Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié du Service canadien du renseignement de sécurité - il a renvoyé son grief à l’arbitrage, mais une entente a été conclue avant que l’affaire soit entendue - il a signé l’entente de règlement et a retiré son grief - lors du règlement, le fonctionnaire s’estimant lésé était représenté par un avocat - deux ans plus tard, il a demandé à la Commission de rouvrir son dossier et d’exercer sa compétence pour déterminer si son consentement au règlement avait été vicié par de fausses déclarations, de fausses représentations, des actes frauduleux ou des mesures coercitives de la part de l’employeur - dans une décision précédente (2010 CRTFP 11), la Commission avait statué qu’un arbitre de grief avait compétence pour décider si le règlement conclu par les parties et, par conséquent, le retrait du grief liaient les parties - l’arbitre de grief a été convaincue que tous les faits soulevés par le fonctionnaire s’estimant lésé aux fins du réexamen des conditions ayant mené au règlement de son grief existaient effectivement et que lui-même et son avocat en avaient connaissance à l’époque du règlement conclu entre les parties - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas été induit en erreur et que son consentement à l’entente de règlement n’avait pas été obtenu au moyen de fausses représentations, d’actes frauduleux ou de mesures coercitives - il y avait une intention mutuelle de la part des deux parties compétentes de régler le grief de façon définitive- une partie à une entente ne peut se désister d’une entente de règlement valide et exécutoire simplement en alléguant la mauvaise foi de l’autre partie - l’arbitre de grief a conclu que le règlement ainsi que le retrait du grief étaient valides et exécutoires - puisque le règlement était exécutoire et que le grief avait ainsi été validement retiré, il s’ensuit que l’arbitre de grief n’a pas compétence pour rendre une décision sur le fond concernant ce grief. Le grief est rejeté, la Commission n’ayant pas compétence pour statuer à l’égard de celui-ci.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-01-05
  • Dossier:  166-20-34057
  • Référence:  2012 CRTFP 1

 Devant un arbitre de grief 


ENTRE

DANNY PALMER

fonctionnaire s’estimant lésé

et

SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

employeur

Répertorié
Palmer c. Service canadien du renseignement de sécurité

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Roxanne J. Stanners et Jean-François Mercure, avocats

Pour le défendeur:
Karl Chemsi, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 21 au 23 mars et du 19 au 21 septembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Danny Palmer, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») était agent de renseignement auprès du Service canadien du renseignement de sécurité (l’« employeur »). Le 2 juillet 2003, il a été licencié en raison de son rendement insatisfaisant. M. Palmer a présenté un grief pour contester son licenciement et le grief a été renvoyé à l’arbitrage devant l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique. Pendant l’audience, les parties ont eu recours à la médiation avec l’aide d’un arbitre de grief et ont conclu une entente le 25 octobre 2007. L’entente de règlement prévoyait notamment que M. Palmer retire son grief. Lors de la médiation, M. Palmer était représenté par son avocat, Me James Duggan. M. Palmer a retiré son grief le 13 décembre 2007.

2 Le 31 mai 2009, incité par la publication récente d’articles de journaux reprochant à la SCRS d’avoir [traduction] « retenu des preuves contradictoires incommodantes » dans l’affaire Mohamed Harkat, M. Palmer a écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») pour lui demander de [traduction] « revoir » la question de la divulgation complète de la preuve. M. Palmer a alors précisé que le SCRS n’avait aucune raison de lui refuser une autorisation sécuritaire « Très secret » et donc aucune raison d’empêcher la divulgation complète de la preuve suivant sa demande à cet effet en vue de l’audition de son grief. M. Palmer a également suggéré à la Commission de s’enquérir auprès du SCRS à cette fin.

3 Dans une lettre datée du 30 juin 2009, l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission au sujet de la reprise du grief du fonctionnaire.

4 Le différend portant sur la compétence de la Commission a été tranché dans le cadre d’une décision préliminaire rendue le 25 janvier 2010 (Palmer c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2010 CRTFP 11), dans laquelle la Commission a statué qu’un arbitre de grief avait compétence pour décider si le règlement conclu par les parties, et par conséquent le retrait du grief, était exécutoire. L’affaire m’a ensuite été renvoyée pour audience et décision quant au fond du litige.

5 M. Palmer a allégué qu’il avait été induit en erreur lorsqu’on lui a dit que son autorisation sécuritaire « Très secret » ne serait pas rétablie dans l’éventualité d’une décision favorable résultant de son grief.Il a de plus allégué que cela ne lui avait laissé d’autre choix que de conclure un accord quant au grief, car il ne pouvait obtenir les renseignements dont il avait besoin pour établir le bien-fondé de son grief. Le fonctionnaire a aussi déclaré que l’employeur avait fait obstruction à la divulgation de certains documents et ainsi miné ses chances de réussir à démontrer le bien-fondé de son grief.

6 M. Palmer a affirmé qu’il avait obtenu, en 2008 et en 2009, des renseignements établissant que l’entente de règlement intervenue en 2007 relativement à son grief avait été conclue « en conséquence d’une fraude et de mesures coercitives de la part de l’employeur ». Plus précisément, M. Palmer a allégué que le refus de l’employeur de lui accorder une autorisation sécuritaire « Très secret » aux fins du processus d’arbitrage constituait « du camouflage » en vue de faire obstruction à la divulgation complète des documents les plus pertinents à l’établissement du bien-fondé de son grief contre son licenciement, et pour empêcher l’arbitre de grief d’ordonner sa réintégration. M. Palmer a soutenu qu’il avait appris depuis que le refus de l’employeur de lui accorder une autorisation sécuritaire « Très secret » était limité à l’arbitrage et que cette décision ne l’empêchait pas de travailler à nouveau au SCRS.

7 Après avoir entendu le témoignage de M. Palmer et pris connaissance de sa lettre de 11 pages, je suis convaincue que tous les faits qu’il soulève aux fins du réexamen des conditions ayant mené au règlement de son grief existaient effectivement et que lui-même et son avocat en avaient connaissance à l’époque de la médiation et du règlement conclu entre les parties.

8 Par ailleurs, je ne suis pas convaincue par la correspondance initiée par M. Palmer à l’intention du SCRS par l’entremise de son nouvel avocat, Me Mercure, entre le 31 juillet 2008 et le 19 mai 2009. Cette correspondance n’est pas pertinente en ce qui a trait au réexamen par la Commission du règlement et à la réouverture du grief. Elle n’établit pas que le règlement n’était pas valide ou non exécutoire.

9 Lors de la conclusion du règlement, M. Palmer était représenté par un avocat et ce dernier avait soulevé à l’époque la question du refus du SCRS de lui accorder une autorisation sécuritaire « Très secret » et de lui divulguer certains documents qu’il avait demandés en raison des préoccupations de l’employeur quant à sa fiabilité. Or, un règlement a été conclu malgré le fait que ces questions n’avaient pas été résolues. La correspondance échangée en 2008 et 2009 ne fait que revoir ces mêmes questions.

10 Selon la preuve qui m’a été présentée, je ne suis pas convaincue que M. Palmer a été induit en erreur ou que son consentement au règlement ait été obtenu au moyen de fausses représentations, d’actes frauduleux ou de mesures coercitives. Par conséquent, il y avait une intention mutuelle de la part des deux parties compétentes de régler le grief de façon définitive. De plus, une partie à une entente ne peut se désister d’une entente de règlement valide et exécutoire simplement en alléguant la mauvaise foi de l’autre partie.

11 Le retrait du grief de M. Palmer a été communiqué à la Commission au moyen d’un courriel de son avocat, Me James Duggan, lequel se lit comme suit :

[Traduction]

Mon client m’a donné instruction de vous informer que le règlement de cette affaire a maintenant été complété. Par la présente, M. Palmer retire son grief. Nous désirons profiter de cette occasion pour vous remercier tout particulièrement, ainsi que la Commission, pour votre précieuse collaboration dans cette affaire.

12 La Commission a fermé le dossier à des fins administratives le 13 décembre 2007.

13 En conséquence, je conclus que le règlement conclu par M. Palmer et l’employeur, ainsi que le retrait de son grief découlant dudit règlement, sont valides et exécutoires.

14 Je souligne que l’essence-même du cas et de l’argumentation de M. Palmer repose sur la prétention qu’il aurait consenti à signer le règlement en raison de représentations trompeuses de la part de l’employeur, ce qui touche l’existence-même d’un règlement exécutoire et la validité du retrait de son grief. Comme le règlement était exécutoire, y compris le retrait du grief, il en découle que M. Palmer ne peut se prévaloir d’autres recours à cet égard auprès de la Commission, car l’arbitre de grief n’a pas compétence pour statuer sur un grief une fois celui-ci retiré.

15 Dans Canada (Procureur général) c. Lebreux, [1994] C.F. no 1711 (QL), la Cour d’appel fédérale a statué qu’un arbitre de grief n’avait pas compétence pour statuer sur une question concernant un grief une fois que ce dernier avait été retiré. La Cour s’est exprimée en ces termes à cet égard :

12. À partir du moment où l’intimé s’est désisté de ses griefs, la Commission et l’arbitre désigné sont devenus functus officio puisqu’ils ont été alors déssaisis du litige. La Commission n’avait ni à s’enquérir du mérite et de l’opportunité d’un tel désistement ni à décider de l’accepter ou de le refuser. L’acte de désistement a mis, immédiatement et sans plus, un terme aux procédures à l’égard desquelles il fut produit. En conséquence, aucune ordonnance ou décision ne pouvait être et n’a été rendue au sens de la Loi qui puisse faire l’objet d’une annulation ou d’une révision sous l’article 27.

16 Par conséquent, une fois qu’un grief est retiré, aucun autre recours ne peut être exercé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le retrait du grief par M. Palmer fait obstacle à tout arbitrage à cet égard puisque l’arbitre de grief n’est tout simplement plus saisi du grief.

17 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

18 L’arbitre de grief n’a pas compétence pour statuer sur le grief de M. Palmer.

Le 5 janvier 2012.

Traduction de la CRTFP

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

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