclure à l’abus de pouvoir. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers :
2010-0299 et 0300
Décision
rendue à :

Ottawa, le 3 novembre 2011

MILES DENNY
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plaintes d’abus de pouvoir en vertu des articles 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Merri Beattie, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale
Référence neutre :
2011 TDFP 0033

Motifs de décision


Introduction


1 Le plaignant, Miles Denny, affirme que l'intimé, le sous-ministre de la Défense nationale, a abusé de son pouvoir en lui refusant l'accès à deux nominations intérimaires découlant de processus non annoncés. De plus, il soutient que ces nominations n'étaient pas fondées sur le mérite.

2 L'intimé affirme que sa décision de limiter l'accès à ces nominations était appropriée dans les circonstances et que les deux personnes nommées ont été évaluées et jugées qualifiées. Il nie tout abus de pouvoir dans les processus de nomination visés.

Contexte


3 Le 20 mai 2010, l'intimé a publié un avis annonçant la nomination intérimaire de David MacKeigan au poste de superviseur du transport. Le même jour, il a publié un autre avis annonçant celle de Paul Varner au poste de superviseur, Récupération et entrepôt. Les deux postes, au groupe et au niveau GT-04, se trouvent au Dépôt de munitions des Forces canadiennes (DMFC) de Bedford, en Nouvelle-Écosse.

4 En réponse à chacun des avis de nomination, le plaignant a déposé une plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'article 77 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Les deux plaintes ont été jointes aux fins de la tenue d'une audience devant le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal), conformément à l'article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6.

5 Au départ, le plaignant avait formulé une allégation concernant les qualifications essentielles établies pour ces nominations. Toutefois, il l'a retirée dans ses conclusions finales. Par conséquent, le Tribunal n'en tiendra pas compte dans les présents motifs.

Questions en litige


6 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir du fait de limiter l'accès aux présentes nominations intérimaires?
  2. Les nominations effectuées par l'intimé étaient-elles fondées sur le mérite?

Analyse


Question I :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir du fait de limiter l'accès aux nominations intérimaires?

7 Les éléments de preuve montrent que les employés de niveau GT-02 n'avaient pas accès aux nominations intérimaires de niveau GT-04 en l'espèce. En effet, les justifications écrites du choix d'un processus non annoncé indiquent qu'à ce moment-là, les employés de niveau GT-02 n'avaient accès qu'aux nominations intérimaires de niveau GT-03 pour des raisons de sécurité.

8 Selon le plaignant, qui occupe un poste de niveau GT-02, il n'y a pas de preuve que les employés de niveau GT-02 posaient un plus grand risque sur le plan de la sécurité que les employés de niveau GT-03. Il soutient que le fait de limiter l'accès aux nominations intérimaires au niveau immédiatement supérieur à celui des candidats crée un obstacle indu.

9 L'intimé a cité comme témoin Sophie Prevost, officière de contrôle du matériel au DMFC de Bedford. Mme Prevost était la gestionnaire délégataire responsable des nominations en litige. Elle a expliqué que les employés du DMFC manipulent des munitions. À la réception des munitions, les employés les inspectent afin de s'assurer qu'elles sont sûres et convenables. Ensuite, les munitions sont stockées et entretenues en toute sécurité jusqu'à leur utilisation. En outre, les employés du DMFC réparent et stockent les munitions inutilisées qui leur sont retournées. Compte tenu de la nature du travail, la sécurité est prioritaire.

10 Mme Prevost a également expliqué qu'au moment de ces nominations, la formation continue en matière de sécurité normalement suivie par les employés du groupe GT était sur le point d'être remplacée par le nouveau programme de formation et certification de technicien en munitions civil (TMC). Mme Prevost a déclaré qu'avant son arrivée au DMFC de Bedford en 2009, il avait déjà été décidé que les employés du niveau GT-02 ne pourraient être nommés à titre intérimaire qu'au niveau GT-03 jusqu'à ce qu'ils obtiennent le certificat de TMC. Les modules de l'ancien programme de formation ont dû être comparés avec les nouveaux cours de TMC, et la liste de toutes les formations suivies par les employés a dû être examinée afin que ceux-ci puissent obtenir un des quatre niveaux de TMC. L'exercice n'était pas terminé au moment du lancement des processus de nomination. Dans son témoignage, le plaignant a confirmé qu'il avait obtenu son certificat de TMC en avril 2011.

11 Mme Prevost a affirmé que, d'après elle, la question de la sécurité ne se limite pas au certificat de TMC. Elle a expliqué qu'en général les employés de niveau GT-02 déplacent et transportent des munitions, et les employés de niveau GT-03 jouent un rôle de surveillance, car ils vérifient les munitions par rapport aux notes d'inspection. Elle a décrit les employés de niveau GT-04 comme des gestionnaires du processus de traitement des munitions, qui doivent remplir des fonctions de planification opérationnelle et stratégique à long terme, établir le plan de travail quotidien du dépôt et régler les crises.

12 Mme Prevost a affirmé que, en tant que subordonnés directs, les employés de niveau GT-03 connaissent le travail à accomplir au niveau GT-04 ainsi que les règles de procédure de base en matière de sécurité. Le plaignant a reconnu qu'il ne connaissait pas les responsabilités quotidiennes des employés de niveau GT-04, car il côtoie rarement ceux-ci au cours de la journée.

13 Mme Prevost a déclaré que le nombre d'employés de niveau GT-03 intéressés par un poste de niveau GT-04 à titre intérimaire était suffisant pour les besoins du processus. Par ailleurs, Mme Prevost était réticente à l'idée de nommer un employé de niveau GT-02 à titre intérimaire au niveau GT-04, où il superviserait son superviseur de niveau GT-03 pendant un certain temps avant de reprendre son poste de subordonné. Aucune de ces affirmations n'a été contestée.

14 Le Tribunal a abordé en détail la question de l'accès aux possibilités d'emploi dans la décision Jarvo c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 0006. Dans cette décision, le Tribunal a estimé que la LEFP ne garantit pas l'accès à toutes les possibilités d'emploi et qu'en fait, elle permet d'y limiter l'accès de plusieurs façons. Néanmoins, il est possible que des règles – comme celle-ci – qui limitent l'accès aux nominations intérimaires des employés de niveau GT-02 au niveau immédiatement supérieur, puissent entraver l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'un gestionnaire délégataire.

15 Le Tribunal juge que l'intimé ne considérait pas que tous les employés de niveau GT-02 posent un risque sur le plan de la sécurité. Cependant, avant que les employés n'obtiennent le nouveau certificat de TMC, l'intimé ne pouvait être certain que la sécurité serait assurée si les employés de niveau GT-02 exerçaient des fonctions liées à des postes de plus d'un niveau au-dessus du leur. Compte tenu de la nature du travail effectué au DMFC, la sécurité est primordiale.

16 Le Tribunal est convaincu que la décision d'appliquer temporairement une règle limitant l'accès aux nominations intérimaires était prudente et fondée sur de véritables considérations d'ordre opérationnel. En outre, le Tribunal est convaincu par l'explication de l'intimé quant aux raisons pour lesquelles il a choisi les personnes à nommer au niveau GT-04 à titre intérimaire parmi les employés de niveau GT-03.

17 Ainsi, le Tribunal conclut que l'intimé n'a pas agi de manière arbitraire quand il a décidé de ne pas prendre en considération la candidature d'employés de niveau GT-02 en vue des nominations intérimaires au niveau GT-04 au moyen de ces processus non annoncés. Les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que l'intimé a abusé de son pouvoir à cet égard.

Autre question : Le choix du processus

18 Selon l'article 77(1)b) de la LEFP, il est possible de présenter au Tribunal une plainte au motif que l'intimé a abusé de son pouvoir dans le choix d'un processus de nomination annoncé ou d'un processus de nomination non annoncé. Le plaignant a invoqué ce motif dans sa plainte et dans son argumentation au cours de l'audience. Toutefois, ses observations ne se rapportent pas au choix du processus en tant que tel, mais plutôt à la règle limitant l'accès aux nominations intérimaires au niveau immédiatement supérieur à celui des candidats. Le plaignant n'a fourni aucun élément de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle le choix d'un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir.

19 Mme Prevost a déclaré que peu de temps après son arrivée au DMFC de Bedford, un processus de nomination a été lancé dans le but de doter le poste de contremaître d'entrepôt au niveau GT-04. Les candidatures avaient été présélectionnées et un examen avait été administré quand, en avril 2010, l'administration centrale a annulé le processus. Selon Mme Prevost, cette annulation était probablement attribuable à la question non résolue des certificats de TMC.

20 Mme Prevost a affirmé que la plupart des postes de supervision du DMFC étaient occupés par des militaires, et que nombre d'entre eux étaient temporairement vacants, mais pendant des périodes assez longues, en raison de déploiements en Afghanistan. Elle a fait valoir qu'elle ne pouvait laisser vacants les deux postes GT-04, car ils sont essentiels aux opérations du DMFC. De plus, l'autre agent de son niveau avait été absent de novembre 2009 à février 2010, et de nouveau d'avril à mai 2010. Mme Prevost avait besoin de gestionnaires pour l'assister durant les absences de cet agent.

21 Le Tribunal conclut que le plaignant n'est pas parvenu à prouver que l'intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé pour procéder à ces nominations.

Question II :  Les nominations effectuées par l'intimé étaient-elles fondées sur le mérite?

22 Le plaignant soutient que M. Varner ne pouvait posséder la capacité de gérer et de diriger ni répondre au critère lié au sens des responsabilités. Il s'appuie sur la constatation d'abus de pouvoir à laquelle le Tribunal est parvenu dans une autre décision concernant l'intimé et lui-même. Voir la décision Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029.

23 Mme Prevost a déclaré qu'elle avait supervisé directement les deux personnes nommées. Elle a évalué la capacité de M. Varner de gérer et de diriger ainsi que son sens des responsabilités selon la connaissance personnelle qu'elle avait de son rendement au travail et ses évaluations du rendement. Mme Prevost a affirmé que M. Varner avait géré un parc de véhicules ainsi que le travail et les congés des employés à l'occasion de diverses affectations. À son avis, M. Varner répondait entièrement aux critères relatifs à la capacité de gérer et de diriger. Mme Prevost a également affirmé que M. Varner planifiait ses absences, en avisait toujours la direction et n'avait commis aucun abus à cet égard. Elle était convaincue que M. Varner répondait à ses critères d'évaluation pour le sens des responsabilités. Ce témoignage n'a pas été contesté.

24 M. Varner faisait partie du comité d'évaluation dans le processus de nomination faisant l'objet de la décision Denny. Le Tribunal estime que sa participation à ce processus n'a eu aucune incidence sur sa candidature dans le processus de nomination en l'espèce. Les candidats bénéficient d'une nouvelle évaluation chaque fois que leur candidature est prise en considération en vue d'une nomination.

25 Le plaignant n'a pas été en mesure de prouver que Mme Prevost n'avait pas évalué la capacité de M. Varner de gérer et de diriger ainsi que son sens des responsabilités selon les critères qu'elle avait établis et ensuite conclure qu'il possédait ces qualifications.

26 Par ailleurs, le plaignant soutient que la documentation contenue dans les deux dossiers de nomination ne précise pas si MM. Varner et MacKeigan possédaient les qualifications essentielles liées aux études et aux qualités personnelles. Il fait valoir que, en l'absence d'une preuve démontrant que les personnes nommées possédaient ces qualifications, il est impossible d'établir avec certitude que les nominations étaient fondées sur le mérite, comme l'exige l'article 30(2) de la LEFP. Pour étayer sa position, le plaignant se fonde sur la décision du Tribunal dans l'affaire Patton c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 0008.

27 Dans la décision Patton, le Tribunal a conclu qu'aucun élément de preuve, oral ou documentaire, ne démontrait que la qualification essentielle liée aux connaissances avait été évaluée, et que par conséquent la nomination constituait un abus de pouvoir. Le Tribunal a estimé qu'il n'y avait pas de preuve à l'appui de l'argument de l'intimé selon lequel une des qualifications essentielles liées aux connaissances avait été englobée dans l'évaluation de l'expérience. Le plaignant affirme que l'intimé a procédé de la même manière quand il a évalué les études en examinant la formation.

28 En l'espèce, le critère lié aux études était un diplôme d'études secondaires ou de l'expérience et/ou de la formation acceptable dans un domaine pertinent. Par conséquent, le témoignage de Mme Prevost concernant la formation des personnes nommées est pertinent par rapport à son évaluation de la qualification essentielle liée aux études. Mme Prevost a déclaré que son évaluation se fondait en partie sur le curriculum vitae des deux personnes nommées, lesquels confirment qu'elles satisfont toutes les deux au critère lié aux études.

29 L'intimé a fourni les évaluations rédigées par Mme Prevost pour chacune des nominations. Elles sont très brèves et n'abordent pas les critères liés aux études et aux qualités personnelles. Mme Prevost a déclaré qu'elle avait évalué les deux personnes nommées en fonction de leur curriculum vitæ et de leurs évaluations du rendement, documents qui ont été déposés en preuve. Elle a également fondé ses évaluations sur les dossiers de formation des personnes nommées ainsi que sur sa connaissance personnelle de celles-ci, étant donné qu'elle les avait supervisées directement. Les justifications écrites démontrant le choix des bonnes personnes ont aussi été fournies. Chaque justification comprend une déclaration selon laquelle la personne nommée possède toutes les qualifications essentielles aux fins de la nomination, ce que Mme Prevost a confirmé dans son témoignage.

30 Le Tribunal est convaincu que Mme Prevost connaissait suffisamment les personnes nommées et disposait d'autres outils adéquats pour évaluer leurs qualités personnelles. Le Tribunal est également convaincu que Mme Prevost a bel et bien évalué les qualités personnelles faisant partie des qualifications essentielles, comme elle l'a affirmé.

31 Toutefois, le Tribunal juge que les évaluations écrites concernant MM. Varner et MacKeigan présentent des lacunes. Les évaluations doivent être bien documentées et, si elles avaient été plus exhaustives, il aurait probablement été possible de répondre aux préoccupations du plaignant sans tenir d'audience devant le Tribunal. Néanmoins, comme le Tribunal l'a conclu dans de nombreuses décisions, à commencer par la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, de simples erreurs ou omissions ne suffisent pas pour conclure à l'abus de pouvoir. Les erreurs ou les omissions doivent être sérieuses; or, le Tribunal n'est pas convaincu que les omissions commises en l'espèce justifient une constatation d'abus de pouvoir.

32 L'article 30(2) de la LEFP exige qu'une personne possède toutes les qualifications essentielles pour un poste pour y être nommée. À la lumière de tous les éléments de preuve soumis, le Tribunal est convaincu que Mme Prevost a évalué les deux personnes nommées au regard de toutes les qualifications essentielles et jugé qu'elles répondaient aux critères de l'article 30(2) pour leurs nominations respectives. Ainsi, le Tribunal conclut que le plaignant n'est pas parvenu à prouver que ces nominations n'étaient pas fondées sur le mérite.

Décision


33 Pour tous les motifs susmentionnés, les plaintes sont rejetées.


Merri Beattie
Membre

Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2010-0299 et 0300
Intitulé de la cause :
Miles Denny et le sous-ministre de la Défense nationale
Audience :
Le 31 mai et 1er juin 2011
Halifax (Nouvelle-Écosse)
Date des motifs :
Le 3 novembre 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Louis Bisson
Pour l'intimé :
Josh Alcock
Pour la Commission
de la fonction publique :
John Unrau (par observations écrites)
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